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dimanche 7 avril 2024

DEUX ROMANCIERS ANGLAIS REPOSENT AU CIMETIÈRE DE SAINT-JEAN-DE-LUZ EN LABOURD AU PAYS BASQUE

DEUX ROMANCIERS ANGLAIS AU CIMETIÈRE DE SAINT-JEAN-DE-LUZ.


De nombreuses personnalités, originaires du monde entier, sont décédées et enterrées au Pays Basque.




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PORTRAIT D'ERNEST WILLIAM HORNUNG



Voici ce que rapporta à ce sujet l'hebdomadaire La Côte basque : revue illustrée de l'Euzkalerria

le 13 juillet 1924, sous la plume de Paul Mieille :



"Deux Romanciers Anglais reposent au cimetière de Saint-Jean-de-Luz.



Dans l’ouvrage, déjà célèbre où il raconte "ses caravanes" d’apôtre du "spiritualisme nouveau", qui est, comme l’on sait, la doctrine de la survie, prouvée par les communications médiumniques avec les esprits des morts, l’écrivain anglais, Sir Conan Doyle, le génial créateur Sherlock Holmes, s’exprime ainsi :


"... Un intermède tragique vint interrompre nos expériences à Paris. J’appris soudainement que mon beau-frère, E. W. Hornung, l’auteur de "Raffles" et de tant d’autres beaux romans, était en train de mourir à Saint-Jean-de-Luz, dans les Pyrénées. Je partis à l’instant, mais ne pus arriver que pour assister à ses obsèques. Hornung repose là, à trois pas de George Gissing, un écrivain pour lequel, lui et moi, avions une commune affection. Il est doux de penser qu’un homme de sa race et de sa profession lui tient compagnie là-bas, dans sa tombe pyrénéenne..."



Les "Wandexings of a Spirilualist" d’où sont tirées ces lignes, ont paru en 1921, et cette date situe celle de la mort de Hornung. Quant à Gissing, obligé de chercher un climat plus doux à ses poumons malades que celui de l’Angleterre, il vint séjourner à St-Jean-de-Luz et y mourut d’une attaque de pneumonie, le 28 décembre 1903.



La "colonie anglaise" de Saint-Jean-de-Luz, toujours plus nombreuse, n’a peut-être pas besoin qu’on lui rappelle ce que furent dans le royaume des Lettres — qui est la véritable république mondiale — les auteurs de "Raffles" et de "Démos". La présence dans notre champ de repos de ces deux notables compatriotes, ne peut-elle, cependant, leur être signalée, comme une preuve de plus, non seulement de l’attraction qui attire sur la Côte Basque les villégiaturants et les touristes anglais, mais aussi de la sympathie naturelle que la Terre de l’Euskalerria, ses paysages, ses caractères et ses mœurs, exercent sur les lettrés et sur les écrivains Anglais contemporains ?



Car, depuis Sarah Grant, amoureuse du Pays Basque et habituée de Cambo, jusqu’au Conrad, du Gold-Arrow (le plus grand, peut-être, des romans carlistes) — combien, déjà, d’hommes de lettres anglais, vivants ou morts, ont ressenti à l’égard de la Côte Basque Pyrénéenne, l’attirance mystérieuse et forte, qui transformait en véritable maladie — en mal d’amour ! — le "désir de l’Italie" qui posséda, autrefois, le jeune Gœthe, Byron, Keats, Shelley, notre Lamartine, notre Stendhal, sans compter tant de nos grands artistes, peintres, sculpteurs, architectes ou graveurs, dont la devise de jeunesse eût pu tenir toute dans la phrase fameuse : "Vedere... Roma, poi morire ! ! !"



Je ne puis m’empêcher de voir une coïncidence remarquable — une sorte de parallélisme curieux, si j’ose dire — entre ces quatre tombes étrangères de ces quatre écrivains anglais, illustres à divers titres et à des degrés différents : Les poètes Shelley et Keats, dans leur cimetière romain, les prosateurs Hornung et Gissing dans leur cimetière Basque.



N’y a-t-il pas matière à réflexions philosophiques, historiques, économiques, touristiques... et autres, dans le site et dans le temps de ces quatre tombeaux illustres : 1821-1921 ?! Rome- ?



Que de choses tiennent dans ces deux noms et ces deux dates ? Combien de pages d’histoire, histoire littéraire et histoire humaine, contenues dans ces quatre noms d’écrivains anglais endormis dans la paix sur la terre étrangère ! Ainsi leur tombe aura sa part de l’immortalité de leur nom et sur leur mémoire rejaillira un rayon éternel de la beauté des choses — joie perpétuelle ! — parmi lesquelles ils ont choisi de reposer.



Ayant rappelé le souvenir de ces deux romanciers anglais, devenus dans la paix du champ de repos nos compatriotes Luzéens, — ces notes seraient incomplètes, si quelques mots sur l'oeuvre de ces deux "novelists" de marque, n’y trouvait une place, petite ou modeste.



