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mercredi 20 novembre 2024

LE TRIBUT DES TROIS GÉNISSES ENTRE LE BÉARN ET LA NAVARRE AU PAYS BASQUE EN 1926 (première partie)

LE TRIBUT DES TROIS GÉNISSES.


La Junte de Roncal est une cérémonie multiséculaire, connue sous le nom de Tribut des Trois Vaches, qui est célébrée le 13 juillet de chaque année, au niveau de la borne internationale 262, marquant la frontière entre la France (Pyrénées Atlantiques) et l'Espagne (Navarre).




pais vasco antes frontera navarra béarn vacas
JUNTE RONCAL NAVARRE 
PAYS BASQUE D'ANTAN


Cette cérémonie a lieu au col de la Pierre Saint-Martin, à 1 760 mètres sur la commune d'Arette.

A cette occasion, les maires béarnais de la vallée de Barétous remettent à leurs homologues de la vallée de Roncal trois vaches en vertu d'un traité vieux de plus de six siècles, considéré comme étant le plus ancien actuellement en vigueur en Europe.

Cette cérémonie est inscrite à l'Inventaire du patrimoine culturel immatériel en France depuis 2014.



Voici ce que rapporta à ce sujet le mensuel La Grande Revue, le 1er septembre 1926, sous la plume 

de John Labusquière :


"Le Tribut des trois génisses (A la Frontière Franco-Espagnole).



Tandis qu'au dehors la bise gémit sa glaciale, morne mélopée ; que la terre ensemencée, les pâturages, les landes, les forêts sommeillent sous le blanc linceul de la neige ; que les troupeaux rentrés et blottis dans les étables s'étalent sur la maigre litière, ruminant, meuglant, bêlant, rêvant à la saison estivale qui les remettra en liberté, les villages, hameaux pyrénéens accrochés aux flancs escarpés des montagnes ou tapis dans d'étroits vallons, semblent participer à l'engourdissement de la nature. Sous le manteau de vastes cheminées où, tout à tour, entre voisins, on se groupe pour la veillée, dans l'âtre, entre de vieux landiers, lentement brûlent, se consument des souches de chêne, de hêtre, de sapin. Ces veillées paysannes s'illustrent de chants naïfs, de contes savoureux, pittoresques, de légendes narrés par quelque ancien, dans le patois local. De ces récits, le plus curieux, sans doute, est un épisode historique dont les origines sont "immémoriales". Chaque hiver le thème s'en répète, non sans provoquer de dolents soupirs ou des exclamations haineuses, dans quelques bourgs, villages, hameaux des deux vallées que sépare la frontière, celle de Barétous (Basses-Pyrénées), celle de Roncal (Navarre) : Le tribut des trois génisses.




pais vasco antes frontera navarra béarn vacas
JUNTE RONCAL NAVARRE 1906
PAYS BASQUE D'ANTAN

Non seulement cet épisode se narre avec son enveloppe légendaire, mais encore il reparaît avec sa manifestation réaliste, car, chaque année, le 13 juillet, dans une cérémonie d'allure quasi officielle, publique, en plein air, il se déroule, ravivant les souvenirs.



Pour si infime qu'il apparaisse, parmi la tourmente fréquemment angoissante des conflits qui agitent le monde, il est un témoignage de loyale fidélité, certains la qualifient d'excessive, à un engagement de paix, d'entente, contracté, il y a des siècles, par des villages du Béarn envers des bourgs de la Vascongada Navarre (vallée de Roncal). A la suite de fréquentes, sanglantes querelles surgies entre bergers, des villages français durent se soumettre à des conditions assez humiliantes, relativement onéreuses. Ils n'ont cessé d'observer la foi jurée, car, pour eux, un acte portant les signatures de leurs "anciens" n'est pas un chiffon de papier. Cependant, ils n'ont rien perdu de leur antique fierté, les voisins et amis des Basques français qui, lors du premier voyage de Napoléon 1er à Bayonne, avaient dressé, en son honneur, un arc de triomphe portant cette hautaines inscription : Au vainqueur invincible, les Cantabres invaincus !



Qu'est ce tribut des trois génisses ? Quelles sont ses origines, ses causes ?... Dans quelles conditions se déroulait et se déroule, encore de nos jours, la cérémonie au cours de laquelle il s'acquitte ? Tel est le but de cette étude.



D'abord, quelle est la situation géographique des deux vallées en cause ? Quels sont leurs caractères principaux, leur importance, leur population ?



La vallée française de Barétous est située à l'extrémité sud du département des Basses-Pyrénées (arrondissement d'Oloron), débutant à Oloron-Sainte-Marie et finissant à la frontière. C'est la première vallée béarnaise à l'est du pays basque. Elle fait partie du canton d'Aramitz (l'un des deux villages, l'autre est Athos, dont Alexandre Dumas se servit pour créer et baptiser les populaires compagnons du gascon d'Artagnan). En vallées, en vallons, en gorges abruptes, en cimes altières, en pentes escarpées d'où descendent des ruisseaux rapides que les orages, la fonte des neiges transforment en torrents impétueux dont l'un, le Vert, va se jeter dans le gave d'Oloron, l'autre le Lourdios, dans le gave d'Aspe, la vallée s'allonge jusqu'à la frontière où elle rejoint celle de Roncal. Dans la vallée de Barétous, l'agriculture est à action très limitée, par le caractère même du sol, par la rudesse du climat ; les labourables y sont rares et le labour fort pénible ; les pâturages fournissent une herbe courte et peu savoureuse. Toutefois, l'élevage y constitue la principale ressource ; sa race bovine est appréciée, sa race ovine est l'élément principal, essentiel. La population oscille entre 5 500 et 6 000 habitants.




