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samedi 1 mars 2025

LA PIÈCE DE THÉÂTRE "RAMUNTCHO" DE PIERRE LOTI EN MARS 1908 (deuxième partie)

 

LA PIÈCE DE THÉÂTRE "RAMUNTCHO" EN 1908.


"Ramuntcho" est une pièce en 5 actes et 12 tableaux, écrite par Pierre Loti et représentée pour la première fois au Théâtre de l'Odéon, le 28 février 1908.



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PIECE DE THEÂTRE "RAMUNTCHO"
DE PIERRE LOTI



Voici ce que rapporta à ce sujet le quotidien Comoedia, le 1er mars 1908, sous la plume d'Henry 

Gauthier-Villars :



"Théâtre National de l'Odéon.

Ramuntcho.

Pièce en 5 actes et 10 tableaux de M. P. Loti, de l'Académie française, musique de M. Gabriel Pierné.



... La partition.



Les 41 numéros de musique dont Gabriel Pierné a émaillé les 5 actes de Ramuntcho remettent en discussion la vieille question de futilité ou du danger des partitions de scène. Un petit volume serait nécessaire pour discuter ce grave problème, d'une part examiner les arguments des spectateurs assez bien doués pour prendre un plaisir simultané au jeu des acteurs, au texte de l'auteur, à la mise en scène et aux combinaisons mélodiques, harmoniques et orchestrales du compositeur qui les commente ; d'autre part, contrôler les objections de ceux à qui la partition gâte le drame, ou le drame la partition.



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RAMUNTCHO DE PIERRE LOTI
MUSIQUE DE GABRIEL PIERNE



Cette forme d'art exige une certaine indépendance d'oreille et à une première audition les spectateurs accoutumés à l'"attention active" se trouvent cruellement écartelés entre l'orchestre et le "plateau". En principe, l'opportunité d'une musique de scène est en raison directe de sa banalité et de son insignifiance : dès qu'elle offre une trouvaille, qu'elle exprime une pensée attachante, qu'elle se permet, non pas même du génie, mais de l'ingéniosité, elle trahit la pièce ! Les exemples abondent : la partition de L'Arlésienne gonflé de musique, méprisée par les spectateurs de 1872, n'arrive à faire corps avec la pièce de Daudet qu'à la faveur de son succès de "Suite d'orchestre" ; c'est parce que le public a lentement appris par coeur ces numéros, en dehors de l'Odéon ; c'est parce que, détournées de leur destination, ces pages ont résonné dans toutes les salles de concert et dans tous les kiosques de nos squares, que, les auditeurs peuvent superposer le plaisir musical, déjà classé et assimilé, au plaisir littéraire qui leur est offert. Plus près de nous, la partition trop écrite, trop consciencieuse de La Faute de l'Abbé Mouret ne servit qu'à alourdir les tableaux de Zola et ne fut comprise... qu'aux Concerts Colonne, bien loin d'Albine, de Serge et du frère Archangias ! Pour permettre le nécessaire dédoublement d'oreille, l'un des deux éléments ne doit exiger que l'"attention passive" et l'on ne peut y parvenir que par une assimilation préalable de la musique ou par le choix de lieux communs orchestraux immédiatement "en place" pour le public le moins porté à l'analyse.



La partition de Ramuntcho vient d'obtenir un vif succès de première et vous m'en verriez fort inquiet pour son auteur s'il ne s'agissait là d'un cas très particulier. Il est certain que, seules les banalités ont porté ; or elles ne sont pas de l'ami Pierné. Dans un louable désir de couleur locale et s'effaçant modestement derrière le sujet, le délicieux compositeur a accumulé les citations de chansons et de cantiques basques, les "Aurresku", les "Azeri dantza", les "Ezpata dantza", les "Nere Andréa", les "Artzano" et les "Celebre querriac", tous thèmes miraculeusement dépourvus d'originalité et d'intérêt musicaux. (Puisse Charles Bordes me pardonner ce blasphème !). C'est en vain que l'adroit adaptateur a épuisé les artifices de sertissage usités en pareil cas, harmonisations subtiles, caresses de sixtes conjointes, basses descendant chromatiquement, fragmentations, renversements, imitations, canons ou déformations de rythmes et de mesure, ces vilains cailloux de la Bidassoa ne sont pas devenus des diamants. C'est en vain que les plus amusantes dispositions de timbres ont tenté de sauver la platitude du national "Guernicaco arbola", déjà entendu dans l'attachante Guernica, de Paul Vidal, et les innombrables "Zortzico" dont les 5 temps sont devenus dans la bouche des choristes parisiens de confortables six-huit, tout ce folk-lore reste d'une déplorable grisaille, d'une apitoyante insignifiance mélodique et rythmique, et les 2 fandangos que danse se médiocrement la charmante Sylvie n'ont pas le puissant "dynamisme" de la Habanera qui résonne encore à nos oreilles.



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GUERNICA
DE PAUL VIDAL



Les quelques lignes vraiment tombées de la plume de Pierné sont exquises : le jardin de Gracieuse et l'agonie de Franchita ont permis, l'un au flûtiste et l'autre au violoncelliste, de nous montrer ce que sait dire ce charmant auteur lorsqu'on le laisse parler tout seul.



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PIECE DE THEÂTRE RAMUNTCHO ACTE IV
CHAMBRE DE FRANCHITA 1908



Inutile d'insister sur la jolie instrumentation discrète et précise de toute la partition. A noter l'heureux emploi asymétrique des cloches sur scène. L'observation la plus élémentaire permet de se convaincre que les "volées" simultanées de deux sonneries ne donnent pas ces blanches et ces rondes régulières que nous trouvons dans toutes les symphonies où intervient la voix d'un clocher : Pierné a su, à la sortie de l'église du premier tableau, faire entendre, au-dessus de la marche jouée par l'organiste, les rythmes variés et fantaisistes que peuvent réaliser les efforts combinés de 2 carillonneurs villageois en pleine action. Une seule petite querelle : cet office se termine par la mise en branle de 2 cloches en do et en ; un peu plus tard, la sortie des vêpres se fera sur 3 cloches donnant un sol dièze, un mi et un fa dièze... N'est-ce pas beaucoup pour le même clocher et la petite église d'Etchezar possède-t-elle donc un carillon flamand ?



L'auteur a remporté un vif succès personnel de chef d'orchestre en conduisant l'importante phalange que l'Odéon accorde à ses heureux compositeurs. Et il faut se demander si un chassé-croisé ne va pas se produire entre les directeurs de l'Opéra-Comique et du second Théâtre-Français, puisque, le même semaine, nous avons pu voir avec quelle merveilleuse habileté M. Antoine sait monter les pièces qui ont beaucoup de musique, et M. Carré, celles qui n'en ont pas !



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ALBERT CARRE
ADMINISTRATEUR GENERAL COMEDIE-FRANCAISE
DE JANVIER 1914 A NOVEMBRE 1915



Comment ils ont joué.



L'interprétation de Ramuntcho présente comme toutes les interprétations de l'Odéon une étonnante homogénéité. Cette homogénéité va même jusqu'à l'effacement ; car les artistes, à part 2 ou 3, n'ont guère de rôles dans cette succession de tableaux. Par le fait même de la pièce et non à cause de la troupe, l'interprétation laisse une impression de grisaille.



Il faut mettre hors de pair le jeune Alexandre, chargé du rôle de Ramuntcho. Ce second prix du Conservatoire possède une voix chaude et sympathique, qui sonne généreusement dans le grave. M. Alexandre ne laisse pas tomber les finales, pêché mignon de nombreux interprètes. Il sait se servir de ses moyens, il a composé son rôle avec une rare intelligence, il a bien marqué que Ramuntcho est un Basque d'adoption et de coeur, mais qu'il a du sang aristocratique dans les veines, qu'il a quelque chose de moins fruste que les vrais Basques. Il nous a donné un Ramuntcho sobre, nullement mélodramatique, avec des effets d'émotion simples et distingués. Cette création nous promet un vrai jeune premier, un artiste de sincérité."




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PORTRAIT DE RENE ALEXANDRE
PAR LOUIS-EDOUARD FOURNIER VERS 1911



A suivre...



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