CIBOURE EN 1891.
En 1891, Ciboure compte 2 165 habitants. Son maire est Rodolphe Fischer jusqu'au 7 novembre 1891, puis Evariste Baignol à partir du 8 novembre 1891.
CASCAROTTE PAYS BASQUE D'ANTAN |
Voici ce que raconta Le Petit Journal , dans son édition du 20 septembre 1891 :
"Voici deux villes sœurs : Saint-Jean-de-Luz et Ciboure.
L'une se mire aussi coquettement que l'autre dans la mer; l'une et l'autre sont adossées à l'imposante masse de la Rhune, — qui quitte, en mai, sa robe d'hermine pour revêtir son manteau de pourpre.
Celle-ci, autant que celle-là, resplendit, au printemps, sous les gais rayons de lumière qui tamisent à travers un ciel sans nuages.
VUE GENERALE DE ST JEAN DE LUZ 1900 PAYS BASQUE D'ANTAN |
Eh bien ! ouvrez un guide ou lisez une chronique sur les plages éparpillées le long du golfe de Gascogne, vous y trouverez le nom de Saint-Jean-de-Luz, soulignant celui de Biarritz ; on vous parlera de sa grève, de son bassin, de ses promenades; en vous rappellera que ce fut dans cette ville que Mazarin et don Luis de Haro échangèrent les anneaux de fiançailles de Louis XIV et de l'infante Marie-Thérèse.
Et rien, pas une ligne, pas un mot pour la jeune sœur qui est là, tout à côté, séparée de son aînée, ou plutôt réunie à elle par les arches d'un pont.
Ne vous attendez pas à trouver à Ciboure des chalets à l'aspect luxueux et des villas au nom tapageur ! Les plans et devis de MM. les architectes modernes, avec leur inévitable corollaire de frais imprévus, ont été mis en quarantaine par cette petite population basque, jalouse de son passé.
CIBOURE - ZIBURU 1900 PAYS BASQUE D'ANTAN |
Par conséquent, à Paucalette comme à Bordagain, dans la longue rue, parallèle au quai, aussi bien que sur la fière hauteur de Petionbeita, ce ne sont que maisons uniformes, avec leurs façades grossièrement blanchies au lait de chaux, barrées horizontalement, perpendiculairement, transversalement de poutrelles rouges, avec leurs porches bas et étroits et, au-dessus, avec leurs balcons en forme de terrasse, — d'où l'on ne cesse de contempler le spectacle, à la fois grandiose et terrible, de la mer, tantôt dormant d'un sommeil de plomb, anéantie sous la chaude étreinte du soleil, tantôt grondant, furieuse, sous l'aiguillon de la tempête, avec leurs pignons recouverts de briques cendrées.
RUE POCALETTE CIBOURE - ZIBURU PAYS BASQUE D'ANTAN |
Mais quel confortable dans ces maisonnettes de si modeste apparence ! Avec quel soin elles sont distribuées ! Avec quel goût elles sont aménagées ! Le mobilier et le linge sont d'une propreté et d'une blancheur immaculées ... Et puis vous n'êtes pas reçu, là, comme l'étranger, regardé comme le mouton auquel on essaie d'enlever jusqu'à la dernière laine de sa toison, considéré comme la vache que l'on s'efforce de traire jusqu'à la dernière goutte de son lait. Vous êtes accueilli en ami qui avez déjà votre place marquée au foyer de la patriarcale famille basque. Soyez certain que l'etchecandria n'entamera pas l'arthoguia sans vous en offrir le premier morceau ; tombez malade, vous verrez avec quelle anxiété l'etchecoyanna s'informera chaque jour de l'état de votre santé... Ecrivez pour retenir l'appartement que vous avez occupé pendant la précédente saison, le plus riche des Yankees aura beau étaler son porte feuille, gonflé de banknotes, il ne vous sera pas préféré.
BORDAGAIN CIBOURE - ZIBURU PAYS BASQUE D'ANTAN |
Tout en haut de Paucalette est l'entrée de l'établissement de bains.
