LA SALMONICULTURE DANS LES BASSES-PYRÉNÉES EN 1934.
La salmoniculture (l'élevage de la truite notamment) prend son essor à la fin du 19ème siècle grâce à deux pêcheurs, Rémy et Géhin, qui ont mis au point la reproduction artificielle des truites dans les Vosges.
Voici ce que rapporta à ce sujet le Bulletin de la Société des Sciences, Lettres & Arts de Bayonne,
en juillet 1934 :
"... Résultats obtenus sur la Nive.
J'exposerai maintenant les résultats obtenus sur la Nive, où l'expérience s'est poursuivie méthodiquement durant neuf années.
La Nive est la seule rivière du département des Basses-Pyrénées ayant reçu son équipement piscicole complet.
Il comprend cinq stations d'élevage, une station centrale de pisciculture et de production d'oeufs, quatre stations de capture de reproducteurs, vingt stations volantes Mitchell, dix appareils Carajat, dix-huit bidons spéciaux de déversement.
Cet ensemble permet, en cas de besoin, de loger 700 000 oeufs et de produire au moins 400 000 alevins de trois mois permettant de suppléer presque complètement à une ponte naturelle.
Tout cet équipement très complet, destiné à un ensemble de rivières de 100 kilomètres dont 80 sont des eaux parfaites pour salmonidés, a coûté 69 640 fr. 60, y compris toutes les modifications dont la nécessité a été prouvée par une expérience aujourd'hui acquise.
Il est probable qu'actuellement un équipement analogue pourrait être réalisé avec 65 000 francs au maximum.
De 1925 à 1932 inclus, il a été mis en incubation 1 968 000 oeufs de salmonidés ; ils ont fourni 1 262 000 alevins de trois mois immergés dans la Nive et ses affluents.
Le tableau ci-après donne la répartition par année.
La dépense totale d'entretien a été de 60 406 fr. 65, comprenant les loyers, frais d'entretien, salaires, acquisition ou production des oeufs, nourriture des alevins, frais d'immersion.
Si l'on ajoute à ces dépenses le coût des oeufs au prix normal achetés en pisciculture (moyenne 30 fr. le mille), car un million d'oeufs environ bénéficièrent d'une subvention directe de l'Etat par l'intermédiaire du Fishing-Club, on voit que le prix de revient du millier d'alevins déversés est de 65 francs par notre méthode.
Or, en 1925, avec les anciens tarifs de transport par chemin de fer, le seul transport du millier d'alevins d'une pisciculture commerciale de la Dordogne était revenu à 76 francs, ce qui montre la nécessité pour notre région pyrénéenne de procéder par production directe.
Pour les petites rivières, nous ne saurions trop recommander les boîtes incubateurs Mitchell qui ont fait leur preuve en peuplant de truites communes les lacs et rivières du Kashmir dans l'Inde anglaise.
On trouvera en annexe les renseignements complémentaires.
La production des alevins de truite pour le repeuplement n'est qu'un des éléments du problème. Le plus important est ensuite la façon dont ces alevins sont immergés. Là encore, il n'est pas besoin de dire à des agriculteurs que la façon dont on sème est essentielle ainsi que le terrain du semis.
Les alevins doivent être mis dans les lieux mêmes où la truite eût cherché ses meilleures frayères, c'est-à-dire dans les eux pures, fraîches, à l'abri des fortes crues, des poissons carnassiers (truite adulte et poissons blancs) et des canards.
Les ruisseaux, les parties supérieures des rivières, les parties de rivière en amont des villes et usines, les sections non encaissées de la vallée (pour limiter les ravages des crues) sont les points d'élection de ces déversements.
L'alevin doit être ensuite immergé presque un à un pour éviter toute possibilité de rassemblement.
Cette dernière condition est primordiale.
En effet, le salmonidé a tendance à se grouper en bancs durant le jeune âge ; cette tendance est fortement accrue par les conditions de la pisciculture artificielle. Dans tous les bacs les petits poissons se tiennent toujours en masses compactes.
Ils prennent très rapidement l'habitude de la distribution de nourriture à heure fixe, habitude qui se révèle désastreuse durant les premiers jours de leur mise en liberté, et cela d'autant plus que leur séjour en pisciculture a été plus prolongé.
