PASTORALES SOULETINES EN 1923.
La pastorale souletine est une pièce de théâtre en langue Basque et plus particulièrement en souletin.
PASTORALE MAULEON - MAULE 1928 PAYS BASQUE D'ANTAN |
Héritière des théâtres médiévaux, elles est chantée, montée par les habitants d'un même village
sur un thème religieux ou historique.
Cette forme de théâtre déplace les foules du Pays Basque et est considérée comme un
événement majeur par le milieu culturel Basque.
Une pastorale est organisée chaque année par une commune souletine.
Voici ce que rapporta la Gazette de Bayonne, de Biarritz et du Pays Basque, dans son édition
du 23 mai 1923 :
"Au Pays des Pastorales.
Il y a quelques jours, auprès de Mauléon, cette lointaine sous-préfecture dans la vallée de Soule, au pied des Pyrénées, en plein cœur du pays basque, viennent de se dérouler des représentations de "pastorales". On avait pu craindre que la tradition n'en périt, avec tant d’héroïque jeunesse rurale engloutie par la guerre. Mais non ! Et de nouveau. avant l’époque où bergers et troupeaux vont monter pour tout l’été dans la montagne, les théâtres en plein air ont d’autant mieux rouvert leurs portes... qu’ils n’en ont pas, puisque leur accès — en principe — est ouvert librement à tous.
PASTORALE MAULEON - MAULE 1949 PAYS BASQUE D'ANTAN |
Les "pastorales" qu'on y représente, malgré ce nom bucolique, sont des tragédies et presque des épopées, fourmillant d’épisodes grandioses, guerriers, sanglants et surtout religieux. C’est Alexandre, ou Clovis, ou les quatre fils Aymon, ou Hélène de Constantinople, ou Oedipe, ou Moïse, etc... Certains hommes, dans les villages, conservent les manuscrits et les prêtent aux organisateurs du spectacle.
Spectacle unique en France, depuis que le théâtre populaire, après la Renaissance et l’époque classique, a peu à peu disparu de nos campagnes. Car il nous amène en plein moyen-âge et, plus haut encore, en pleine antiquité — comme vous verrez ?..
Imaginez, entre le village et la rivière dans la petite vallée, en face des montagnes où subsiste encore la neige de l’hiver, imaginez une enceinte rectangulaire, à droite et à gauche bordée de hautes charpentes, où la foule s’entasse sur les gradins. Une vaste estrade, aussi profonde que large, dont le plancher — le "plateau" — a été construit sur des rangées de barriques, en occupe la moitié : c’est la scène. Sur cette scène, de chaque côté, comme à l’époque du Grand Roi, et même au fond, entre les trois portes par où les acteurs font leur entrée, il y a des chaises pour les spectateurs de marque, qui se trouvent ainsi mêlés à l’action. Un simple mur de toile au fond dissimule ce qu’on peut appeler les coulisses.
VUE GENERALE MAULEON - MAULE PAYS BASQUE D'ANTAN |
L’autre moitié du théâtre, au bas de l’estrade, forme le "parterre", où le "public debout", comme au bon vieux temps, reste sans fatigue, durant les cinq ou six heures que dure la représentation !
Car une "pastorale" — tel un mystère — commence aux environs de dix heures de la matinée pour finir aux environs de quatre heures de vêpres. Pas d’interruption, pas d’entr’acte ! Tout au plus les espèces d’intermèdes. d’ailleurs liés à l’action, dansés par les "Satans", curieux personnages qui remplissent un peu le rôle du chœur antique.
Toute "pastorale", en effet, quels qu'en soient le sujet et le héros, se résume dans la lutte du bien et du mal, celui-ci finissant, cela va sans dire, par être vaincu.
Avant la représentation proprement dite, la troupe, à pied et à cheval, fait une "montre", ou défilé, à travers les rues du village, voire des villages voisins, puis vient se ranger devant la scène — avant d’y monter — et alors a lieu la curieuse cérémonie du prologue, récité par un acteur qui résume et explique le sujet pour les braves gens peu lettrés. C’est un peu le programme parlé, ou vivant !
DANSEURS BASQUES MAULEON - MAULE PAYS BASQUE D'ANTAN |
Dans les costumes bariolés traditionnels, éclatants de rouge, de blanc, de noir et d’or, ornementés de grelots et de panaches, j’ai vu, ce printemps, jouer ainsi Robert le Diable, qui n’a rien (rassurez-vous !) du moderne opéra, mais qui enchante toujours la foule basque, comme a enchanté nos aïeux et nos aïeules, durant plusieurs siècles, ce "Miracle de Robert le Diable, fils du duc de Normandie, à qui il fut enjoint pour ses méfaits qu’ils fist le fol sans parler, et depuis eut Notre Seigneur merci de lui et épousa la fille de l’Empereur". J’ai vu cette fille de l’empereur, et le duc, et le pape, et le roi des Sarrazins, et les armées mécréantes et chrétiennes qui en venaient sans cesse aux mains, avec fracas d’épées et de lances, pour le plus grand plaisir des assistants. C’était magnifique !
Comment de simples paysans s’improvisent-ils acteurs ? Apprennent-ils en leurs loisirs d’hiver des rôles qui comportent des centaines et parfois des milliers de vers ? Phénomène inexplicable.
Je ne puis vous présenter les comédiennes. Comme au temps antique et comme encore à l’époque de Shakespeare, tous les rôles sont tenus par des garçons. Un jeune cultivateur de dix-sept ans jouait le personnage écrasant de Robert.
Dans le décor immuable — ou plutôt il n’y a pas de décor, il n’y a que le théâtre — passaient tous les lieux et toutes les époques d’une existence...
Ce qui ajoute à l'impression de passé démesurément nostalgique et lointain, ce qui — selon moi — est la chose la plus notable de ce théâtre basque, c’est la récitation du texte. Non seulement les acteurs ne "jouent" pas avec leur visage, mais ils ne "jouent" pas avec leur voix, ils déclament sur une sorte de mélopée, de psalmodie, éternellement répétée de quatre en quatre vers. Ainsi résonne le plain-chant dans les Chartreuses. Ainsi devait retentir, à travers les immobiles masques tragiques, aux théâtres de Dionysos ou d’Epidaure, les textes sublimes d’Eschyle et de Sophocle. Ainsi devaient réciter leurs longues chansons de gestes les anciens trouvères. Que nous voilà loin de Talma, Sarah Bernhardt, Mounet-Sully !
HAUTE VILLE MAULEON - MAULE PAYS BASQUE D'ANTAN |
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