MARINS, BALEINIERS ET CORSAIRES DANS LE PAYS BASQUE D'ANTAN.
Des conférences sont données fréquemment, dans les années 1920 et 1930, au Pays Basque Nord pour expliquer l'histoire maritime de ce pays.
TOUR GUETHARY - GETARI PAYS BASQUE D'ANTAN |
La presse locale s'en fait souvent l'écho.
C'est le cas, par exemple, le 15 mars 1926, dans La Gazette de Bayonne, ce Biarritz et du Pays
Basque :
"Une conférence à Cambo de M. Le professeur Colas.
... La parole est ensuite donnée à M. Colas, qui nous entretient tout d'abord de la baleine et des baleiniers basques.
Les baleines abondaient autrefois dans le golfe Cantabrique. Il est impossible d'établir, faute de documents, l'époque exacte à laquelle on commença à les pêcher. On sait toutefois de façon certaine qu'au douzième siècle les baleiniers étaient très nombreux : une pièce authentique nous apprend qu'en 1199, un roi d'Angleterre, duc d'Aquitaine, Richard Coeur de Lion, lors d'un séjour à Bayonne, crut utile de déterminer la part revenant à l'évêque dudit lieu sur la pêche à la baleine de Biarritz. De vieux manuscrits datant du treizième, quatorzième et quinzième siècles nous fournissent d'autres détails sur cette pêche : la baleine arrivait, paraît-il, après l'équinoxe de septembre, on avait établi sur la côte des tours de guet d'où était signalée l'approche des baleines; la tour du Port-Vieux, à Biarritz, servait à cet usage. A la fin du dix-septième siècle, les baleines sont devenues très rares dans le Golfe, on n'en trouve plus au dix-huitième siècle.
TOUR DE L'ATALAYE BIARRITZ - MIARRITZE PAYS BASQUE D'ANTAN |
M. Colas nous rappelle qu'un baleinier figure sur les armoiries de la ville de Biarritz, ainsi d'ailleurs que sur celles d'autres ports du Pays Basque espagnol, telles que Fontarabie, Ondarroa et Motrico. On approchait le plus près possible la baleine pour la harponner à la main, quelquefois on utilisait pour lancer le harpon une baliste qui n'était autre qu'une espèce de gros arc ; la baleine était ensuite remorquée vers la côte. A Biarritz, on l'échouait sur les rochers du Port-Vieux et, à marée basse, on la dépeçait en autant de morceaux qu'elle portait de harpons, les initiales de chaque harponneur figurant leurs instruments. La pêche à la baleine des Basques est la baleine "sarde" ; elle était particulièrement estimée pour son cuir, ses fanons, sa graisse et l'huile qu'on en tirait. Au Moyen-Âge, la chair de la baleine était fort appréciée. La langue était considérée comme une véritable friandise. On utilisait tout. Il y a quelques années, en démolissant une vieille maison qui était située sur l'emplacement de la villa Hélianthe, à Biarritz, on s'aperçut que, lors de sa construction, on avait utilisé des côtes de baleine au lieu de poutres. Les baleines attiraient à leur suite leur irréductible ennemi, le cachalot ; les excréments de ces cachalots étaient rejetés sur la plage de la Chambre d'Amour. C'était pour nos pêcheurs une nouvelle source de richesses. C'est en effet de ces excréments que l'on extrayait l'ambre gris, parfum fort à la mode autrefois. Les belles dames de la cour de Louis XIV en raffolaient.
TOUR DES SIGNAUX BIARRITZ - MIARRITZE PAYS BASQUE D'ANTAN |
Au quinzième siècle, les baleines commencent à se faire rare dans le Golfe, les pêcheurs les poursuivent vers l'Ouest, Terre-Neuve et le Nord-Ouest, baie d'Hudson et Labrador : c'est ainsi qu'ils découvrirent l'Amérique avant Christophe Colomb. Ce fait est indubitable, mais, étant avant tout des commerçants, qui craignaient la concurrence, ils ne se pressèrent pas de faire connaître la découverte qu'ils avaient faite.
TOUR DE L'ATALAYE BIARRITZ - MIARRITZE PAYS BASQUE D'ANTAN |
Il est fort possible que Christophe Colomb qui était de ceux qui croyaient à la rotondité de la terre, ait rencontré au cours de ses nombreux voyages des pilotes Basques qui le mirent au courant de l'existence de ces terres de l'Ouest. Les Basques précédèrent les navigateurs hollandais dans les régions arctiques ; ils furent au Spitzberg les premiers les premiers au Labrador, les seconds après les Scandinaves au Groenland, ils découvrirent Terre-Neuve où l'on trouve encore des localités portant des noms basques tel Urrugnus (Urrugne) et aussi plusieurs tombes euskariennes.
