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jeudi 15 juin 2017

HARO ADMINISTRATIF SUR LE MAKILA EN 1829 AU PAYS BASQUE NORD


LE SOUS-PRÉFET DE BAYONNE EN 1829 VOULUT PROSCRIRE LE MAKILA.


Le Makila, le simple bâton, compagnon habituel du pélerin et du voyageur pauvre, n'était en somme, qu'une arme défensive obligatoire et gratuite.


Offensive aussi à l'occasion : les valets, les femmes et le enfants connaissaient bien "Martin-

bâton"; les campagnes, enfin, n'ont pas perdu le souvenir des bastonnades inter-villages du 

dimanche après vêpres.



Les Basques avaient su améliorer le Makila d'origine et le rendre plus efficace par l'adjonction 

d'une pointe de fer susceptible d'inspirer le respect.





pays basque 1900
COUPLE GASCON DONT HOMME AVEC MAKILA

Un Sous-Préfet de Charles X, en poste à Bayonne depuis un an, rendit le Makila basque 

(amélioré) responsable des accidents survenus dans les réunions, fêtes, foires et marchés.

Il chercha donc à le proscrire.

Il adressa à cet effet, en Septembre 1829, une circulaire aux Maires de l'arrondissement.

Le Makila ne fut pas nommé.




S'était-il fait traduire le mot et l'avait-il trouvé trop général ?

Le terme plus descriptif et administrativement plus précis de "bâton ferré" - en Français, bien 

sûr - lui fut préféré ; il convenait mieux aux desseins sous-préfectoraux.



Les archives municipales de St-Jean-de-Luz mentionnent :


"Une triste expérience a souvent démontré combien dangereuse était l'habitude trop généralement répandue dans cette contrée du port des bâtons ferrés.
L'usage de ces armes qui constituent de véritables massues a trop souvent ensanglanté et changé en scènes d'homicides les fêtes populaires.
Certes, à cette époque, comme à la nôtre, les fêtes se terminaient parfois mal chez nous. Ailleurs aussi où l'on ne portait pas le Makila meurtrier, les moyens et l'imagination n'ayant jamais manqué à ce sujet."


Pour un administrateur de Charles X, ce Sous-Préfet n'était pas dépourvu de sens 

psychologique.

De prudence au moins.




pays basque 1900
JEUNES BASQUES AVEC MAKILA PAYS BASQUE AUTREFOIS

L'interdiction qu'il envisageait, véritable révolution dans la nature même de l'instrument visé, 

lui parut délicate et difficile.

Il renonça donc à une mesure générale.




Après un long éloge du "caractère personnel et du poids de l'autorité " des Maires de la région, 

il demanda des "mesures locales prises simultanément... (par) les magistrats municipaux... dont 

l'influence peut le plus fructueusement appuyer l'action légale pour une prohibition qui peut, 

jusqu'à un certain degré, contrarier les idées reçues..."




pays basque 1900
TYPE BASQUE AVEC MAKILA


La suite ne manque pas de saveur :


"Je n'ignore pas qu'une opposition prise dans les vœux de la population peut... environner de quelque défaveur la prohibition que j'ai en vue. Je sais que le Basque considère son bâton comme le compagnon obligé de sa parure de fête, mais lorsqu'il apprendra de vous... qu'on veut le garantir contre ses propres excès, qu'on n'entend pas qu'on dépose l'usage de porter un bâton ; qu'on veut seulement qu'on le dépouille du fer qui le rend dangereux..."


Nous y voilà ! De bien longues approches pour arracher le crochet de la vipère. 



Le sens de la psychologie dont nous avons fait l'éloge, peut-être un peu trop tôt, était plus 

tactique que profond.




PAYS BASQUE 1900
TYPE DE FRONTALIER AVEC MAKILA

Plus administratif, surtout, car Monsieur le Sous-Préfet ne manqua pas, à la fin, d'assortir les 

mesures qu'il faisait prendre par les autres, des menaces habituelles au personnel d'autorité :

"Vos représentations verbales... seront je crois assez efficaces... mais il convient qu'elles soient appuyées de quelques moyens comminatoires" : arrêtés municipaux, procès-verbaux, et traduction devant les tribunaux. 