pais vasco antes frontera navarra béarn vacas
JUNTE RONCAL NAVARRE 
PAYS BASQUE D'ANTAN



La vallée a son histoire qui offre un vif intérêt, dont l'exposé, même sommaire, entraînerait trop loin, débordant le cadre de cette étude. Disons, cependant, qu'elle a subi les répercussions de toutes les combinaisons, de tous les accords, conflits politiques qui, à travers les siècles, ont touché à la vie de la Navarre et de la principauté de Béarn. Depuis les temps les plus reculés elle était régie par un for qui fut confirmé, en 1220, par le vicomte de Béarn, Guilhem Ramon de Moncade. Ce for dont le texte complet n'a pas été conservé créait une situation particulière à la vallée.



En fait, le for établit que les habitants de la vallée doivent jouir des mêmes droits que ceux de la vallée d'Aspe et qu'ils sont obligés de se joindre à eux, en cas de guerre. Il fixe le nombre des otages que chaque communauté doit fournir au vicomte, en cas de plainte contre la vallée et le vicomte s'engage à rendre justice à Oloron. En 1385, la vallée ressortissait au bailliage d'Oloron ; au 18ème siècle elle ressortissait à la même maréchaussée, au parlement de Pau et à l'intendance d'Auch. Les communautés appartenaient au roi, sauf le village d'Issor, propriété de la Toulade, baron de Laas. Mais ce qui différenciait sa constitution administrative de celle des autres vallées, c'est que, au moyen-âge, elle n'était pas gérée par des jurats élus, représentant la population. Ses jurats exerçaient au nom du vicomte, plus tard au nom du roi, la justice politique, civile, criminelle sur tous les habitants des cinq villages. Ils formaient une cour qui siégeait à Aramitz, chef-lieu de la vallée, elle se composait de douze membres, soit quatre pour Aramitz, cinq pour Arette, un pour Lanne, un pour Féas, un pour Ance."



A suivre...



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samedi 17 août 2024

LE CULTE DE LA DANSE EN SOULE AU PAYS BASQUE EN 1909

LE CULTE DE LA DANSE EN SOULE EN 1909.


Les danses souletines sont parmi les plus anciennes du Pays Basque et sont d'une grande diversité.




compositeur france pays basque soule danses
COMPOSITEUR CHARLES BORDES


Voici ce que rapporta à ce sujet le quotidien Comoedia, le 6 septembre 1909 :



"Le Culte de la Danse en Soule.



A propos des Fêtes Traditionnelles basques données à Saint-Jean-de-Luz les 29 et 30 août et des danses souletines exécutées à cette occasion, nous recevons cette note de M. Charles Bordes, fondateur des "Chanteurs de Saint-Gervais" et Directeur de la Schola Cantorum : "De toutes tes provinces basques, la Soule est peut-être celle où l'amour de la danse est le plus vivant, le plus respecté, le plus aimé, entretenu avec un véritable culte par toute une jeunesse belle, saine, ardente et souple qui maintient comme elle le peut et par la seule force et le respect de la tradition, les divertissements chorégraphiques que leur ont légué leurs ancêtres. 



chanteurs musique schola cantorum pays basque soule
FONDATEURS DE LA SCHOLA
CHARLES BORDES
VINCENT D'INDY ET GUILMANT


"Chargé autrefois, et à plusieurs reprises, par le Ministère de l'Instruction Publique de mission au Pays Basque afin d'en recueillir les traditions populaires et surtout les chansons, je fus frappé à la vue des danseurs Souletins non seulement de leur agilité mais de la complication apparente de leurs pas, de leur correction et surtout du soin qu'ils prenaient à en surveiller l'ordonnance. C'était le temps des beaux danseurs, il y a déjà vingt ans. Ces traditions chorégraphiques comme toutes les traditions dites populaires, les chansons, les contes de veillées, les Pastorales, étaient les vestiges d'œuvres de lettrée et musiciens reconnus, de chorégraphies consacrées, dont la tradition populaire s'était emparée pour les déformer peut-être, les ennoblir souvent, les réincarner en leur donnant la marque du milieu et de la race où elles s'étaient réfugiées. Frappé des racines que cette chorégraphie toute populaire semblait prendre dans nos traditions françaises de la danse de théâtre aux XVIIe et XVIIIe siècles qui, du théâtre, s'étaient transportées dans les écoles de danse de régiment comme il en existait autrefois, ce qui fut un bienfait, pour enfin venir échouer au village dans de lointaines vallées pyrénéennes du Pays Basque où elle fleurit encore pour le régal de nos instincts plastiques et de nos yeux, au lendemain de la dure leçon que les danseurs russes du ballet impérial de Saint-Pétersbourg sont venus nous donner ce printemps, alors que chez nous la danse par les hommes est absolument discréditée et oubliée au théâtre, il m'est venu l'idée un peu saugrenue mais originale quand même de prouver qu'il existait en France un pays, le Pays Basque, où la danse par les hommes est encore vivante et respectée. Je rêve donc, après avoir fait exécuter à ces jeunes gens leurs danses traditionnelles basques d'adapter ce qui leur reste de traditions françaises de chorégraphie d'Art aux rythmes du célèbre ballet des Scythes d'Iphigénie en Tauride du grand Glück ; ballet dansé au XVIIIe siècle par les seuls hommes que l'on remplace souvent à notre époque par de vulgaires travestis.