Au moment de l’apogée de la pêche à la baleine, il y eut jusqu’à 10 000 pêcheurs sur la Côte Basque.
Saint-Jean-de-Luz est, au commencement du dix-septième siècle, dans un état de prospérité inouï : on compte dans ce port 50 navires baleiniers et morutiers quand éclate la guerre avec l’Espagne. La ville est prise d’assaut par le duc d'Albe qui la pille, détruit le commerce et emmène les navires. Les pêcheurs basques pour vivre, s’engagent alors sur les navires hollandais qui, dorénavant s’engagent dans la grande pêche.
PÊCHE A LA BALEINE PAYS BASQUE D'ANTAN |
L’industrie de la pêche à la baleine se releva malgré tout à Saint-Jean-de-Luz, elle permit encore à l’armateur Jean Beritz de Haranader de faire une fortune considérable. Propriétaire du palais connu actuellement sous le nom de Palais de l’Infante, il prête 3 millions de livres à Louis XIV, lors de son mariage avec l'infante d’Espagne. Jean Beritz fut le dernier armateur de pêche à la baleine. Au dix-huitième siècle cette industrie périclite et disparaît complètement.
PÊCHE A LA BALEINE PAYS BASQUE D'ANTAN |
Le distingué conférencier nous parle alors des corsaires basques. Il ne faut pas confondre les corsaires avec les pirates et les flibustiers. La course était reconnue légalement : le corsaire recevait du roi des lettres de marque qui lui permettaient de combattre à sa façon. Capturé, il était traité avec tous les égards dus à un prisonnier de guerre. La course était pour nous une excellente façon de faire la guerre à nos ennemis : les Anglais et les Hollandais étant sur tout des commerçants. Le corsaire possédait un fin voilier, excellent marcheur, il avait généralement une faible artillerie mais un équipage d’élite, d’un courage à toute épreuve : il prenait les navires ennemis à l’abordage, remorquait ses prises dans son port d'attache où le butin était partagé. Il y avait la part du roi, la plus considérable, celle des armateurs, celle du capitaine et celle de l’équipage.
CORSAIRES BASQUES PAYS BASQUE D'ANTAN |
Avant l’établissement de la course régulière, il y a eu naturellement la piraterie, au XVle siècle, le flibustier le plus connu était un marin euskarien dont le nom exact n'est pas parvenu jusqu'à nous, on l'appelait Michel le Basque. Les flibustiers étaient des individus de sac et de corde, ils avaient installé leur quartier général et leur arsenal dans une île des Antilles, l'île de la Tortue. C'est de là qu'ils partaient pour écumer les routes maritimes et piller les colonies espagnoles de l'Amérique Centrale. En 1666, Michel Le Basque débarque à Maracaibo, ville de la Nouvelle Grenade (Vénézuela), et extorque au Gouverneur une forte somme en argent et en nature. Il revient dans cette même ville deux ans après et emmène prisonniers le gouverneur et les notables qu'il se propose de relâcher contre rançon. Les espagnols, furieux, équipent contre lui une flotte de trois navires et le poursuivent ; Michel Le Basque, avec deux petits bateaux, surprend cette flotte de nuit en stationnement à Curaçao et la capture ; il rend la liberté aux équipages et garde pour lui navires et artillerie dont il avait grand besoin. Michel Le Basque disparut par la suite on ne sait comment.
Au XVIIème siècle, Johannis de Suigaraychini poursuivit les baleiniers ennemis de la région de Spitzberg, nommé capitaine de frégate et envoyé par le Roi sur les côtes de Canada, il y mourût et fut enterré à Terre-Neuve, où sa tombe existe encore. D'ailleurs, sous le règne de Louis XIV, les marins basques firent une course terrible pour le commerce anglais et hollandais.
