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samedi 8 avril 2017

LES DÉSERTEURS ET LES INSOUMIS AU PAYS BASQUE EN 1914


L'ÉLAN PATRIOTIQUE DES BASQUES EN 1914.


Suite à l'assassinat à Sarajevo, le 28 juin 1914, de l'Archiduc Autrichien François Ferdinand, l'Europe s'embrase, et la France proclame la mobilisation générale, le 1er août 1914.

Je vous ai parlé dans un précédent article du premier mort Basque de cette première Guerre 

Mondiale.

pays basque avant
ORDRE DE MOBILISATION GENERALE 1ER AOUT 1914


Je vais vous parler aujourd'hui des déserteurs et des insoumis Basques pendant cette guerre.



Tout d'abord, il faut faire la différence entre les insoumis et les déserteurs.



En premier lieu, les insoumis.


  • L'insoumission est une infraction commise par une personne astreinte aux obligations 
du service militaire et qui n'a pas répondu à une convocation régulièrement notifiée. C'est-à-

dire, tous les hommes appelés à 20 ans pour les trois ans de service militaire du temps de paix 

ou ceux qui, à la déclaration de guerre, ne sont pas sous les drapeaux, mais font partie des 

classes mobilisables : réserve, territoriale, voire réserve de la territoriale. Ceux-là, qui n'ont 

pas répondu à la convocation, sont des insoumis.



  • La désertion concerne les hommes ayant revêtu l'uniforme, avec ses diverses formes :
  1. le déserteur à l'intérieur du territoire français en temps de guerre, encourt de deux à 
cinq ans de travaux forcés (articles 231 et 232 du code de justice militaire).

      2. le déserteur qui quitte le territoire pour se réfugier dans un pays étranger : cinq à dix ans 

de travaux forcés (articles 235 et 236).

      3. le déserteur qui passe à l'ennemi : mort avec dégradation militaire (article 238).



Suite à la déclaration de guerre à l'Allemagne le 3 août 1914, les autorités civiles et militaires 

ont cru tout d'abord que les habitants frontaliers, et en particulier les Basques, se 

soustrairaient massivement à leurs obligations militaires.




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DEPART A LA GUERRE AOUT 1914


Dès le 7 août 1914, le sous-secrétaire d'Etat à la Guerre envoie une circulaire "pour la 

recherche des déserteurs et insoumis" dans toute la France.




Le 18 août 1914, le préfet des Basses-Pyrénées, Antoine Coggia, envoie une lettre circulaire aux 

sous-préfets et aux maires du département, où il prescrit :"de faire rechercher avec la plus 

grande vigueur les hommes qui se seraient soustraits à leur devoir militaire à l'heure grave que 

traverse la France".



Le préfet ajoute que les maires sont tenus de prêter "leur concours le plus actif" à la 

gendarmerie pour la recherche des déserteurs et insoumis.



Cependant, le problème de l'insoumission, des Basques essentiellement, ne date pas de la 

mobilisation.



Quant aux déserteurs, que la gendarmerie se doit de rechercher, on ne les verra franchir la 

frontière espagnole, et pas seulement les Basques, qu'au cours du second semestre 1915, 

pendant la généralisation des permissions.




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ARTICLE COURRIER DE BAYONNE ET DU PAYS BASQUE 13 AVRIL1917 



Certains, dès la mobilisation, passent la frontière et s'installent en Espagne.

D'autres, le groupe le plus nombreux, sont des émigrants temporaires ou définitifs, installés en 

Amérique du Sud ou du Nord, et malgré la loi d'amnistie (du 5 août 1914, qui permet aux 

insoumis vivant à l'étranger, soumis aux obligations militaires, de rentrer en France, sans qu'il 

y ait des poursuites pénales à leur encontre), restent où ils sont.



Quant aux motivations qui empêchent leur retour, il n'y a pas grand peine à imaginer que les 

bergers du Nevada, les blanchisseurs de San Francisco ou les ouvriers des abattoirs de Buenos 

Aires, qui ont du travail, ont peut-être fondé une famille, ne sont pas enclins à "prendre" un 

billet pour un retour au pays fait d'incertitudes.

Certains d'entre eux néanmoins reviendront en France pour se battre.



Combien d'insoumis dans les Basses-Pyrénées ?



Un rapport de gendarmerie du 30 novembre 1916, établi par le chef d'escadron Delrieu, 

concernant les réfractaires depuis la mobilisation (3 août 1914), donne les chiffres suivants, par 

arrondissement :






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RAPPORT DE GENDARMERIE 30 NOVEMBRE 1916



On peut estimer qu'environ 45 000 hommes (sur 425 000 habitants) ont été mobilisés dans le 

département des Basses-Pyrénées durant la première Guerre Mondiale.


