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dimanche 24 août 2025

LE ROMANCIER ANDRÉ LICHTENBERGER AMOUREUX DU PAYS BASQUE EN 1932 (première partie)

ANDRÉ LICHTENBERGER ET LE PAYS BASQUE EN 1932.


Emile André Lichtenberger est un historien spécialiste du socialisme, un essayiste et romancier français.

Elève au lycée de Bayonne, il restera toujours attaché au Pays Basque sur lequel il a écrit plusieurs livres.




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ANDRE LICHTENBERGER 1930


Voici ce que rapporta André Lichtenberger à ce sujet dans le Bulletin du Musée Basque, en 1932 :



"Pourquoi j'aime le Pays Basque.



Pourquoi j'aime le pays basque ? N'attendez pas, dans les lignes qui suivent, une analyse, après tant d'autres, de son charme. Depuis Loti le délicieux, combien de fois n'a-t-elle été esquissée ! Je n'en sais point qui, parmi ceux qu'il a séduits, en ait saisi le réel secret.



Aussi me bornerai-je à évoquer ici, en toute simplicité, quelques images qui demeurent inscrites en moi avec cette fraîcheur, cette ingénuité qui sont le propre des impressions d'enfance.



Le Jongleur de Notre-Dame trouva son salut en exécutant modestement ses tours devant la statue de la Vierge. Peut-être qu'une imagerie d'Epinal, dénuée de prétention, est le meilleur ex-voto que je puisse offrir au vieux terroir où s'essayèrent mes premiers pas et où j'irai dormir.



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LE JONGLEUR DE NOTRE-DAME PAR JULES MASSENET



Le 13 juin 1872, arrivaient à Saint-Jean-de-Luz, un jeune couple alsacien, en deuil, et deux enfants. Ils s'y réfugiaient dans un douloureux désarroi physique et moral. Aux malheurs publics s'ajoutaient les deuils privés les plus cruels. Les quatre grands-parents enlevés en deux ans. Les santés gravement compromises, et profondément troublées les consciences. En même temps que saignaient les cœurs, l'angoisse les torturait : le devoir commandait-il de quitter l'Alsace pour rester fidèle à la France, ou, au contraire, d'y demeurer pour en disputer l'âme à l'envahisseur ?



Combien, dans ces pénibles conjonctures, cette région de notre Sud-Ouest se montra accueillante aux visiteurs endoloris qu'un enchaînement de circonstances bien imprévues lui amenait !



Du côté du Goulet, la vieille maison d'Abzac (aujourd'hui rajeunie sous le nom de Villa Sido) leur fut louée mille francs pour trois mois. Le petit pont qui la reliait à la plage mettait la mer caressante autant dire dans l'antichambre.



A cette époque, l'allure de la vie était moins trépidante que de nos jours. On eût cru la gaspiller à ne point tenir registre de ses moindres péripéties. J'ai sous les yeux le journal quotidien que tenait mon père, les copies des lettres qu'il adressait à sa famille et à ses amis : dans toutes ces pages, couvertes d'une nette et minutieuse écriture, vibre l'enthousiasme, la reconnaissance pour la terre bénie où, quelques semaines durant, le cauchemar cessa de traquer les fugitifs ; où les splendeurs du golfe de Gascogne et des Pyrénées dissipaient les sinistres visions obsédantes ; où un malheureux petit André oubliait par hasard d'avoir des bronchites.



Un jour avec sa nourrice une bourrasque du Sud-Ouest faillit l'enlever. On les raccrocha je ne sais trop comment. A l'automne les errants s'en allèrent, emportant un lumineux souvenir.



Cinq ans plus tard, veuve prématurément, la jeune femme revenait demander un abri à la contrée hospitalière qui était demeurée dans sa mémoire une oasis ensoleillée et saline. A ce petit André, obstinément fluet et pâlot, à une fillette encore plus fragile que lui, les grisailles du Nord étaient décidément trop inclémentes. Peut-être que seules les fées de la côte de Biscaye les aideraient à vivre.



De nouveau, la maison d'Abzac reçut les revenants. Et sur le sable, parmi les débris des maisons englouties un demi-siècle plus tôt par l'avance furieuse de la mer, l'enfant découvrit un après-midi dont l'émoi vibre encore en moi cette chose formidable : l'océan. Tout de suite il lui fut amical et l'éblouit de ses trésors : pierres précieuses longuement cherchées, si brillantes dans l'humidité marine et si vite ternies comme tant de joies quand on les étreint ; coquilles rares et fragiles comme tant d'espérances ; châteaux de sable éphémères, comme tant d'entreprises auxquelles il s'attacha.



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PORT DE SAINT-JEAN-DE-LUZ
PAR J CALAME
BMB N°4 1932



C'est sur la plage de Saint-Jean-de-Luz que se découvrirent au petit bonhomme des horizons infinis et qu'il conçut de sublimes ambitions. D'une montagne de sable laborieusement élevée, combien de fois il essaya, précurseur de Wright, de s'envoler ! Et combien de trous furent creusés pour trouver le chemin qui mènerait au centre de la terre !



Ici, le mystère des eaux marines lui fut révélé. Dans son seau de fer blanc, il enferma les créatures fantastiques découvertes par le capitaine Nemo. Un jour, émule du kraken légendaire, un poulpe capturé par un grand cousin épanouit son horreur et ses tentacules dans la baignoire de la petite sœur.



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CAPITAINE NEMO
DANS VINGT MILLE LIEUES SOUS LES MERS
DE JULES VERNE



Dans les nuits d'hiver (à cette époque l'Artha inachevée était une barrière impuissante) la mer furieuse montait parfois jusqu'à la jetée, et des flocons d'écume s'abattaient contre les vitres de la cuisine. Comme le vent hurlait et avec quelles menaces !



Au matin, il arrivait que la grève fût jonchée de débris. Un navire devant Ciboure avait été arraché de ses ancres. Avec quelle angoisse, on haletait à ouïr les étapes du laborieux sauvetage !



Et puis le ciel se nettoyait. En quelques instants renaissait le soleil : "Tu peux sortir sur la plage, André". Alors, il s'en allait, seul en apparence, mais en réalité environné de quelle compagnie merveilleuse : les héros d'Homère et ceux de Jules Verne, ceux de notre bon La Fontaine et de Madame de Ségur gambadaient avec lui sur le sable depuis le goulet de Ciboure jusqu'à la pointe Sainte-Barbe.