De E. W. Hormung, le "moins fameux", beau-frère de Sir Conan Doyle — le Roi du Roman policier, diraient les Américains ! — je me bornerai à citer trois ou quatre titres de romans a grands tirages, tels que la série des "Raffles" — "Under two Skies" — "Tiny Luttrell" — "The Shadow of the Rope" — "The Rogue’s March", etc., dont plusieurs, les "Rafles" en particulier, ont connu des succès de traduction et de Cinéma.



Créateur d’un type — qui fut, à son tour, peut-être, créateur de "types" —celui du "Gentleman cambrioleur". E. W. Hornung, s’accordent à dire ses biographes, fut un des hommes les plus spirituels de son temps. Ses traits d’humour, ses bons mots, dit Sir Conan Doyle, feraient la fortune d’un "échotier". Dans l’abondante, la surabondante production du roman anglais, E. W. Hornung, spirituel et lettré, gardera des lecteurs fidèles.



Je voudrais pouvoir m’étendre davantage sur l’œuvre de Gissing et sur Gissing lui-même, trop peu connu du public français.



Car, tel un arbre dans la futaie domine de sa haute cime et de ses branches noueuses, la verdure environnante, telle se présente l’œuvre de George Gissing dans les taillis et les sous-bois de la littérature contemporaine.



Mort relativement jeune, — à 46 ans — George Gissing laisse une œuvre considérable — 28 romans —, marquée d’une des individualités les plus vigoureuses de son temps et de son pays. N’ayant connu le succès que tardivement, succès relatif, d’ailleurs, et qui ne le mena jamais aux grands tirages — réservés aux gloires commerciales ! — Il n’eut pas à se plier au goût du public, ce dont il faut nous féliciter avec lui.




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ECRIVAIN GEORGE GISSING



Travailleur acharné, liseur infatigable quoique délicat, érudit comme on ne l'est plus guère de nos jours, Georges Gissing a vécu volontairement, par choix délibéré, une vie "d’indépendant". Ni clan, ni chapelle ! ni parti, ni coterie !!



Aussi, fut-il, pour les uns "égoïste" et presqu’"anti-social", pour les autres "misanthrope" ou "révolté ". Tout cela, fait de timidités, de tendresses comprimées, de délicatesses blessées. Un tendre, au fond, quoique sa satire soit amère et son indignation cuisante.



L'œuvre de George Gissing est vraiment balzacienne, et par sa puissance et par son objet : la vie sociale de son temps. Elle mérite d'être connue ; elle le sera. Voici quelques titres, retenez-les, lecteurs : The unclassed, Demos, New-Grub Street, The Odd Women, Eve’s Ransom, The Crown of Life, Our friend the Charlatan, Will Warburton, Vcranilda, etc., etc.



Parmi toutes ces pages, écrites avec la chair et le sang d’une vie et d'un cœur, je n’en mets aucune au-dessus des "Papers of Henry Ryecroft", cette confession d’un solitaire, ce cri de bonheur du rescapé de l’enfer social, cet hymne mineur de franciscain qui s’ignore, à la nature, à ses joies paisibles, à sa divine maternité.



Si la joie m'est donnée, encore, de séjourner à Saint-Jean-de-Luz, j'irai souvent m'asseoir non loin de la tombe de Gissing, pour y relire "The Ryecroft Papers".




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LIVRE THE PRIVATE PAPERS OF HENRY RYECROFT
DE GEORGE GISSING



Avec les "Promenades d’un Rêveur solitaire", de notre Jean-Jacques, je ne sais pas de livre plus propre, non seulement à nous consoler des hommes, mais, encore, à nous réconcilier avec eux."










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mercredi 22 novembre 2023

LES "COLLABORATEURS" DE PIERRE LOTI EN 1900 (première partie)

LES "COLLABORATEURS" DE PIERRE LOTI EN 1900.


Dans son oeuvre littéraire, Pierre Loti s'est inspiré de nombreux écrivains du Pays Basque.




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PIERRE LOTI ET SON CHAT
PAYS BASQUE D'ANTAN



Voici ce que rapporta à ce sujet le quotidien Le Temps, dans son édition du 30 septembre 1900, 

sous la plume de Gaston Deschamps :



"La vie littéraire.

Les collaborateurs de Loti.



La Tradition au pays basque : Les Basques ont-ils une histoire ? par Adrien Planté, président de la Société des sciences, lettres et arts de Pau. 

Basques d'autrefois, par Alexandre Nicolaï, avocat à la cour d’appel de Bordeaux. 

Coutumes morales du pays basque, par Berdeco. 

Les coutumes successorales du pays Basque, par Louis Etcheverry

L'idée religieuse dans la famille basque, par Carmelo de Echegaray. 