Je me suis attaché pour cette tentative de reconstitution, un homme de l'art vieilli dans le métier, M. Rougier, qui fût un de nos derniers danseurs de théâtre et fût longtemps maître de ballet. Il vint à Tardets, et c'est le fruit un peu hâtif de quelques jours d'études en plein pays basque sur un groupe de jeunes gens intuitifs et passionnés que nous venons vous présenter aujourd'hui.



Soyez indulgents à la hardiesse de la tentative et au résultat obtenu. Puissent-ils prouver l'excellence de la danse masculine au théâtre, et faire germer à la suite de ces fêtes la nécessité de créer, en plein pays basque, à Tardets, une école de danse pour enfants et jeunes garçons susceptible de devenir plus tard une pépinière de danseurs de théâtre qui, élevés à la fois dans l'amour et le respect de leurs danses traditionnelles locales et de l'art chorégraphique de nos grands Maîtres de l'Opéra français seraient appelés à devenir peut-être un jour, comme au XVIIIe siècle, des Vestris, ou comme de nos jours en Russie, des Niginsky ou des Folkine."






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mercredi 24 juillet 2024

LA GRANDE JOURNÉE BASQUE DE DOMEZAIN EN SOULE AU PAYS BASQUE EN SEPTEMBRE 1938

LA GRANDE JOURNÉE BASQUE DE DOMEZAIN EN SEPTEMBRE 1938.


En 1902, est créée au Pays Basque Eskual Zaleen Biltzarra (la Société des Bascophiles).



pays basque langue congrès basse-navarre
EUSKALTZALEEN BILTZARRA




Voici ce que rapporta à ce sujet le quotidien La Gazette de Biarritz-Bayonne et Saint-Jean-de-

Luz, dans plusieurs éditions :


  • le 7 septembre 1938 :



"Les Amis du Basque.



Depuis quelques jours on ne parle partout que du Congrès de Domezain, organisé par les "Amis du Basque", et qui aura lieu le 15 septembre. 



Mais qu’est-ce au juste que ce Congrès ? Disons immédiatement qu’il n’a aucune pensée ni arrière-pensée politique, ni philosophique. La seule préoccupation de l’Eskualzaleen-Biltzarra (c’est son nom euskarien), c’est le maintien de la langue basque



Les Bascophiles veulent lutter contre l’indifférence ou la malveillance dont leur langue est souvent plus que menacée. 



Pour cela, un Comité très actif se réunit tous les trois mois pour faire le point : il note les livres, travaux, articles qui ont trait à l’étude ou à la propagation de la langue ; il félicite les initiatives heureuses ; blâme au besoin les procédés attentatoires à la liberté linguistique ; intervient auprès des pouvoirs publics ou des autorités privées pour le plus grand bien de l’eskuara



D’autre part, il organise des concours interscolaires qui connaissent le plus grand succès. Notons par exemple qu’en 1938, soixante et onze travaux ont été remis par les élèves de l’enseignement secondaire (de la 3e à la philosophie), et que l’enseignement primaire a fourni mille huit cent quarante-quatre (1844) copies basques. L’enseignement supérieur n’a donné qu’une dizaine de rédactions. 



Enfin, pour mieux assurer sa propagande et élargir son recrutement, l’Association organise chaque année une grande journée populaire de fraternité basque, où tous les partis et toutes les opinions se coudoient sans se heurter et où tout le monde est heureux de défendre et de chanter sa langue millénaire. Voilà exactement ce qu’est ce fameux Congrès de Domezain."



  • le 12 septembre 1938 :

"Mauléon. 

La grande journée basque de Domezain.



Nous lisions dernièrement dans un article qui recommandait le Congrès de Domezain : "Oui, allons saluer Amikuze, ce beau fleuron de la Basse-Navarre..." Nous ne voyons aucun inconvénient à ce l'on tire son chapeau ou son béret en l'honneur du Pays de Mixe et nous croyons aussi que la région de Saint-Palais est un magnifique fleuron de la couronne Bas-Navarraise. Mais la vérité est que Domezain n’est pas en Basse-Navarre, mais en Soule, quoiqu’on l’ait rattaché au canton de Saint-Palais pour la commodité des affaires. Nous autres, Souletains, n’avons aucune envie de renoncer à la fraternité souletine et les Domintchaindars peuvent compter sur nous pour la journée du 15 septembre. "Biba Chuberotarrak !". 



Voici le programme de la grande journée basque du 15 septembre : 


A l’église : 10 heures (heure légale), messe basse, cantiques basques, allocution de S.E. Mgr Saint-Pierre en labourdin classique. 


A l'école : 11 heures. 1) Réception par M. le Maire ; 2) Mot du président ; 3) Rapport moral ; 4) Rapport financier ; 5) Election d'un vice-président ; 6) Echange de vues ; 7) Causerie d'histoire locale, par M. Etchecoin. 


