ÉTUDE ANTHROPOLGIQUE SUR LA "RACE BASQUE" PAR LE DR RENÉ COLLIGNON EN 1894.
René Collignon, né en 1856 et mort en 1932, est un médecin militaire et anthropologue qui s'est particulièrement distingué par ses études d'hygiène publique, de médecine sociale et d'anthropologie.
Voici des extraits d'une de ses publications en 1894 au sujet de la "race basque" :
"La Race basque : étude anthropologique / par le Dr R. Collignon.
... Il en ressort :
1° qu'au coeur du pays basque, là où les limites arbitraires des cantons n'englobent pas des communes basques avec des communes béarnaises ou gasconnes, ce type de race particulier se rencontre dans toute sa pureté sur plus de 41 pour 100 de la population et ne laisse pas que d'imprimer un cachet spécial au reste de celle-ci, composé de ses métis ;
2° que quelques Basques se retrouvent dans les cantons frontières traversés du reste très capricieusement par la limite de séparation des deux langues ;
et 3° qu'enfin en dehors de celle-ci cette race n'existe plus. Les 19 jeunes gens présentant le type basque, qui ont été remarqués au milieu des 2 008 conscrits du Béarn, sont en effet tous, ou récemment émigrés dans des villes comme Orthez, Pau ou Nay, ou fils d'émigrés (carte II).
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| CARTE DE LA REPARTITION DE LA LANGUE BASQUE DANS LES BASSES-PYRENEES 1894 |
Une seule exception se rencontre. Hors de la frontière linguistique existe, à l'est du pays basque, un canton où l'on trouve 22,4 pour 100 de sujets du type basque : c'est le canton d'Aramitz. Mais ce nom seul, profondément euskuarien, prouve qu'il s'agit d'un recul de la langue, phénomène qui s'explique de lui-même par la situation topographique de cette vallée séparée par la montagne des cantons basques de la Soule et qui n'a de communication possible qu'avec Oloron et ses environs, c'est-à-dire avec le pays béarnais. L'exception ne fait donc que confirmer la règle (carte I).
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| CARTE DU PAYS BASQUE FRANCAIS ET DES REGIONS ENVIRONNANTES 1894 |
Ajoutons que pour faire contre-épreuve, chaque fois qu'en mesurant les hommes des régiments de la région, régiments où le recrutement régional verse naturellement de nombreux Basques, chaque fois, dis-je, que j'ai remarqué un sujet présentant ce type, je n ai pas manqué de lui dire : "N'êtes-vous pas basque ?" et jamais je n'ai reçu de réponse contraire ; tous étaient basques, ou issus de parents basques. En Espagne, où le type est bien moins net, MM. les officiers qui voulaient bien me faire l'honneur de me guider dans mon examen me disaient, aux premiers sujets que je mesurais : "Ceux-ci n'ont pas le type basque, ce sont des citadins, ou des gens de plaine." Mais dès qu'un sujet du type que j'ai décrit, précédemment vint à se présenter, ils le signalèrent unanimement comme réellement basque. Or, enfants eux-mêmes des provinces vascongades, ils en connaissaient bien la véritable race, et ce fut pour moi un précieux moyen de contrôle que ce témoignage impartial qu'ils me donnaient.
Toutefois, il est incontestable que ce type, que d'un commun accord nous considérons comme réellement basque, est relativement rare en Espagne.
| TYPE BASQUE DESSIN SCHERBECK 1929 |
Le reste de la population, du moins dans le Guipuzcoa (car je n'ai pu observer que bien peu de sujets de Biscaye, d'Alava, ou de Haute-Navarre), se compose d'un mélange complexe d'éléments hétérogènes. Ce que j appellerais volontiers l'Espagnol moyen, c'est à-dire ce type qui domine dans l'Espagne du centre et dans la vallée de l'Ebre (celui du midi est en effet un pur Berbère) en forme la majeure partie. Son influence se fait sentir sur la taille qu'il a abaissée, sur le crâne qu'il a rendu nettement dolichocéphale dans les moyennes, sur l'indice nasal dont il a, par le rétrécissement de la largeur, accru la leptorrhinie. En outre, quelques sujets rappellent franchement le type du vieillard de Cro-Magnon, d'autres plus rares des types sporadiques très particuliers, certainement anciens et faiblement représentés des deux côtés des Pyrénées tant en pays basque que dans les vallées béarnaises, gasconnes ou languedociennes.
En somme, par un phénomène assez paradoxal, il se trouve que le type ethnique euskuarien est infiniment plus rare et moins net en Espagne, dans son pays d'origine, qu'en France. Nous l'expliquerons d'ailleurs facilement dans un instant. Bornons-nous pour le moment à poser ce fait prépondérant, c'est que, s'il n'y avait, dans les provinces vascongades d'Espagne, une certaine proportion du sang de cette race si particulière que nous avons décrite plus haut, ses populations ne différeraient en rien de celles qui les avoisinent en ce pays.