  • Les insoumis sont relativement peu nombreux. A peine plus de 10% des mobilisés.



Ils sont plus nombreux dans les arrondissements proches de la frontière et des Pyrénées.

D'après le texte, tous les insoumis ont émigré en Amérique, avant la mobilisation.

En définitive, ce sont les habitudes de l'émigration pour des raisons économiques, de toute une 

jeunesse, depuis un siècle, en Amérique du Nord ou du Sud, mais aussi la proximité de la 

frontière et les liens ancestraux qui lient les familles basques des deux côtés de cette frontière, 

qui peuvent expliquer le nombre d'insoumis.



  • Les déserteurs sont peu nombreux. Ils sont plus nombreux au Pays Basque qu'en Béarn.
Ceux qui ont été arrêtés dans l'arrondissement de Bayonne venaient de pays alliés et 

cherchaient à gagner l'Espagne neutre.



Quitter son régiment depuis le front et tenter de se fondre dans l'anonymat d'une grande ville 

ou franchir la frontière d'un pays qui n'est pas en guerre, comme la Suisse, l'Italie (au début de 

la guerre) ou l'Espagne, n'est pas chose facile.



Les militaires ne peuvent se déplacer que s'ils sont munis d'un ordre de mission, pour changer 

de régiment par exemple, ou d'une permission.

Celles-ci, ne seront accordées, de manière régulière, qu'au début du second semestre 1915.



C'est évidemment à compter de ce moment là que la Presse et de nombreux rapports de police 

et de gendarmerie, vont faire état de militaires tentant de passer la frontière espagnole, mais 

dès les premiers mois quelques soldats essaient de passer au travers des mailles du filet tendu 

par la gendarmerie, la police, et les douaniers qui ont reçu l'ordre d'exercer une vigilance 

accrue.



La population dans son ensemble, durant toute la guerre manifeste son hostilité aux 

déserteurs, en aidant les douaniers ou les gendarmes.

Nulle part on ne constate l'attitude complice ou amusée que l'on a depuis toujours, vis-à-vis des 

braconniers ou des contrebandiers qui se jouent des gendarmes.



Le déserteur, c'est celui qui refuse de se battre aux côtés du frère, du père ou du voisin.



Dans les villes ou les villages de la Côte Basque, d'Hendaye à Bayonne, la majorité des jeunes 

gens, sont sous les armes.




Les déserteurs ont dès lors un statut de marginaux.




Pour que nul n'ignore qui est insoumis ou déserteur, on affiche leurs noms et prénoms, leur 

domicile et leur classe d'appel, sur les portes des mairies.




Ces listes doivent être placardées jusqu'à la fin de la guerre et sont rectifiées au fur et à mesure.




Jusqu'à la fin de la guerre aussi, les autorités tenteront de faire revenir les déserteurs mais 

sans promettre d'amnistie, rien d'autre que le Conseil de Guerre...




Au total, 10 000 Basques et Béarnais furent tués durant les 4 années du conflit et près de 50 000 

furent blessés.



(Source : Avant oubli de Joël Rocafort aux éditions Atlantica et http://archives.le64.fr)


Merci ami(e) lecteur (lectrice) de m'avoir suivi dans cet article.

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1 commentaire:

  1. Bonsoir, je suis d'accord avec vous sur la présentation que vous faîtes de ce phénomène, j'ajouterai, concernant l'insoumission qu'il faut également prendre en compte les délais de communication entre les continents à l'époque. En effet, la mobilisation générale en a surpris plus d'un en France, où l'on savait la guerre imminente, mais pas qu'il y aurait une mobilisation générale.
    les bergers basques de la Pampa, ou des fins fonds du Nevada, n'apprirent la nouvelle que très tardivement, or ils ne disposaient que de 30 jours pour se présenter à l'incorporation avant d'être déclarés insoumis. Compte tenu des délais de traversée cela était quasiment impossible. Le besoin en hommes fit que des aménagement furent effectués pour ceux qui revenaient. Pour toutes les raisons que vous avez cité, peu le firent, ce qui fit du Pays Basque le coin de France où les taux d'insoumission battirent des records.
    Si cette période vous intéresse, je vous conseille quelques uns de mes livres qui traitent du sujet : "American Edition", Eric le Blay, Memoring Edition, Bordeaux 2017 (en cours de réédition); "Biarritz 1919, le Printemps Américain des Années Folles", Memoring Ed., Bordeaux 2018; un ouvrage auquel j'ai collaboré : "La Grande Guerre en Basse-Navarre", Ed. Terres de Navarre, Garazi 2019, et le prochain qui sortira avant Noël sur le peintre Antoine de Salaberry et les Donazahartars au front : "Des Pyrénées aux tranchées", Memoring Edition.

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