Chez Echalut : 12 h. 30, banquet. — Menu : Potage, piperrade au jambon, sauce de canard aux olives, rôti de veau avec haricots, salade, fromage, fruits, calé, liqueurs. Au cours du banquet : chansons de masse, chanteurs individuels, improvisateurs populaires. A la fin toasts du président et d'un orateur prudemment prévenu. Chant du : "Gernikako arbola". 


A la place : 16 h. 30, partie de pelote à mains nues. 



Le comité prie les congressistes de venir à Domezain avec beaucoup d’appétit et de bonne humeur ! Il invite tout particulièrement la jeunesse."



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vendredi 16 février 2024

AU "PAYS DES BASQUES" DE GAËTAN BERNOVILLE EN MAI 1934 (première partie)

AU "PAYS DES BASQUES" EN MAI 1934.


Gaëtan Bernoville, né le 6 novembre 1889 à Saint-Jean-de-Luz (Basses-Pyrénées) et mort le 11 janvier 1960 à Paris 5ème arrondissement, est un journaliste et écrivain catholique français.




pays basque autrefois traditions peuple écrivain bernoville iparralde
LIVRE LE PAYS DES BASQUES
DE GA£ETAN BERNOVILLE



Il publie, en 1930, Le Pays des Basques : Types et Coutumes.



Voici ce que rapporta à ce sujet Charles Baussan dans le quotidien La Croix, le 27 mai 1934 :



"Au Pays des Basques.



Le précepte antique "Connais-toi toi-même" vaut pour les peuples aussi bien que pour les individus ; la France a beaucoup à apprendre à se regarder elle-même, sans vaine complaisance, à étudier et comprendre les diverses races et les divers pays, si bien soudés, si bien fondus en elle, en une seule nation et une seule terre. C’est donc, on peut le dire, une œuvre patriotique que cette Collection "Gens et pays de chez nous", qui s’ouvre si heureusement par le livre de M. Gaétan Bernoville : le Pays des Basques



Le pays basque a sept provinces, trois sur le versant français. — Labourd, Basse-Navarre et Soule, — quatre sur le versant espagnol, — Guipuzcoa, Biscaye, Navarre, Alaba. Ces sept provinces sont sœurs ; elles ont même sang, même langue, mêmes traditions. Mais, dans ce livre, M. Gaétan Bernoville ne parle que des trois provinces qui sont de ce côté-ci des Pyrénées. 



Ce pays, il ne l’a pas seulement étudié dans une enquête à laquelle rien n’échappait, il le voit et il le sent ;  c’est pour lui "une chose vivante et naturelle, dessinée par le contour des collines et de douces habitudes de vie" ; ce pays-là, c’est son pays ! 



Avec les voix des Basques, il entend les voix, de son enfance et de sa jeunesse ; son livre, ce sont toutes ces voix qui parlent. 



La côte, d’abord, et le pêcheur. M. Gaétan Bernoville dit le charme de la capitale du Labourd, Bayonne, demeurée basque ; l’histoire de Biarritz et de Guéthary, devenues, de villages marins qu’elles étaient, des villes d’hôtels et de touristes ; l’histoire, avec les portraits, de Saint-Jean-de-Luz et des pêcheurs luziens, jadis baleiniers et corsaires, aujourd’hui mélangés aux pêcheurs bretons pour la pêche à la sardine. Il dessine la scène pittoresque de l'arrivée des bateaux sardiniers et de la course des marchandes, le panier sur la tête, le long des rues, à qui trouverait le plus vite des acheteuses.





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LIVRE LE PAYS DES BASQUES
DE GA£ETAN BERNOVILLE



C’est en deçà de cette bande côtière de 4 ou 5 kilomètres de large qu’est le paysan-type sur lequel surtout M. Bernoville fait porter ses observations. A l’intérieur des terres, on ne parle guère que le basque. Avec le caractère basque, indépendant, fier, soucieux de l’honneur, c’est la langue principalement, une langue la plus fermée qui soit, qui a, jusqu’à présent, maintenu et même sauvé la race et ses traditions et fait des Basques un peuple à part. Entre les Basques et les influences étrangères, cette langue est une barrière. Mais "une barrière qui tend à céder". Les enfants apprennent le français à l’école ; les fonctionnaires parlent français ; autos et autobus pénètrent partout. La langue basque s’altère. "Elle tient encore assez fortement, mais pour combien de temps?"



Combien de temps encore l'entendra-t-on, presque seule, dans le royaume paysan dont M. Bernoville nous montre les paysages ? "Dans ces trois provinces ? — Le Labourd, avec ses vastes plateaux arides ; ses landes où s’ouvre la fleur jaune du genêt ; la longue rue du village d’Ustaritz et, au delà, le collège Saint François-Xavier ; Hasparren, au centre d’une petite plaine où l’on arrive par des routes sauvages ; Espelette, village où le presbytère et la mairie vivent dans le même vieux château et dont les maisons s’étagent harmonieusement sur deux coteaux. 




