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jeudi 12 avril 2018

SUR LES TRACES DE PIERRE LOTI AU PAYS BASQUE EN SEPTEMBRE 1930


SUR LES TRACES DE PIERRE LOTI EN 1930.


Louis Marie Julien Viaud, dit Pierre Loti, a écrit plusieurs de ses livres au Pays Basque.

hendaye autrefois
PIERRE LOTI
PAYS BASQUE D'ANTAN

Voici ce que rapporta à ce sujet Le Figaro, dans son édition du 6 septembre 1930 :


Pierre Loti chez Ramuntcho.


C'est tout au bas de la vieille petite cité frontière d'Hendaye que se trouve la modeste villa où, en 1891, le hasard fit entrer Pierre Loti, qui venait d'être nommé commandant du stationnaire français de la Bidassoa le Javelot. Près des débris d'un ancien fort, elle est bâtie sur des terrasses soutenues, du côté de la baie, par trois tourelles, d'où la vue est magnifique sur la montagneuse côte espagnole et sur la pittoresque Fontarabie, encore enserrée dans ses remparts croulants. 



Lorsque Loti s'y installa, Hendaye était un lieu perdu et presque ignoré. Le poète de Madame Chrysanthème n'avait alors qu'un désir : sortir au plus vite de cette thébaïde. Peu à peu, cependant, il éprouva le charme puissant du pays basque. Et lui qui avait traîné son inquiétude et fait s'épancher son génie sur les terres et sur les mers les plus belles du inonde, il eut désormais, avec Rochefort, à Hendaye, un de ses deux ports d'attache. Dans sa mort même, il semble qu'il ait voulu manifester un égal amour au sol de ses ancêtres et au site basque qu'il avait élu. Deux ans avant sa fin, on le sait, dans le jardin de la Maison des Aïeules, en l'île d'Oléron, il avait marqué d'une pierre toute simple, portant le nom qu'il avait illustré, la place où, entre un myrte et un palmier, il avait décidé de reposer. Mais, on le lui avait prédit, il fermerait les yeux dans sa villa d'Hendaye. Il obéit à son destin et, grâce à une trêve que sa maladie lui accorda, le 5 juin il gagna le pays basque. A peine y était-il de puis vingt-quatre heures que son mal le reprit, et après une longue mais douce agonie, il expira le dimanche 10 juin. 





ASCAIN AUTREFOIS
PIERRE LOTI  ASCAIN
PAYS BASQUE D'ANTAN


J'ai revu, il y a peu de jours, "Bakhar Etchea", la petite maison d'Hendaye. Le fils du maître, M. Samuel Loti-Viaud, veille pieusement à ce que rien n'y soit changé. Il m'a conduit à travers le singulier jardin, large, sans doute, d'une quinzaine de mètres, mais qui évoque le mystère infini des forêts équatoriales. Une phrase de Ramuntcho, dépeignant le jardin de Gracieuse Detcharry, s'applique parfaitement à cette étrange retraite : "Il y avait là un beau laurier-rose de pleine terre, étendant son feuillage méridional... et puis des yuccas, un palmier, et les touffes énormes de ces hortensias, qui deviennent géants ici, dans ce pays d'ombre, sous ce tiède climat enveloppé, si souvent de nuages." Pour me livrer passage, mon hôte doit écarter de la main les pousses rebelles. Avec une nuance de regret, il me dit : "Je devrai bientôt faire élaguer ces branchages, un peu, juste dans la mesure où ce sera indipensable, car j'entends que tout demeure ici tel que mon père l'a laissé." Juste sentiment. Ces arbustes et ces fleurs sont une partie de ce qui, de Pierre Loti, reste vivant. Et c'est avec respect que, moi aussi, je pénètre dans cette végétation où se prolonge un rêve, une âme... 




