LE COUVENT DES RÉCOLLETS À CIBOURE.
Le couvent des Récollets est un ancien couvent, bâti, en 1611-1613, par les frères mineurs récollets sur une presqu'île, entre le port de Ciboure et celui de Saint-Jean-de-Luz.
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COUVENT DES RECOLLETS CIBOURE PAYS BASQUE D'ANTAN |
Voici ce que rapporta J.- B. Daranatz à ce sujet le bulletin de la Société des sciences, lettres & arts
de Bayonne, le 1er juillet 1934 :
"Le Couvent des Récollets de Ciboure - Saint-Jean-de-Luz.
... 3. — Factum pour M. le Procureur Général, prenant le fait et cause des Récollets de St Jean de Luz et Ciboure contre Messire Jean Darretche, prêtre et curé au dit Ciboure, et la demoiselle Angélique Sopite, héritière instituée du feu sieur Caparose, bourgeois et habitant du même lieu.
Voici l'entreprise la plus temeraire qui ait paru depuis longtems à la face de la cour, et ou contre la sainteté des decrets, la justice des Loix, et l'autorité des cours souveraines, on veut ôter aux fideles la liberté de se choisir une sépulture.
Le sr Caparose bourgeois et marchand de Ciboure décédé le 25 février de la présente année 1711, avoit par son testament du 26 Janvier au dit an, ordonné que son corps soit enterré au couvent des Peres Recolets de St-Jean-de luz et Ciboure, et qu'il leur seroit à cet effet donné une charité pour sa sépulture, ainsi qu'il appert de l'extrait dudit testament signé Dehutquo notaire royal ; neanmoins le sr Curé de Ciboure pour empêcher l'execution de la volonté du testateur, et frustrer lesdits Peres Recolets de la charité, qui leur est due, tant pour cette sépulture que pour l'anniversaire ordonné par le dit testateur, d'intelligence avec la Demoiselle Sopite heritiere instituée par le dit Caparose, enleva le cadavre avec tant de précipitation, que contre l'usage et la coûtume observée dans toutes les Eglises, qui veut qu'on laisse le corps des personnes decedées 24 heures sur la terre avant de les inhumer ; il fit avec ses Prêtres la levée de ce corps des les huit heures du matin, et trois heures après, c'est-à-dire vers les onze heures il la enterré dans son Eglise ; et comme ce procédé est contraire à la disposition des saints decrets, aux ordonnances, arrêts et reglemens de toutes les cours souveraines du Royaume, et nottamment à ceux de la Cour qui autorisent tous les Religieux de l'ordre Saint François d'ensevelir dans leurs Eglises ceux qui voudront y élire leur sépulture ; et qu'enfin il n'est rien de si libre à un chacun ni de si sacré que de faire ensevelir son corps dans tel Eglise qu'il lui plaît, sur tout lorsque l'election de sepulture est portée par le testament. Le dit sieur Procureur Général a été obligé de recourir à l'autorité de la cour pour faire reparer l'entreprise faite par le dit Curé sur le droit desdits Pères Recolets, et la contravention de l'heritiere à la volonté du feu sieur Caparose, en les obligeant l'une et l'autre de faire raporter les ossemens dudit testateur dans l'Eglise desdits Peres Recolets ; et de leur restituer les droits ce concernant ; sur quoi la cour, veu l'Extrait du Testament attaché à la requêtte du sieur Procureur Général, ensemble l'arrêt de la cour rendu au profit des Religieux de l'Observence de Tulle, Angoulême, Bordeaux et autres lieux en datte du 27 Juillet 1513, ayant ordonné que le dit sieur Curé de Ciboure et la ditte Demoiselle Sopite viendroient playder pour repondre sur ces faits, et cette ordonnance leur ayant été dûément signifiée, les Curez et Prêtres de saint Jean de luz et de Ciboure se sont joins pour priver les susdits Religieux du droit qu'ils ont d'ensevelir chez eux ceux qui y veulent être inhumez, et ôter a ceux qui auront cette dévotion, la liberté de l'exécuter par la difficulté qu'ils y font naître, et les menaces qu'ils font si on use de ce droit ; ils ont persuadé aux habitans de ce Païs que les susdits Religieux ont lors de l'Etablissement et fondation de leur couvent renoncé au droit d'ensevelir qui que ce soit du dehors, ce qui est faux, et qu'ils ne sçauroient prouver.