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CHÂTEAU FEODAL MAIRIE ESPELETTE
LABOURD D'ANTAN



La Basse-Navarre, montagneuse dans le Sud et plus riche et plus molle de dessin, au Nord, que le Labourd : avec ses ponts de pierre fortement arqués et envahis par des plantes exubérantes que l’on rencontre, d’ailleurs, un peu partout en pays basque ; avec Saint-Jean-Pied-de-Port, ville dorée et chaude, autour de sa citadelle, œuvre de Vauban, et ses vieilles rues grimpantes, étroites et ensoleillées ; avec Saint-Palais, gros bourg tranquille au milieu des prairies et des champs de betteraves et de fèves.





pays basque autrefois traditions peuple écrivain bernoville iparralde
CITADELLE ET FOSSES SAINT-JEAN-PIED-DE-PORT
BASSE-NAVARRE D'ANTAN



La Soule, pays de forêts et de pâturages : avec Mauléon et sa citadelle ; avec l'Hôpital-Saint-Blaise, maigre village éparpillé sur la colline, qui possède une église du plus vieux roman et qui eut jadis un hôpital pour les pèlerins de Saint-Jacques de Compostelle.



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EGLISE HÔPITAL-SAINT-BLAISE
SOULE D'ANTAN



Dans ces paysages rit la façade de la maison basque, le crépi blanc, trait commun aux trois provinces ainsi que l'inscription qui, au-dessus de la porte d’entrée, dit le nom du propriétaire ou la date à laquelle la maison a été bâtie. La façade labourdine a des boiseries extérieures sculptées et peintes en rouge brun. La ferme navarraise a souvent des balcons de bois peints eux aussi en rouge. La ferme souletine a déjà le toit d'ardoise de la ferme béarnaise. Tout cela, quelque intéressant que ce soit et admirablement décrit, ce n'est encore que le cadre, voici le personnage : "Le paysan, c’est le Basque." Race agricole et pastorale, le Basque "reste ce qu’il est : l'exemple d'une petite nation organisée pour ne pas mourir". 



Le beau portrait, celui de ce paysan racé, de grande allure, fier d'une fierté qu’il porte extérieurement : "Le paysan qui conduit sa charrette à bœufs, l’aiguillon sur l’épaule, la tête haute, rasée sous le béret, vous diriez un proconsul romain."



pays basque autrefois traditions peuple écrivain bernoville iparralde
PAYSAN BASQUE GUIDANT SON ATTELAGE
DESSIN DE F HUYGENS





L’âme a la même grandeur, ou plutôt c'est elle qui la donne. Le Basque a l'amour de l'indépendance et de la liberté ; mais il a, en même temps, "le sens de la hiérarchie située sur le plan familial, patriarcal pastoral, régional et religieux..." Au foyer le principe de l’autorité s’articule avec souplesse au culte de la liberté.



Le Basque est un taciturne. Il aime à l’extrême les divertissements, les fêtes patronymiques du village, les danses sur la place, le jeu au fronton. Mais en tout cela peu de paroles. Pas de longues histoires aux repas de fêtes, mais des chansons en chœur : "Chanter, c’est encore une façon de se taire." 



Le paysan basque "accepte virilement le quotidien comme l'éternel". Chez lui, "la paix du foyer, l'union de la famille viennent d’une conception traditionnelle, innée, de la vie et de l’ordre, non d’une douceur sentimentale". II est superstitieux, croit aux sorts et aux jeteurs de sort, mais ces superstitions coïncident chez lui avec une religion simple et profonde. "Le paysan basque est éminemment religieux. Il a une vie paroissiale intense et observe scrupuleusement au foyer les rites religieux."



Il a de la personnalité jusque dans son costume. En Soule et en Navarre, il porte une blouse courte les jours de fête ou de marché. Dans les trois provinces, il chausse ses pieds de sandales et surtout il est coiffé du fameux béret : "En général le Basque n'enlève son béret qu'à l'église, pour saluer Dieu. A l'égard des autres, son salut consiste à déplacer son béret de gauche à droite et à le soulever légèrement, ou mieux encore, à ne faire qu'un signe de tête." 





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LIVRE LE PAYS DES BASQUES
DE GAETAN BERNOVILLE


Archaïsme vivant, le paysan basque est un alliage dans lequel se rencontrent certains éléments, comme l’organisation familiale, qui font la grandeur et même la vie d’un peuple en tous les temps."



A suivre...



(Source : Wikipédia)



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samedi 10 février 2024

UN CRIME À BARCUS EN SOULE AU PAYS BASQUE EN MAI 1827

UN CRIME À BARCUS EN 1827.


En 1827, un drame secoue le village souletin de Barcus, peuplé d'environ 2 500 habitants.



pays basque soule fête bal
BAL PUBLIC JOUR DE FÊTE BARCUS SOULE
PAYS BASQUE D'ANTAN



Voici ce que rapporta à ce sujet le quotidien L'Avenir, le 16 octobre 1922, sous la plume de Pierre 

Figerou :



"Méprise criminelle.



Le 1er mai 1827, un nommé Etchegoyen, demeurant, au village de Barcus, fut atteint par la charge d’un coup de fusil, sur la route, à peu de distance de son domicile, comme, il revenait, la nuit tombée, de la foire d’Oloron. Il n’était que blessé ; on accourut à ses cris et on le porta chez lui. Aux questions qu’on lui posa, il répondit que l’obscurité ne lui avait pas permis de reconnaître son assassin.



béarn autrefois marché foire
MARCHE D'OLORON
BEARN D'ANTAN



On ne lui connaissait pas d’ennemis et la justice aurait sans doute été longtemps fort embarrassée si, dans la nuit même du crime, n’avait disparu un des voisins d’Etchegoyen en même temps qu’un de ses amis, le fermier Etchehon.