La Roche aux Mouettes, le Capitaine de quinze ans, les Aventures de Robert Robert, lectures magiques dont toutes les péripéties s'animaient de quelle vie ardente parmi ces émouvantes errances. Pourquoi ne pas le dire ? Ces compagnons-là étaient ceux d'élection, les plus fidèles, qui ne vous manquent jamais. Mais il n'est que juste de noter que l'été en ramenait d'autres.



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LIVRE LA ROCHE AUX MOUETTES
DE JULES SANDEAU 1871



Oh ! le prestige de ces tritons un peu fabuleux, les guides-baigneurs dans leurs vieilles vareuses cramoisies ; les marchands d'oublies, "Satan" à la moustache caressante, avec sa cliquette et son cylindre de tôle rouge. Rappelerai-je une première déception d'amour ? Une piquante Conchita de Madrid déclina formellement des ouvertures d'union éternelle. Mais le cher Père Lamblin, de l'Oratoire, n'a jamais trahi depuis cinquante ans le serment d'amitié qui fut scellé en partageant un gâteau à la crème, à moins que ce ne fût en échangeant des balles de caoutchouc par dessus un filet approximatif dans la vieille promenade ombragée dont subsistent les vestiges à côté de l'actuel fronton municipal."



A suivre...






(Source : Wikipédia)







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jeudi 3 juillet 2025

UNE LETTRE DE FRANCIS JAMMES À JEAN YBARNEGARAY AU PAYS BASQUE EN 1934

UNE LETTRE DE FRANCIS JAMMES À JEAN YBARNEGARAY EN 1934.


Francis Jammes est un poète, romancier, dramaturge et critique français qui a passé la majeure partie de son existence dans le Béarn et le Pays Basque, principales sources de son inspiration.



poete ecrivain france hasparren
FRANCIS JAMMES



Voici ce que rapporta à ce sujet le quotidien Le Figaro, le 8 mars 1934 :


"Lettre à Jean Ybarnégaray.


Mon cher Ybarnégaray,



Bien que j'aie reçu hier, jour de marché à Hasparren, la visite d'un paysan d'Irissary, nommé Johanès Oyharçabal, je ne m'entretiendrai pas avec vous de la mévente du blé, du bétail, ni du filtrage du fumier, ni, en général, de ces Travaux de février que les vieux maîtres représentaient sur les tapisseries, sculptaient même aux porches des cathédrales.



Ce fut néanmoins sur ces occupations et préoccupations que ses discours s'étendirent, dont je ne compris que la moitié, car il s'exprime dans cette langue pittoresque, maniée par vous aussi bien que le français auquel vous donnez, sur la tombe d'un pelotari, le génie sobre de l'anthologie grecque, ou, vous adressant aux foules eucharistiques, le rythme chantant et solennel du latin.



Je dois vous déclarer d'ailleurs que je ne suis pas grand agronome. Je n'ai pas eu besoin d'autres références, pour mes poèmes, que la simple vision que j'ai eue des ravissantes campagnes que j'ai parcourues, en chasseur comme vous, et, pour le côté comique de mon humeur, les affiches placardées sur les mairies, et ces estrades où, pendant quelques heures, les notabilités sont enivrées par les mugissements, beuglements, grognements, bêlements, piaillements, gloussements, que vous avez plus d'une fois retrouvés dans la musique de chambre de plusieurs "parlements". Vous voyez que la rime y est.



Vous avez bien voulu, en quelques discours que vous avez prononcés au Pays Basque, me traiter avec tant d'éloges que je voudrais bien ici vous rendre votre amabilité par ma reconnaissance. Une femme géniale, qui est plutôt de mon pays que du vôtre, je parle du pays de mes lointains aïeux, Eugénie de Guérin, a écrit : "La reconnaissance est de tous les sentiments celui qu'il est le plus doux d'exprimer."



Veuillez donc ici trouver la mienne pour ce que, sans vous salir les mains, du bout de ce gant d'osier que vous nommez chistera, et qui vous fait "placer" les balles, vous avez balayé si bien l'écurie d'Augias que le fermier le plus accompli de la Soule ou du Labourd n'a si parfaitement récuré la sienne.



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JEAN YBARNEGARAY AVEC SON CHISTERA



Sans doute vous savez calculer, me disait un vieux curé qui vous admire ; et vous l'avez fait, par exemple, l'autre jour, quand vous vous êtes exprimé sur le compte de votre malheureux collègue, le maire de Bayonne, l'un des moins coupables peut-être, au dire de la vieille cité qu'a chantée la comtesse de Noailles. Vous saviez qu'au delà de cet homme, qui a été cruellement frappé, d'autres coeurs battaient dans une famille qui recevait chaque coup. Cela fait partie de votre noblesse chrétienne, et je vous en félicite. Ce n'est pas tout.



homme politique basque france stavisky bayonne
JOSEPH GARAT MAIRE DE BAYONNE 1934

Sans doute, et malgré ces "calculs", avez-vous rapporté de la grande guerre, et davantage confirmée, une qualité de votre tempérament : l'audace.



Vous êtes, en effet, de tous ceux qui nous représentent, l'un des très rares qui osent dénoncer l'ennemi principal qui se glisse jusque dans nos bourgades l'hypocrite Franc-Maçonnerie. On dirait que son nom même effraie, et que nos meilleurs députés n'osent l'articuler de peur qu'il ne les étrangle.



Or, tout le mal est là.



Tant qu'une seule unité de cette armée diabolique et camouflée empoisonnera la nation, celle-ci courra le plus grand danger, sera constamment en proie à son action corrosive et dissolvante.



Que les Catholiques sociaux, les plus enracinés à la république, se le disent : tant qu'un de ces ferments subsistera dans l'organisme, tant que, dans la loge du vénérable, le microbe de la ladrerie, de la trichinose ou du charbon, occupera le moindre interstice, il n'y aura pas d'accord possible avec la détresse qui trône dans la maison commune.



