L'ÉNIGME DE L'ORIGINE DES BASQUES EN 1934.
L'origine des Basques a toujours été et reste encore aujourd'hui un mystère.
Voici ce que raconta la Gazette de Bayonne, Biarritz et du Pays Basque, dans son édition du 28
décembre 1934, sous la plume de François Duhourcau :
"L'énigme Basque est-elle près de finir ?
C’est à quinze ans que je connus l’étonnant Pays Basque. Un ami de Bayonne m’invita, au terme d’un beau mois de septembre, à venir passer deux jours avec lui. Au bord de son fleuve étincelant qu'animaient lumière et marée haute, l'allègre Bayonne, serrée, comme une jolie fille, dans son châle de verdure ensoleillée, l'allègre Bayonne m'ensorcela. Le long de la voie ferrée, la Nive franchie, les collines et le bandeau de montagnes, rousseurs bleuâtres parsemées de maisons blanches, me séduisirent par leur cordiale chaleur de tons.
Mais, à la station de Bidart, l'air vif, chargé d'iode, m'annonça la mer. Et je vis, répandues sur la falaise déclive, telle une coupe de perles renversée, les maisons du village éclatantes de blancheur sous le soleil matinal. Je vis encore, dans l’entaille de la petite baie soulignée de sable blond, s'écrouler plusieurs lignes de brisants. Les rayons qui les frappaient donnaient à leur écume un éclat de jeunesse et de candeur saisissantes. Au large, sur la mer verte, déferlaient deux ou trois lames solitaires avec une crinière d'embruns que le vent d’est échevelait.
GARE BIDART - BIDARTE PAYS BASQUE D'ANTAN |
Tant de haut ton, de vie et de lumière, ce matin-là, m'ont acquis, à l'Euskarie pour jamais. Guéthary, Saint-Jean-de-Luz, Hendaye, Fontarabie et, le lendemain, le Pays Basque intérieur et sa riante gravité, achevèrent un enchantement qui ne cessera qu'avec la vie. Comment se déprendre du paysage le plus racé du Monde ?
Comment se déprendre d’un peuple aussi racé que son terroir, entre vu et saisi, dès le premier regard, dans sa dignité robuste et sa noblesse simple ? Paysans au glabre visage, rappelant les antiques Romains, rencontrés à leur foyer, à l'église, au fronton ou, sur la route, devant leur attelage rustique, bras en croix sur l’aiguillon. Race mystérieuse et prenante dont les savants du monde entier s’attachent à déchiffrer l'énigme de la provenance et du langage. Elle est, parait-il, près de finir. Mais leur secret dévoilé ne fait pas qu'on se détache des Basques, bien au contraire.
VIEUX BASQUE AVEC MAKHILA MIALET PAYS BASQUE D'ANTAN |
"Les Basques, écrit Jean Brunhes dans sa "Géographie Humaine" de la France, ne sont point une unité ni historique ni ethnique. Le Pays Basque n'est pas une impasse, mais un carrefour. C'est comme flot subsistant de ces Ibères si mal connus que nous pouvons considérer les Basques d'aujourd’hui."
Les Basques sont donc des Sémites, en a-t-on d’abord conclu ! Il suffisait pourtant de les voir et de les connaître pour contredire cette hypothèse. La race basque crie l’aryanisme. Depuis lors, les travaux de l’Espagnol Céjador, du Russe Marr, des Italiens Trombetti et Moglia, des Allemands Winkler et Hoffmann, du Hollandais Van Eys, tendent à conclure que les Basques sont des Ibères du Caucase, de l'ancienne Ibérie comprise entre le mont Ararat, où atterrit l’Arche, et la chaîne caucasienne, pays qu’arrosaient l'Ebre et l’Araxe (l'actuelle Géorgie). Précisément, un notoire basquisant, M. René Lafon, vient de montrer les analogies du basque et du géorgien. Les cartes de démographie historique dénomment ce territoire "Pays de Thubal" parce qu’il aurait été donné comme terre de peuplement et de culture à Thubal, cinquième fils de Japhet. Les concordances des modernes savants rejoignent ainsi la tradition issue du fond des âges qui dit que les Basques descendent de Thubal ! Ce Ibères ou Iribériens, découvreurs de terres neuves et fondateurs de cités nouvelles (Iri-berri) semblent avoir été l’avant-garde migratoire des Indo-Européens ou Japhétiques, marchant à l’étoile Hesper, vers l’Ouest, à la suite du soleil.
