LES TANNEURS D'HASPARREN EN LABOURD.
A Hasparren, on connait surtout l'industrie de la chaussure mais une autre industrie existait aussi dans le Pays Basque d'antan : la tannerie.
CHAUSSURES ONA HASPARREN - HAZPARNE PAYS BASQUE D'ANTAN |
En effet, Hasparren possédait les trois éléments qui déterminaient l'implantation de la tannerie
dans une région : le tan, l'eau et l'élevage.
Le village possédait et possède toujours dans ses 550 hectares de bois et forêts une des essences
nécessaires à l'obtention du tannin, le chêne.
Par ailleurs, un réseau très important de ruisseaux (provenant pour la plupart du mont
Ursuia) et de cours d'eau traverse la commune.
Enfin, la matière première, le cuir, provenait en partie des troupeaux locaux ou était importé
du Portugal, de Hollande, du Canada ou de la République Orientale d'Uruguay en Amérique
du Sud.
Des textes anciens montrent l'existence de cette activité dès le 17ème siècle.
Les tanneurs et mégissiers ont pendant longtemps constitué l'une des principales professions
dans le village.
La plupart exerçaient en fait deux activités : laboureur et tanneur.
UN COIN DU CHAMP DE FOIRE HASPARREN - HAZPARNE PAYS BASQUE D'ANTAN |
Les tanneurs travaillaient des peaux lourdes dont les cuirs étaient réservés principalement
pour les équipements militaires ou les semelles de chaussures.
Les mégissiers traitaient les petites peaux d'agneaux, de moutons ou de chèvres et utilisaient de
l'huile de poisson pour les assouplir.
Ils se trouvaient pour la plupart au quartier d'Urcuray, tandis que les tanneurs étaient
disséminés sur toute l'étendue de la commune et plus particulièrement dans les quartiers de
Celhay (proche du mont Ursuia et de ses ruisseaux) et Urcuray (traversé par le ruisseau
"Urkoiko Erreka").
URSUYA HASPARREN - HAZPARNE PAYS BASQUE D'ANTAN |
Il s'en trouvait également quelques-uns au bourg, à proximité du cours d'eau appelé
"Yondonaneko ura ".
Certains possédaient un petit moulin qui leur servait à réduire en poudre l'écorce de chêne afin
d'obtenir le tan qui leur était indispensable.
Le matériel utilisé se réduisait à de simples outils manuels.
Tous devaient cependant posséder des fosses dans lesquelles séjournaient leurs peaux durant
de longs mois.
A l'arrivée des bateaux au port de Bayonne, des convois de bouviers s'y rendaient pour en
rapporter les cuirs verts nécessaires à l'activité des tanneurs locaux.
USINE ELECTRICITE ALSHUYA HASPARREN - HAZPARNE PAYS BASQUE D'ANTAN |
En 1831, cinquante et une tanneries existaient à Hasparren, la plupart n'employant que deux
ou trois personnes.
CASCARROTTES HASPARREN - HAZPARNE PAYS BASQUE D'ANTAN |
On recensait également à cette période neuf moulins à tan.
Au début du XIXème siècle, les Haspandars commencèrent à utiliser personnellement les
peaux tannées par les mégissiers et tanneurs pour en faire des chaussures.
Cette industrie de la chaussure allait prendre tant d'importance qu'elle allait devenir la
principale activité du village au 20ème siècle jusque dans les années soixante-dix.
Quelques années avant la Révolution on comptait à Hasparren : 442 laboureurs, 353 tisserands
et duranguiers, 270 cordonniers, 137 tanneurs, 13 chocolatiers et 32 marchands.
En 1856 on y dénombrait entre autres 591 personnes employées dans le textile, 869 personnes
travaillant dans la cordonnerie et 158 personnes vivant du tannage et du corroyage.
QUARTIER CHERRA HASPARREN - HAZPARNE PAYS BASQUE D'ANTAN |
En 1891, 860 hommes et 685 femmes étaient employés dans les industries du cuir (cordonnerie
et tannerie confondues) qui étaient la principale activité dans le village.
Le travail de la tannerie était pénible mais la plupart des tanneurs étaient aussi agriculteurs et
étaient donc accoutumés à l'effort.
De plus, cette bivalence professionnelle était presque naturelle puisque les paysans
produisaient dans leurs propres fermes la matière première qu'ils allaient ensuite transformer
: les peaux de bêtes.
Les produits étaient écoulés localement auprès des cordonniers mais aussi sur les marchés
environnants dont celui d'Hasparren.
RUE MONTANTE HASPARREN - HAZPARNE PAYS BASQUE D'ANTAN |
Voici les procédés artisanaux utilisés à l'époque où le village s'était spécialisé dans le tannage.
L'on commençait par extraire le tanin ou acide tannique (élément nécessaire pour le tannage)
de l'écorce du chêne.
Cette opération s'effectuait alors que l'arbre transpirait, quand il était "izerditan", en été.
Pour séparer l'écorce du tronc, on fendait l'écorce avec une hache.
On la frappait ensuite avec la tête de la hache puis on introduisait celle-ci dans la fente en
faisant levier pour faire sauter l'écorce.
On la mettait à sécher dans un endroit couvert et on la triturait pour la moudre et la réduire à
l'état de poudre.
Une fois le tannin préparé, on prenait une peau de vache que l'on plongeait dans une fosse
remplie de chaux et d'eau pour enlever les poils.
CHÂTEAU ET ETANG ZALDUA HASPARREN - HAZPARNE PAYS BASQUE D'ANTAN |
La fosse avait la forme d'un carré d'un mètre de côté et d'un mètre de profondeur.
Elle pouvait être simplement creusée dans le sol ou alors était construite sur le sol et limitée par
un mur en maçonnerie d'environ un mètre de haut.
Tous les jours - durant dix jours - il fallait enlever la peau, remuer l'eau et la replonger dans la
fosse.
Quand les poils tombaient, ils étaient retirés à l'aide d'un couteau.
Le cuir passait alors dans une autre fosse de même dimension mais uniquement remplie d'eau.
Il y perdait la chaux dont il était imbibé et le tanneur pouvait ensuite retirer les morceaux de
chair qui adhéraient encore à la peau.
QUARTIER DE HASQUETTE HASPARREN - HAZPARNE PAYS BASQUE D'ANTAN |
Puis les fosses étaient plus étroites et plus profondes : 1,5m de profondeur.
Elles étaient remplies d'eau et de tannin. Il fallait enlever le cuir deux fois par jour, bien
remuer le tanin et y replonger les peaux.
Le résultat final était bien meilleur si l'opération était effectuée trois fois au lieu de deux.
On changeait le tanin des fosses tous les six jours.
Ce processus pouvait durer entre deux mois et demi et trois mois selon l'épaisseur du cuir.
Pour savoir si le tanin avait bien pénétré le cuir, l'artisan faisait une entaille dans la partie la
plus épaisse à l'aide d'un couteau.
Si une raie blanche apparaissait, il fallait continuer.
PLACE DE L'EGLISE HASPARREN - HAZPARNE PAYS BASQUE D'ANTAN |
Lorsque le tanin avait bien pénétré, le tanneur passait une graisse spéciale de couleur jaune sur
le cuir, le laissait sécher puis le nettoyait.
On pouvait alors préparer les différents produits pour lesquels le cuir avait été tanné (souliers,
outres…).
Outre les peaux de bovins, l'artisan tanneur travaillait également les peaux de brebis, de
moutons et de chèvres.
Sur la peau mise à tremper, il jetait de la pierre d'alun, de la poussière et un peu de sel.
Il ramassait la peau et la laissait ainsi durant cinq ou six jours avant de la plonger dans une
fosse remplie d'eau chaude salée et de pierre d'alun qui s'y diluait peu à peu.
Lors de l'étape suivante, la peau était séchée et nettoyée.
Certaines familles ont créé de véritables dynasties de tanneurs présentes du 18ème au 20ème
siècle : Narcisse Choribit créa une tannerie dont ses descendants poursuivirent l'activité
jusqu'au Chili.
COLLEGE ST JOSEPH HASPARREN - HAZPARNE PAYS BASQUE D'ANTAN |
D'autres tanneurs disposant d'établissements conséquents furent furent Pierre Domec,
Hippolyte Garat, Saint Martin Lissarrague et Habas.
Le déclin de l'activité s'opère à partir de 1860-1870 à cause d'une épidémie d'oïdium ayant
affecté les chênes de la région et d'une inadaptation aux techniques modernes de tannage.
Les recensements opérés localement tout au long du 19ème siècle confirment cette situation :
Hasparren comptait 137 tanneurs en 1804, 158 en 1856 et 66 en 1881.
Ils n'étaient plus que 14 en 1911.
Hasparren n'a jamais franchi le cap du tannage au chrome et la tannerie n'est pas passée au
stade industriel.
HÔTEL GASCOÏNA HASPARREN - HAZPARNE PAYS BASQUE D'ANTAN |
On retrouvera beaucoup des tanneurs ayant perdu leur emploi parmi les émigrants.
Certains étaient embauchés directement par d'autres émigrants venus les chercher au village
pour travailler dans les tanneries qu'ils exploitaient à Cuba, au Mexique, en Argentine, en
Uruguay ou au Chili.
(Source : http://www.hasparren-histoire.fr/industrialisation-1.html)
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