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dimanche 22 juin 2025

DEUX VICTIMES DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE À SARE EN LABOURD AU PAYS BASQUE EN 1794 (première partie)

DEUX VICTIMES DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE À SARE EN 1794.


La Révolution française a fait disparaître les institutions particulières du Pays Basque Nord.



pays basque autrefois révolution histoire
COMPAGNIE FRANCHE DE BAYONNE 1793
PAYS BASQUE D'ANTAN



Voici ce que rapporta à ce sujet le bulletin de la Société des sciences, lettres & arts de Bayonne, en octobre 1936 :



"Deux victimes de la Révolution à Sare.



C'était en 1794.


Depuis le 22 février, l'atmosphère du Labourd était lourdement assombrie. Ce jour-là, 4 ventôse an II, avait paru un premier arrêté des représentants du peuple Pinet et Cavaignac.





Provoqué par la déplorable désertion de 47 soldats de la commune d'Itxassou (dans la nuit du 19 au 20 février), cet arrêté ordonnait la poursuite des parents et le séquestre de leurs biens.



Quelques jours après, le 13 ventôse (3 mars), et quoique les habitants de Sare ne fussent pour rien dans cette affaire, ils furent pourtant compris dans ce nouvel arrêté des mêmes représentants :


"Les habitants des commune infâmes de Sare, d'Itxassou et d'Ascain seront enlevés de leurs domiciles et conduits à une distance au moins de 20 lieues des frontières. — Tous les habitants des communes d'Espelette, d'Ainhoa et de Souraïde, sur le compte desquels il s'est élevé ou s'élèvera le plus léger soupçon de haine pour la Révolution et d'amour pour les Espagnols, seront, avec leur famille entière, soumis à la même peine.



Aussitôt la forme armée se précipite dans les 6 communes : tous les habitants de Sare, d'Itxassou et d'Ascain, un grand nombre de ceux d'Espelette, d'Ainhoa et de Souraïde, hommes, femmes, vieillards octogénaires, enfants à la mamelle, sont indistinctement saisis, enlevés, entassés dans des églises malsaines, sans lits, sans linge, sans autres vêtements que ceux dont ils sont couverts. Là, couchés sur des dalles froides et humides, privés de sommeil pendant la nuit, mangeant du pain et buvant de l'eau pendant le jour, ils attendent pendant plusieurs semaines que les représentants du peuple aient fixé enfin le lieu où ils subiront leur internat. Beaucoup de ces malheureux succombèrent, avant d'avoir connu l'arrêt qui les concernait ; ceux qui survécurent furent disséminés dans différentes communes des Landes et du Gers.



Le 19 septembre 1794 devait être pour la commune de Sare un jour de douleur profonde ; son sinistre souvenir se perpétue dans la mémoire de ses habitants.



Deux de ses enfants, l'une âgée de 20 ans, l'autre âgée de 35 ans, comparaissaient, à la réquisition de Pinet aîné, devant le tribunal criminel militaire de Chavin-Dragon (St-Jean-de-Luz), pour être "convaincues d'émigration".



Leur crime ? Toutes les deux étaient inculpées "d'avoir entretenu correspondance avec les ennemis de la République, d'avoir émigré de France en Espagne, et d'avoir été prises sur le territoire de la République." Deux jeunes filles !...



Toutes les deux sont "convaincues d'émigration". Les actes de la procédure montrent le sérieux (?) des chefs d'accusation. Toutes les deux sont condamnées. Marie Harotsenne doit à sa jeunesse d'échapper à la peine suprême ; elle est condamnée à la déportation et à la confiscation de ses biens. Quant à la malheureuse Madeleine Larralde, ce même jour verra sa condamnation à mort et son exécution suprême par "les mains du vengeur national". Elle fut guillotinée sur la place de la Liberté à Saint-Jean-de-Luz, à cinq heures du soir.



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GUILLOTINE SOUS LA TERREUR



Il faut lire avec soin les textes officiels du double jugement de condamnation et du procès-verbal d'exécution. Ces documents proviennent des Archives historiques du Ministère de la Guerre. Nous aurions voulu surtout publier le procès-verbal d'interrogatoire de Madeleine Larralde. Il n'a pas été conservé.



Les échos de la tradition populaire, relatifs à ces événements, principalement à Madeleine Larralde, consignés par les historiens et chantés par les poètes, diffèrent notablement, d'une manière constante et unanime, de la version officielle.



Dans leur récit traditionnel, les Actes de Madeleine Larralde laisseraient entrevoir une Cause possible de Béatification. Les documents militaires au contraire semblent trancher le débat tout différemment.



Voici les pièces du procès : relation officielle et croyance populaire.



Les échos de la Tradition Populaire.



