ETIENNE PELLOT CORSAIRE HENDAYAIS.
Parmi les nombreux marins et autres corsaires du Pays Basque d'Antan, le corsaire Pellot occupe une place importante.
ETIENNE PELLOT CORSAIRE HENDAYE - HENDAIA PAYS BASQUE D'ANTAN |
Etienne Pellot "Montvieux" dit "le Renard Basque", né à Hendaye (Basses-Pyrénées) le 1er
septembre 1765 et décédé également à Hendaye, le 30 avril 1856, est le dernier corsaire
français connu.
Dans un article précédent, je vous ai parlé des marins, baleiniers et corsaires du Pays Basque
autrefois, voici ce rapporta L'Echo de Paris, dans son édition du 14 janvier 1902 :
"Un corsaire.
On a parlé de corsaires à propos de la guerre du Transvaal et plus d'un esprit belliqueux a regretté la réserve du président Krûger et de son gouvernement, se refusant à accorder des lettres de marque... C'est que les Boers, si humains au milieu même des batailles, se sont fait scrupule sans doute de déchaîner, même au dommage de leurs ennemis, sous la justification et au bénéfice d'une légitime défense, une guerre de course, glorieuse assurément et qui a laissé de belles pages dans notre histoire nationale, mais qui n'en garde pas moins forcément un air de piraterie.
Pourtant il y en a eu, et nous en comptons, de beaux corsaires... Un entre autres, dont l'aventure, héroïquement légendaire, m'exalta. — j'étais jeune alors — au point de me faire concevoir pour la petite-fille du marin un sentiment auquel, ma foi, il ne manqua, pour aboutir, que des circonstances favorables... Je parle, nous dit alors celui qui nous racontait cette anecdote, de la petite-fille même d'Etienne Pellot... Etienne Pellot, qui se le rappelle aujourd'hui ? le plus fameux corsaire peut-être du premier Empire, dont la gloire bohème est restée étouffée, disparaît dans le fracas officiel des grandes guerres... Etienne Pellot, dont l'histoire doit traîner dans quelque biographie oubliée, mais qu'au cours d'un voyage j'ai pu recueillir autrefois, toute fraîche et toute vive encore, de la bouche même de ceux qui l'ont connue, et qu'il n'est pas sans intérêt de rappeler.
Un des souvenirs les plus attachants de ma vie, ce voyage que je faisais alors, je parle de 1857, avec un avocat de Paris, homme de lettres en même temps, bien connu alors du monde de la presse et du barreau ; voyage qui nous avait amenés en pays basque, aux environs d'Hendaye, sur les bords de la Bidassoa, le pays où naquit Pellot.
Etienne Pellot, auquel nous ne pensions guère en ce moment quand, nous étant égarés dans notre promenade, en compagnie d'amis nombreux, et à force de traverser les champs de maïs et de grimper des sentiers, nous arrivâmes à une métairie, blanche et enguirlandée de lierres, et que quelques arbres ombrageaient, en face de la rivière... Et comme, heureux de la fraîcheur, nous nous reposions, en causant, à leur ombre, au pied de cette attrayante maison, un peu mystérieuse et discrète sous ses volets fermés, notre conversation cessa tout à coup en voyant au-dessus de nous une fenêtre s'ouvrir, tandis qu'une jeune fille, en noir, montrait une minute sa jolie figure, grave et un peu inquiète, vite éclipsée devant nos regards curieux, rentrée comme un oiseau...
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Intrigué, nous nous informions auprès d'une servante :
— Où sommes-nous donc ?
— Mais à la métairie d'Etienne Pellot, répondit la femme.
Un nom qui ne me disait rien à moi, profane, qui tout de suite réveilla dans la mémoire de mes compagnons, tous du pays, des souvenirs, bribes d'histoire et de légende qui, recueillies, forment un tout, donnent du héros une physionomie assez complète, assez curieuse...
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Etienne Pellot, mort seulement deux ans auparavant, et dont quelques-uns d'entre nous se rappelaient encore la figure énergique de beau vieillard, au regard resté de feu, à la chevelure devenue blanche, arborant, sur sa veste usée une décoration, reçue tardivement et qui faisait son orgueil... Etienne Pellot, un de ces types de corsaires, aux équipées, héroïques et célèbres, hardis compagnons, insolents de bravoure, de bravade, de bonne humeur, de chances risquées et inouïes, qui harcelèrent sous le premier Empire la marine anglaise, prirent et coulèrent tant de bâtiments, traversèrent victorieusement les aventures les plus téméraires, les plus dangereuses, à force d'audace et de ruses, d'extravagance même, ce qu'on pourrait appeler un héroïsme clownesque, les tours de force et les sauts périlleux de la gloire... Etienne Pellot dont des évasions, car plusieurs fois il fut pris, sont restées célèbres; l'une entre autres où, échappé d'un ponton anglais et pour dépister les recherches, il retourne ses souliers, les met à rebours, le talon en avant, la pointe en arrière, laissant sur le sable des traces donnant à sa fuite une direction apparente opposée à là véritable. Mais la seconde évasion surtout fut épique.
