AVEC PIERRE LOTI EN 1932.
Pierre Loti, nommé au commandement de la station navale d'Hendaye, s'installe dans une modeste maison de la cité frontalière en décembre 1891.
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| PIERRE LOTI PAYS BASQUE D'ANTAN |
Voici ce que rapporta à ce sujet le journal Le Figaro, dans son édition du 6 août 1932, sous la
plume d'Armand Dayot :
"Avec Pierre Loti.
...Quelques années plus tard, en passant à Hendaye où le lieutenant Viaud était investi sur la Bidassoa, du haut commandement de nos forces maritimes représentées par le Javelot, un petit navire à demi ensablé et qui semblait n'avoir jamais navigué, j'éprouvai le vif désir de revoir le grand écrivain, très absorbé à cette heure par la mise au point de son Ramuntcho, et, paraît-il, assez difficilement abordable.
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| RAMUNTCHO DE PIERRE LOTI |
L'ayant vainement cherché à bord du Javelot, fort peu habitable d'ailleurs, je me dirigeai vers la villa qu'il avait louée. Demeure discrète située non loin du fleuve, à moitié perdue sous les arbres et flanquée d'une vieille tour moyenâgeuse où Loti s'était aménagé un petit cabinet de travail plein de silence et de fraîcheur.
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| MAISON DE PIERRE LOTI A HENDAYE PAYS BASQUE D'ANTAN |
Une vieille servante vint m'ouvrir et, sans la moindre hésitation, m'apprit que le commandant était absent.
Je m'attendais à cette réponse et je m'éloignais, d'un pas lent, lorsque la vigilante gardienne à qui j'avais laissé ma carte accourut derrière moi et, toute haletante, m'apprit que le commandant me recevrait avec grand plaisir, mais de préférence par la corde à nœuds que par l'escalier...
Comme j'étais impuissant à dissimuler ma surprise, la gardienne du lieu ajouta : "Voilà ! le commandant travaille beaucoup et ne veut pas être dérangé par tout le monde. Il a, pour l'instant, condamné son escalier et ne reçoit guère que les visiteurs assez agiles pour atteindre, à l'aide de la corde à nœuds, son cabinet de travail."
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| PIERRE LOTI |
"Et cela, ajouta la brave femme, le débarrasse de beaucoup de visiteurs, et surtout de visiteuses... Vous comprenez, mon bon monsieur..."
J'avais compris, et après m'être libéré rapidement de mon pardessus, je franchissais en quelques secondes les quatre à cinq mètres de la route aérienne qui me séparait de Loti dont l'accueil fut aussi joyeux qu'amical et qui d'ailleurs n'avait pas douté un seul instant du succès de mon escalade, qu'il s'excusa toutefois, en riant de bon cœur, de m'avoir imposée.
Pendant cette entrevue, au milieu des feuillets manuscrits entassés sur la large table de travail, entrevue qui dura tout de même une bonne heure, il fut longuement question de Yann Gaos et de Porz-Even, de Ramuntcho et des Pyrénées... et je dois à la vérité de dire que je crus deviner chez Loti, malgré sa tendresse pour le pays basque et ses braves habitants, malgré son culte pour la pelote, une sorte de nostalgie presque douloureuse de la Bretagne, et surtout du pays de Paimpol et de son cher Porz-Even... berceaux de "mon frère Yves", de Yann Gaos, du pauvre petit Sylvestre, de Gaud Mével, de la vieille grand'mère Moan...
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| PORZ-EVEN PAIMPOL BRETAGNE D'ANTAN |
Pour un peu il m'eût avoué qu'il préférait au profil imposant de la Rhune la petite montagne de Kerhor avec son manteau de bruyères et sa couronne frissonnante de pins... et au miroir trouble de la Bidassoa, les flots clairs de la rade de Paimpol et du passage de l'Arcouest.
C'est à cette heure d'épanchement gaëlique que j'osai m'attaquer à sa modestie bien connue, et lui apprendre, ce qu'il n'ignorait sans doute pas, qu'en Bretagne, et surtout dans le pays paimpolais, son nom était sur toutes les lèvres, sa pensée dans tous les cœurs, et qu'en attendant l'inauguration encore lointaine de son monument commémoratif à la pointe de Porz-Even, la ville de Paimpol serait heureuse et fière de donner dès maintenant son nom à l'une de ses rues, ou plutôt à l'un de ses quais, d'où partaient vers les mers d'Islande, souvent, hélas ! pour n'en plus revenir, les fines goélettes, toutes voiles dehors, et pleines de chants joyeux...
— Cette idée me séduit beaucoup, me répondit-il, et je serais infiniment touché par un tel hommage.
Quelques semaines plus tard, je recevais la lettre suivante :
Cher Monsieur et ami,
Je vous remercie de tout cœur de l'empressement que vous avez mis à me communiquer cette bonne nouvelle. Je vous assure qu'en fait de surprise d'étrennes, rien ne pouvait me faire plus de plaisir. J'en suis touché plus que d'aucune autre distinction humaine. On aurait donné mon nom à l'avenue de l'Opéra que je n'y attacherais pas le centième du prix que j'attache à ceci : savoir que mon nom restera, longtemps après que j'aurai passé, à ce petit quai de Paimpol, d'où partirent les pêcheurs islandais.
Je ne sais si je dois attendre pour remercier le Conseil municipal d'avoir été informé directement ; j'ai bien envie de le faire tout de suite.
Encore grand merci et bien affectueusement à vous.
Pierre Loti.
J'eus l'occasion, dans la suite, de rencontrer Pierre Loti encore deux fois : d'abord à l'abbaye de Giff en 1890, lors d'une inoubliable fête champêtre donnée par Mme Edmond Adam, dont l'admiration et l'affection pour Loti furent si grandes et qui, avec la plus généreuse clairvoyance, ouvrit largement les portes de la Grande Revue, qu'elle dirigeait, à l'auteur du Mariage de Loti, d'Aziyadé... et du futur créateur de tant de chefs-d'œuvre...Puis à la table de Renan, au Collège de France, à l'occasion d'un déjeuner où fut si amicalement fêtée la réception de Pierre Loti à l'Académie française.
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| PIERRE LOTI A L'ACADEMIE FRANCAISE |
Renan avait une tendresse toute paternelle pour "le phénomène", et la lettre suivante adressée par Pierre Loti au comité qui présidait quelques années plus tard à l'érection, du monument de l'auteur de la Vie de Jésus, à Tréguier, atteste aussi la sincérité de l'admiration de Loti pour son glorieux maître :
J'accepte avec une joie émue de faire partie du comité pour l'érection du monument à Renan. J'aimais mon cher parrain à l'Académie française d'une très respectueuse et particulière affection, malgré nos divergences d'idées, Et combien me charmait son génie !...
Pierre Loti.
Le monument à Renan fut solennellement inauguré sur une des places de Tréguier le 12 septembre 1903. A quand l'inauguration de celui de l'auteur de Pêcheur d'Islande, à la pointe de Porz-Even, son piédestal naturel, face à celui de Chateaubriand, à travers les grandes houles de la mer bretonne ?"
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| MONUMENT RENAN A TREGUIER BRETAGNE D'ANTAN |
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