UNE JOURNÉE DE FÊTES À SAINT-JEAN-PIED-DE-PORT EN AOÛT 1927.
De tout temps, les fêtes ont été nombreuses au Pays Basque, tant au Nord qu'au Sud, tant sur la côte qu'à l'intérieur.
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Voici ce que raconta sur les fêtes de Saint-Jean-Pied-de-Port, le journal La Petite Gironde,
dans son édition du 27 août 1927, sous la plume de Gaston Bénac :
"Fandangos, improvisations, pelote basque.
Le plus vieux jeu de pelote : le mahaïa, vieux de 250 ans, a été joué ces jours derniers.
Pays Basque, août.
— Si les belles traditions étaient chassées du reste du monde, c'est sans doute dans quelques jolis coins des Pays Basques français et espagnol qu'il faudrait aller les chercher, tout près d’ailleurs des points de concentration, bruyants des appels de klaxons et des piétinements nerveux des moteurs, des colonnes étrangères qui passent sans se douter. Tandis que le Tout Paris, le Tout Broadway, le Tout Oxford-Street mondain continue sur la Côte, sur la Côte d’Argent aux reflets variant à l'infini, la vie nocturne de Montmartre derrière des collines douces, tapissées de fougères, coiffées de vert, ornées du ruban des routes qui se profilent lentement à l’horizon, toute une population s'amuse, rit, joue, parle, comme autrefois.
L’étranger et ses cinq litres sport ou tourisme, s'arrête quelquefois, passe et ne pénètre pas l’âme du Basque fier, indépendant, attaché à son sol et à ses traditions. Et, comme je m'étonnais de ne pas voir la colonie étrangère suivre de plus près ces curieuses fêtes du Pays Basque, en émettant la crainte que plus tard palaces, dancings et jazz viennent abîmer ces jolis coins du Pays Basque, le député Ybarnegaray, Basque et sportif jusqu'au bout des doigts, me répondit :
— Le Basque est accueillant et hospitalier sans doute, mais il ne se laisse pas pénétrer aisément, il ne se livre pas. Il faut, pour bien le comprendre, être admis dans son milieu en ami. C'est pour cela qu’il a résisté à la pénétration pacifique, qu'il est resté lui-même au milieu de tous les grands de la terre qui foulent son sol.
Simplicité basque.
Trois mois durant, le Pays Basque est en fête, et comme la fête de chaque village dure en moyenne quatre jours, agrémentée de matches de pelote nombreux, les amateurs de réception et de sport ne savent à quel saint se vouer. Parmi les plus réputées des fêtes basques, celle de Saint-Jean-Pied-de-Port arrive au tout premier rang. Ville de traditions jalousement encloses dans ses magnifiques remparts du XVIle siècle tout tapissés de verdure, véritable capitale de la Basse Navarre, centre géographique, carrefour des routes d'Espagne, Saint-Jean-Pied-de-Port est la cité idéale pour fêtes des traditions et du sport. Et, fort heureusement encore, les Sociétés de tourisme, les Agences et les Compagnies cinématographiques la laissent à peu près en paix.
SAINT JEAN PIED DE PORT - DONIBANE GARAZI 1927 PAYS BASQUE D'ANTAN |
D'autres villages sont en fête sur la route de Saint-Jean, et en passant à Louhossoa, un spectacle champêtre et charmant s'offre à nos regards. Quatre pelotaris, chistéra en mains, attendent qu'un beau gaillard sur la tête duquel il a neigé, ait fini de balayer.
— Bonjour monsieur le Maire ! crie un ami au passage.
Et M. le Maire salue, le balai en main. Tableau délicieux qui montre combien tout protocole est banni de la vie des Basques, étroitement unis dans la même cité. M. le Maire est un sage qui sait qu'il ne faut dans la vie compter que sur soi-même. Pendant ce temps, tout à côté, un maréchal improvise, paraît-il, des chansons basques en ferrant un mulet, le bruit du marteau sur la corne de l'animal lui fournit les rimes.
Concentration des internationaux Basques.
