LA SOULE EN 1881.
La Soule est la plus petite des 7 provinces du Pays Basque. Située dans les Pyrénées-Atlantiques, elle est peuplée d'environ 15 000 habitants et a pour capitale Mauléon-Licharre (Maule).
CARTE FRONTIERE PAYS BASQUE NORD ET SUD |
Voici ce que rapporta Paul Perret dans son livre "les Pyrénées françaises" en 1881 :
"Le pays de la Soule.
Mauléon.
Le pays de la Soule porte son enseigne : c'est le clocher à trois pignons qui domine toutes ses églises.
Quand nous disons clocher, c'est uniquement parce que ce singulier appendice renferme des cloches. Encore ne les renferme-t-il pas dans le sens propre du mot, puisqu'elles sont à l'air. Ce n'est exactement qu'un pan de mur à trois pointes, une façade à trois cornes, formant saillie au dessus du toit, et percé de trois petites arcades. Quand l'église est pauvre, il n'y a qu'une cloche dans l'arcade du milieu ; quand elle est plus riche , il y en a trois, dont une plus grosse et deux plus petites. Si le vent souffle en tempête, elles tintent d'elles-mêmes, sans le secours d'un sonneur. Le clocher en usage dans la Soule est unique au monde ; aucun autre peuple de France ne se contenterait d'un appareil si rustique. Dans la dentelure de ces étranges pignons, quelquefois dans la triple petite arcade affectant la forme de l'ogive étranglée, il y a comme une vieille couleur sarrasine.
Mauléon-Licharre, vieille cité qui a pour armes un lion d'or et trois tours rondes sur champ de gueule, qui fut la résidence des puissants vicomtes de la Soule, n'a plus l'honneur que d'être un chef-lieu d'arrondissement : quatre mille habitants, avec les hameaux qui l'avoisinent. Mauléon a une église qui n'est pas plus riche que celle d'un village. Il est vrai qu'elle en possède une autre. C'est dans la "grande église" de Mauléon que se passa, au XVIe siècle, un drame étrange. Le huguenot Roussel, évêque d'Oloron par la grâce de la reine Jeanne, étant venu y prêcher les doctrines nouvelles, un des notables, Arnaud Maytie, lui imposa silence. Roussel ne tenant compte de l'injonction, Maytie saisit une hache qu'il avait apportée dans le temple et cachée dans son banc, se précipite contre la chaire et se met à la frapper à grands coups ; ses amis l'aidaient ; la chaire tombe, écrasant à demi le prêcheur sous son poids. On transporta Roussel, grièvement blessé, à Oloron, et de là aux Eaux-Chaudes, où il ne trouva point la guérison de ses blessures. Il en mourut au bout de quelques mois.
L'église villageoise est située à un kilomètre environ de la ville ; on l'aperçoit du haut du pont qui conduit à la place principale, franchissant le Saison, et contre lequel un moulin s'appuie, lançant une triple gerbe d'eau et d'écume. Le Gave roule entre deux bords ravinés et tapissés d'arbustes de toute sorte ; à droite, des terrasses portant des jardins ont été construites au-dessus de la ravine ; - de l'autre côté du pont, on voit le torrent descendre entre les assises des maisons qui baignent leur pied dans l'eau. L'horizon est fermé par un haut cadre de montagnes vertes.
Le Gave trace un sillon brillant dans ce paysage un peu sombre ; il attire comme la lumière. Nous descendons sur sa berge verte, à travers des broussailles auxquelles nos mains ne s'accrochent point sans méfiance, car une vipère gît, la tête écrasée d'un coup de talon, à l'entrée de la sente ; elle sortait de ce fouillis d'herbes et d'épines, quand elle a rencontré le compagnon qui l'a tuée. - Arrivés au pied de l'escarpement, nous nous asseyons sur un des blocs de grès blanc dont le lit du Gave est hérissé. Mon compagnon prend ses crayons, séduit par la tournure pittoresque des vieux toits qu'il découvre au-dessus des terrasses de l'autre bord. Quant à moi, je regarde en aval glisser le maigre flot du Gave, presque à sec, et s'épandre cette large cascade artificielle qui sort du moulin par trois bouches, avec un bruit aigu, le grondement forme la basse. Au-dessus du pont, en regard de ce moulin, se dresse une haute maison de trois étages, qui vient se refléter dans le miroir du torrent. Les images seulement m'arrivent renversées. Je vois une femme qui achève de s'habiller, puis qui se peigne ; mais je la vois la tête en bas. Elle se croit bien à l'abri des regards ; - il serait peut-être charitable de lui apprendre à se méfier des pièges de l'eau.
Il est vieux aussi, ce pont de deux arches ; mais où donc en ai-je lu une description trop complaisante, qui me le représentait tout enveloppé d'un manteau de lierre ? - Il est nu comme un pont neuf. De ce côté, il forme la seule entrée de la ville. Aussi n'est-il pas un instant désert. Les gens qui le traversent ont visiblement l'habitude de s'y arrêter, accoudés sur le garde-fou, pour considérer la cascade. D'en bas, je revois une troupe de ces Basquaises blondes, que nous n'avions pas rencontrées depuis Hendaye. Il n'est pas sûr que ces rustiques filles d'Eve soient retenues là par les fusées d'écume qui jaillissent du moulin, elles examinent plutôt ces deux originaux assis sur une roche au milieu du Gave, dont l'un fait courir ses crayons, et ont l'autre fume des cigarettes. Nous les égayons assez. Bast ! ce n'est pas un si mauvais sort que de prêter à rire à de jolies filles.
Mais voici que les curieuses sont dérangées par une diligence qui accort avec un épouvantable fracas de vieilles ferrailles. Puis, c'est un troupeau de mules espagnoles qui arrivent, chargées de pompons et de sonnettes, portant des ornements de cuivre au frontal, conduites par leurs muletiers farouches. - Le dessin de mon compagnon est terminé ; nous nous levons et reprenons le chemin de la ville. Nous sommes sur la grande place.
PLACE DE LA CROIX BLANCHE MAULEON SOULE PAYS BSQUE D'ANTAN |
D'un côté la promenade, que borde le jardin de la sous-préfecture, et devant la mairie, le jeu de paume. Là, il faut saluer deux ormes d'un âge invraisemblable et d'une hauteur extraordinaire. Il paraît que les magistrats de Mauléon rendaient autrefois la justice sous des arbres ; si c'étaient ceux-ci, les justiciers avaient un bon pavillon, tout à fait imposant et noble. - De l'autre côté de la place, en arrière d'un autre jardin défendu par une grille, s'élève l'hôtel d'Andurrain. C'est une grande maison dans le style du XVIe siècle, dont le plan n'a pourtant pas été suivi jusqu'à l'achèvement complet. Le corps principal du logis devait être flanqué de quatre pavillons ; il n'y en a que trois, le quatrième manque sur la façade occidentale. L'édifice a été malheureusement construit en mauvaises pierres ; beaucoup de détails sont lourds, mais quelques-uns ont le plein caractère de la Renaissance, et tous sont curieux. Des têtes sculptées, - presque toujours des masques comiques, - décorent le long mur qui regarde le midi et borde une rue courant vers l'ouest. La façade orientale offre une charmante porte Renaissance, surmontée d'un balcon de fer que soutiennent de belles consoles. L'hôtel d'Andurrain est une demeure intéressante, et le maître est logé vraiment en seigneur.
CHÂTEAU D'ANDURAIN MAULEON SOULE PAYS BASQUE D'ANTAN |
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