PORTEUSE D'EAU PAYS BASQUE D'ANTAN |
C'est ainsi qu'ils furent les premiers à atteindre le territoire européen en traversant la Méditerranée dans toute sa longueur. Les plus aventureux de leurs marins, poursuivant leur destinée par-delà l'Océan Atlantique, découvrirent l’Amérique, avant Christophe Colomb. Mais ils ne le firent point assavoir au monde, ces taciturnes ! Aujourd'hui, "l’aînée des races de l'Occident", comme dit Michelet, s'est resserrée dans le plus beau des cantons de refuge, entre les monts et l'Océan, au fond du golfe de Biscaye.
Il semble aussi que l'heure approche où sera décelée sa langue énigmatique. Déjà le savant Ampère avait découvert que l’euskara fut la langue primitive du Latium. A la suite du Canadien Campbell, la plupart des inscriptions étrusques ont été élucidées par le moyen de l'euskara, comme le furent les inscriptions ibères en Espagne. Aux dernières nouvelles, Etrusque signifiait aïta-euskar, pères basques. L’euskara, c’est-à-dire le langage bien né (eus-eskara), le langage praticien, le langage des pères ne serait autre que celui des Euskes, tribu des Ibères. Ces Euskes qui témoignent aujourd’hui encore d’un sens conservatoire des traditions si obstiné ont maintenu avant tout le langage initial de leur race, la donnée essentielle de la vie individuelle et collective. Peut-être furent-ils préposés à cette garde par le peuple ibère pour la maintenance de la spiritualité japhétique, Comme la tribu de Lévi, huitième fils de Jacob, le fut, en Israël, pour la sauvegarde du culte et de la législation sémitiques, avant la migration en Terre Promise. On peut donc croire que l'euskara fut la langue de Thubal - et par son père Japhet, son grand-père Noé... on voit où cela mène. Il ne faudra pas s’étonner si, quelque jour, un épigraphiste déchiffrait avec l'euskara quelque inscription multimillénaire, quelque part en Mésopotamie. Ainsi serait vérifié le pressentiment de ces vieux curés basquisants, un Diharce de Bidassouet, un Manuel de Larramendi, qui voyaient dans l’euskara la langue-mère du premier couple au Paradis Terrestre !
DEVIDEUSE PAYS BASQUE D'ANTAN |
Thubal ne gagna-t-il point le beau pays clos qui lui fut dévolu alors qu’il n’y avait sur terre "qu'une seule langue et qu'une seule manière de parler" (Genèse) - celles évidemment du premier homme auquel avaient été données la parole et le langage ? Le basque ne date pas.
Quoi qu’il en soit, l’originalité des Basques est d’avoir, mieux que nul peuple japhétique, conservé, avec le langage originel, "la constitution essentielle de l’humanité", comme disait le Play en une formule magnifique, c'est-à-dire les éléments de la primitive civilisation indo-européenne, grâce à une prédestination mystérieuse du sang et de l’esprit qui demeurera le secret profond de ce peuple singulier. La voilà, l'énigme euskarienne dont on n'aura jamais la clé ! Et l'honneur des basques, leur mission capitale dans un monde où les principes de base sont sans cesse remis en question par l’inquiétude et l’orgueil invétérés des hommes, c’est de maintenir, comme un levain d’ordre et de progrès, telle la vieille pâte au ferment propice dans la platitude des pâtes trop neuves, ce sens du fondamental dont ils sont, depuis des siècles, les dépositaires privilégiés.
FEMME BASQUE AVEC CRUCHE PAYS BASQUE D'ANTAN |
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