Et voici, après la randonnée sur la vieille route rugueuse qui évite la vallée de la Nive trop encombrée, pour aboutir à la route de Saint-Palais, voici Saint-Jean-le-Vieux, puis Saint-Jean-Pied-de-Port décoré de bouts de papier multicolores, tout secoué par les accents un peu monocordes de la musique locale. C'est le dernier jour des fêtes, on est un peu las, on a trop veillé, les libations furent trop abondantes, et les émotions trop fortes. Les internationaux basques, disséminés dans tous les grands clubs français, semblent s'être donné rendez-vous dans la petite ville, blottie coquettement aux pieds des Pyrénées. Voici le grand Adolphe Jauréguy en compagnie de son père, qui avoue qu'il n'a jamais vu jouer son fils, un Adolphe Jauréguy redevenu, août durant, alpiniste et pelotari à main nue. Voici le puissant et scientifique René Lasserre, lui aussi un des meilleurs joueurs ayant porté notre maillot national; voici les deux Béhotéguy, grands attaquants à l'action si élégante et si nette, voici l'ardent Sebedio, plus jeune que jamais; voici le sage et robuste Moureu, voici Paillassié, voici Goyenetche... véritable constellation de rugbymen venus se retremper aux meilleures sources de Jouvence, celle qui égayèrent leurs premiers éclats.
ADOLPHE JAUREGUY PAYS BASQUE D'ANTAN |
RENE LASSERRE PAYS BASQUE D'ANTAN |
JEAN SEBEDIO "SULTAN" PAYS BASQUE D'ANTAN |
ANDRE BEHOTEGUY PAYS BASQUE D'ANTAN |
Les derniers bruits.
Discussions sur les dernières rencontres : Ymar, Ferrand et Yribarne trouvèrent à qui parler avec le trio de Sare qui leur mena la vie dure. Avez-vous comment ils terminèrent épuisés !
— Oui, mais ils ont gagné une fois de plus, c'est une belle équipe.
— Que pensez-vous du match de Chiquito de Cambo ?
— Il est resté un athlète formidable mais pourquoi n'accepte-t-il pas des matches contre les meilleurs Espagnols ?
— Ceux-ci ne tiennent pas à venir, sans doute. En tout cas, avez-vous vu s'il fut interpellé par le public Basque ? Avez-vous vu comment il riposte, comment il secoue ses co-équipiers et ses adversaires ? Quel phénomène !
Le plus vieux des jeux de pelote.
Entre deux fandangos et un concours d'improvisation, tout rouge, tout rond, tout bon enfant, le pelotari parieur, poète, aubergiste Barbier montre deux yeux malicieux et rieurs qui s'évadent d'un masque trop abondant. Figure curieuse ; on ne conçoit pas un match de pelote sans Barbier.
— Nous venons de ressusciter, me dit-il, un des plus vieux jeux du pays basque, le mahaïa, ou jeu de la table. Ce jeu, on le pratiquait ici il y a 250 ans. C’est une sorte de rebot à main-nues, avec une table pour le buteur loin du mur. On y joue à cinq contre cinq ; nous formâmes deux équipes Saint-Jean-le-Vieux contre Saint-Jean.
Nous recommencerons...
Et tandis que sur le vieux fronton de Saint-Jean, tout englouti dans son passé, resserré dans son cadre de verdure et de remparts, on attend les joueurs espagnols qui ne viendront pas, on y discute du prochain match Atano-Arrayet, le 25 courant, à Irun; on pronostique la victoire du Français ; on parle du match que les deux Atano vont livrer, le 5 septembre, à Saint-Etienne-de-Baïgorry, à Léon Dongaïtz et Arcé ; on discute tauromachie et pelote basque, il est question de Belmonte et de Mondragones, de Marcial Lalanda et d'Irigoyen...
MONDRAGONES PAYS BASQUE D'ANTAN |
ATANO II ET ATANO III PAYS BASQUE D'ANTAN |
MARCIAL LALANDA PAYS BASQUE D'ANTAN |
Grands et beaux athlètes.
Enfin voici les pelotaris aux prises. Edouard Arrayet s'est rhabillé, Léon Dongaïtz et Emmanuel Arcé sont face à face, avec le concours de deux amateurs qui s'emploieront de leur mieux, brillant même par instants. Léon Dongaïtz, rusé, vigoureux, précis, tenter de faire des points difficiles, il y réussira souvent. Emmanuel Arcé, souple, gracieux, enverra la balle fort loin, relèvera celles que lui portera son dangereux rival ; et les deux hommes, deux grands joueurs s’employant à fond, illustrent ce jeu à chaque geste d’un nouvel exploit étincelant, tandis que, en signe de Joie, Barbier danse et jette son béret aux cieux, qui le lui renvoient.
Grands et beaux athlètes ! Et si l’on songe que Léon Dongaïtz, meilleur que jamais, a dépassé la quarantaine, que malgré son âge, il joue presque chaque jour des parties épuisantes, comment ne pas admirer les beaux spécimens de cette race basque qui se livrent dans leur jeu, à chaque heure, au milieu des leurs...
DONGAÏTZ ET ARCE PAYS BASQUE D'ANTAN |
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