Cet Etchehon n’était point un mauvais homme, mais il était de nature ardente et de caractère violent. Ces dangereuses dispositions naturelles s’étaient accrues du fait qu’il s’imaginait que sa femme ne lui était point fidèle. A tort ou à raison, il était follement jaloux et sa jalousie lui avait fait vouer une haine féroce à un certain Eguiapal qu’il considérait comme un rival heureux.



Dans ces conditions, la disparition d’Etchehon ayant été constatée, on se souvint que celui-ci, le jour du crime, s'était informé si Eguiapal ne devait pas se rendre à la foire d’Oloron ; on se souvint aussi de l’avoir vu se diriger, le soir, du côté de la route. Enfin, les projectiles extraits des blessures d’Etchegoyen étaient identiques à ceux que fondait lui-même Etchehon. Bref, tous les gens de Barcus furent convaincus que le coup dont Etchegoyen avait été la victime était destiné à Eguiapal.



Tandis qu'au village on en arrivait à cette conclusion, le fugitif s’était réfugié dans la montagne, et là, seul avec lui-même et ses remords, il composait en basque la propre complainte de son crime.



Après s’être comparé, en ses vers, aux animaux sauvages qui fuient l’homme, il contait l’histoire de sa vie et parlait de sa femme :


"Elle me porta sous sa cotte la corde pour me pendre."



Puis c’étaient des imprécations à l’adresse du rival détesté, en même temps que l’aveu de son crime commis par erreur :


"Mon ennemi, tu avais une femme et tu n'avais pas besoin d’abuser de la mienne ; un autre a reçu le coup qui t’était destiné... Tu peux te vanter que ta vie scandaleuse a perdu deux galants hommes... Epouse faible et chère, séduite par un libertin, vous m’avez ruiné et perdu... Mieux vaut être prêtre ou soldat que d’avoir une compagne semblable à la mienne."



Et cette complainte se terminait par ce conseil aux gendarmes :


"Vous qui poursuivez Etchehon, ne le cherchez pas à Barcus ; il compose des chansons à Eguiton, le meilleur des pâturages des Pyrénées, fréquenté par les bergers de la Soule."



Le paysan assassin et poète se lassa vite de sa solitude, d’autant que sa jalousie lui tenaillait toujours l’âme et qu’il imaginait comment sa femme et Eguiapal devaient profiter de son absence.



Une nuit, la maison d’Eguiapal, à Barcus, brûla. Etchehon annonçait ainsi son retour. On l'arrêta.



Etchegoyen était alors à peu près complètement rétabli et, du jour où il ne s’était plus crû en danger de mort, il avait dit que c’était bien Etchehon qui lui avait tiré un coup de fusil et que s’il ne l’avait pas dénoncé plus tôt, c’est que, au cas où il aurait succombé, il voulait avoir devant Dieu le mérite de son généreux silence.



pays basque autrefois bourg soule faits divers crime
ENTREE DU BOURG BARCUS SOULE
PAYS BASQUE D'ANTAN


Quand les gendarmes conduisirent le meurtrier, de son village à la prison d’Oloron, Etchegoyen était sur le pas de sa porte :


— Ah ! Etchehon, fit-il, tu m’as fort maltraité.

— Tu sais bien, répondit l’autre, que ce n'était pas à toi que j’en voulais.



Et il accepta un verre de vin pour trinquer avec sa victime.



Devant le jury des Basses-Pyrénées, Etchehon adopta un curieux système de défense, inspiré par sa tenace jalousie.



A l’en croire, Etchegoyen avait bien été blessé par méprise, mais ce n’était pas lui, Etchehon, qui l’avait blessé, c’était Eguiapal.


"Eguiapal n’avait aucune raison d’en vouloir à Etchegoyen. — dit-il — aussi était-ce à moi, le mari de sa maîtresse qu’était destiné son coup de fusil."



Durant tous les débats, il ne cessa do crier sa haine à son rival et de dénoncer certain complot qu’auraient ourdi les gens de son village pour le perdre et profiter  librement les uns de ses biens, les antres de sa femme.



Sans doute exagérait-il quelque peu. Il n'en demeure pas moins, fait inouï dans les annales judiciaires, que, pendant le procès, le procureur reçut une pétition dans laquelle des habitants de Barcus demandaient à la Cour de ne jamais remettre Etchehon en liberté, même si on ne pouvait pas prononcer contre lui de condamnation.



Un tel incident servit à l’accusé. Les jurés acquittèrent. Etchegoyen était guéri... Bien peu, cependant, s’en était fallu qu’il ne payât de sa vie les amours adultères du galant Eguiapal.



L’histoire ne dit pas quel fut le retour d’Etchehon, acquitté, dans son village et auprès de sa femme. 



Peut-être oublia-t-il qu’au milieu des solitaires pâturages pyrénéens d’Eguiton il avait écrit : 


"Jeunes gens, fixez vos regards sur ma triste destinée. Si l’hymen a pour vous des charmes, essayez du moins d’éviter les amertumes de cet esclavage. Mieux vaut être prêtre ou soldat que d’avoir une compagne semblable à la mienne..."






