... Les seules pièces qui se trouvent au Service historique de l'Etat-Major de l'Armée sont celles que nous reproduisons ci-après : les deux textes de condamnation, et le "verbal de mort" ou d'exécution de Madeleine.
Ces actes publics constituent la relation officielle.
Archives historiques du Ministère de la Guerre.
Jugement de Marie Harotsenne.
Condamnation à la déportation.
Jugement rendu par le Tribunal criminel militaire du premier arrondissement de l'armée des Pyrénées Occidentales, séant au quartier-général à Chauvin-Dragon qui condamne à la déportation la nommée Marie Harotsenne, fille habitante de Sarre, comme convaincue d'émigration.
Le troisième jour des sans culottides de l'an 2e de la République une et indivisible, le Tribunal étant assemblé, a été conduite dans le lieu ordinaire des séances du dit tribunal, la nommée Marie Harotsenne, fille de la maison de Bordacheria, âgée de 20 ans, sans profession, habitante de la commune de Sarres, district Dustaritz, département des Basses-Pyrénées.
Accusée d'avoir entretenu correspondance avec les ennemis de la République, d'avoir émigré de France en Espagne, et d'avoir été prise sur le territoire de la République.
Vu la procédure instruite contre la dite Marie Harotsenne et les divers interrogatoires qu'elle a subis, après avoir entendu les débats et les témoins réclamés par l'accusée, le tout par la voie du citoyen Diharce de Chauvin-Dragon interprète pris d'office qui a préalablement prêté le serment requis.
Après avoir ouï l'accusateur militaire dans ses conclusions. Le Tribunal jugeant d'après le mode prescrit par l'arrêté des représentants du peuple près cette armée, en date du 10 fructidor, et en conséquence de la compétence qui lui est attribuée par le dit arrêté ;
Considérant qu'il résulte de diverses contradictions qui se trouvent dans les déclarations et les réponses de l'accusée, qu'elles sont presque toutes fausses et invraisemblables, puisqu'elle a dit d'abord avoir été prise par une patrouille espagnole en allant à Hasparren il y a neuf mois, et qu'ensuite elle a dit avoir été engagée et forcée à Sarre dans la maison de sa cousine, par deux de ses cousins émigrés, à passer en Espagne il y a cinq mois seulement, parce qu'autrement elle serait traitée en France comme parente d'émigrés.
Considérant que les témoins qu'elle a produits pour prouver ce qu'elle avançait, bien loin de lui être favorables, l'ont fait tomber au contraire dans de nouvelles contradictions, puisque le premier d'entr'eux chez qui elle demeurait en qualité de servante au moment de sa disparition, a déclaré qu'elle était sortie de chez lui pour aller soigner sa mère et sa soeur qui étaient malades, tandis que l'accusé a déclaré qu'elle n'était sortie que pour aller à la noce de son frère, et que le second témoin qui était à Sarre, lors du prétendu enlèvement de l'accusée, a déclaré n'en avoir eu aucune connaissance et n'en avoir même pas entendu parler, ce qui serait impossible si, comme elle l'a déclaré, elle eût été enlevée par deux cousins émigrés et une patrouille espagnole, avec sa cousine et un nombre de bestiaux ;
Considérant qu'il résulte de la procédure et des débats qu'elle était Française, qu'elle a émigré en pays ennemi, qu'après avoir été quelques temps à Berra, en Espagne, elle a passé à Yrun, aussi en Espagne, où elle a servi comme domestique dans une maison espagnole, qu'après l'entrée de nos troupes à Yrun, devenu territoire Français, elle y est restée plusieurs jours et a été ensuite conduite ici, que par conséquent elle est dans le cas de la loi contre les émigrés ;
Considérant néanmoins que la dite Marie Harotsenne n'étant âgée que de 20 ans n'est pas atteinte par l'art. 2° de la section 1re du titre 1° de la loi du 28 mars 1793 (vieux style) ; mais bien par l'article 78° de la section 12e de la même loi qui s'exprime ainsi :
"Les juges du Tribunal condamneront l'émigré à mort, ou à la déportation s'il s'agit d'une femme de 21 ans et au-dessous jusqu'à 14 ans."
Le dit Tribunal en appliquant la loi et conformément au dit article 78°, attendu que la dite Marie Harotsenne n'a que vingt ans, l'a condamnée à la déportation seulement.
Ordonne en outre, que ses biens seront confisqués au profit de la République.
Pascal, président, Dechegaray, vice-président, Dhiriart, substitut de l'accusateur militaire, Heyller, greffier, signés au registre.
Collationné. Signé : Heyller.
Certifié conforme à l'original par Nous, Président du Tribunal, les jours, mois et année dessus. Signé : illisible.
8 FEVRIER 1790 CREATION DES BASSES-PYRENEES
Jugement de Madeleine Larralde.
Condamnation à mort.
GUILLOTINE SOUS LA TERREUR
Jugement rendu par le Tribunal criminel militaire du premier arrondissement de l'armée des Pyrénées Occidentales, séant au quartier-général à Chauvin-Dragon qui condamne à la peine de mort la nommée Larralde, fille habitante de Sarre, comme convaincue d'émigration.