Tout comme les makilas, les fleurs offertes par l'Administration cachent souvent des fers 

menaçants.

Le Sous-Préfet avait tort de ne voir dans le "bâton ferré" du Basque qu'un accessoire de 

théâtre "compagnon obligé de sa parure de fête". 

Définition bien tournée sans doute mais insuffisante, au moins à cette époque. 

Plus dangereux que le simple bâton du pauvre et du pèlerin des autres provinces, le makila 

l'était certainement. 




S'il lui arriva d'être utilisé comme arme offensive - comme le couteau, les fourches ou les fusils 

de chasse - il était surtout une arme défensive dans un pays où l'on circulait longuement à pied 

à travers des campagnes peu et souvent mal peuplées. 





PAYS BASQUE 1900
BASQUE AVEC CHAHAKOA ET MAKILA

Les attentats contre les voyageurs y étaient monnaie courante. Deux exemples tirés aussi des 

archives municipales de la commune de St-Jean-de-Luz :

-"Un vol d'argent a été commis le 5 de ce mois dans le bois de Saint Pée sur la personne du Sr Sabin Palacio d'Espelette qui se retirait du marché de Saint-Jean-de-Luz... ; les voleurs qui étaient au nombre de trois avaient eu soin de se déguiser pour ne pas être reconnus."


-"Un Commissaire espagnol a été arrêté dans la Lande entre Souraïde et Ustaritz par huit brigands armés qui lui ont enlevé environ 2 200 F en pièces espagnoles de 5 francs et d'un franc et qui l'ont maîtrisé. Ces brigands paraissent s'organiser en bande dans ce pays."


Il n'y avait pas que les brigands.

Aussi les animaux sauvages : ours en montagnes, sangliers et loups contre lesquels on 

organisait des battues (en mars 1816, en juin 1817, Pentecôte 1826, février 1833, mars 1844 et 

avril 1845), enfin les chiens errants, très redoutés parce que souvent porteurs des germes de 

rage.



Les fers aiguisés constituaient, dans ces rencontres, un secours plus efficace que les simples 

bâtons. 



On peut penser qu'ils ont, à travers les siècles, transpercé plus de chiens sauvages (plus souvent 

affamés que contaminés) que de malheureux chrétiens.




Peut-on reprocher aux Basques d'avoir perfectionné et rendu plus efficace l'arme des pauvres ?



Eternel procès contre les progrès dans l'efficacité, outils ou armes, avec leurs bons et leurs 

moins bons aspects, que le Sous-Préfet de la Restauration a voulu refaire dans son 

arrondissement.





pays basque 1900
COUPLE BASQUE DONT HOMME AVEC MAKILA PAYS BASQUE AUTREFOIS

Le dépouillement des archives du 19ème siècle n'a pas permis de savoir ce qu'il en advint.

On ignore donc si les arrêtés furent pris, appliqués, et si les "idées reçues" réagirent peu 

ou prou à leur sujet.




Un siècle et demi plus tard, les makilas portent toujours leur fer inquiétant.

Plus décoratifs désormais qu'offensifs ou même défensifs : les chemins perdus ne sont plus 

fréquentés que par les touristes et les bergers, on passe moins de temps sur les routes et si on y 

perd toujours la vie c'est de toute autre façon.




Le makila, le simple bâton ne s'imposent plus au voyageur : ils sont devenus encombrants.

Au Pays Basque, seuls les vieux messieurs "sortent" leur makila le dimanche.

"Parure de fête" !

Ce à quoi l'avait réduit, avec un bon siècle d'avance le Sous-Préfet bien intentionné.




Objet d'apparat ou de collection, cadeau offert aux visiteurs distingués, mais surtout 

témoignage historique, le makila, en dépit des oukases anciens, se porte bien.

L'offre, dit-on, a du mal à répondre à la demande.

Il n'est plus une canne de pauvre ; il coûte cher.

A l'image de la diaspora basque, il doit se trouver beaucoup plus de "bâtons ferrés" basques 

dans le reste du monde que dans les sept provinces elles-mêmes.






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