Bien plus pour detourner entièrement les fidelles de la dévotion qu'ils pourraient avoir de se faire ensevelir dans l'Eglise des susdits Religieux, ils disent qu'ils ne feront pas la levée du corps qui devra être enseveli chez eux, ou que s'ils en font la levée, ils ne l'aporteront pas en droiture à la porte de leur Eglise, mais bien dans la leur pour fatiguer le convoi ; ils ajoûtent même pour faire perdre entièrement l'envie qu'on pourrait avoir de s'y faire ensevelir, qu'on ne sonnera pas de cloche dans l'Eglise de la Parroisse du déffunt quand on fera la levée de son corps, s'il doit être apporté dans l'église des Religieux, et qu'ils ne puissent pas se dispenser de l'y conduire comme ils sont obligéz par les arrêts des cours souveraines, et de l'y conduire même en droiture, ce qui allarme les habitants du Païs qui ont cette dévotion de cloches fort a coeur, et donnent tort aux ceremonies de l'Eglise qui regardent le culte extérieur ; enfin ils menacent publiquement les susdits Religieux de détruire leur couvent, et de les chasser de ce païs-là ; peut-on porter la sédition plus loin ! Voilà le fait et le narré de tout ce qui s'est passé au sujet de la sepulture du feu sr Caparose. Venons maintenant à la question de droit, et voyons si les susdits Religieux peuvent donner sepulture à ceux qui qui la veulent choisir dans leur Eglise, surtout lors qu'ils l'ont ordonné par leur testament comme a fait le susdit Caparose ; et suposé qu'ils ayent ce pouvoir, s'ils sont en droit de demander que le corps de ceux qui ont été ensevelis dans d'autres Eglises, que celles qu'ils avoient choisi pour y être inhumés, soient deterrez pour être portés et ensevelis dans les Eglises ou ils avoient fait election de sepulture.
On ne doit pas douter qu'il n'ait été permis de tout temps aux fideles de choisir pendant leur vie le lieu de leur sepulture pour l'inhumation de leurs corps après leur mort. Dans la loi de nature, Abraham achetta une double caverne dans la ville d'Arbé ou d'Hebron, dans laquelle il fut enseveli après sa femme, et ensuite son fils Isaac Gen. 25. Mais Esau eut un autre tombeau. Jacob étant au lit de la mort conjura ses enfans de l'ensevelir, non pas en Egipte où il mouroit, mais en la terre de Chanaan dans la sepulture de ses ancêtres Gen. 49. Quant à Joseph, il pria ses frères de garder ses os dans un cercueil jusqu'à ce qu'ils sortissent d'Egipte, et qu'alors ils les portassent avec eux Gen. 50. Ce qui fut longtems après accompli, par Moyse Exod. 13. Dans la Loy écrite, un Prophète après avoir inhumé le corps d'un serviteur de Dieu qu'un lion avoit tué, demanda à ses enfans d'être mis dans le même sepulchre 3 Reg. 13 et l'ancien Tobie reccommandoit a son fils d'ensevelir sa mere auprès de lui Tob. 4. Dans la Loi de grâce, Jesus-Christ qui en est l'auteur a voulu être enseveli, non pas dans le sepulchre de ses ancêtres dont il descendoit celon la chair, mais dans un sepulchre étranger, que Joseph d'Arimathie lui donna, et où personne n'avoit été mis ; c'est pour cela que le Pape Leon 3 qui approuve la louable coutume que l'on a de se faire ensevelir communément dans le sepulchre de ses ancêtres défend neanmoins sous peine d'excommunication de denier à qui que ce soit la sepulture qu'il aura choisi, même étrangère à l'exemple de Notre Seigneur, qui a voulu se choisir lui-même une sepulture autre que celle de ses ancêtres, nulli tamen negamus propriam eligere sepulturam, et etiam alienam Dominus enim et magister alienam elegit ut prorpiam. Aliter ne fiat sub anathematis vinculo detestamur et contradicimus. In decretal; ti; de Sepult. 28 C. I. nos instituta majorum. Dans le commencement du christianisme Saint Philipe, l'un des premiers diacres, dont parle la Glosse sur le Chapitre unaqueque mulier 13. question 2, fit préparer un sepulchre pour lui et pour ses enfans et St-Severe, archevêque de Ravenne voulut etre enterré avec sa Femme et sa Fille, ainsi qu'il est raporté dans le chapitre déjà cité. Ces differens exemples justifient qu'il a été toujours permis à un chacun de choisir sa sepulture ou il a voulu, et l'on peut d'autant moins improuver le choix que le sr Caparose, qui étoit etranger, a fait par son testament de l'Eglise des Pères Recolets de Ciboure, ce que les Bulles des Papes et les arrêts des cours Souveraines l'autorisent en faveur des Religieux.
