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jeudi 14 décembre 2017

LES FÊTES TRADITIONALISTES "ANTOINE D'ABBADIE" À TARDETS - ATHARRATZE EN SOULE AU PAYS BASQUE EN SEPTEMBRE 1908


LES FÊTES TRADITIONALISTES DE TARDETS EN 1908.


Après son retour d'Ethiopie, en 1850, Antoine d'Abbadie décida de se consacrer pleinement à la culture Basque. 

pays basque 1908
PASTORALE 1908 TARDETS - ATHARRATZE
PAYS BASQUE D'ANTAN


Dès 1851 à Urrugne, il institua des concours annuels de pelote et de bertsu (versification en 

Basque).

Rapidement, ces jeux s'étendirent aux sept provinces Nord et Sud du Pays Basque.

Ces grandes fêtes Basques furent baptisées Lore Jokoak (Jeux Floraux).

Chaque année était désignée une commune Basque pour accueillir ces rencontres populaires 

qui insufflèrent un renouveau dans l'identité et la culture euskaldun.

Ces concours avaient lieu dans le cadre des fêtes patronales des communes désignées ou 

volontaires pour les accueillir.

Les treize premières années, de 1851 à 1863, c'est Urrugne qui organisait ces rassemblements 

ludiques et populaires.

Puis, ce fut le village de Sare qui lui succéda à partir de 1863 jusqu'en 1876.

Par la suite, les Jeux Floraux, connaissant un franc succès, furent exportés de village en village 

de part et d'autre de la frontière et survécurent une trentaine d'années après le décès de 

d'Abbadie.


Voici ce qu'en rapporte le Journal des Débats Politiques et Littéraires, dans son édition du 16 

septembre 1908, sous la plume de Charles Bordes :


"Les fêtes tradttionnalistes "Antoine d'Abbadie" à Tardets. 



Depuis plus de cinquante ans, des fêtes de la tradition basque sont données annuellement au pays basque, tant français qu'espagnol, grâce à la libéralité de feu M. Antoine d'Abbadie, membre de l'lnstitut. De son vivant, très jaloux de son initiative, M. d'Abbadie surveillait lui-même sa manifestation traditionaliste et la présidait. Depuis sa mort, l'institut de France, héritier de sa fortune et dispensateur de ses charges remplit celle qui lui est assumée de continuer régulièrement et fidèlement la fondation en distribuant annuellement et à tour de rôle à un village basque, français et espagnol, la somme de 1 500 fr. allouée par la fondation au comité local chargé d'établir le programme des fêtes et d'en surveiller l'exécution.



PAYS BASQUE D ANTAN
CAVALCADE DE LA PASTORALE A TARDETS - ATHARRATZE 1908
PAYS BASQUE D'ANTAN 

Cette année le centre choisi fut Tardets, chef-lieu de canton de la Haute-Soule, Tardets, véritable cœur de la tradition souletine, admirable village échelonné sur la rive droite du Saison, le dernier gave pyrénéen aux eaux claires et bondissantes ; animant une des plus riantes et des plus intimes vallées de la chaîne pyrénéenne : la Soule étendue au pied du pic d'Anie qui est en même temps que la première cime importante des Pyrénées comme le pivot, véritable pierre précieuse, ciselée d'argent de cet éventail posé à demi ouvert sur la chaîne pyrénéenne et dont les bras sont comme autant de vallées dont l'ensemble forme les divers pays basques, français et espagnols; renfermant, repliée sur elle-même, comme cachée aux regards, une des races les plus particulières et les plus anciennes de l'Europe dont les origines perdues dans la nuit des temps ne seront jamais peut-être définitivement fixées. 



Les fêtes promettaient d'être cette année plus particulièrement intéressantes par le fait même que la région choisie : la Soule est sans contredit celle où les traditions basques sont demeurées les plus vivantes. 



Ce n'est pas qu'au Labourd que caressent les vagues de l'Océan, qu'en Basse-Navarre, la plus espagnole peut-être des provinces basques françaises avec sa petite capitale, Saint-Jean-Pied-de-Port, joyau d'art militaire louis quatorzième, enserrant des rues étroites aux balcons forgés où l'empreinte de la mère patrie n'a pu être effacée encore, on ne conserve aussi jalousement les traditions ancestrales qu'en Soule. Le fait est là ; tandis qu'ailleurs, sauf les hautes traditions religieuses et morales qui sont comme la cuirasse de l'âme basque inviolée, on oubliait plus facilement danses et chansons, dans ces hautes vallées, chez ce peuple pasteur, grâce aussi à la subtilité, la légèreté d'esprit et aussi la fantaisie de cette partie de la population basquaise, la joie du plaisir aidant, le respect de certaines traditions est demeuré comme un devoir et c'est avec le plus grand plaisir que j'ai constaté que loin de s'éteindre et grâce à des initiatives privées locales des plus louables, la tradition n'est jamais demeurée plus vivante et plus respectée. Nous assistons même à une véritable renaissance du goût et de la tradition populaire. Laus deo 



pays basque avant
PASTORALE TARDETS - ATHARRATZE 1908
PAYS BASQUE D'ANTAN


J'ai quelque droit à connaître, bien qu'étranger au pays, la région basquaise, l'ayant parcourue à plusieurs reprises, makila à la main, à la recherche des chansons populaires. Je puis dire que jamais je n'y ai trouvé plus de danseurs, plus de chanteurs, et une émulation plus vivace pour le maintien des traditions qui sont les apanages les plus séduisants de cette race subtile et sérieuse à la fois qui sait se défendre et y parvient. 



