LE FANDANGO.
S'il est une danse emblématique associée au Pays Basque, c'est le fandango.
FANDANGO PAYS BASQUE D'ANTAN |
Et pourtant, le fandango est une danse de couple d'origine andalouse, accompagnée de
castagnettes et de guitare, pouvant être chantée.
Voici ce que raconta, au sujet du fandango, Philippe Veyrin, dans le Bulletin du Musée Basque,
numéro 3-4 de 1927 :
"...Le fandango ! N'est-il point avec le béret, la chistera et le makhila, un des traits essentiels du Basque tel qu'on l'imagine communément ?
Il faut, hélas, en rabattre : parmi les richesses chorégraphiques réelles du folk-lore basque, cette soi-disant danse nationale ne présente qu'un fort modeste intérêt. Intérêt suffisant, toutefois, pour mériter que nous tentions ici de décrire le caractère de cette danse, d'envisager son origine possible, les limites actuelles de son expansion, quelques traits de son évolution.
Quelle description du fandango vaudrait cette gouache d'Arrué, ce tableau fin et nerveux où palpite en traits essentiels la fougue juvénile des danseurs ?
FANDANGO DE RAMIRO ARRUE |
Regardons cette image et relisons ici, ces quelques lignes éparses de Ramuntcho, où le génie de Pierre Loti a su ressusciter tout le charme voluptueux et puéril d'un soir de fête dans un village perdu :
"Et bientôt le fandango tourne, tourne, au clair de lune nouvelle dont les cornes semblent poser là-haut sveltes et légères, sur la montagne énorme et lourde. Dans les couples qui dansent sans s'enlacer ni se tenir, on ne se sépare jamais ; l'un devant l'autre toujours et à distance égale, le garçon et la fille évoluent, avec une grâce rythmée, comme liés ensemble par quelque invisible aimant...
...Et par moment, toutes les cinq ou six mesures, en même temps que son danseur léger et fort, elle faisait un tour complet sur elle-même..."
Rien n'est à retrancher dans cette page admirable, presque rien à compléter. Notons seulement un détail documentaire : d'habitude les couples n'évoluent pas isolément, mais groupés en cercle autour d'un axe imaginaire. On voit ainsi fréquemment des ensembles de 10 ou 12 danseurs et danseuses, mais la formule préférée - assurément la plus harmonieuse - est celle qui réunit seulement deux couples aux jarrets agiles.
Le fandango est invariablement suivi d'une autre courte danse, sur une mesure différente qu'on nomme l'arin-arin (ce qui veut dire en basque "léger-léger"). La caractéristique principale de l'arin-arin est un pas qui consiste à sauter plusieurs fois de suite d'un pied sur l'autre, en croisant les jambes. Le rythme très vif dès le début est progressivement accéléré par les musiciens de façon à laisser en finissant les danseurs absolument hors d'haleine.
Alors que les danses traditionnelles labourdines, bas-navarraises et souletines sont exécutées uniquement par des hommes revêtus de costumes spéciaux, bref, constituent avant tout de véritables spectacles (peut-être d'origine rituelle), le fandango, lui, se présente communément sous un tout autre caractère : celui d'un simple divertissement individuel.
Une différence d'esprit si radicale conduit à supposer une origine étrangère. De fait le mot même de "fandango" n'est pas explicable en eskuara. Cette question d'origine, ne semble pas, à notre connaissance, avoir été résolue. On a supposé, sans preuves bien certaines, que le fandango avait été importé de l'Amérique du Sud au temps des "conquistadores". Un seul fait paraît certain : le fandango qui n'aurait aucun rapport avec la Castille ni avec l'Andalousie, est incontestablement proche parent de la "jota" aragonaise.
Au pays-basque espagnol, le fandango se dansait déjà, m'a-t-on dit, au XVIIIe siècle ; mais, fait digne d'attention, il n'a conquis qu'une partie des provinces françaises et à une date singulièrement récente.
Nous possédons à ce sujet, le témoignage précis d'un des plus éminents bascophiles de la dernière génération. Dans une lettre adressée en 1904 à Carmelo de Etchegaray, le Rév. Wentworth Webster écrivait, en effet, ceci :
"Je me souviens fort bien avoir entendu dire, il y a quelque trente ans : "Les cascarrots de Ciboure commencent à danser le fandango." Ils l'ont appris des Espagnols et les autres l'ont appris d'eux. Les véritables danses basques sont actuellement complètement oubliées."
Il résulte de ce passage que le fandango n'a pénétré chez nous qu'aux alentours de 1870.
De nos jours, je crois bien avoir vu le fandango dansé par la foule dans tous les villages labourdins compris entre la frontière et la vallée de la Nive. C'est là son vrai domaine. Au nord de cette rivière il est déjà sensiblement moins répandu. En Soule, le fandango est demeuré inconnu, mais dans quelques localités de la Basse-Navarre, il s'est implanté occasionnellement sous une forme particulière. En effet, les "kaskarotak" du Labourd ont commencé à le faire entrer dans le répertoire qu'ils dansent, en tenue traditionnelle, principalement au temps du carnaval. Les danseurs bas-navarrais ont suivi cet exemple, et c'est ainsi qu'un fandango, uniquement créé par une équipe de jeunes hommes aux brillants costumes, peut être vu parfois, en spectacle, aux jours de fête à Baïgorry, Saint-Jean-Pied-de-Port, etc...
Il va sans dire qu'une évolution s'est marquée, parallèlement à cette transformation, dans le style même de la danse. Il y a loin, entre cette chorégraphie d'hommes toute imprégnée de la manière archaïque des sauts basques, et le fandango onduleux, capricieux, passionné, voire un brin lascif, qu'admirent les étrangers sur la place Louis XIV à Saint-Jean-de-Luz, les soirs d'été...
Un mot encore au sujet de la musique du fandango. Celle-ci, maintenant du moins, n'est ni ancienne, ni d'origine populaire. Tous les jolis fandangos, les plus en vogue actuellement (tels ceux intitulés Guéthary, Clara, Donibane, Fandango d'Ainhoa, etc...) ont été composés dans ces vingt dernières années par des auteurs pourvus de connaissances musicales : Garcia, Etcheverrigaray, Dupouy, Razigade, Vicendoritz, etc...
FANDANGO PAYS BASQUE D'ANTAN |
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