Prisonnier à Plymouth, Pellot, par sa telle humeur, ses facéties, son entrain, commence par récréer ses compagnons, se fait bien venir de tous, finit par entrer dans les bonnes grâces de la femme même du gouverneur, qui lui demande de jouer sur un petit théâtre, devant la belle société de l'endroit. D'où l'idée sagace vient à Pellot de composer sournoisement une comédie burlesque, en deux actes, l'Amiral boiteux, que, divulguée, on le conjure de jouer. A quoi Pellot consent, à la condition d'avoir un costume d'amiral anglais, qu'on lui prête et sous lequel, après avoir joué le premier acte, aux applaudissements de l'assistance, et sans attendre le second, profitant de l'entr'acte, il file, franchit sans peine le fort, salué sans doute par les factionnaires... Un costume trop voyant pourtant, compromettant à la longue, et qu'un peu plus loin Pellot s'empresse d'échanger contre celui d'un matelot, trouvé ivre et dormant sur la route. En marin maintenant, il se cache, guette une occasion qu'il ne tarde pas à trouver magnifique : un brick de douze canons, mouillé en rade et dont le capitaine se mariait, était en train de célébrer ses noces à terre avec son équipage invité, n'ayant laissé que six matelots à bord ; six matelots avec lesquels, en camarade, plus rien de l'amiral anglais, Pellot fait connaissance, à qui il offre à boire, à dîner, qu'il choie, qu'il grise, qu'il étourdit avec de l'opium mélangé au thé, jusqu'à ce qu'ils ronflent sous la table... Reste, alors, il est vrai, le cuisinier du brick, qui n'a pas pris part à l'orgie, a gardé sa raison, mais que, le pistolet sur la gorge, Pellot a vite fait de convaincre, d'enrôler, d'atteler à la manœuvre... Un coup de hache sur l'amarre et Pellot appareille, navigue comme il peut, finit par arriver à Boulogne avec son brick, ses douze canons, son cuisinier terrorisé et ses six matelots gris, qui commencent seule ment à s'étirer...
Là, il remet sa prise au général Augereau, commandant de la place, qui, en récompense, lui fait cadeau du brick ; ce même brick, baptisé, depuis par Pellot du nom du général, et avec lequel il rentra par la suite à Bordeaux avec dix navires capturés en route, dix navires anglais, pris à force d'audaces, en dépit des deux croiseurs qui les convoyaient... Et c'est ce même Pellot, fabuleux, qui, resté farce dans sa gloire, le soir même où Bordeaux lui faisait une ovation, où on donnait en son honneur, en représentation au théâtre, un ballet, le Saut Basque, c'est ce même Pellot qui, indigné de l'insuffisance des acteurs, escalade la scène, chasse les danseurs, se met lui-même à sauter avec maîtrise le saut de son pays, au milieu du scandale universel...
C'est ce même Pellot qui, après capture d'un autre navire anglais, et trouvant pour toute cargaison un lot de forçats expédiés en Australie, les débarque en Portugal, terre également ennemie, pour "civiliser" le pays...
C'est Etienne Pellot encore, retiré après la paix dans sa métairie, devenu citoyen paisible et bon père de famille, et qui, dit-on, à son lit de mort même, administré déjà, mais un peu tôt sans doute, et au milieu des larmes de l'assistance, retrouve de la vie avec une dernière gaieté, réussit à descendre de son lit, reconduit le curé de l'endroit, en chemise, tout en s'excusant de sa tenue... Du loustic et du héros, du jovial et de l'épique, du macabre et du glorieux, telles apparaissent les diverses facettes de ce type d'énergie, d'intrépidité et de malice, admirable dans son extravagance même, et dont il ne restait alors, comme vivant souvenir, que cette attirante figure de jeune fille, brune et pâle, apparue un moment dans le cadre de la fenêtre ouverte...
La plus jolie personne, embellie encore par la gloire de son père, avec laquelle et la dot d'un sang si généreux volontiers j'aurais perpétué la lignée du corsaire et fait souche atavique de héros, et y pensant déjà, sous la séduction de la légende et des yeux charmants entrevus, me promettant de revenir...
Quand j'appris, peu de temps après, que la jeune fille était fiancée. Non sans mélancolie, je dus m'en retourner à Paris, où plus tard je me mariais à mon tour, bourgeoisement, résigné à une descendance plus vulgaire et à ne pas mettre au monde des héros, d'un placement d'ailleurs assez peu commode à notre époque prosaïque, et dont je ne saurais trop que faire aujourd'hui vraisemblablement, à moins de les envoyer aux Boers."
TOMBE DE ETIENNE PELLOT CORSAIRE HENDAYE - HENDAIA PAYS BASQUE D'ANTAN |
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