hendaye autrefois
MAISON DE PIERRE LOTI HENDAYE
PAYS BASQUE D'ANTAN

L'intérieur de la villa est sans faste aucun. Dans l'une des étroites pièces, un tableau représentant la magnifique salle arabe des tombeaux, dans la maison de Rochefort, fait naître dans ma pensée une comparaison qui s'achève en contraste. "Ne voyez ici, me fait alors remarquer M. Loti-Viaud, qu'une maison longtemps louée par mon père à son propriétaire, le docteur Durruty. C'est seulement vers la fin de sa vie que Pierre Loti l'a achetée. D'ailleurs, il aimait l'existence simple. Ah ! personne de moins "homme de lettres" que lui. Je me demande comment il pouvait écrire sur sa minuscule table de Rochefort. Et vous n'ignorez pas que, là-bas, sa chambre était une petite cellule, blanchie à la chaux, et où il couchait sur un lit de camp. 


Ne vous étonnez donc pas du décor banal de ce logis. Mon père s'en contentait parfaitement. et, aussi souvent qu'il le pouvait, il venait à Hendaye. Il y a travaillé à tous les livres qu'il a publiés durant ses trente dernières années. 


— Où se retirait-il pour écrire ?


 — Oh ! un peu partout. Dans le salon où nous nous trouvons et d'où l'on découvre si bien la baie, Irun, Fontarabie et le Jaïzquibel. Dans la pièce du premier étage ouverte sur la terrasse qui s'étend au-dessus de nos tètes. Dans la plus grande des tourelles que baigne la haute mer. De même, il a changé plusieurs fois de chambre pour habiter enfin, au deuxième, celle où il est mort. 


J'interroge ensuite M, Loti-Viaud sur la genèse de Ramuntcho : 


— Comme on a déjà pu vous le dire, le sujet de ce roman a été tiré de la réalité. Arrotchkoa, Gracieuse ni ltchoua ne sont sortis de l'imagination de mon père. Seul, je crois, le personnage de Ramuntcho a-t-il été inventé de toutes pièces. A Saint-Jean-de-Luz, Pierre Loti a bien connu un homme ainsi prénommé, mais je ne pense pas que celui-ci lui ait le moins du monde servi de modèle. Quant au théâtre de l'action, il a été transporté d'Ascain à Sare — qui est devenue Etchézar




ascain autrefois
ASCAIN- AZKAINE
PAYS BASQUE D'ANTAN


Avant de donner à son livre sa forme définitive, mon père se documenta scrupuleusement. Il apprit à jouer à la pelote, sport qu'il pratiquait chaque jour sur la plage, quand il séjournait à Hendaye. Et même, voulant vivre de la vie de ses héros, par amour de l'art et de l'aventure, et aussi au risque de recevoir les balles des carabineros, le commandant Viaud accompagna ses amis les contrebandiers dans plus d'une de leurs expéditions.


Aussi bien Ramuntcho a-t-il failli ne figurer jamais dans l'oeuvre de Pierre Loti. Voici pourquoi : lorsqu'il termina le manuscrit de ce roman, mon père était aide de camp du préfet maritime de Rochefort. Quelques jours de liberté s'étant présentés, il résolut d'aller les passer à Hendaye. Avant de se mettre en route, il eut soin de ranger sous bonne serrure, dans le tiroir d'une table de la préfecture, le gros cahier qu'il devait bientôt livrer à l'impression.




ascain avant
ASCAIN - AZKAINE
PAYS BASQUE D'ANTAN


A Hendaye, il goûtait des heures paisibles lorsque cette quiétude fut bouleversée par une foudroyante nouvelle : la préfecture maritime était en feu. Mon père était catastrophé. "Je ne pourrai pas refaire ce livre", affirmait-il. A tout hasard, pourtant, il rentre à Rochefort. Et là il apprend que le sinistre ne s'était pas développé si rapidement que l'on n'eût eu le temps de jeter par les fenêtres un certain nombre d'objets. Parmi les meubles ainsi sauvés se trouvait la fameuse table , dans le tiroir de laquelle Pierre Loti eut la joie de retrouver intact le manuscrit de Ramuntcho.