Les fêtes de Tardets durèrent deux jours (30 et 31 août) elles comprenaient. : la première journée, les devoirs religieux une fois accomplis, un grand concours de danseurs et un concours de chanteurs et de chansons ; la seconde journée, une partie de pelote à la longue, la représentation d'une pastorale héroïque, les Basques à Roncevaux, et un concours d'improvisateurs et d'irincinas, ancien cri de guerre des Basques encore en usage parmi les pasteurs.




Jamais je ne vis sur une estrade villageoise plus de danseurs réunis (il y avait même des enfants, ce qui est une initiative excellente, pour perpétuer les danses). Il en vint de toute la Soule, non pas les danseurs ordinaires des fêtes locales, tout le monde danse au pays basque, mais des danseurs choisis, éprouvés, les coryphées de chaque village et tous rivalisèrent de légèreté et d'entrain dans ces nombreuses danses traditionnelles dont l'ensemble forme le Saut basque.



Ce n'est pas que ces danses me paraissent très anciennes, de deux ou trois siècles tout ou plus ; car toutes, ou presque toutes, échappées de nos ballets de cour ou d'opéras furent transportées, je crois, au village et s'y sont maintenues et perpétuées grâce à une précision toute chorégraphique qui défie toute comparaison avec l'art du théâtre. On s'y plaint de la pénurie des danseurs masculins, mais allez au pays basque, messieurs les directeurs de théâtre, fondez-y des écoles de danse; vous y trouverez plus que vous ne voudrez de sujets pour alimenter vos ballets prétendus artistiques. C'est merveille même, combien vos traditions presque professionnelles, se sont conservées chez ces danseurs pasteurs. 



Ils étaient vingt-cinq au moins à Tardets, tous merveilleux, travestis de couleurs voyantes. Combien je les eusse préférés dansant sur une prairie, dans leur costume de chaque jour, leur petite blouse courte bleu marine, qui laisse à découvert toutes leurs jambes et même, flottant, leurs hanches souples, vêtement qui convient si bien à la danse. Je n'oublierai jamais l'impression que j'ai ressentie d'un saut basque que je me fis donner par douze danseurs agiles et beaux comme l'antique, à l'orée d'un petit bois, sur une prairie, dans une fête de quartier en 1800, après avoir dûment demandé l'autorisation du curé après vêpres, car la danse au pays basque, même entre hommes, n'est que tolérée par l'autorité ecclésiastique. La danse fut suivie, comme à Tardets, d'une avalanche de chansons ; car, lorsque le Basque commence à chanter, la nuit est trop courte, et les tonneaux se vident avec les mémoires. 



Oh ! les exquises soirées passées au coin de l'âtre dans ces petits cabarets fumeux, entouré de toute cette saine et vaillante jeunesse, le crayon et le papier rayé à la main, tandis que la rafale hurlait au dehors et que les vitres ruisselaient de pluie, car il pleut beaucoup au pays basque et l'odieuse compagne aux doigts verts a bien failli compromettre la fête à Tardets. Ce fut sous l'averse et les parapluies ruisselants que nous entendîmes voix et chansons. On y remarqua pourtant bon nombre de ténors (haute-contre), autre rareté qui ne se trouve plus au théâtre et qui foisonne au pays basque pour le bien des directeurs qui s'aviseraient de reconstitutions d'opéras des dix-septième et dix-huitième siècles français. N'oublions pas que nous sommes au pays de Jeyliotte et de Garat et que c'est encore en Soule que nous trouverions les voix rares pour chanter Abenis de Zoroastre ou Renaud d'Armide, et danser les airs des Athlètes de Castor ou des Scythes d'lphigénie. Ce serait curieux d'étudier de près la profonde impression que semble avoir fait sur la tradition populaire basque, danses et chansons, nos opéras français du dix-huitième, rapportés probablement au pays par les Basques attachés au service des grandes familles d'alors. 



Le lendemain, le soleil brillait du plus pur éclat, la Vallée de Tardets était majestueuse et belle. Les montagnes semblaient vues à travers le cristal. Une journée idéale pour la partie de pelote du matin et la pastorale de l'après-midi. Je ne veux pas vous décrire l'une et l'autre. Je vous dirai seulement que la pastorale est un drame, populaire représenté par des paysans, sorte de mystère ayant conservé, plus que tout autre, ses racines ancestrales. L'énumération seule des diverses catégories de personnages en est une preuve. Dans les anciennes pastorales traditionnelles, les personnages étaient de trois sortes. 


