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mardi 13 mai 2025

UN VOYAGE A ANDAYE-HENDAYE EN LABOURD AU PAYS BASQUE EN SEPTEMBRE 1857 (troisième partie)

 

ANDAYE-HENDAYE EN 1857.


En 1857, la ville d'Hendaye, en Labourd, compte environ 430 habitants et son Maire est Joseph Lissardy.




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HENDAYE VERS 1842
GRAVURE DE LOUIS GARNERAY



Voici ce que rapporta à ce sujet le quotidien La Presse, le 21 septembre 1857, sous la plume de 

Frédéric Thomas, Avocat à la Cour impériale :



"Courrier du Palais.

XXIII.



... Il emprunta une allumette à un fumeur, et puis, ayant détaché le rat, il l'alluma. Le malheureux animal, excité par l'action du feu, s'échappa pétillant et fumant ; mais bientôt sa course se ralentit, puis s'arrêta ; la flamme l'avait dévoré : ce n'était plus qu'un charbon.



Méchant gamin, tu ne pensais guère, à ce moment-là, que tu renouvelais pour ce rat un supplice décrit par Juvénal, Tacite, Sénèque, et que les Romains, particulièrement sous Néron, infligeaient aux chrétiens dont ils faisaient des martyrs.



Un instant après, mes compagnons me rejoignirent, et nous allâmes ensemble à l'Hôtel-de-Ville. C'est le plus large des édifices qu'on rencontre vers le milieu de cette grande et magnifique rue dont nous avons parlé.



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MAIRIE FONTARRABIE 1904
PAYS BASQUE D'ANTAN



Les armoiries de la cité, comme une plaque sur un uniforme, étalent leur relief au milieu de cette façade de pierre.



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BLASON FONTARRABIE
PAYS BASQUE D''ANTAN



Presque tout le rez-de-chaussée de l'édifice est ouvert du côté de la rue et forme, sous le premier étage, une sorte de place découverte soutenue par deux piliers sur lesquels on placarde les affiches du gouvernement. L'architecte a ainsi ménagé cet enfoncement, tenant du porche et du péristyle. Un banc circulaire en pierre massive, et faisant cops avec le bâtiment, règne des trois côtés de cette place obscure. Vers le milieu, l'Hôtel-de-Ville et la principale porte, et à côté l'oeil plonge avec terreur dans une salle obscure à travers une fenêtre armée de barreaux formidables qui décèlent la prison. Nous eûmes la curiosité d'y entrer.



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MAIRIE FONTARRABIE GIPUZKOA
PAYS BASQUE D'ANTAN



Un homme du peuple qui était couché par là, et dont nous ignorons encore la qualité, nous introduisit dans un corridor, et, tournant à gauche, il fit grincer des verrous de mélodrame. Une porte cuirassée de fer hurla sur la rouille de ses gonds. Nous étions dans une salle basse toute en pierre, et sur le pavé de laquelle il n'y avait exactement qu'une litière de paille.



La lumière n'arrive dans ce réduit qu'en traversant la place couverte qui sépare de la rue le rez-de-chaussée de l'édifice. Cette lumière avare est encore interceptée par les larges barreaux que nous avons déjà signalés ; si bien qu'un jour crépusculaire pénètre avec peine dans cette première pièce de la prison. Mais c'est bien pis quand, au fond de cette salle et à l'endroit le plus obscur, l'oeil découvre une autre porte aussi épaisse que la première. C'est la porte d'un cachot, et cette porte fermée, le cachot devient un véritable sépulcre, car il ne reçoit d'aucun côté ni air ni lumière.



Nous regrettions, ce qui nous avait paru le superlatif du genre, les humides caveaux de la prison de Pampelune.



Dans le cachot de Fontarabie, même quand la porte en est ouverte, on ne voir exactement rien, et il nous fallut recourir aux allumettes pour éclairer ces ténèbres absolues. Ici il n'y a plus de paille ; mais les deux tiers de cette salle sont envahis par une estrade en bois à hauteur de genou, scellée au mur et disposée un peu comme un lit de camp ou un pupitre. C'est là-dessus qu'on allongeait les prisonniers : il y avait place pour plusieurs. On les maintenait là en enfermant leurs jambes dans une machine de l'espèce des ceps et dont voici le mécanisme. L'extrémité basse de l'estrade est bornée par un rebord de bois en saillie. Ce rebord est formé par une forte planche verticale divisée en deux parties. La partie supérieure de cette planche est mobile, tandis que l'autre est clouée à l'estrade. Mais toutes les deux sont percées d'entailles circulaires formant la demi-lune sur chacun des côtés, et par conséquent la lune complète quand les deux côtés de la planche se rapprochent et s'ajustent. La plupart de ces ouvertures rondes offrent une dimension suffisante pour contenir une jambe ; mais il en est deux plus considérables que les autres. Celles-là servaient à cravater le cou du captif comme la lunette de l'échafaud. Dans ce cas, le patient était couché au rebours, les pieds en haut, la tête en bas, ce qui ajoutait à la douleur de l'étreinte l'étouffement de l'asphyxie. Ces impressions nous étaient trop pénibles à tous pour les prolonger, nous sortîmes avec bonheur de ces voûtes sombres qui oppressaient notre poitrine.



Alors, nous arrêtant un moment sous le péristyle de cet hôtel-de-ville, l'un de nous lut une inscription qui défend de jouer à la pelote dans cette place sous peine d'une amende d'un réal : Meno la multa d'un reale.



Pourquoi ce rabais ? L'année dernière, cette même inscription, que je copiai très fidèlement, punissait la même infraction de deux réaux : Bajo la pena de dos reales.



D'où vient donc que depuis cette année il en coûte la moitié moins pour violer la loi ?



Et aussitôt les suppositions de trotter. A-t-on voulu encourager les infractions et pousser aux amendes ? Le Trésor aurait-il besoin d'argent ? A-t-on imaginé qu'à un seul réal par contravention, on jouerait davantage et que la recette se rattraperait sur la quantité des délits ? Ou bien n'est-ce pas plutôt qu'une administration paternelle a voulu mettre le fruit défendu à la portée des bourses les plus mal garnies ? Enfin, cette amende d'un réal ne remplace-t-elle pas ce prélèvement qu'on met sous le chandelier pour payer les cartes ?



L'un de nous proposa un excellent moyen de lever tous nos doutes et de répondre à toutes nos questions. Pour cela, il ne fallait que jouer nous-mêmes une partie de paume. Nous n'avions qu'à enfreindre la loi, et, au moyen de vingt-cinq centimes d'amende, nous obtenions d'abord une autorité locale pour percevoir le real, et, par dessus le marché des éclaircissements sur les variations de l'inscription. Ce projet allait être adopté lorsque les plus timides de la troupe nous firent observer que nous ne savions pas assez d'espagnol pour commettre un délit à l'étranger. On craignit qu'un malentendu ou un mal-expliqué nous fit jeter sur la paille trop sèche de la prison voisine. Et il fut décidé qu'il valait mieux garder nos inquiétudes et partir. Cet avis prudent ayant prévalu, la troupe sortit de Fontarabie, que le lecteur connaît suffisamment pour apprécier combien le bombardement de 1794 fut peu dommageable à cette ville.




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REDOUTE D'ANDAYE ET FONTARABIE 1764
PAYS BASQUE D'ANTAN


Les blessures de la guerre ont été pour Fontarabie plutôt un ornement qu'une mutilation. La mitraille lui a imprimé ces cicatrices qui ne défigurent pas, mais qui apitoient. La ville y a gagné une coquetterie de tristesse et une grâce du délabrement qui intéressent et vont au coeur.



Si Andaye est un cadavre, Fontarabie est un invalide..."




A suivre...






Merci ami(e) lecteur (lectrice) de m'avoir suivi dans cet article.

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