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jeudi 1 mai 2025

LA PIÈCE DE THÉÂTRE "RAMUNTCHO" DE PIERRE LOTI EN MARS 1908 (quatrième et dernière partie)

  

LA PIÈCE DE THÉÂTRE "RAMUNTCHO" EN 1908.


"Ramuntcho" est une pièce en 5 actes et 12 tableaux, écrite par Pierre Loti et représentée pour la première fois au Théâtre de l'Odéon, le 28 février 1908.



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PIECE DE THEÂTRE "RAMUNTCHO"
DE PIERRE LOTI



Voici ce que rapporta à ce sujet le quotidien Comoedia, le 1er mars 1908, sous la plume de Pierre 

Souvestre :



"Théâtre National de l'Odéon.

Ramuntcho.

Pièce en 5 actes et 10 tableaux de M. P. Loti, de l'Académie française, musique de M. Gabriel Pierné.



... La soirée.


Ours menaçants.



Si vous ou moi — moi surtout évidemment — étions allés soumettre à M. Antoine un scénario extrait du merveilleux roman de M. Pierre Loti, il nous aurait sûrement répondu :


"Je vous en supplie, ne compromettez point cette oeuvre admirable et n'essayez pas à la scène ce qui fut écrit pour être lu dans la paix du foyer, le calme de l'esprit et la quiétude parfaite de l'âme".



Et M. Antoine nous aurait poliment mais carrément mis à la porte.




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PHOTO D'ANDRE ANTOINE 
PAR CHARLES REUTLINGER VERS 1900


Toutefois, semblable réponse était plus délicate et plus scabreuse à faire si d'aventure l'auteur du scénario se trouvait être celui du roman.



Or il arriva en fait que ce fut M. Pierre Loti qui apporta à M. Antoine le projet d'adaptation pour le théâtre de son roman Ramuntcho.



Une pièce de M. Pierre Loti, cela ne se voit guère souvent. Cela se reçoit les yeux fermés. Il est dommage que cela s'entende aussi parfois de même !



Crépuscules.



A la vérité, nous nous attendions à vivre quelques heures au joli pays basque tout rutilant de lumière et c'eût été un appréciable contraste avec le mauvais temps gris, pluvieux, fumeux, maussade, boueux, désagréable, qui sévissait, concomitant avec la première.



Mais, hélas ! l'amour au pays basque ne se déclare pas au grand jour et les machinistes, dûment stylés par le metteur en scène, nous ont fait passer de crépuscules bleutés en crépuscules roses, en crépuscules gris.



Félineries.



Au demeurant, nous n'avons cessé d'entendre sonner l'angélus ; les cloches ont aussi battu, mélancoliques, l'andante des agonisants et ces choses eussent été anormales à l'aurore.



De plus l'obscurité convient aux chats :


On se demande à quel propos nous parlons ici de chats, car en vérité nous n'en vîmes point. Cependant, nous aurions pu en voir. Il y a à cela deux raisons.



M. Pierre Loti adore les chats. Ce sont de jolies bêtes séduisantes et félonnes ; cyniques et caressantes. Il est loisible d'aimer les chats et cette sympathie d'un grand homme pour les démons soyeux du foyer flattera les vieilles dames prêtresses du culte de Raminagrobis. Ramuntcho — le Ramuntcho du roman — aime aussi les chats.




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PIERRE LOTI ET SON CHAT A ASCAIN
PAYS BASQUE D'ANTAN



Il en possède un, familier, domestique. Eventuelle consolation pour les heures d'affliction.



Or, on voulut mettre ce chat à la scène de l'Odéon. — Les bêtes au théâtre ce sont là les idées neuves qui plaisent dans une certaine mesure.



On se procura donc un agora — ou un vulgaire minet de gouttière — (je n'ose l'affirmer, ne l'ayant pas vu, vous dis-je) et ce personnage entra tout de go à l'Odéon, plus aisément, je vous l'assure, qu'un second prix du Conservatoire.



Il fallut ensuite l'acclimater en dépit de quelques coups de griffes et le chat finit pas se tenir tranquille aux côtés de Ramuntcho qui, dès le troisième tableau du dernier acte, le récompensait d'une friandise.



Mais à la générale, ah ! à la générale ! est-ce l'émotion de l'artiste, est-ce l'énervement redouté du félin, Alexandre — Ramuntcho, — coupa audit animal sa scène et son lunch : le chat resta au fond du panier d'où il aurait dû sortir !



A un tableau près.