Ouvrons d'abord le très remarquable ouvrage intitulé : Vie de M. Daguerre, fondateur du Séminaire de Larressore, avec l'histoire du diocèse de Bayonne depuis le commencement du dernier siècle jusqu'à la Révolution Française, par l'abbé C. Duvoisin, chanoine titulaire de la Cathédrale de Bayonne, ancien directeur du Séminaire de Larressore. Bayonne, Lamaignère, 1863. In-8° de XI-520 p. L'auteur a pris soin de nous détailler comment il a composé son ouvrage : "Pendant 24 ans, je n'ai épargné ni travail, ni fatigues, ni voyages, ni dépenses, pour recueillir brin-à-brin les matériaux nécessaires ;... j'écrivais des lettres, et je doute qu'il y en ait eu une sur trente qui ait eu l'honneur d'une réponse... sur des centaines de lettres envoyées soit en Espagne soit dans diverses villes de France, à peine 4 ou 5 m'ont-elles attiré des réponses qui m'aient apporté quelque faible lumière. Je me suis mis à voyager ; j'ai fait un voyage en Espagne, trois ou quatre à Bordeaux, douze à quinze à Pau, puis je suis allé à Oloron, à Mauléon, à Dax, etc... ; j'ai parcouru un grand nombre d'autres localités ; partout j'ai fouillé les archives pendant des semaines et des mois entiers." Voir Recherches sur la Ville et sur l'Eglise de Bayonne, I, 265, note.



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LIVRE DE M DAGUERRE DIRECTEUR SEMENAIRE LARRESSORE
PAR L'ABBE DUVOISIN



Or, la patrie de nos deux victimes révolutionnaires, Sare, était distante d'une quinzaine de kilomètres du manoir natal de cet écrivain, Elizaldea, à Espelette. La gravité du sujet, la probité historique de l'auteur, une conscience professionnelle aussi affinée, garantissent au lecteur le maximum de véracité historique.



M. le chanoine Duvoisin dit, dans sa Vie de M. Daguerre, p. 478 : "Une jeune fille de Sare, nommée Magdeleine Larralde, voyant qu'elle ne pouvait guère recevoir les secours religieux en France sans danger pour elle-même et pour le prêtre qui les lui aurait accordés, s'était décidée à les aller demander au couvent des PP. Capucins de Véra, en Espagne. Elle était occupée un jour à remplir ce pieux devoir, quand les troupes françaises, sous les ordres du général de brigade Pinet jeune, exécutent un mouvement en avant, entrent au village de Véra, et pénètrent jusque dans le couvent des PP. Capucins. Elle est aussitôt arrêtée et amenée devant le général qui l'interroge sur le motif de sa présence en Espagne. Magdeleine lui répond avec naïveté qu'elle est venue se confesser. "Malheureuse, reprend le général, ému de pitié, ne dis point cela, ce serait ton arrêt de mort. Dis plutôt que la marche de l'armée française t'a effrayée et poussée à fuir sur le territoire espagnol. — Mais ce que je dirais là, ne serait point vrai, réplique la jeune fille ; et j'aime mieux mourir mille fois que d'offenser Dieu en proférant un mensonge. Le général, voulant la sauver, insistait et pressait, mais ce fut en vain ; il dut renoncer à vaincre la fermeté de Magdeleine, et, sans doute irrité de rencontrer en elle tant de constance, il la déclara émigrée. Un rapport est adressé à Pinet aîné à St-Sébastien, et celui-ci prend le 10 fructidor an II (27 Août 1794), un arrêté d'après lequel elle serait traduite devant le tribunal militaire de Chauvin-Dragon (St-Jean-de-Luz). Magdeleine comparut devant ses juges avec un noble courage, refusa de nouveau de sauver sa vie au prix d'un mensonge et marcha à la mort en invoquant Dieu et en chantant le Salve Regina en l'honneur de la Reine du Ciel".



Voilà, sur cette mort tragique, l'écho des traditions locales fidèlement recueilli et rapporté avec émotion par Duvoisin en 1863. On s'est demandé si Duvoisin n'a pas "eu en mains un document, plus ou moins traditionnel, mais où se trouvent des éléments qui concordent avec l'original de la condamnation". Ce document — s'il a existé — est insaisissable. Sa trace échappe aux recherches les plus multipliées.



L'abbé Haristoy (Etudes historiques et religieuses du Diocèse de Bayonne, 1894, p. 378 ; Les Paroisses du Pays Basque pendant la période révolutionnaire, I, p. 244), écrit trente ans plus tard : "Madeleine Larralde. Elle eut pour père Michel de Larralde, charpentier, surnommé Belcha, et pour mère Gratianne de Luc. Elle naquit dans la maison Larrondo-Zahar, acquise par son père et appelée depuis, de son nom, Belchanea.



"Madeleine était une fille pieuse, aimant à remplir souvent ses devoirs religieux. Ne pouvant satisfaire sa piété dans son pays, elle aimait à recevoir les sacrements chez les Pères Capucins de Véra, en Espagne, non loin de la frontière. Elle était occupée un jour à remplir ce pieux devoir..." (Suit tout le texte de l'abbé Duvoisin reproduit ci-dessus).



M. Haristoy termine par ces mots : "Ainsi mouraient les martyrs des premiers siècles du christianisme. La tradition rapporte que le bourreau, après l'exécution de la victime, prit sa tête et que l'élevant, il s'écria : "Vive la Nation !" La même tradition nous apprend que Madeleine eut la douleur de voir du haut de son échafaud un homme de sa parenté, passé aux révolutionnaires, insulter à son son supplice et à son frère...



"M. Antoine d'Abbadie, de l'Institut, en qui l'amour du Pays Basque égale son amour pour la science, au l'heureuse idée de donner le beau trait de la mort de Madeleine pour sujet de poésie, au concours de l'année 1894."



A suivre...













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