Au XVIIIème siècle, sous Louis XV, la course fut pour les Basques une industrie des plus florissantes. Le roi faisait lever des "classes" de marins ; pour échapper à ce service régulier les hommes de notre côte préféraient s'engager sur les corsaires ; c'était plus dangereux mais beaucoup plus rémunérateur aussi. Dans le courant de la Guerre de Succession d'Autriche, le Pays Basque arma 45 corsaires avec 8 000 marins. De cette époque, il nous est resté le nom de Duler (une rue Duler existe à Biarritz), corsaire fameux, excellent marin et très bon hydrographe. Quand la guerre dont nous venons de parler prit fin, le corsaire Etcheverry de Ciboure fut chargé par le roi de se procurer de force dans les établissements hollandais des Détroits des plans de muscadiers et de girofliers. Les Hollandais étaient les seuls à posséder ces épices si recherchées et ils voulaient en garder le monopole. Etcheverry parvint à leur arracher des milliers de plans qu'il transporta dans les îles Bourbon et de la Réunion, pour ce haut fait il fut anobli par le roi.
Sous Louis XVI il y eut de nombreux corsaires basques, il en fut de même sous la Révolution, l'un d'eux fut même quelque temps ministre de la Marine pendant cette période trouble de notre Histoire. Puis, à la fin de la Révolution et sous l’Empire nous trouvons les noms de Harenodo, de Lafitte de Ciboure et de Pellot Montvieux de Hendaye. Harenodo vint de Bordeaux pour armer à Bayonne, il était d‘un courage à toute épreuve ; en pleine guerre avec l'Angleterre, il pénétra dans la rade de Portsmoth, où il prit à l’abordage un navire de commerce anglais devant tonte la flotte de guerre anglaise qui était à l’ancre. Sa fin fut tragique, un navire découvrit un jour, au cours d'un voyage dans l'Océan Indien, un bateau désemparé ; quelques marins se rendent à bord de l'épave, ils trouvent l'équipage et le capitaine cloués aux mâts et aux bordages, ils apprirent qu'il s’agissait d'Harenodo et de son équipage ; personne ne sut jamais qui les avait massacrés. Lafitte de Ciboure fit comme officier ou comme marin la presque totalité des guerres de l'Empire ; après 1813, il se dirigea vers la Luisiane, le Delta du Mississipi où il se fit pirate. S'étant installé dans une île qu'il fortifia, il prétendit prélever sur tous les navires de passage un droit de péage. Une compagnie de soldats envoyée contre lui par les colons de la Nouvelle Orléans fut désarmée et renvoyée saine et sauve. Une deuxième expédition eut plus de chance, Lafitte et ses compagnons furent massacrés (1818).
HOMMAGE AUX CORSAIRES MARINS ET PÊCHEURS BASQUES PAYS BASQUE D'ANTAN |
Le dernier corsaire, il mourut le 30 avril 1836, fut Pellot Montvieux de Hendaye. Il eut une vie véritablement extraordinaire, qu'il serait trop long de raconter. M. Colas nous rapporte quelques anecdotes à son sujet. Issu d'une famille de marins, c'était un fort galant homme, d'une courtoisie inégalable, nos ennemis éprouvèrent toujours pour lui le plus profond respect. Un capitaine anglais nommé Kelly, ayant été tué lors de la prise de son bateau, Pellot l'enveloppa dans le pavillon anglais qu'il avait si bien défendu et l'envoya à terre avec quatre de ses marins auxquels il rendit la liberté pour la circonstance. Pellot, fait prisonnier cinq fois, s'échappa toujours ; deux de ses évasions valent la peine d'être contées. Pris et conduit en Angleterre, son caractère enjoué fait de lui le bout en train de ses camarades prisonniers et de ses geôliers, bientôt la ville entière ne jure que par lui. Il écrit une pièce de théâtre en anglais, tout le monde vient la voir jouer ; pour remplir son rôle dans cette pièce intitulée "Le Général boiteux", il utilise un uniforme emprunté au capitaine chargé de sa surveillance, un ivrogne invétéré. Grâce à ce costume, il peut s'échapper, les soldats anglais lui rendent les honneurs, des marins irlandais révoltés contre leur propre capitaine, lui permettent de passer la Manche. Voulant un jour relâcher dans le port espagnol de Bermeo qu'il ignore s'être déclaré pour l'ennemi, il y est fait prisonnier. Contents de leur prise, ses vainqueurs, anglais et espagnols, l'invitent à un festin, ils s'enivrent. Pellot Montvieux, à l'aide d'une corde qu'il porte toujours sur lui, s'enfuit par la fenêtre, rejoint son bateau dont on avait négligé de débarquer l'équipage français et s'enfuit avec une prise.
LE CORSAIRE PELLOT MONTVIEUX HENADAYE - HENDAIA PAYS BASQUE D'ANTAN |
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