Lorsque l'on déverse ensemble une vingtaine d'alevins de deux à trois mois, leur premier mouvement est de se réunir en un petit banc et d'attendre paisiblement l'heure de la pitance. Ce petit banc est très visible et forme dans l'eau une traînée noirâtre.
Malheureusement, le soir même les truites adultes et les anguilles ont repéré les malheureux et les ont bien vite ingurgités. 95% des déversements finissent ainsi et c'est ce qui explique l'insuccès de nombreux repeuplements par jeunes alevins.
Immergés au contraire un à un à quelque dizaine de centimètres les uns des autres, les alevins commencent par se cacher sous quelque caillou, puis quand l'heure familière des distributions est bien passée, ils rayonnent autour de leur cachette pour prendre leur nourriture. Leur dispersion, leur besoin de s'abriter les soustraient aux rapaces.
Ils utilisent aussi au maximum le plancton microscopique véhiculé par l'eau.
La boîte Mitchell constitue une éleveuse où l'alevin trouve protection entrant et sortant pour chercher sa nourriture, puis se dispersant comme dans la nature.
Ce mode de déversement doit s'appliquer à tous les salmonidés, le saumon devant être nourri artificiellement le moins possible afin que toutes ses cellules se forment bien dans sa rivière natale, ce qui lui assurera son instinct migrateur.
Voilà le rôle des Sociétés de pisciculture pyrénéennes aidées par l'Administration des Eaux et Forêts. Cette dernière doit se réserver la partie la plus délicate : la capture des saumons reproducteurs et la production des oeufs de saumon jusqu'au stade de l'oeuf dit embryonné.
Au delà de ce stade, toutes les stations de pisciculture des Sociétés basco-béarnaises, aptes à l'élevage de la truite, se sont révélées excellentes pour le saumon.
Espèces à élever.
Les espèces à élever sont donc en premier lieu la truite commune et plus spécialement la variété indigène, issue de reproducteurs sauvages.
Il semble que, grâce à une longue accoutumance, les alevins issus de nos truites sauvages soient les seuls qui puissent supporter durant leurs dix premières semaines d'existence les brusques variations diurnes de température de l'eau dues à la fonte des neiges, fonte qui cesse chaque nuit, et qui provoque des oscillations considérables de température.
Plusieurs années d'expérience à Oloron ont confirmé ce point, obligeant à ne commander pour appoint en pisciculture dans le reste de la France que des oeufs de truite commune de ponte précoce, donnant des sujets déjà vieux de deux moins, au moins, lors des premières fontes de neige (oeufs éclosant fin janvier).
La truite arc-en-ciel a donné d'excellents résultats et montré ainsi l'inanité de la légende selon laquelle elle descendrait prématurément à la mer.
Ce fait ne doit se produire que si le milieu où l'on veut l'introduire ne contient pas assez de nourriture pour cette espèce particulièrement vorace. Mais dans le Saleys, près de Salies-de-Béarn, dans le Gave et le Vert, à Oloron, dans les Nives, l'espèce s'est bien maintenue.
Il y a lieu de tenir compte d'une part de ce que cette truite est très vorace et se fait prendre plus facilement que la truite commune ; d'autre part, que sa livrée devient presque toujours identique à celle de la truite commune dans les mêmes eaux et y est régie par le même mimétisme.
Les truites arc-en-ciel prises ou restant dans la rivière sont ainsi confondues avec les truites communes.
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TRUITE ARC-EN-CIEL |
Cette truite a d'ailleurs un autre rôle économique très important que nous verrons plus loin.
Le troisième salmonidé de nos rivières est le saumon ; c'est, sinon le plus répandu, du moins, à tous égards, le plus rémunérateur.
Sa pisciculture est assez délicate par le fait qu'il faut capturer des reproducteurs dans les rivières mêmes.
Le saumon des Gaves et de la Nive est presque le plus beau spécimen de sa race.
On ne peut nier, en le voyant, qu'il existe bien au moins une race spéciale de saumons par district, comme l'a démontré l'Inspecteur Royal des Pêcheries d'Ecosse, W. J. M. Menzies.
Le saumon de l'Adour est caractérisé par une croissance notable en mer durant l'hiver, ce qui n'est pas le cas des autres variétés et s'explique par la tiédeur hivernale des eaux du Golfe de Gascogne.
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PÊCHE AU SAUMON DANS L'ADOUR |
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