La contrebande au pays basque, par Clément Hapet, membre du conseil d’arrondissement de Bayonne. 

Recherches historiques sur les corsaires de Saint-Jean-de-Luz, par E. Ducéré, sous-bibliothécaire de la ville de Bayonne. 

Les pastorales basques, par Wentworth Webster

Les mascarades souletines, par J.-D.-J. Sallaberry, notaire et conseiller d'arrondissement de Mauléon

Proverbes, sentences et dictons basques, par l'abbé Haristoy, curé de Ciboure

La musique populaire des Basques, par Charles Bordes, directeur des Chanteurs de Saint-Gervais. 

Quelques légendes poétiques du pays de Soule, par Jean de Jaurgain, publiciste à Mauléon. 

La langue basque, par Arturo Campion, ancien député de Pampelune

Antoine d’Abbadie, par Charles Petit, conseiller à la Cour de cassation, 1 vol. in-8°, Paris, Gougy, 1899 ; etc. 

Cf. Les Basques et le pays basque, par Julien Vinson, 1 vol. in-12, Paris, Cerf. 



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LIVRE LES BASQUES ET LE PAYS BASQUE
PAR JULES VINSON



Sare (Basses-Pyrénées), le 25 septembre. 



Sare, d’après les chiffres et les constatations de M. Adolphe Joanne, est une commune de 1 916 habitants, située dans le canton d’Espelette (arrondissement de Bayonne). C’est l'Etchézar de Ramuntcho



Les personnes qui ont lu le roman de Loti — et qui l’ont relu afin d’en épuiser le charme — connaissent maintenant ce village montagnard aussi bien que si elles l’avaient habité pendant dix ans. 



On y va, au sortir d’Ascain, par une jolie route, qui s’élève, d’étage en étage, au flanc des collines, à travers un pays merveilleusement vert. Les montagnes, en isolant par des clôtures naturelles les troupeaux d’hommes qui se sont répartis, au gré de leurs intérêts ou de leurs caprices, sur la surface de la terre, ont un singulier pouvoir de distinction et de séparation. Autant les populations des plaines sont uniformes et monotones, autant les riverains des torrents alpestres ou des gaves pyrénéens diffèrent les uns des autres. A l’abri des remparts rocheux, des blocs de pierre et des talus gazonnés qui ferment l’horizon, une tradition vénérable maintient le prestige des anciennes mœurs, du vieux langage et des costumes surannés. Les historiens nous ont expliqué le particularisme municipal des anciens Grecs, en nous montrant, du haut des acropoles helléniques, les petites vallées où s’exprima, en créations originales, la diversité harmonieuse de l'Hellade. Il n’est pas besoin d’être grand clerc en orographie pour comprendre que le particularisme pittoresque des Basques provient du dessin, très varié, de la contrée où ils ont bâti leurs maisons. Un coup d’œil, jeté du haut de la Rhune sur les cantons de Saint-Jean-de-Luz, d’Espelette, d’Ustaritz et d’Hasparren, suffit à nous faire voir que beaucoup de préfets et de sous-préfets passeront avant que la centralisation administrative ait aplani toutes les irrégularités du sol ou nivelé toutes les aspérités du caractère local. Si les Basques ont perdu les fueros qui jadis consacraient l’indépendance de leurs sept provinces, — si même leur costume national se réduit, de plus en plus, au simple port du béret, ils n’en ont pas moins gardé, au fond de l’âme, le culte des ancêtres, l’habitude du geste héréditaire. Divisés en clans par la multiplicité de leurs vallées, ils sont presque séparés du reste des humains par une langue à part, inintelligible, inaccessible à tous ceux qui ne font point partie de la communauté euskarienne. 



Je ne sais si Loti a eu le loisir d’apprendre le basque. C’est très difficile. D’autant plus que l’idiome de Ramuntcho se divise en plusieurs dialectes. Les philologues basquisants distinguent : l° le labourdin ; 2° le souletin ; 3° le bas-navarrais oriental ; 4° le bas-navarrais occidental ; 5° le haut-navarrais septentrional ; 6° le haut-navarrais méridional ; 7° le guipuzcoan ; 8° le biscayen. C’est décourageant... 



En tout cas, Loti s'est initié, d’une façon très soigneuse, aux croyances, aux souvenirs, aux espoirs, aux préjugés qui composent l'originalité de l’âme basque. 



Il nous a indiqué lui-même, en une dédicace très significative, les origines et, pour ainsi dire, les sources de son initiation. La dédicace de Ramuntcho est ainsi conçue : 


A Madame V. d’Abdadie 

qui commença de m’initier au pays basque 

en l’automne de 189l 

Hommage d’affectueux respect 

Pierre Loti


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VIRGINIE D'ABBADIE
Virginie d'Abbadie, détail de photographie - