LA MORT DE LA DANSEUSE "LA ARGENTINA" À BAYONNE EN LABOURD AU PAYS BASQUE EN JUILLET 1936 (deuxième et dernière partie)
LA MORT DE LA DANSEUSE "LA ARGENTINA" EN 1936.
Antonia Mercé y Luque, née à Buenos Aires (Argentine) le 4 septembre 1890 et morte à Bayonne (Basses-Pyrénées) le 18 juillet 1936, plus connue sous son nom de scène La Argentina, est une danseuse et chorégraphe espagnole.
DANSEUSE ET CHOREGRAPHE "LA ARGENTINA"
Voici ce que rapporta la presse dans diverses éditions :
La Dépêche, le 25 juillet 1936, sous la plume de Jean Boyer :
Une danseuse est morte... Un papillon a fermé ses ailes, une fleur vivante a perdu ses pétales. On peut ainsi entasser les métaphores gracieuses si l'on veut, banales à coup sûr, et esquisser quelques instants une mine de circonstance. On peut encore relever qu'Argentina a succombé brusquement à une crise cardiaque et estimer qu'après tout ce n'est pas très surprenant, car l'effort physique de la danse soumet le coeur d'une artiste à des épreuves auxquelles tout le monde ne résiste pas.
Argentina mérite mieux que ces phrases quelconques. Car elle ne fut pas seulement une danseuse célèbre — on n'en a jamais manqué. Elle fut véritablement un des visages de la danse. Elle a fait entrevoir de nouveau aux gens du 20ème siècle toute la profondeur d'un art qui ne consiste pas seulement en agitations rythmiques des jambes, des bras, mais qui, aux époques anciennes de l'humanité, était un art vraiment vivant et complet, le plus émouvant et le plus chargé d'expression.
Ce serait une histoire curieuse à étudier que celle de la danse au début du 20ème siècle. Peut-être quelque passionné d'art doué d'une bonne mémoire et possesseur d'une abondante documentation photographique essaiera-t-il de la conter quelque jour. Son patient et difficile travail ne sera pas inutile. Souvenez-vous. Qu'était la danse il y a un peu plus de 30 ans ? Une technique brillante, mais rien qu'une technique, dans l'enseignement et le maniement de laquelle triomphaient sans beaucoup de peine, faute de concurrence sérieuse, les écoles rivales de Turin et de Milan, fournisseuses de ballerines congrument dressées pour à peu près tous les théâtres de l'univers civilisé. Ne disons pas trop de mal de ces deux écoles, elles ont sauvé et maintenu, à défaut de l'âme de la danse, qui paraissait bien morte, sa discipline musculaire et rythmique. Ainsi s'est perpétué un langage artistique, à peu près vidé de toute sa signification, mais dont le maintien est un titre de gloire incontestable pour les écoles d'Italie. Il ne faut pas diminuer leur mérite.
Puis ce fut la révélation des ballets russes, la restitution complète de l'esprit de la danse, miraculeusement sauvé de la déchéance et dont la tradition s'était maintenue chez les Scythes, mise à l'abri de toute contamination par une discipline quasi monacale. On vit alors ressusciter cette danse artistique qui cent ans auparavant était la danse française et qu'on appelait, avec cette nuance de respect apitoyé qu'inspirent les choses défuntes, danse classique, alors que le qualificatif qui lui aurait le mieux convenu était celui de romantique, Nijinsky, Pavlova et quelques autres étoiles renouaient avec éclat une tradition trop longtemps interrompue et dont la vitalité n'a cessé de s'affirmer depuis. Par eux la danse est redevenue un art complet, auquel participe la musique (trop souvent négligée jadis) et aussi le décor, le costume, la lumière, et où les mouvements de l'artiste inscrivent leur arabesque fugitive dans une atmosphère irréelle qui mêle, pour l'oeil et pour l'oreille à la fois, le rythme des formes, celui des couleurs et celui des sons.
Argentina a participé, à sa façon, à cette résurrection de la danse. Formée d'abord à la technique de la danse classique, elle a cherché à rénover l'art où son père avait été son maître en remontant aux sources primitives d'où il est issu : celles de la danse populaire. Les tentatives de rénovation de la danse n'ont certes pas manqué depuis 25 ans. La résurrection de la danse populaire et son adaptation au spectacle n'a même pas été poursuivie par Argentina seule. Mais c'est elle surtout qui en a assuré le succès définitif. C'est par là qu'elle mérite que les artistes gardent son souvenir.
