DEUX MAISONS HISTORIQUES À SAINT-JEAN-DE-LUZ EN LABOURD AU PAYS BASQUE EN 1912 (première partie)

DEUX MAISONS HISTORIQUES À SAINT-JEAN-DE-LUZ EN 1912.

Le 9 juin 1660, la ville de Saint-Jean-de-Luz connaît son heure de gloire quand le Roi Louis XIV vient y épouser Marie-Thérèse d'Autriche infante d'Espagne.

MAISON LOUIS XIV ST JEAN DE LUZ 1912
PAYS BASQUE D'ANTAN

Voici ce que rapporta le journal Le Figaro, dans son édition du 15 septembre 1912, sous la 

plume de Georges Cain :

"Deux maisons historiques.

Le 8 mai 1660 fut une grande date pour Saint-Jean-de-Luz. Ce jour-là le jeune Louis XIV qu'accompagnaient la reine Anne d'Autriche sa mère, le cardinal Mazarin, la Grande Mademoiselle, des princes, des princesses, "toute la Cour chevaleresque et galante", faisait son entrée solennelle, dans la petite ville affolée que durent remplir bien vite de poussière et de bruit les hourras du peuple, les fracas des musiques, les galopades des mousquetaires et des chevau-légers encadrant le carrosse "tout étincelant et tout doré".

La milice locale formait la haie, "fière de ses pourpoints tout neufs et de ses bonnets écarlates". "A la porte de la ville - nous apprend une intéressante étude M. Léonce Goyetche - M. le bayle Martin de Haraneder, entouré de ses quatre jurats "en chaperon et toge", attendait la venue du royal cortège".

L'événement était d'importance : le Roi se rendait aux frontières d'Espagne non seulement pour y signer le traité qui mettait fin à la guerre, mais encore pour recevoir et épouser sa jeune fiancée, "très haute et très puissante princesse, dame Marie-Thérèse d'Autriche, infante d'Espagne". La harangue de M. le bayle terminée, Louis XIV pénétra dans sa bonne ville de Saint-Jean escorté d'une bande étrange de danseurs "crascabilaires", "laquelle, s'étant placée en tête des chevaux du Roi, bondit au son des grelots et des tambours et exécuta le pas national".

Le château Lohobiague eut l'honneur d'abriter le Roi (lequel demeura à Saint-Jean-de-Luz du 8 mai au 15 juin 1650). Messes à l'église paroissiale ou au couvent des Récollets, dîners "en public", représentations théâtrales des comédiens de l'Hôtel de Bourgogne qui avaient suivi la Cour depuis Paris, parades d'acteurs espagnols, revues de troupes, réceptions diplomatiques, bals et promenades dans le merveilleux pays basque, tels sont les passe-temps officiels.

Le 3 juin, le mariage est conclu à Fontarabie "par procuration", le 6 la paix est solennellement jurée entre les deux Rois en l'Île de la Conférence, sur la Bidassoa, et le 7 juin, Louis XIV, la reine Anne, Monsieur Frère du Roi et leur suite s'en furent quérir l'Infante-Reine...Reprise des réjouissances, illuminations, feux de joie, coups de canon, rentrée dansante des "crascabilaires" à grelots...La cérémonie nuptiale fut célébrée le 9 juin dans la "délicieuse église Saint-Jean-Baptiste au milieu d'un luxe et d'un faste inouïs."Toute la belle Cour était là, magnifiquement habillés...et tel - ajoute Montreuil - s'est montré si mauvais ménager que, de deux moulins, il n'a fait qu'un habit."

1660
PAYS BASQUE D'ANTAN

ÏLE DE LA CONFERENCE BIDASSOA 1660
PAYS BASQUE D'ANTAN

La jeune Infante portant "un corps de jupe semé de fleurs de lys et un long manteau traînant jusqu'à terre" avec, sur la tête, une couronne d'or que "Mme de Noailles soutenait par derrière", se rendit à pied à l'église. Le Roi la précédait de quelques pas". Il avait un habit de drap d'or recouvert de dentelles noires et le cordon du Saint-Esprit brillant par-dessus."

La jeune Reine fut ensuite ramenée à Joanoënia - palais à l'italienne qui lui avait été réservée comme demeure. Du haut de ces galeries ajourées elle et le Roi jetèrent au peuple d'abondantes pièces d'argent dites "pièces de largesse", frappées exprès pour la circonstance...

MAISON DE L'INFANTE ST JEAN DE LUZ
PAYS BASQUE D'ANTAN

Le 15 juin, le couple royal et la Cour quittaient Saint-Jean...

Les deux demeures historiques existent encore : la maison de l'Infante ouvre toujours ses galeries cintrées sur la Nivelle et la maison de Louis XIV dresse ses orgueilleuses tourelles à côté de la mairie, en bordure de la place. Deux cafetiers se sont installés dans le rez-de-chaussée de la demeure où trôna le Roi-Soleil, et l'on sert des apéritifs devant le portail de pierre où les mousquetaires faisaient les cent pas, la hallebarde fleurdelisée au poing.

MAISON LOUIS XIV ST JEAN DE LUZ
PAYS BASQUE D'ANTAN

Admirable matière à mettre en vers latins, dirait Musset...

Que reste-t-il d'un si magnifique passé ? Nous entrons dans la "maison du Roi" et tout aussitôt un admirable escalier de bois sculpté nous incite à faire l'indiscret...C'est en vain, d'ailleurs, que nous cherchons le portier ; ce digne fonctionnaire (nous l'apprendrons dans un moment) habite "de l'autre côté de la rue".

Notre bonne étoile nous fait heureusement rencontrer la locataire du logis, Mlle de Guiroye, qui veut bien nous consentir la faveur de nous recevoir. Que de précieux souvenirs ! Coffres en cuir cloutés, tables anciennes, fauteuils et crédences vénérables, antiques portraits, prie-Dieu, chaise à porteur dont usait — assure-t-on — Mme l'Infante, lit à baldaquin ayant abrité les rêves du grand Roi, table à jeu étrange — aux quatre angles fleurdelisés encadrant un damier en marqueterie, dont les quatre pieds sont formés de quatre jambes de seigneurs en souliers vernis à talons rouges comme leurs bas... A côté une amusante salle à manger couverte de naïves décorations vertes, "les Jeux de la chasse et de la pêche", et, pour finir, une pittoresque cuisine intacte avec ses vaisseliers garnis de plats d'étain, ses tourne-broches, ses casseroles et enfin sa bassinoire de cuivre... auguste bassinoire qui servit peut-être à tiédir les draps où s'allongea Louis XIV !"

A suivre...

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