Le troisième jour des sans culottides de l'an 2e de la République une et indivisible.
Le Tribunal étant assemblé, a été conduite dans ce lieu ordinaire des séances du dit tribunal une fille qui a dit s'appeler Magdeleine Larralde, fille de Larralde Chaharria, âgée de 35 ans, tisserane de profession, habitante de la commune de Sarre, district d'Ustaritz, département des Basses-Pyrénées.
Accusée :
D'avoir entretenu correspondance avec les ennemis de la République, d'avoir émigré de France en Espagne, et d'avoir été prise sur le territoire de la République.
Vu la procédure instruite contre la dite Magdeleine Larralde et après avoir entendu les débats qui ont eu lieu à l'audience, par la voie du citoyen Diharce de Chauvin-Dragon, interprète pris d'office qui a préalablement prêté le serment requis.
Après avoir ouï l'accusateur militaire dans ses conclusions.
Le Tribunal jugeant d'après le mode prescrit par l'arrêté des représentants du peuple près cette armée du 10 fructidor, et en conséquence de la compétence qui lui est attribuée pour le jugement de cette affaire par le même arrêté ;
Considérant qu'il résulte de la procédure et des débats que la dite Larralde était française, qu'elle a entretenu des intelligences avec les ennemis de la République, puisqu'elle a passé à Berra, en Espagne, pour y porter de la toile il y a quelques temps et longtemps après que la France était en guerre avec les Despotes Castillans ; que précédemment et tandis que nous étions déjà en guerre, elle avait reçu d'Espagne le fil nécessaire pour la fabrication de cette toile ; que depuis son entrée à Berra, elle est restée sur le territoire Espagnol, qu'elle y a travaillé pour l'Alcalde du tyran de Madrid ; que lorsque nos troupes victorieuses sont entrées à Berra, elle s'y est tenue cachée ; qu'après avoir été reconnue, et voulant se dérober à la punition qu'elle ne pouvait éviter, elle vint à la grande redoute de Commisary, sur le territoire Français, d'où elle fut reconduite à Berra et ensuite traduite ici.
Considérant que ladite Larralde a eu des intelligences avec les ennemis de la République, qu'elle a passé en pays ennemi, qu'elle y est restée même après que le pays conquis par les armées de la Liberté est devenu territoire français ; que conséquemment elle est émigrée et soumise aux peines prononcées par les articles 1 et 2 de la section 1° de la loi du 28 mars 1793 (vieux style), lesquels articles s'expriment ainsi :
Article 1°. Les émigrés sont bannis à perpétuité du territoire français ; ils sont morts civilement , leurs biens sont acquis à la République.
Article 2. L'infraction du bannissement prononcé par l'article premier sera punie de mort.
Le dit Tribunal, en appliquant la loi et d'après les dispositions portées dans les dits articles 1 et 2.
Condamne ladite Madeleine Larralde à la peine de mort.
Ordonne en outre que ses biens seront confisqués au profit de la République, que le présent jugement sera, à la diligence de l'accusateur militaire, exécuté dans les 24 heures.
Signé à l'original : Pascal, président ; J. Ch. Dechegaray, vice-président ; Dhiriart, substitut de l'accusateur militaire ; Heyller, greffier.
Collationné : Heyller, greffier.
Certifié conforme à l'original par nous président du tribunal, ledit jour, mois et an que dessus : Pascal.
Verbal de mort. Exécution.
Le troisième jour des sans culottides de l'an deuxième de la République Française une et indivisible, Nous J. Ch. Dechegaray, vice-président du Tribunal criminel militaire du premier arrondissement de l'armée des Pyrénées occidentales, séant au Quartier général au Chauvin-Dragon, délégué par le dit Tribunal pour faire exécuter le jugement rendu contre Magdeleine Larralde, fille de Larralde Chaharria, âgée de 35 ans, tisserane de profession, habitante de la commune de Sarre, district d'Ustaritz, département des Basses-Pyrénées, portant peine de mort, nous nous sommes rendus dans la maison de détention dudit Chauvin-Dragon, accompagné du citoyen Heyller, greffier du dit tribunal, où étant après les formalités requises, avons fait livrer entre les mains du vengeur national, ladite Larralde, qui, accompagné de la force armée, l'a menée sur la place de la Liberté de cette commune où en notre présence le jugement portant peine de mort a été exécuté à cinq heures précises du soir de ce jour.
En foi de quoi avons signé avec notre greffier. Signé à l'original : J. Ch. Dechegaray, vice-président ; Heyller, greffier.
Collationné. Signé : Heyller, greffier.
Copie conforme à l'original par nous Président du dit Tribunal le dit jour, mois, an que dessus. Signé : Pascal.
Madeleine fut donc condamnée à mort et guillotinée dans la journée du 19 septembre 1794. L'exécution eut lieu à St-Jean-de-Luz, sur la place de la Liberté, c'est-à-dire à la place Louis XIV actuelle. La guillotine se dressait sur l'emplacement même où l'on voit à présent le kiosque de musique.
GUILLOTINE ET REVOLUTION FRANCAISE
A suivre...
Merci ami(e) lecteur (lectrice) de m'avoir suivi dans cet article.
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