Au surplus, cela ne nuisit en aucune façon à l'action poignante et comme il devait être question par la suite au cours de la pièce de ce fameux chat, étant donné qu'il n'avait point paru, on coupa d'autorité tous les passages du texte qui se rapportaient à lui.



Voilà un chat qu'on n'y reprendra plus.



D'ailleurs, on n'en est pas à une coupure près dans Ramuntcho. L'abondance des tableaux le permet. C'est ainsi qu'on a supprimé le troisième tableau du troisième acte au cours duquel Ramuntcho, faisant ses adieux à sa petite amie Gracieuse, devait évidemment répéter à peu de choses près ce qu'il venait de lui dire au tableau précédent.



Toutefois, les personnes soucieuses de connaitre le décor de cette tranche de drame ont quelques chances de le voir aujourd'hui dimanche en matinée :


Il est question de le rétablir pour cette représentation.



Chez les artistes.



La pièce étant très courte, malgré ses dix ou onze tableaux, à cause des longs entr'actes et de la belle partition de M. Pierné, nous avons eu tout le loisir de nous entretenir avec les artistes au foyer du théâtre.



Un menu peu banal.



Nous avons même assisté au dîner de Mlle Sylvie. Cette délicieuse artiste surmenée, fatiguée, en proie aux affres d'un trac suraigu soupait vers les dix heures un quart avec de l'alcool de menthe pour tout potage et dessert.



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ACTRICE SYLVIE
MAGAZINE LE THEÂTRE JUILLET 1910


C'est un joli menu pour une amoureuse mystique et Gracieuse incarne son rôle jusque par delà le décor. Mais j'imagine que le couvent changera ce régime...



Mlle Sylvie, si audacieuse lors de ses débuts ingénus, redoute l'abord de la rampe aujourd'hui qu'elle a de l'autorité, de la notoriété, de l'assurance.



Elle nous confiait son rêve de se casser la jambe un jour en venant au théâtre pour vivre un peu tranquille...



Inadmissible voeu que tout Paris réprouve.



N'abusez pas de l'alcool de menthe, Mademoiselle Sylvie, même les soirs énervants de répétition générale.



Une belle moribonde.



Mlle Sylvie veut se casser la jambe. Mme Emilienne Dux songe à mourir.




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ACTRICE EMILIENNE DUX 1918



D'un acte à l'autre, il s'écoule trois ans au deuxième entr'acte, nous retrouvons la sympathique artiste considérablement vieillie : perruque grisonnante, lèvres décolorées.



La pauvre dame va mourir à onze heures vingt, ce qui est fort apitoyant.



Heureusement, elle meurt si merveilleusement et dans une allure si poignante que le public enthousiaste la ressuscite par ses acclamations.



Les congrégations expulsées semblent s'être donné rendez-vous dans les couloirs odéoniens ; elles y vivent en bonne intelligence avec un peu de clergé séculier et même ce qui est pire avec des douaniers retors et des contrebandiers facétieux, mais tout cela paraît peu de chose à côté de l'animation que détermine en ces lieux des pelotaris tapageurs :



Bruyants pelotaris.



Parlons des pelotaris basques qui sont le clou de la pièce :


Il s'agit d'une équipe de véritables professionnels. Professionnels de grande race qui font au deuxième acte des prodiges d'habileté.



Vous ne vous en doutiez pas ?



Ecoutez.



Les joueurs de pelote disposent d'ordinaire d'un champ de douze mètres environ et jouent avec des balles qui pèsent une livre.



La scène de l'Odéon — encore que vaste se prêtait peu à semblable développement.



On a diminué le champ des joueurs, le poids des balles, point l'habileté des pelotaris, ni même leurs éclats gutturaux si bien que nous n'avons rien entendu des propos qu'échangeaient le galant Ramuntcho et sa douce fiancée.



Mais nous nous en sommes bien douté, n'ayez crainte. Ils se disaient qu'ils s'aimaient et cela s'entend sans qu'on perçoive exactement tous les mots du thème si doux à développer.



Alexandre le Grand.



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PORTRAIT DE RENE ALEXANDRE
PAR LOUIS-EDOUARD FOURNIER VERS 1911


Mais Ramuntcho ?



Ramuntcho ! Ramuntcho, c'est Alexandre.



Alexandre ? Eh oui ! un jeune qui sort du Conservatoire... en est-il même sorti ?... Il ira loin cet Alexandre, car il a du tempérament, de l'allure et de la voix... plus loin que Ramuntcho... "pièce de M. Lucien Jusseaume écrite pour le théâtre Colonne" a dit un ironiste et revêtant son pardessus !"




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