Je peux vous donner des nouvelles d'Uhart-Cize, le village qui s'honore de vous avoir vu naître. Les travaux de février, dont j'eusse voulu vous entretenir davantage, commencent. On taille la vigne. On détruit, avec soin, les oeufs des chenilles. Pour cette dernière opération, voici, à la lette, ce que l'on me conseille : Placez à l'extrémité des plants qui ont été envahis une douzaine de vieux ronds-de-cuir provenant, de préférence, d'un ministère ou d'une préfecture. Toutes les chenilles précoces viendront s'appliquer, pendant la nuit, sur les oreillers au parasitisme.



Nul doute, mon cher Ybarnégaray, que cette recette ne soit par vous appliquée le plus spirituellement du monde.



Non seulement tout le Pays basque est, avec vous, mais encore le vieux lièvre du Béarn que personnellement vous avez bien accueilli. Buffon assure qu'aux alentours de Saint-Jean-Pied-de-Port il y a des terriers non seulement pour les lapins que posent les Crédits municipaux, mais encore sans doute pour Francis Jammes."



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jeudi 6 mars 2025

L'ÉNIGME BASQUE EN 1936 PAR FRANÇOIS DUHOURCAU (cinquième et dernière partie)

 

L'ÉNIGME BASQUE EN 1936 PAR FRANÇOIS DUHOURCAU.


François Duhourcau, né le 5 février 1883 à Angers (Maine) et mort le 3 mars 1951, à Bayonne (Basses-Pyrénées), est un romancier, essayiste et historien français, lauréat du Grand prix du roman de l'Académie française en 1925.




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FRANCOIS DUHOURCAU



Voici ce que rapporta à ce sujet François Duhourcau, dans le quotidien Le Mercure de France, le 

1er mai 1936 :



"... Pour ma part, lorsque je lis la Bible dont les travaux des orientalistes ont confirmé l'ensemble des vues, si bien qu'ils ont nettement adopté la terminologie "sémite, chamite ou japhétite" (la Bible a dit vrai ! proclame le savant anglais), je me reporte aux versets disant qu'à l'époque où Sem, Cham, Japhet et leurs fils se dispersèrent pour essaimer autour des monts d'Arménie, il n'y avait alors qu'une seule langue et qu'une seule manière de parler. C'est plus tard seulement que les langues se différencièrent après une dispersion plus vaste en toutes régions, dispersion que précéda un confusionnisme célèbre, ainsi qu'on peut toujours l'attendre, hélas ! des tristes humains, envieux, orgueilleux et querelleurs. Les Caucasiens, eux, qui vécurent comme en vase clos dans leurs vallées écartées et cernées de hautes cimes, purent garder mieux que quiconque le langage primitif. Aujourd'hui encore, Marr voit dans le géorgien "le type pur du langage japhétique". Ne pourrait-on mieux encore le dire de l'euskara ?



Précisément, le terme d'Eskualdunac, "possesseurs du langage euske", ou celui d'Euskariens, "ceux qui parlent l'euskara", (eu-eskara), c'est-à-dire le langage bien né, le langage patricien, le langage des pères et, pour tout dire d'un mot définitif, le langage originel, n'expliquent-ils point leur destinée ? Pour ma part, ils m'apparaissent avec leur esprit conservateur si singulier, dont ils font preuve toujours par la maintenance de leur langue, de leur esprit, de leurs moeurs, comme prédestinés, dès leur origine, à maintenir et transmettre le génie japhétique, ainsi qu'en Israël la tribu de Lévi, 7ème fils de Jacob, fut préposée, avant la migration ver la Terre Promise, pour la sauvegarde du culte et de la législation sémitiques. Je n'en dis point davantage et, quoique je lise dans la Genèse le verset mystérieux sur le premier couple humain : "Dieu les créa mâle et femelle ; il les bénit et leur donna le nom d'Adam, au jour qu'ils furent créés", je n'en conclus pas encore avec certains basquisants aventureux (et aventurés) qu'Adam soit une contraction des deux termes basques ata-ama, père et mère.



Pour être les plus nobles parmi les bipèdes de race blanche, il n'est peut-être pas besoin de faire remonter sa généalogie jusqu'au Paradis terrestre, au premier couple humain et à Dieu même qui, sachant évidemment toutes les langues qu'il créerait ou permettrait, aurait daigné s'exprimer en euskara dès son premier colloque avec l'homme ! Mais les Basques me semblent pouvoir justifier le fier propos de l'un deux à un Montmorency qui se glorifiait de remonter à mille ans : "Et nous, nous ne datons plus !" Ainsi qu'ajoute Michelet : "Nos jeunes antiquités leur font pitié."



Pouvoir remonter aux Ibères qui apportent, les premiers, la civilisation à l'extrême occident de l'Europe pour être à l'origine des peuples espagnol et français, pouvoir remonter aux Etrusques et par eux aux Romains, pouvoir remonter peut-être aux Spartiates, et de là aux races autochtones du Caucase d'où jaillirent les premiers civilisateurs du monde, cela s'appelle avoir de la lignée ! Nous avons parlé des mythes qui nimbent le Caucase et ses rivages du Pont : Prométhée, Jason et ses Argonautes, sans mobiliser, d'ailleurs, Vulcain ni Deucalion. (Il faut savoir être discret, et aussi prudent, quant à l'usage de ces notions plurimillénaires). Nous n'allons donc pas, afin de renforcer une noblesse d'origine, rappeler le magnifique morceau d'Eschyle dans son Prométhée enchaîné qui fait dire aux héros malheureux toute son oeuvre civilisatrice et ce que lui doivent les hommes. Mais les savants modernes le confirment quant à la très antique race caucasienne.


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TABLEAU DE PROMETHEE ENCHAINE
PAR JACOB JORDAENS



Faute d'avoir remonté assez haut dans le passé, à travers le brouillard de la période mythique, écrit Moreau de Jonnès, en 1801, dans son Ethnologie caucasienne, on a supposé que la civilisation était éclose dans la Babylonie et avait d'emblée atteint le degré de perfection qu'attestent les restes qu'on y a découverts ; cependant il n'est pas douteux pour nous que la puissante impulsion qui décida le progrès parmi les populations établies dan l'Asie central soit venue d'abord du nord par le Caucase.



Et M. de Morgan, l'explorateur fameux d'Egypte et de Bactriane, après ses fouilles archéologiques admirables en Géorgie, conclut dans son rapport sur sa Mission scientifique au Caucase (1889).