DANSEUSE ET CHOREGRAPHE "LA ARGENTINA"
Pour peu qu'on y réfléchisse, on reste confondu devant l'effort immense qu'elle dut accomplir, devant la volonté tendue et persévérante qu'il lui fallut mettre en oeuvre pour rechercher patiemment tant de danses populaires des divers pays de civilisation espagnole, trouver ou retrouver les musiques appropriées et rendre enfin cet art, la plupart du temps campagnard, capable de se produire sur la scène, de supporter la transplantation de l'atmosphère crue de nature où il s'épanouit spontanément à celle de nos théâtres où tout n'est qu'artifice, et, au moyen de pas paysans, faire délirer les spectateurs blasés de nos capitales.
D'autres danseuses espagnoles ont eu, à peu près en même temps qu'elle, leur succès, mérité par un vrai talent tantôt gracieux, tantôt âpre, charmant ou dru. Par elles la danse d'inspiration populaire a conquis sa place à côté de la danse de théâtre. Mais de ces danseuses l'une spécifie qu'elle est Catalane, l'autre Andalouse, une troisième Gitane. Argentina, elle, fut toute la danse espagnole, aussi bien celle des Philippines, de Cuba ou de l'Argentine, que celle de Valence, de Barcelone ou de Madrid. Comme d'autres, elle puisait son art chez le peuple. Mais elle pouvait le puiser chez tous les peuples de civilisation espagnole. Et ayant remis en honneur ces danses diverses, fraîches et ardentes, langoureuses et violentes, elle avait fait triompher également les musiques, les rythmes et les instruments primitifs du folklore d'Espagne : l'humble et grinçante guitare, les claquements de semelles du zapateado et l(étourdissant crépitement des castagnettes. Les effets qu'elle tirait des minuscules disques de bois entrechoqués étaient extraordinaires. Rythmes et nuances étaient d'une variété qui laissait pantois les musiciens en leur rappelant brusquement que l'élément fondamental de leur art n'est pas la mélodie. Elle s'en enveloppait, l'air bruissait autour d'elle comme, dans la campagne provençale, l'atmosphère vibre du chant des cigales ivres de soleil. Elle était unique.
BALLET "L'AMOUR SORCIER" AVEC LA ARGENTINA
Unique aussi et peut-être surtout par cette noblesse qu'elle conférait à la danse populaire, par ce style qui l'épurait sans lui faire perdre le contact avec le terroir dont elle exprime l'âme. Peut-être devait-elle ce style à sa première éducation de danseuse classique. Plus certainement il venait du fond de sa personnalité d'artiste pour qui vulgarité et trivialité étaient choses impossibles.
Il y a tant de choses dans les pas d'une danseuse ! L'effort souriant et parfois tragique, l'élan de l'âme commandant celui du corps, la foi éperdue dans le moyen le plus antique qui ait fait communiquer un artiste avec les autres hommes, et ce désir d'évasion vers un monde imaginaire, de vie sur un plan supérieur où s'abolissent toutes les pesanteurs qui nous courbent vers la terre. Tout cela est dans un rythme dans un geste, dans une attitude de danseuse. Et le spectateur frissonne au contact de l'inconnu.
DANSEUSE ANNA PAVLOVA
C'est cet inconnu qu'Argentina rendait sensible dans la danse d'inspiration populaire, comme Anna Pavlova l'avait rendu sensible dans la danse classique. L'une et l'autre auront rempli la plus noble mission de l'artiste : élever les hommes au-dessus de la réalité. Par une clémence singulière, le sort leur a épargné à toutes deux une longue vie et ses inévitables déchéances. Elles nous ont quitté en pleine gloire, et leur souvenir restera radieux de jeunesse. Les anciens auraient dit que c'est la plus belle récompense des grandes âmes et que les dieux ont aimé Argentina autant que Pavlova."
(Source : Wikipédia et https://www.andalucia.org/listing/la-argentina/21101102/)
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