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vendredi 26 janvier 2024

GEORGES HÉRELLE HISTORIEN DU PAYS BASQUE EN 1933 (deuxième et dernière partie)

 

GEORGES HÉRELLE HISTORIEN DU PAYS BASQUE EN 1933.


Georges Hérelle, né le 27 août 1848 à Pougy-sur-Aube (Aube) et mort le 15 décembre 1935 à Bayonne (Basses-Pyrénées), est un traducteur, ethnographe et professeur de philosophie.




pays basque autrefois pastorale theatre soule
GEORGES HERELLE, vers 1905.
Photographie de Labat. Médiathèque Grand-Troyes - Ms3494


Voici ce que rapporta à son sujet le Bulletin du Musée basque N°5 de 1933, sous la plume de H 

Cavaillès : 



"... III. Le théâtre Basque.



Lorsque Georges Hérelle, au fil de ses travaux et de ses ans, se fut établi à Bayonne, il y resta passablement ignoré pendant les premières années. Il voyait peu de monde. Ses collègues du lycée aimaient son malicieux enjouement, sa bonne humeur, son ironie champenoise. Il honorait les plus jeunes d'un amical — et réciproque — tutoiement. Quelques gens de lettres le venaient visiter au passage. Fort occupé, et d'ailleurs jaloux de son indépendance, il goûtait la discrétion de l'hospitalière cité où il avait voulu vivre et la paix d'une plaisante demeure, toute pleine de livres et de soleil, et d'où l'on aperçoit, entre les ormes du rempart respecté par la pioche des démolisseurs, le profil des montagnes prochaines.



Mais cette maison, perchée au plus haut de la ville, n'est pas une tour d'ivoire. La porte en était libéralement ouverte aux admirateurs et aux amis que le maître de céans n'avait pas tardé à se faire dans la ville. Lui-même en descendait souvent pour se mêler au monde des vivants, car nul n'est plus sociable que ce grand laborieux. C'est ainsi qu'il connut le pays basque, ses coteaux, ses chemins sinueux, ses fougères que l'automne rougit à l'ombre éclaircie des vieux chênes, son peuple de laboureurs et de pâtres, dont il aime l'archaïque simplicité, les jeux et la gaieté... Un jour il entendit parler des pastorales.



Le pays basque n'était pas encore à la mode et personne ne s'intéressait aux représentations populaires. Seuls, quelques basquisants en connaissaient l'existence, sans les avoir sérieusement étudiées. Hérelle eut la curiosité d'assister à l'une de ces représentations : la pastorale d'Abraham, que l'on devait donner dans le petit village de Haux, sur la place que domine la vieille église noire, contemporaine de celle de Sainte-Engrâce. C'était en 1899, par une admirable journée de printemps commençant. Il fut séduit et ravi. Tout de suite, il pensa à étudier ce théâtre et à écrire une notice d'une cinquantaine de pages. Le fait est qu'il s'y intéressa pendant vingt-cinq ans et que, au lieu de cinquante pages, il publia quatre volumes.



pays basque autrefois soule pastorale abraham
PASTORALE ABRAHAM
PAYS BASQUE D'ANTAN


Par ses travaux, et bien qu'il se défende d'être un vrai basquisant, M. Hérelle a rendu aux amis des études basques un double et très précieux service.



Il a d'abord recueilli et mis à l'abri un grand nombre de textes. Ils étaient, avant lieu, très dispersés. La bibliothèque municipale de Bordeaux et celle de Bayonne en avaient deux collections, d'importance inégale. La plupart se trouvaient entre les mains des "instituteurs de pastorales", de diverses familles du pays qui les avaient acquis par don ou par héritage, enfin de quelques rares basquisants français et étrangers. C'étaient, à peu près sans exception, des cahiers grossièrement cousus, sans couvertures, sans feuillets de garde, formés tantôt de feuilles emboîtées les unes dans les autres, tantôt de petits cahiers réunis en volume par un brochage rudimentaire. Beaucoup étaient en mauvais état, maculés, déchirés ou rongés par les rats. Avec l'aide de Léopold Irigay, jeune Souletin qui fut pour lui l'auxiliaire le plus diligent et le plus dévoué, Georges Hérelle entreprit d'en sauver le plus qu'il pourrait. Au total, environ deux cents furent par lui retrouvés. De quelques-uns, plus menacés ou plus intéressants, il fit faire des copies. Les autres, il les examina ou les fit examiner par son collaborateur. De tous, il dressa un catalogue, exact et détaillé, donnant la description du texte et l'analyse de la pièce. Enfin, pour achever cette oeuvre de conservation, il offrit à des dépôts publics, où ils se trouvèrent définitivement en sécurité, les manuscrits qu'il avait pu acheter et les copies exécutées par ses soins. La Bibliothèque nationale en reçut cinquante-et-un  ; la Bibliothèque de Bayonne, vingt.