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EGYPTOLOGUE JACQUES DE MORGAN



Nous sommes en droit, dans l'état actuel de nos connaissances, de supposer que ces races caucasiennes étaient nées sur le sol où nous les trouvons à l'aurore des civilisations chaldéennes et que les Géorgiens de nos jours sont les véritables autochtones de l'Asie antérieure. La durée de leur existence dans ces parages est donc supérieure à 60 siècles, antiquité comparable aux plus anciennes données sur l'Egypte, la Chine et sur les plus anciens pays du Monde.



Mais il ajoute qu'après avoir trouvé les notions fondamentales de la civilisation, ils s'en tirent là, pendant que Chinois et Egyptiens développaient leurs progrès et qu'ils tombèrent ensuite sous les coups des Sémites et des Aryens. Cet arrêt à l'essentiel nous paraît très basque d'esprit. Cela explique aussi la migration ibère vers l'Ouest, lorsque les premières vagues aryennes affluèrent, comme on le sait, dans les vallées du Caucase qui forme l'isthme de passage tout naturel entre l'Asie et l'Europe.



Enfin, dans le second in-octavo de son rapport : Recherches sur les origines des peuples du Caucase. M. de Morgan précise encore : "La Bible fait des peuples du Caucase et du Pont les producteurs des métaux à son époque." Yavan, Toubal et Meschech, dit Ezéchiel, trafiquaient avec Tyr. Contre de âmes humaines (esclaves) et des ustensiles d'airain ils échangeaient ses marchandises. Cette prophétie, poursuit de Morgan, fut écrite entre les années 587 et 574 avant notre ère. Pour Josèphe, les peuples de Toubal et de Meschech désignent les Ibères et les Cappadociens. Le renom de ces peuples comme métallurgistes s'était aussi étendu en Grèce. L'airain de l'Ibérie caucasienne primait tous les airains", ainsi qu'on l'a vu.



Et, rassemblant les résultats de ses fouilles surprenantes dans les plus vieux tombeaux de la Géorgie, M. de Morgan conclut :


L'antiquité la plus reculée nous montre le Caucase comme le berceau des arts métallurgiques... Les habitants du Causse, au début des arts métallurgiques, étaient mineurs, cultivateurs, chasseurs, potiers et tisserands ; ils possédaient déjà une civilisation très avancée, comparable à celle dont on a retrouvé le traces dans la basse Chaldée, mais très supérieure aux restes les plus anciens retrouvés dans l'Asie Mineure occidentale, la Grèce et les îles de l'Archipel.




Aussi peut-on se demander, d'une part, si la race des fameux Sumériens de Basse-Chaldée, immigrée "du pays montagneux" qui est à l'origine de la civilisation chaldéenne, ne serait pas caucasienne, alors surtout qu'elle ne se rattache ni aux Sémites ni aux Indo-Iraniens (André Parrot). On peut se demander d'autre part, si les Egéens ne doivent pas autant aux Ibères passagers que ceux-ci ne leur doivent, et s'ils n'auraient pas reçu plus qu'ils n'ont donné. Je livre cet aperçu au savant anglais Gordon qui tente de déchiffrer par l'euskara les inscriptions égéennes. Je lui abandonne volontiers ce terrain de fouilles.



Ainsi, soulever peut-être un large pan du voile qui fait l'énigme basque pour en venir à trouver l'origine des Euskariens au plus antique berceau de la civilisation, avec l'agriculture, la métallurgie et le langage, déceler en eux les mainteneurs de l'esprit fondamental des races japhétiques, c'est-à-dire européennes, ce n'est point enlever à ce beau peuple mystérieux sa profonde poésie. Bien au contraire, c'est l'approfondir encore, l'élargir et la hausser. C'est lui octroyer peut-être le plus noble blason qui soit, à côté duquel s'avèrent et bien jeunes et bien minces, quoique très glorieux, le blason du Bastan avec son damier de las Navas, ou celui de la Navarre avec ses chaînes et son émeraude arabes, ou celui du Guipuzcoa avec ses neuf canons pris à Bayard au combat d'Elizondo ! Cela apparaît surtout plus grand, voire grandiose, et plus vrai que de prétendre, contre toute vraisemblance scientifique, qu'il y a, d'une part, l'Humanité universelle avec son curriculum vitae, même son pedigree, bien établis, et, d'autre part, tout à fait part, sans rien de commun avec le reste des races, les Basques, nés on ne sait comme et confinés miraculeusement dans le canton réservé du Monde, fort beau d'ailleurs, qui enclôt les Sept Provinces."



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BLASON DE LA VALLEE DU BAZTAN
NAVARRE D'ANTAN



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jeudi 6 février 2025

L'ÉNIGME BASQUE EN 1936 PAR FRANÇOIS DUHOURCAU (quatrième partie)

 

L'ÉNIGME BASQUE EN 1936 PAR FRANÇOIS DUHOURCAU.


François Duhourcau, né le 5 février 1883 à Angers (Maine) et mort le 3 mars 1951, à Bayonne (Basses-Pyrénées), est un romancier, essayiste et historien français, lauréat du Grand prix du roman de l'Académie française en 1925.




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FRANCOIS DUHOURCAU



Voici ce que rapporta à ce sujet le quotidien Le Mercure de France, le 1er mai 1936 :



"... Sachant que le Caucase a fourni à l'Europe nombre de plantes, d'arbres, de fruits et de métaux, je demandai à un notoire géographe humain s'il pourrait me fournir la liste de ces arbres, de ces fruits et de ces métaux dont le Caucase passe pour avoir muni l'Europe. J'étais déjà fixé pour la vigne, la châtaigne, la cerise et l'or que le monde caucasien et son prolongement sur la Mer Noire ont historiquement passés à l'Europe.



Et voici ce que M. Raoul Blanchard, géographe de l'Asie occidentale dans la géographie universelle de Vidal de la Blache (1929), m'a donné pour réponse :



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LIVRE GEOGRAPHIE UNIVERSELLE
DE PAUL VIDAL DE LA BLACHE


Les arbres fruitiers sont partout sur cette côte de la Propontide qui passe pour la partie de la plupart d'entre eux. Le pommier, le poirier, le cerisier, le cognassier, le prunier, l'abricotier, s'ils ne sont pas autochtones, prennent en tout cas dans ces vallées un développement extraordinaire. Le noisetier y forme de vraies forêts ; le châtaignier, l'amandier leur disputent la place, ainsi que le noyer, le grenadier, le mûrier, le figuier qui y voisinent avec l'olivier. Une partie de leurs fruits forme le principal fret des navires se dirigeant sur Constantinople.