Elle donne accès dans une délicieuse véranda, plafonnée d'un treillage où les chèvrefeuilles et les lierres s'entrelacent amoureusement, où les grappes bleues des glycines pendent confondues avec les roses des églantiers. De cet observatoire le spectacle est tel que le pinceau du peintre, l'imagination du touriste n'en rêvèrent jamais de plus féerique.
Il semble
Que là, le Créateur ait voulu joindre ensemble
Ce qu'ont de plus suave et la terre et les eaux.
En face, la mer, qui prend son élan et écumante de rage, bondit sur l'Artha, — cette digue, véritable ouvrage de Pénélope, que, depuis 1667, les hommes s'obstinent à construire, à l'entrée de la rade et qu'elle, jalouse de sa liberté, brise sans cesse au gré de ses caprices.
DIGUES ARTHA STE BARBE ET SOCOA 1900 PAYS BASQUE D'ANTAN |
Plus loin, la nappe bleue infinie apparaît mouchetée de points blancs ; on dirait des mouettes qui trempent dans l'onde leurs ailes frémissantes ; ce sont des barques de pécheurs partis avant l'aube, partis dès la veille peut-être et qui, vienne un coup de vent, n'embrasseront plus ceux dont ils gagnent si péniblement le pain quotidien.
A droite, s'étend Saint-Jean-de-Luz; à travers la brume, en suivant les fines dentelures de la côte, on aperçoit Guéthary, on devine Biarritz. A gauche, le Socoa avec son vieux fort et son quadrilatère de canons braqués sur la gorge des Pyrénées.
SOCOA ET ST JEAN DE LUZ 1900 PAYS BASQUE D'ANTAN |
C'est là que débarquent les pêcheurs, impatiemment attendus par leurs femmes, leurs mères ! Vite celles-ci sautent dans la cale, y prennent le poisson, le placent dans des corbeilles et, tandis que les marins amarrent les chaloupes, pieds nus, le bas des jambes émergeant des jupes trop courtes, les poings sur les hanches, les corbeilles gracieusement ajustées sur le mouchoir de tête, elles courent déjà sur la route bordée de verdure et d'ombrage, —- véritable ruban d'émeraude ourlant, la robe de moire de l'Océan, — qui les mène à Ciboire et à Saint-Jean-de-Luz, où, tout à l'heure, elle crieront de leurs voix nasillardes : frescua.
MARCHANDES DE SARDINES BIARRITZ PAYS BASQUE D'ANTAN |
C'est du Socoa aussi qu'à certains jours d'angoisse seize hommes de cœur partent sur le Desvignes et, par une mer démontée, disputent à la mort des frères qui, ballottés sur les épaves d'un navire éventré, appellent au secours !
De l'autre côté de la véranda, la vue est aussi variée, aussi pittoresque, aussi magnifique.
Sur les mamelons, ce ne sont que bouquets de verdure qui régalent les yeux d'une série d'aquarelles fraîches et lumineuses ; dans les plaines serpentent allègrement des cours d'eau qui emplissent l'air de leurs murmures argentins, remorquant sous leurs robes transparentes des truites dorées, — comme la crête de la montagne, à cette époque de l'année, où les oiseaux dialoguent leurs chants d'amour...
Nous avons joui du spectacle. Maintenant, par un escalier en spirale qui contourne un bosquet, descendons trente marches ; nous sommes sur la plage, — oh ! une miniature de plage !
Imaginez-vous, en effet, une vaste cuvette encastrée dans des blocs de rochers, qui la protègent contre les perfidies des vagues et des sables mouvants.
Là, les plus imprudents sont à l'abri des surprises et des dangers, ce qui n'empêche pas, du reste, les intrépides nageurs de se livrer à leurs joyeux ébats.
Donc amusement des enfants petits et grands ; tranquillité des parents !
Pour finir, un mot d'une catégorie très originale d'habitants de Ciboure.
Il s'agit des cascarots et des cascarottes, de ces bohémiens qui, traqués en Espagne par l'Inquisition, vinrent se réfugier à Ciboure où ils se sont fixés à l'extrémité de Bordagain.
UNE CASCAROTTE PAYS BASQUE D'ANTAN |
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