Georges Hérelle a fait ainsi, pour le théâtre basque, l'équivalent de ce que Luzel avait fait, au siècle dernier, pour les mystères bretons. Il en a recueilli les éléments et les a sauvés de l'oubli. Seulement Luzel avait été aidé par le Ministère de l'Instruction publique et par les subventions de l'Etat. Lui, il a agi tout seul, et pour son plaisir.




bretagne autrefois theatre mystere
THEÂTRE BRETON
MYSTERE DE SAINT-GUENOLE



En même temps qu'il recueillait les productions du théâtre basque, il s'attachait à en débrouiller l'histoire et à en dégager les caractères essentiels. On sait aujourd'hui, grâce à ses pénétrantes et sagaces recherches, que les pastorales sont des mystères, en tous points semblables aux mystères français du XVe et XVIe siècles, et il est même probable que les premières pastorales sont contemporaines de cette époque de notre littérature nationale.



Il y avait alors, à côté des théâtres urbains ; non pas, bien entendu, des théâtres permanents, mais des "jeux" que les paysans organisaient avec un minimum de frais, pour le plaisir et pour l'honneur de leurs villages. Il y en eut, et on ales preuves, à peu près partout. Lorsque le grand théâtre médiéval disparut, vers 1580, les petits théâtres ruraux lui survécurent et durèrent plus ou moins longtemps, suivant que la région était plus ou moins écartée du courant des idées nouvelles, plus ou moins riche ou plus ou moins pauvre, etc. La plupart disparurent d'assez bonne heure, dès le XVIIe et surtout le XVIIIe siècle. Un petit nombre se maintint jusqu'au milieu du XIXe siècle, parfois un peu plus longtemps. Il en fut ainsi du théâtre breton, du théâtre briançonnais, du théâtre catalan. Les uns après les autres, à leur tour, ils s'éteignirent.



Un seul subsista, le théâtre basque, à l'abri des montagnes de la Soule. De ses origines lointaines, il conserve les marques indélébiles : le répertoire, qui est exactement le même que celui des mystères, avec son groupement en cycles : ancien testament, nouveau testament, saints, chansons de geste et romans d'aventures, histoire légendaire ;  la fabrication, si l'on peut dire : les auteurs paraissent avoir été primitivement des prêtres et des clercs. Plus tard, des laïques écrivirent aussi des pièces. Mais ce furent toujours des villageois et des volontaires, jamais des professionnels. Au XIXe siècle, les auteurs les plus connus sont Saffores, cordonnier ; Foix, plâtrier ; Burguburu, cantonnier, etc... L'organisation du théâtre et la technique, la diction et le jeu des acteurs maintiennent aussi fidèlement la tradition des anciens mystères. Cet archaïsme, trait distinctif des pastorales, persiste même dans les pièces les plus récentes. On en a fabriqué encore au XIXe siècle et au début du XXe. Toutes, y compris la pastorale de Napoléon, sont composées sous forme de mystères, sans aucune contamination exercée par le théâtre classique. "Le théâtre basque, conclut M. Hérelle, a été importé vers la fin du XVe siècle dans la Soule lorsque les représentations des mystères faisaient fureur dans toute la France, et il a conservé jusqu'à nos jours les caractères de ses premiers modèles, parce que les Basques, en cela comme en beaucoup d'autres, ont l'esprit éminemment conservateur.



pays basque autrefois soule pastorale napoleon
PASTORALE NAPOLEON
PAYS BASQUE D'ANTAN


Mais M. Hérelle a fait une autre découverte. En étudiant la versification, que personne, avant lui, n'avait très bien comprise, il a constaté que les pastorales se rattachent par leur prosodie à des productions beaucoup plus anciennes encore que les mystères du XVe siècle. Toutes sont écrites en versets, chaque verset prenant indifféremment, suivant le caprice du copiste, la forme d'un quatrain ou celle d'un distique. D'autre part, cette versification, qui est amétrique et, en apparence au moins, très libre, obéit à certaines règles de rythme et d'assonance. Or ces particularités ne sont pas spéciales aux pastorales. On les observe dans des ouvrages tels que le poème espagnol du Cid, le premier et le plus fameux monument de la littérature espagnole. A une époque plus lointaine encore, on les trouve, en France, dans les anciennes cantilènes épiques, dans des drames liturgiques, versifiées dans un latin barbare. Qu'en faut-il conclure ? C'est que le verset des pastorales dérive, originairement, du verset liturgique et que les pastoraliers, dont les premiers, furent des prêtres et des clercs, ont emprunté aux chants d'église leur récitatif dramatique. Cette savante et très nouvelle explication a obtenu l'élogieux assentiment, non seulement des basquisants, mais des savants les plus autorisés en matière de versification et de métrique, notamment de M. Louis Havet. Par elle, le caractère traditionnel des pastorales apparaît avec une saisissante évidence.






Aujourd'hui, le théâtre basque, suivant le sort commun, agonise. Du moins il ne disparaîtra pas sans que nous conservions ses oeuvres et que nous connaissions son histoire. C'est à M. Hérelle que nous le devons.



Une curiosité toujours en éveil, une activité jamais démentie, une rigoureuse méthode scientifique, un beau talent d'écrivain, ainsi se résume la carrière intellectuelle de Georges Hérelle. Ceux qui l'ont approché y ajouteront eux-mêmes d'autres traits, qui ne sont pas moins rares : le désintéressement, le dédain du faste, la fidélité dans l'amitié, une naturelle et vivante sympathie pour tout ce qui est humain."










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