A quoi d'autres géographes comme Elisée Reclus, ajoutent la vigne et des hêtraies dont il n'y a les pareilles nulle part au monde. C'est aussi le pays merveilleux de Colchide, le pays de l'or, disaient les Grecs, où Jason et ses Argonautes étaient allés conquérir la fameuse Toison, selon le vieux mythe. M. Raoul Blanchard ajoute : "L'exploration de ces rivages a eu sur l'esprit grec une influence identique à celle que la découverte de l'Amérique a exercée sur l'esprit des modernes."



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TABLEAU PB RUBENS JASON ET LA TOISON D'OR



Muni de cette concordance du linguiste et du géographe, je tentai une dernière expérience, avec curiosité certes, mais sans émotion, assuré par pressentiment et prescience de ce qui devait ou allait arriver.



Je demandai donc à un Basque pur sang, possesseur plénier de sa langue, un vrai Eskualdun de me donner les vocables autochtones — et non ceux qui pourraient provenir d'un emprunt étranger — des plantes, fruits, métaux, etc... que signalait Meillet. Et l'autre concordance se dévoila, telle que je l'attendais.



Le pampre en euskarien se dit aihena, et avant que j'eusse à faire un effort d'adaptation, M. René Lafon, qui s'occupe des similitudes du basque et des langues caucasiques, démontrait en un article de la Revue des Etudes anciennes qu'il fallait voir dans l'aihena basque le vieux radical méditerranéen qui a donné naissance au ouinea latin, la vigne. Il précisait qu'il se retrouvait encore dans le mot géorgien correspondant. Et de même le mot garagar, orge, dans le géorgien gari, froment. Mais, dirais-je à ce savant linguiste, pourquoi aller chercher garagar orge, alors qu'il y a gara, froment, beaucoup plus convaincant encore ? M. René Lafon précisait aussi que le mot guinda, cerise aigre, se retrouvait dans le géorgien garida, nouvelle pousse. Mais il se retrouve mieux encore dans le latin guina, puis guindolum, guigne.



Quant aux vocables désignant la figue en grec et en latin, sykon et ficus. Meillet en cherche en vain la racine ; je lui propose le terme basque qui explique tout : phiku. Ce qui est à répondre précisément à l'hypothèse que forme Michel Bréal dans son Dictionnaire étymologique de la langue latine, quand il dit :

Sykon et ficus viennent probablement tous deux d'un seul et même terme appartenant à une autre famille de langues que le sanskrit.



Meillet d'ailleurs dit la même chose :

Il faut admettre qu'il y a un nom méditerranéen de la figue et que ce nom a passé par des voies diverses et sous des formes diverses à l'arménien, au grec et au latin.



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LINGUISTE ANTOINE MEILLET



Puis, généralement, il écrit :


En entrant dans la région méditerranéenne, les populations de langue indo-européenne y trouvaient des plantes inconnues, et notamment des plantes cultivées, d'usage ou d'ornement, dont ils ont accepté les noms... On peut se demander si l'intermédiaire étrusque est étranger aux emprunts que le latin a faits à des langues méditerranéennes et qui ne sont pas venus par le grec.



Quant au latin désignant le hêtre, en latin fagus (à côté du phégos grec), Askué dans son Dictionnaire de la langue basque se demande, comme pour ficus, si le mot basque phago lui est "antérieur ou postérieur". On peut lui répondre antérieur assurément, puisque les Romains arrivant chez les Basques avec Crassus, lieutenant de César, y trouvèrent des autels dédiés déjà au dieu hêtre, deo fago. Ce phago basque donne la racine des vocables grec et latin du hêtre que le sanskrit ne fournit pas, et pour cause, comme il en est de la vigne et de la figue inconnues des Indo-iraniens et fournies par les Caucasiens avec leurs noms appropriés.



Il arrive pour phago, phiku, etc... ce qu'il arrive pour lar que beaucoup font provenir du fameux lar des Romains. Mais ceux-ci, nous dit Littré, l'avaient pris aux Etrusques dont les chefs se nommaient lars. On le trouve en basque comme en étrusque, ce qui est naturel, avec ce même sens : etche-lar, maison-souche, maison-chef.



Pour la cerise et la châtaigne, la déduction est plus probante encore, puisque chacun sait par l'histoire, et Littré l'enregistre, que ces fruits viennent des colonies grecques de Kerasos (Cérasonte, aujourd'hui Keresoun et de Kastana, dans le Pont, au seuil du Caucase. Meillet s'étonne, semble-t-il, que les Latins, après avoir fait cerasum de Kérasos, lorsque Lucullus, ce gourmand militaire, rapporta la cerise à Rome de sa campagne contre Mithridate dans le Pont et le Caucase, aient fait ceresium, puis ceresea — dont les dialectes romans, en France et en Espagne, ont tiré leurs vocables. Cela n'a rien d'étrange, s'il est probable que les Grecs, arrivant au rivage caucasien de la Mer Noire, ont nommé Kérasos selon le basque gérèzi, cerise, qui devait être le nom indigène du lieu. Les Romains, ibères par le substrat étrusque, comme la France et l'Espagne par l'invasion basque, ont tiré sur le mot euskarien originel qu'ils avaient dans leur instinct linguistique, sinon dans leur mémoire.



De même pour la châtaigne, primitivement "noix de Castana", Meillet semble s'étonner que les Latins, après avoir fait castinea, puis castena, d'où les dialectes romans ont tiré à leur tour leurs vocables. Cela n'a rien d'étrange, s'il est probable que Kastana, du Pont, le mot transmis par les Grecs et les Latins, vient du mot indigène qui serait le basque gaztain, châtaigne.



Meillet déclare encore que le grec wrodon pour la rose, vard en arménien, ne rend pas compte du mot latin rosa avec son s étrangement apparu. peut-on lui offrir le basque arrosa pour l'expliquer ?



Meillet déclare encore qu'asinus, âne, bête méditerranéenne et non indo-iranienne, avec son s étrangement intercalé, demeure inexplicable. Peut-on lui offrir le basque asto pour l'expliquer ?



Meillet oriente vers un parler de l'Italie pré-indo-européenne et, pour tout dire, étruque, afin de rendre raison de ces étrangetés. Cela paraît vraisemblable. Etrusques, c'est-à-dire pères euskariens. Les Latins ont pu se fournir par eux de tous ces noms dont la filiation grecque ne s'impose pas. Et le Grecs, par les Egéens ou directement en Asie-Mineure, les ont prix aux Etrusques, aux Basques, aux Ibères, lors de leur migration par le nord de l'Asie-Mineure et à travers la mer Egée.



Meillet s'étonne de la forme aurum, or,  venant après la forme primitive ausum que l'on dérive généralement du sanskrit ush, qui signifie brûler, briller. Peut-on lui offrir le terme basque urre pour rendre raison de aurum ?



Enfin, on ignore la racine de stannum, l'étain, métal pratique et décisif par sa ductilité, qui à soi seul marque un âge nouveau de la civilisation humaine. Peut-on proposer pour origine le vieux terme basque menasta, métal ?



Je m'arrête à ces quelques rapprochements, désireux de donner seulement un aperçu de ce que les linguistes peuvent trouver en sachant l'euskara ou en le consultant, avec l'idée conductrice que les Basques, descendants des Ibères du Caucase, et venus jusqu'en Italie, Espagne et France, ont apporté avec eux, dans des mots personnels qui les expriment, des connaissances, végétales et minérales entre autres, différentes de celles des Indo-Iraniens. Ce que ceux-ci par le sanskrit ou le zend ne fournissent pas, on a grande chance de le trouver par la langue euskarienne. Cela achèverait de démontrer que l'hypothèse des modernes savants semble vraie, par sa justesse d'analyse et sa fécondité de synthèse, qui voit dans le Caucase l'originelle patrie du peuple ibère dont font partie les Basques et les Etrusques.



A ma connaissance, c'est notre Elisée Reclus qui, dans son volume l'Asie Russe (1881), sixième de la série La Terre et l'Homme, a amorcé tout ce mouvement d'études linguistiques que le russe Marr et les autres basquisants jusqu'à M. René Lafon ont porté à un si haut degré d'épanouissement.



La langue des Géorgiens, écrivait-il, que certains auteurs ont voulu rattacher à la souche indo-européenne et qui d'après d'autres savants appartiendrait au groupe des langues de l'Altaï, paraît, au contraire, devoir être considérée comme occupant une place à part : c'était déjà l'opinion de Klaproth, confirmée depuis lors par Zagarelli, le philologue géorgien qui d'est occupé avec le plus de soin de la grammaire de son idiome. De même que le basque en Europe, le géorgien serait en Asie le reste d'une langue parlée jadis sur une beaucoup plus vaste étendue et n'ayant aucun rapport de parenté avec les dialectes aryens, sémitiques, ouraliens.



M. de Morgan, après sa mission scientifique au Caucase, en 1889, confirmait, dans le sillage de Maspéro, cette vue sur les langues caucasiennes autochtones qui "représentent plutôt, disait-il, un état qu'une forme de langage. Il semble que ce fut le premier moule dans lequel le discours humain se plaça naturellement et spontanément : il est plus simple, plus rude, plus grossier et moins travaillé que les derniers développements du sémitisme et de l'aryanisme".



Les philologues basquisants ont depuis lors approfondi, complété, nuancé, mais surtout vérifié cette hypothèse."


A suivre...





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vendredi 31 janvier 2025

LE CARDINAL BAYONNAIS CHARLES LAVIGERIE PAR FRANCIS JAMMES EN MAI 1927 (deuxième et dernière partie)

 

LE CARDINAL LAVIGERIE PAR FRANCIS JAMMES EN 1927.



Charles Lavigerie, né le 31 octobre 1825 à Huire à Saint-Esprit (ancienne commune des Landes) et mort le 26 novembre 1892 à Alger (Algérie), est un prêtre français, missionnaire en Afrique du Nord et cardinal en 1882.



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PORTRAIT DU CARDINAL LAVIGERIE
PAR LEON BONNAT 1888



Voici ce que rapporta le quotidien La Croix, le 1er mai 1927, sous la plume de Francis Jammes :



"Lavigerie par Francis Jammes.


... Les heures les plus charmantes étaient, à Larressore, consacrées à la promenade sous un ciel limpide qui pour toujours se fixa dans l'âme de Charles Lavigerie. Sans doute ressentait-il le paysage autrement que les Basques, dont il ne fut jamais, ni par la langue ni par sa famille, auxquels cependant il se trouvait mêlé avec quelques autres Landais ou Gascons. Certes, des uns et des autres la joie est pareille dans ce plein air, dans cette libération, dans cette piété qui fait s'exhaler, de coeurs unis, le même encens. Mais un petit bonhomme du Labourd, en regardant sauter sur les pelouses les agneaux autour de leurs mères, suppute le prix de la laine et du lait, la valeur de la viande sur pied, les avantages de la fumure. Cela seulement, néanmoins sans oublier de rapporter à Dieu cette munificence pastorale, de rendre grâces, non pour la couleur, le parfum et la forme, mais pour une fécondité qui enrichit la contrée où vivent les siens.



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CARDINAL LAVIGERIE
PAYS BASQUE D'ANTAN

Certes, le petit Lavigerie n'est pas moins pratique, et il nous le prouvera plus tard, soit en se procurant chaque année deux millions de francs pour ses oeuvres, alors que son budget n'en offre que dix mille, soit en montrant à ses Soeurs blanches comment, d'un bras qui ne fléchit point, un archevêque impose au soc d'une charrue de profonds sillons parallèles. Mais il est, de plus, poète ; sans quoi l'on ne saurait entreprendre ces choses surhumaines qui ressortissent à un Vincent de Paul, à un Napoléon, à un Louis Pasteur. Une fortune, issue de déductions prudentes, peut être, certes, bien honorable, mais elle est à ceux qui se contentent de réussir pour eux-mêmes, loin des coups de foudre du génie. Car, philanthrope, stratège ou biologiste, l'éclair se produit toujours dans un sursum corda qui échappe à l'expérience même de ces inspirés. Et, dis-je, c'est la poésie.