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TABLEAU DESCENTE DE CROIX PAR LE PERUGIN |
Le Pape Innocent 3 ayant été consulté par le Seigneur Archevêque de Genne sur le different arrive entre les Religieux du monastère de St Estienne et certaine Eglise de son Diocese au sujet d'une sépulture, répondit, que de toute antiquité elles sont ordonnées dans l'Eglise des Religieux, a cause des Prières et des messes solemnelles qu'ils celebrent plus frequement pour les vivans et pour les morts : fraternitatem tuam non credimus ignorare mortuorum sepulchra et coemeteria appud illas eclesias et monasteria ex antiquo esse disposita in quibus religiosorum fratrum conventus sunt constituti et orationes atque missarum solemnitates tam pro vivis quam pro defuntis frequentius celebrantur. C. fraternitatem tit. de sepult. C'est pourquoi le St Père ordonna que le corps du deffunt qui avoit été ravi aux religieux de St-Etienne seroit deterré pour être ensuite solemnellement inhumé dans leur Eglise. Quo circa mandemus quatenus corpus ipsius monachis St-Estephani reddi facias. Ce n'est pas le seul canon qui ordonne le déterrement des corps enlevés.
Certains chanoines s'étant plaints au Pape Alexandre 3 de ce que le Prieur de l'Isle avoit enseveli dans son Eglise un corps qui devoit être enseveli dans la leur, Sa Sainteté ordonna qu'on contraignit ce Prieur a restituer ce corps aux susdits chanoines avec tout ce qu'il avoir perçu a l'occasion de cette sepulture comme remarque la Glosse sur ce Texte. Prior de insula quemdam, Parochianum suum in sua eclesia spelivit, mandamus quatenus proefatum priorem compellas ut memoratis canonicis proedicti Parochiani corpus restituat, et exinde amicabiliter conveniat cum eisdem. c. 5. ex parte canonicorum eodem tit.
Les Religieux de l'abbaye de St-Martin s'étant plaints au même Pape Alexandre 3 que ceux de St-Vincent de la même ville leur avoient enlevé le cadavre d'une femme qui avoit choisi sa sepulture dans leur Eglise, le Pape ordonna que les Religieux de St-Vincent restitueroient à ceux de St-Martin les ossemens de cette femme qu'ils avoient enseveli contre sa volonté dans leur Eglise avec tout ce qu'il avoient reçu a l'occasion de cette sepulture, et qu'ils ne présumassent à lavenir d'atenter semblable chose. Mandamus quatenus ut osa proefatoe mulieris et beneficia quoe occasione sepulturoe recepisse noscuntur, memoratis fratibus cum integritate restituant, et de cetero talia facere non proesumant ; C. cum liberum eod. tit.
On voit par là que les sepultures se faisoient dans les monastères selon les loix et ordonnances de la Primitive Eglise, ci dessus citées dans les decretales reçues dans le Royaume, comme n'étant qu'une confirmation des anciens canons, et que si quelqu'un ayant fait choix de sepulture dans l'Eglise des Religieux est neanmoins enterré dans sa Parroisse, il faut deterrer le corps pour le rendre aux Religieux afin de l'inhumer dans leur Eglise, et on ne doit pas être surpris de cette pratique ; car c'est une espece d'inhumanité, ainsi que le dit le Pape saint Grégoire écrivant à Jean, Evêque d'Orviette, d'empêcher les Religieux de donner la sepulture à ceux qui l'ont choisie dans leur monastère C. agapius 16. quest. 1°. Je scai qu'on peut oposer l'autorité du concile de Nicée cap. placuit, portant que les moines n'enterreront que les moines. Monachus mortuum non speliat nisi monacum. Mais cette instance est foible, a cause que ces paroles ne se trouvent point dans les deux Conciles de Nicée, premier et second, comme remarque la Glosse sur ce chapitre. Caput hoc neque in prima nicena synodo, neque in seconda invenitur hodie.
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PREMIER CONCILE DE NICEE |
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