Par un dimanche éblouissant, j'ai gagné Sare. Sur la place du village, cinquante autos, hélas ! ronflaient. Mais, contre le "fronton"arrondi, qui semble une silhouette de dôme, les gamins faisaient claquer allègrement leurs balles, à la mode des ancêtres. J'ai revu, dans la gloire de midi "invraisemblablement radieux... dans ce préau des morts", l'église pareille "du dehors à une mosquée... avec ses grands vieux murs farouches", et son clocher "massif comme un donjon de forteresse". Il m'a suffi d'avoir, la veille, relu Ramuntcho pour retrouver en haut de la bourgade, un peu à l'écart, la maison de Gatchutcha, "très ancienne, comme la plupart des maisons de ce pays basque où les années changent moins qu'ailleurs les choses... Elle avait deux étages ; un grand toit débordant en pente rapide; des murailles comme une forteresse que l'on blanchissait à la chaux tous les étés... Au-dessus de la porte de façade, un linteau de granit portait une inscription en relief : des mots compliqués et longs qui, pour des yeux de Français, ne ressemblaient à rien de connu." Et, devant le grand paysage que je contemplais, je vérifiais l'étonnante exactitude des descriptions de Ramuntcho : "En bas, dans un ravin, le torrent bruissait sous des branches. En haut, des bouquets de chênes et de hêtres s'accrochaient sur les pentes, alternant avec des prairies; puis, au-dessus de ce tranquille éden, vers le ciel, montait la grande cime dénudée de la Gizune (lisez : la Rhune), souveraine ici de la région des nuages." "Et il y a des journées aussi où les choses un peu distantes sont comme mangées de lumière, poudrées d'une poussière de soleil : alors, au-dessus des bois et du village, la Gizune, très pointue, devient plus vaporeuse et plus haute, et, sur le ciel, flottent, pour le faire paraître plus bleu, de tout petits nuages d'un blanc doré avec un peu de gris de nacre dans leurs ombres. 



ascain autrefois
HOTEL DE LA RHUNE ASCAIN - AZKAINE
PAYS BASQUE D'ANTAN

Ascain est plus près, trop près de Saint-Jean-de-Luz. Mais c'est encore, en dépit de tout, un bourg charmant, avec des logis basques d'un style très pur. Dans l'église aux beaux retables dorés, à l'espagnole, on est surpris de voir — ici, au pied même de la Rhune — suspendu à la voûte, un petit navire. Mais quoi ? Les Basques "savent tous la mer et la montagne".



Jouxtant l'église, voici l'hôtel de la Rhune où Loti passa de longs mois chez Otharé Borda, pelotari célèbre et Basque de vieille roche. La chambre du poète existe toujours, mais dépouillée de son ancien ameublement. "Nous allons la reconstituer", me dit Mme Borda. 




ascain 1900
HOTEL DE LA RHUNE ASCAIN - AZKAINE
PAYS BASQUE D'ANTAN




ascain autrefois
HOTEL DE LA RHUNE ASCAIN - AZKAINE
PAYS BASQUE D'ANTAN

Le jardin, un de ces jardins mélancoliques et touffus comme les aimait Loti, a assez bien conservé son aspect d'autrefois. Contre le mur de l'ancien cimetière, une épaisse haie de bambous entoure une espèce de cabinet de verdure où Loti, quand il ne s'isolait pas dans sa petite chambre, venait rédiger ses notes. C'est bien à tort, en effet, que l'on a prétendu qu'Ascain n'était pas réellement le lieu où Ramuntcho avait été écrit. On a à ce sujet, outre la tradition orale, —- et je puis personnellement attester qu'elle était, il y a dix-neuf ans, la même qu'aujourd'hui, — la dédicace du roman, que Loti n'a pas datée d'Ascain sans bonnes raisons. "La vérité, me dit M. Samuel Loti-Viaud, est que mon père a travaillé certainement à Ramuntcho à Hendaye et à Rochefort. Mais c'est à Ascain qu'il a conçu son livre et qu'il a, tout au moins, élaboré ses notes. Si donc le souvenir de Ramuntcho se rattache à une localité déterminée, c'est bien à Ascain ; il ne saurait y avoir de doute à cet égard."

 

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