COUTUMES FUNÉRAIRES À IHOLDY.
La mort est un événement important dans les rituels du Pays Basque d'Antan.
Voici ce que rapporta à ce sujet le Bulletin du Musée Basque N° 37 1967, sous la plume de Jean
Haritschellar :
"Coutumes funéraires à Iholdy (Basse-Navarre).
Communication présentée par M. Jean Haritschelhar, directeur du Musée Basque de Bayonne, au colloque d'études ethnographiques Rocha Peixoto de Povoa de Varzim (Portugal), le 28 octobre 1966.
Avant même de présenter ma communication, je tiens à la dédier à deux ethnologues de renom ; l'un est celui en hommage auquel nous sommes réunis aujourd'hui, Rocha Peixoto, ce pionnier de l'ethnologie du Portugal du Nord dont nous célébrons le centenaire de la naissance ; l'autre est un pionnier de l'ethnologie de ma petite patrie basque et il porte allègrement ses soixante dix-sept ans, l'abbé José-Miguel de Barandiaran dont les travaux d'ethnologue et de préhistorien font autorité.
Présenter des coutumes funéraires est, semble-t-il, à l'heure actuelle, enfoncer des portes ouvertes. Des travaux ont déjà été entrepris au Pays Basque et en ce qui concerne la France il suffit de se reporter au Manuel du Folklore français contemporain de Van Gennep pour se rendre compte que des enquêtes très sérieuses ont déjà été menées. Dès 1927, sous la plume de A. Arçuby, le Bulletin du Musée Basque publiait des Usages mortuaires à Sare. Et D. Espain complétait pour la Soule la description faite pour Sare dans son article : Des usages mortuaires en Soule. Cependant on n'a rien publié sur la Basse-Navarre. D'autre part, et c'est là un travail auquel il faudrait s'attacher, une enquête extrêmement minutieuse devrait être menée dans chacun des villages du Pays Basque selon un questionnaire complet et il est probable qu'apparaîtrait alors une foule de coutumes légèrement différentes dans leur détail. Ce travail descriptif qui est celui de l'ethnographe, je l'ai entrepris pour la commune ou paroisse d'Iholdy, chef-lieu de canton de 600 habitants, situé au cœur de la Basse-Navarre, grâce à l'amabilité de mes informateurs, Arnaud Idieder âgé de 80 ans, maître de la maison Haranburia, mon oncle, Jacques Idieder âgé de 45 ans et sa femme Marianne Idieder, mes cousins, que je remercie très sincèrement.
La mort vient de frapper dans une ferme d'Iholdy en Basse-Navarre. Depuis quelque temps la vie s'était quelque peu ralentie. On était occupé auprès du malade tant que durait l'agonie. Le prêtre était déjà venu apporter les derniers sacrements. La maisonnée semblait déjà se terrer. La dernière heure ayant sonné pour le mourant, chacun en silence est allé faire ce qu'il devait faire. Les volets sont aussitôt fermés car la famille doit vivre cloîtrée dans l'ombre, cette ombre annonciatrice de celle de la mort, jusqu'au moment où le corps sortira de la maison. Elle doit vivre aussi dans le silence. En dehors des cris des animaux rien ne doit venir troubler le calme et le silence des veillées. C'est pourquoi le domestique ou toute autre personne s'est rendu à l'étable et il a ôté à chacune des bêtes les cloches et clochettes qu'elles portaient. Les bêtes aussi portent une manière de deuil. Mes informateurs ne connaissent pas la coutume qui consiste à avertir les abeilles. Il n'y a pas d'abeilles à Haranburia et ils n'en ont jamais entendu parler à Iholdy alors que cette coutume est connue dans d'autres villages. Quand, dans la ferme, il y a un domestique — c'était chose courante autrefois — on l'envoie avertir le premier voisin.
ECOLE IHOLDY BASSE-NAVARRE PAYS BASQUE D'ANTAN |
Le travail du premier voisin.
"Aujourd'hui encore, lehen auzoa, le premier voisin, joue un rôle prépondérant dans l'existence de chaque famille : il est une caution, un garant, un protecteur dans tous les événements de la vie journalière, aux fiançailles, au mariage, à la rédaction d'un testament, à son ouverture après la mort, il sert de témoin en justice, surtout il préside aux obsèques.
Cette définition de Philippe Veyrin reste toujours exacte. Dès que le premier voisin, homme ou femme, franchit le seuil de la ferme, il devient en quelque sorte le maître de maison temporaire. Seuls auront le droit de l'aider la servante ou le domestique ou d'autres voisins. Les membres de la famille rassemblés à la cuisine ne peuvent que lui donner des indications sur les endroits où se trouvent les objets qui lui sont nécessaires.
Son premier travail consiste à habiller le défunt. Si la personne décédée est une femme, c'est la femme du premier voisin ou toute personne du sexe féminin de la maison du premier voisin qui l'habillera. Si c'est un homme, ce sera le premier voisin lui-même. La loi des sexes est extrêmement rigide sur ce point. On met au défunt la chemise empesée des cérémonies ainsi que son meilleur costume qui était autrefois le costume noir qu'il portait les jours de fêtes et pour les enterrements. On n'oublie pas non plus les chaussures et, si on ferme son col par le bouton d'ordinaire en or, on ne lui met pas de cravate. S'il s'agit d'une femme elle est habillée de ses plus beaux atours.
On procède ensuite à la préparation de la chambre mortuaire : elle est tendue de draps spéciaux (hil mihisiak) qui servent uniquement à cette occasion. Le lit lui-même est garni de feuilles de rameaux qui sont placées de part et d'autre du corps. Sur la table de chevet sont installés un cierge, un petit récipient rempli d'eau bénite auprès duquel se trouve le rameau de buis (ezpela) qui servira à l'aspersion, et la veilleuse, verre contenant de l'huile surmontée d'une mèche.
Ce travail fait, le premier voisin ira avertir le curé qui décidera du jour et de l'heure de l'enterrement. Nanti de ces renseignements, le premier voisin avertira les autres habitants du quartier et en particulier les quatre ou six personnes qui, le jour de l'enterrement, porteront le cercueil (hil ketariak). Alors que le premier voisin retourne à la ferme car si les travaux des champs sont délaissés il faut cependant s'occuper des bêtes, faire préparer les repas et songer aux nécessités de la vie quotidienne, les hil ketariak ont pour mission de faire part du décès à toute la parenté. En des temps pas très lointains où le téléphone et le télégraphe, même s'ils existaient, n'étaient pas utilisés, c'est à pied, parfois à cheval, que les gens se rendaient dans les villages voisins pour avertir la nombreuse parenté. Mon oncle est allé à pied à Lantabat distant de huit kilomètres et même il a parcouru les 18 kilomètres qui séparent Ostabat d'Iholdy pour accomplir son devoir de voisin.
Le moment est venu pour le premier voisin, d'aller chercher solennellement la croix. Il existait autrefois deux croix ; l'une en or qui était pour les riches, l'autre, en bois, réservée aux pauvres. En fait, cette coutume correspondait aux différentes classes des cérémonies d'obsèques et elle a disparu après la guerre de 1945 avec l'établissement de la classe unique. Lorsque le porteur de croix sort de l'église le glas commence à sonner. Ainsi tout le bourg est alerté et souvent le village entier. Le bourdon résonne : trois coups assez rapprochés, repris une quinzaine de fois annoncent que la personne décédée est un homme. Le glas à deux coups signale que c'est une femme. Pour un enfant, au lieu du bourdon c'est la petite cloche qui sonne en des coups rapides et ininterrompus.
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EGLISE ET CHÂTEAU ELISABELLAR IHOLDY PAYS BASQUE D'ANTAN |
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