Avant que la Muse chrétienne de Lavigerie aille contempler l'azur liquide du Nyassa du Tanganyika, du Victoria-Nyanza, et méditer sous la forêt tropicale, elle goûte avec allégresse, dans son adolescence, des lieux qui s'accordent par leur douceur classique à Virgile, à La Fontaine, à Lamartine : les villas de Souraïde et de Jatxou, la vallée de Laxia où l'onde estivale se précipite et se cache sous les frênes aérés et palpitants. Je ne prête pas à l'écolier de Larressore le sérieux imperturbable, la réserve quelque peu distante du petit séminariste basque. Au contraire, il emprunte un chiroula, pour en jouer, à l'enfant qui garde les brebis ; il taille la fourche d'un piège ; il saisit par les cornes ce chevreau bondissant qu'il retrouvera plus tard en Afrique et auquel il mettra, en guise de turban, en présence de personnages officiels et du sacristain ahuris, l'un de ses bas de cardinal.



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CARDINAL LAVIGERIE
PAYS BASQUE D'ANTAN


Néanmoins, l'empreinte de bon aloi qu'il reçut de Saint-Léon et de Larressore doit être ineffaçable. Et d'abord, au pampre paternel qui distille une eau de feu dont la Charente est fière, est venu se greffer le cep cueilli sur l'antique souche bayonnaise qui donne un vin plein d'équilibre, celui que devait boire son grand-père maternel, essayeur de monnaie.



A cette fusion, par la sève, de l'ardent Angoumois avec la Gascogne pratique et réfléchie, qui tire parti du désert même des Landes, il faut ajouter l'ascétisme du clergé basque, sa discipline rude jusqu'à la férule, sa réaction contre toute mièvrerie sentimentale, sa doctrine antimoderniste avant la lettre, sa conception littérale de l'enfer, la terreur de ses feux entretenue sans relâche par les prédicateurs ; cet amour de l'apostolat qui, joint sans doute à l'instinct du voyage, suscita jadis tant de croisés, aujourd'hui tant de missionnaires. Tous ces traits, nous les retrouverons dans Lavigerie, autant que chez ce prince basque dont les incursions, parmi des pays inexplorés et cruels jusqu'au satanisme, déconcertent par leurs réalisations mêmes toutes les prudences humaines : saint François Xavier. On peut dire que l'un et l'autre furent attirés par les palmes qui poussent au pays des martyrs.



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3 DECEMBRE SAINT FRANCOIS XAVIER


Charles Lavigerie n'aura passé que 10 mois à Larressore. L'année suivante, un ensemble de prétextes, d'économie diocésaine et paternelle, que la Providence utilisa, le dirigea sur Paris où l'abbé Dupanloup, auquel son professeur de seconde l'avait recommandé, l'accueillit à Saint-Nicolas-du-Chardonnet. Il n'y avait, dans ce Petit Séminaire, rien qui rappelât, à moins que le nom en raccourci du chardonneret peut-être, l'une des plus belles campagnes de France. Mais, avant que de donner à son lion apostolique les ailes d'un grand voilier, albatros ou frégate, qui lui permissent de passer la mer sans effort. Dieu avait voulu laisser tomber sur les premières plumes, encore baignées de rosée matinale, l'inoubliable poudre d'azur de Larressore."









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lundi 6 janvier 2025

L'ÉNIGME BASQUE EN 1936 PAR FRANÇOIS DUHOURCAU (troisième partie)

 

L'ÉNIGME BASQUE EN 1936 PAR FRANÇOIS DUHOURCAU.


François Duhourcau, né le 5 février 1883 à Angers (Maine) et mort le 3 mars 1951, à Bayonne (Basses-Pyrénées), est un romancier, essayiste et historien français, lauréat du Grand prix du roman de l'Académie française en 1925.




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FRANCOIS DUHOURCAU



Voici ce que rapporta à ce sujet le quotidien Le Mercure de France, le 1er mai 1936 :



"Hors d'Espagne et de France, ces Ibères, on les trouve encore en Italie sous le nom d'Etruques, c'est-à-dire aïta euskar, pères euskariens, selon Beati Moglia. Ces Etrusques paraissent originaires, suivant l'opinion aujourd'hui dominante, de l'Asie Mineure septentrionale. C'est ce que dit, après Meillet et quelques autres, le Guide Bleu Hachette pour l'Italie : c'est donc une hypothèse déjà classée. Ces Etrusques passent pour être les premiers occupants de l'Italie où leur empire primitif s'étendait jusqu'à Naples. Ils furent peu à peu refoulés par l'invasion des races indo-iraniennes ; avec quelques-unes de ces tribus nouvelles, ils fondèrent Rome dont ils fournirent les premiers rois. L'opinion commune des savants, et surtout des linguistes tels que Meillet, se rallie aujourd'hui au vieux jugement de Denys d'Halicarnasse : "Beaucoup d'historiens ont considéré Rome comme une ville étrusque." Si bien que, lorsque pour définir l'étoffe basque on la dit romaine, il serait plus juste de dire que c'est l'antique étoffe romaine, si robuste et glorieuse, qui fut basque en sa trame première.



"Les Etrusques, écrit Meillet, ont été de grands bâtisseurs et organisateurs de villes." — Soit des Illiberistes. — "Ils sortent peut-être de la souche pélasgique, écrivait dès 1884 le grand helléniste Louis Menard, tant admiré de Renan et de Leconte de Lisle, d'Anatole France, de Barres et de Philippe Berthelot. La civilisation des Etrusques est une sorte d'annexe de la civilisation hellénique, mais elle s'en distingue par un caractère sacerdotal qui semble la rattacher à l'Orient, et par des tendances pratiques dont les Romains ont hérité" (Histoire des Grecs). A ce double caractère, on reconnaît assez bien le vieux génie basque. Ce qu'ils apprirent des Hellènes, les savants modernes s'accordent à dire que les Etrusques en bénéficièrent dans la migration qui les porta, à travers la mer Egée, des rives septentrionales de l'Asie Mineure jusqu'à la péninsule italique. L'Odyssée et l'Enéide peuvent encore aujourd'hui nous donner une ide du voyage.



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LIVRE APERCU D'UNE HISTOIRE DE LA LANGUE GRECQUE
D'ANTOINE MEILLET



Quelques savants, en pointe d'avant-garde, prétendent retrouver des Ibères au sud du Péloponèse, à l'origine de Sparte. Le faisceau des conjectures n'est point encore assez dense pour que je l'utilise. Mais ce que l'on sait du génie des Spartiates l'apparente assez bien, par sa vigueur, sa dureté même, et son sens pratique aux Etrusques, aux anciens Romains et aux Basques.