En France, tout au contraire, la séparation ethnique est aussi nette et aussi tranchée que la séparation linguistique.
| TYPE BASQUE DESSIN SCHERBECK 1929 |
Les populations qui avoisinent l'ilot basque, minutieusement étudiées par nous, ne sauraient d'aucune manière être considérées comme des éléments modificateurs ayant pu donner à celui-ci ses caractères si spéciaux. En effet, voici leur répartition :
Au nord, les environs de Dax sont habités par une population plutôt dolichocéphale (ind. céph. 80 à 81), plus petite de taille, dolichopside, moins hypsicéphale, moins leptorrhinienne et qui est sinon autochtone du moins extrêmement ancienne en ce pays. En effet, les crânes néolithiques de Sordes, trouvés dans une caverne du canton de Peyrehorade situé à la limite même de notre Basse Navarre, rappellent prodigieusement ceux des habitants actuels de ce canton et des cantons du Dacquois. II y a là filiation évidente ; nous avons en présence les lointains aïeux et leurs petits-fils. Rien ni chez les uns, ni chez les autres ne rappelle même de loin, nos Basques. Ce même type de Sordes, atténuation lointaine du type bien connu de Cro-Magnon, se retrouvera vers l'est auprès d'Oloron ainsi que dans les vallées pyrénéennes comprises entre les sources du Gave d'Oloron et celles de la Garonne ; nous le trouverons probablement plus loin encore dans les vallées de l'Ariège et des Pyrénées Orientales, lorsqu'elles auront pu être étudiées comme les précédentes.
Les populations apparentées à cette race (si ancienne dans cette région qu'il n'est pas douteux que ce ne soit elle que visaient César et Strabon en séparant les Aquitains des Gaulois proprement dits (Celtes et Beiges) et en les rapprochant des Ibères, bordent de tous côtés l'ilôt basque sans le pénétrer. Plus excentriquement ; elles sont à leur tour pressées de toutes parts par une ligne continue de cantons peuplés par une race brachycéphale que rien ne nous permet de différencier des Auvergnats, des Savoyards et des autres représentants de ce type que Broca appelait "celtique", parce qu'il prédominait dans l'ancienne Celtique de César et de l'époque romaine. Pas plus qu'à la précédente, nous ne pouvons lui trouver l'ombre d'une analogie avec nos Basques. Ceux-ci ne peuvent, à aucun titre, être regardés comme un croisement d'une population semblable à ce que sont les Guipuzcoans et les Biscaïens actuels avec n'importe quelle race de France. Il s'ensuit qu'il est plus légitime d'admettre qu'une influence modificatrice a agi sur les Euskuariens d'Espagne, en respectant ceux qui peuplaient le versant nord des Pyrénées, puisqu'aucune race française n'a pu produire la résultante actuelle et qu'au contraire, comme nous l'avons vu, les points par lesquels les Basques diffèrent en Espagne de leurs frères de France sont précisément ceux par lesquels ils se rapprochent des Espagnols pris en masse.
| TYPE BASQUE DESSIN SCHERBECK 1929 |
La raison de ce phénomène nous semble assez simple. Il faut d'abord, conformément à l'ensemble des historiens et contrairement à l'opinion de M. Bladé, qui ne peut plus se soutenir en présence de de la dualité de race des populations situées au nord et au sud de l'Adour sur un territoire qui, aux temps de Strabon et de Ptolémée, était certainement occupé par un seul peuple, les Tarbelli, il faut, dis-je, admettre l'arrivée récente en France des Basques ou plutôt des Vascons. Qu'elle se soit produite ou non en 587 peu m'importe, elle est en tout cas postérieure à la chute de l'empire romain. Lorsque celui-ci florissait, divers petits peuples ibères, cantonnés dans les monts Cantabres ou sur le versant sud des Pyrénées, avaient, grâce à une ténacité dont leurs descendants donnent encore l'exemple, conservé dans leurs montagnes une semi-indépendance, attestée par la persistance de l'idiome national : c'étaient les Vardules, les Caristes, les Autrigons et les Vascons. Ces derniers occupaient le cours supérieur de l'Ebre, c'est-à-dire sensiblement la Navarre actuelle.
Les invasions barbares mirent à feu et à sang la Gaule, et les documents de l'époque nous prouvent combien l'Aquitaine avait été particulièrement ravagée et dépeuplée par eux. Les Wisigoths, maitres des deux versants des Pyrénées pendant un certain temps, se virent peu à peu refoulés par les Francks plus barbares encore qu'eux-mêmes et finalement complètement repoussés de l'ancienne Aquitaine. On peut supposer que vers cette époque ils voulurent expulser les Vascons de leur territoire, notamment des environs de Pampelune, région riche et d'une haute importance stratégique pour eux. Ceux-ci, vaincus à la suite de luttes dont l'histoire ne nous a pas conservé le souvenir, reculèrent vers la montagne et, trouvant devant eux des plaines presque dépeuplées, les occupèrent, très probablement en 587, comme le laisse penser Grégoire de Tours.
| TYPE BASQUE DESSIN SCHERBECK 1929 |
Plus tard, lorsque les Sarrazins conquirent l'Espagne, ce fut dans les vallées des Pyrénées et de la chaîne cantabre que se recréèrent les petites unités espagnoles qui devaient plus tard les expulser de la péninsule ; en tout cas, i] y eut forcément, nécessairement même, des refoulements dans les montagnes. Des représentants de toutes les nations espagnoles s'y réfugièrent isolément ou par petits groupes, la chose est absolument certaine, parce qu'il est impossible qu'elle n'ait pas été, d'où mélange fatal avec les populations primitives et constitution de groupes humains, mixtes par la race, mais gardant, par le fait même des circonstances, la langue du groupe prédominant au moment des apports de sang exotique. Pendant ce temps, les Vascons émigrés hors d'Espagne en Aquitaine n étaient, si j'en excepte le passage de l'armée d'Abder-Rhaman, inquiétés en rien par les Sarrasins ; nominalement soumis aux Francks, ils conservaient avec leur réelle indépendance la pureté de leur sang, en sorte qu'actuellement leur type physique primitif a pu rester prédominant dans le pays, alors qu'il s'atténuait en Espagne, où de nos jours il n'est plus représenté presque que par ses métis.
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