Surnaturels, représentés par l'ange qui sert d'intermédiaire entre le ciel et les acteurs, des Satans qui sans cesse agités et dansants, les harcèlent et leur conseillent le mal. 



PAYS BASQUE AUTREFOIS
DANSE DES SATANS TARDETS - ATHARRATZE 1908
PAYS BASQUE D'ANTAN

Hiéraliques, incarnés par deux groupes de rois dits chrétiens et infidèles, vêtus de costumes traditionnels bleus et rouges et se livrant des combats mutuels pour la défense du bien et du mal, véritables intermèdes chorégraphiques de la tragédie. 

Réels ou personnages divers de l'action représentée, revêtus de costumes les plus hétéroclites trouvés au petit bonheur dans toutes les garde robes les plus surannées du village et débitant la tragédie non à la façon du théâtre moderne mais en quatrains, en vers que les personnages se renvoient à l'avant-scène en guise de strophe et antistrophe tout en marchant de gauche à droite et sur une psalmodie uniforme, dernier vestige des anciennes mélopées médiévales assez voisines du débit des préfaces de la liturgie. Le geste reste sobre et tout hiératique, les satans et les rois infidèles ayant seuls le privilège de la dynamie et de l'agitation scénique. 


La pastorale jouée à Tardets était de facture moderne ; mais, tout en conservant bon nombre de conventions scéniques ancestrales, on négligea à tort quelques autres. C'est ainsi qu'aux costumes souvent grotesques dont nous parlions tout à l'heure furent substitués ceux d'un grand costumier de Bordeaux et que défilèrent devant nous, à propos de Roland à Roncevaux, tous les costumes de Sigurd. 


Nous ne fûmes pas blessés outre mesure de cette substitution mais nous déplorâmes que les rois chrétiens et infidèles d'antan n'aient pas conservé leurs costumes d'autrefois et surtout leur rôle médiéval de champions du bien et du mal qui eussent conservé à l'interprétation de la représentation toute sa ferveur traditionnelle. Due à la collaboration adroite et respectueuse quand même de deux basquisants, véritables servants de la tradition, M. Clément d'Andurain de Mauléon pour le scénario et l'idée directrice, et M. le curé de Menditte, lettré basque qui transposa en vers du plus pur dialecte souletin le texte français de son jeune et enthousiaste collaborateur. Quelle qu'elle soit, la pastorale, toute contemporaine, des Basques à Roncevaux Uskaldunak lbanietan (tel en est le titre basque) demeure à certains points de vue une œuvre originale et élevée qui n'a pour but dans l'idée des auteurs que l'exaltation de sentiments purement euskariens poussés jusqu'au séparatisme de race


A ce point de vue, la tentative intelligente et enthousiaste de M. Clément d'Andurain est intéressante. Ce jeune auteur, passionné des choses de sa terre et de sa race, vient de réaliser un effort des plus louables et l'on peut lui tenir rigueur d'avoir, de nos jours, ajouté une pastorale de plus aux nombreuses pastorales qui se jouaient dans les villages depuis longtemps. Peut-être assistons-nous à l'aurore d'un théâtre national, euskarien. On doit donc louer, louer grandement l'initiative de M. Clément d'Andurain, qui a le grand mérite d'exalter une forme d'art des plus curieuses et des plus recommandables et la faire servir à l'exaltation des sentiments élevés de sa race qu'il aime d'un amour vraiment touchant et désintéressé. On ne saurait trop remercier ces quelques jeunes hommes de la société dirigeante du pays qui, pour une fois, comprennent leur devoir, M. le docteur Constantin, de Tardets entre autres, l'admirable et désintéressée cheville ouvrière de toute cette renaissance en Soule, organisateur de la fête de Tardets. Remercions-les tous d'avoir compris qu'en régionalisme il y a des joies plus hautes à se livrer à ces plaisirs artistiques ruraux qu'à ceux que procurent les luttes politiques ou de clocher toujours absorbantes et desséchantes surtout qui ne font que diminuer un peuple et lui enlever toute sa fleur de poésie et d'amour. 


J'aurais pu vous donner le plan de la pastorale des Basques à Roncevaux, qui veut expliquer et indemniser au profit des Basques le guet-apens fameux où le preux Roland, en engendrant la poésie française, trouva la mort dans le défilé d'lbaneta. C'eût été allonger cet article. Les Basques sont un peu de grands et délicieux enfants. Complaisons-nous à leurs jeux quand ils s'ont aussi réussis que ceux de Tardets l'autre jour. Ecoutons aussi comme eux debout, béret en main, leur chant national de Guernicako Arbola et leurs irrincinas guerriers, et clamons avec eux leur Biba Eskualduna, en élevant nos verres à la santé des sept provinces en une, tant françaises qu'espagnoles. Zaspiakbat ! Ce sont des jeux, de nobles jeux d'enfants terribles."



(Source : http://www.archives-abbadia.fr/notice_thematique_28.htm)






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