Enfin, les derniers travaux des savants, tant d'archéologie que de linguistique, nous amènent au Caucase comme lieu d'origine des Ibères.



Leurs conclusions découlent surtout de la parenté du basque avec le vieux langage géorgien, de la parenté aussi des moeurs et de l'esprit. Ils ont même identifié Tubal, fils de Japhet, avec Uplos, héros éponyme des Géorgiens. Un parallèle en règle serait fort intéressant et réserverait, aux Basques comme aux Géorgiens, bien des étonnements. Pour ma part, j'abandonne certaines parentés dans les goûts et les coutumes qui ne me semblent point péremptoires, quoique singulières ; j'abandonne même la mise en valeur de certains noms qui sonnent basque, en cette contrée, comme Urumia, Urartu, Chorokhi, Urdubad, pour aller à des arguments plus décisifs. Je n'insisterai point encore pour savoir si, par exemple, la ville de Gori, centre ethnique des Géorgiens, entre la capitale Tiflis et la Mer Noire, ne devrait pas ce vieux nom (qui est basque) à son terrain rougeâtre qui, dès l'antiquité, valait à l'airain d'Ibérie, d'un jaune plus brillant et plus clair que tous autres, une renommée universelle en Asie Mineure et Méditerranée. Je n'insisterai point pour savoir si Gori doit son nom, comme non loin d'elle Tiflis (en langue moderne) aux eaux chaudes qui jaillissent de son sol volcanique — double hypothèse qu'éveille le nom de Gori. Je n'abuserai pas du fait que cite M. Pierre Harispe dans son volume le Pays Basque et qui nous montre Tacite donnant pour chef aux Ibères du Caucase un certain Ariarate, beau-frère de Mithridate. "Ariarate, poursuit Harispe, est un nom basque que j'ai retrouvé plusieurs fois dans la vallée de Bastan." Toutefois, je ne cèlerai pas cette preuve (ou présomption) par le sentiment que je tiens de la ravissante et gentille (rare alliage) Mme Mary Coste, la femme du grand aviateur. Même dans les sciences, on le sait, il ne faut pas négliger le sentiment. "Toute connaissance vient du sentiment", affirmait Léonard de Vinci, ce que répète, à sa manière, Claude Bernard, lorsqu'il déclare qu'à l'origine de toute découverte scientifique, il y a d'abord "un sentiment de l'esprit". Donc, il y a deux ans, déjeunant à côté de Mme Costes, à Biarritz, je lui demandai si elle en était à son premier séjour en Euskal-Herria et comment elle trouvait le pays. "J'y suis venue pour la première fois, cette année, me répondit-elle, mais j'y reviendrai pour une raison très personnelles. Le pays est fort beau, mais la race basque m'a séduite davantage encore. Elle m'émeut, lorsque je la vois dans les campagnes où je me promène, car elle me rappelle par son allure, ses traits, son attitude, ses habitudes, tout à fait la race de mon pays." Je lui expliquai alors, sachant que Mme Costes est géorgienne, que les savants modernes ne s'étonneraient point de cette similitude profonde qui la touchait.



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LIVRE LE PAYS BASQUE
PAR PIERRE HARISPE



Mes remarques, à mon sens les plus décisives, faites au cours d'études prolongées dans le sillon nouveau tracé par les savants modernes, les voici.



Les cartes qui donnent la dissémination des fils de Japhet selon les données de la Bible, confirmées ou mises au point par les orientalistes contemporains, portent Tubal, cinquième fils de Japhet, comme ayant pris pour terre de peuplement la grande vallée caucasienne qui devait être l'Ibérie. — Or, les Basques, par tradition immémoriale, se transmettent qu'ils sont issus de Tubal, fils de Japhet.



L'Ibérie était arrosée par deux fleuves, l'Ebre (depuis, le Cyrus, puis le Kour, enfin la Koura) et l'Araxe, nom qui subsiste encore et désigne le fleuve que se partagent la Caucasie et l'Arménie. — Or, on sait que les migrateurs, et encore les émigrants d'aujourd'hui, se plaisent à donner à des villes, à des monts, à des fleuves du pays neuf où ils se fixent, au terme de leur aventure, les noms des villes, des monts ou des fleuves de leur pays originel. Les Ibères, parvenus en Espagne, n'y ont point manqué, semble-t-il. Les savants s'accordent à dire qu'ils donnèrent le nom d'Ebre au fleuve dont ils remontèrent le cours, après leur débarquement sur la rive levantine de l'Espagne. Quant à l'Araxe, nous le retrouvons lui aussi en Navarre où il prend sa source, avant de confluer dans l'Oria, aux portes de Tolosa, ancienne capitale du Guipuzcoa.



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FLEUVE ORIA TOLOSA GUIPUSCOA
PAYS BASQUE D'ANTAN



Enfin voici, à mon sens, une preuve qui pourrait bien être souveraine.



Dans sa remarquable Esquisse d'une histoire de la langue latine (1928), le grand linguiste Meillet signale deux faits curieux dans la linguistique helléno-latine. Un certain nombre de mots grecs ou latins ne proviennent pas du sanskrit, parce qu'évidemment le monde indo iranien, d'où sont issus Grecs et Latins, ne connaissait pas les choses que ces noms signifient. Par ailleurs, certains de ces noms grecs et latins sont bien apparentés, mais il semble que Grecs et Latins les aient pris séparément à une même langue méditerranéenne qu'on ignore. Meillet se demande si cet intermédiaire n'aurait pas été l'étrusque. Il cite un certain nombre d'exemples pour le langage du Latium "qui ne sont sans doute, précise-t-il, qu'une part de ce qui est entré dans le latin, en réalité". Ampère assurait, il y a déjà longtemps, que l'euskara avait été la langue originelle du Latium. On comprend aujourd'hui pourquoi.



Ces noms sont surtout ceux de plantes, d'arbres, de fleurs, de fruits, d'animaux et de métaux. Les voici, d'après Meillet : la vigne, la rose, le lis, la figue, la pomme, la poire, l'âne, l'airain, l'or, le plomb et l'argent. On peut y ajouter aussi la cerise et la châtaigne."



A suivre...





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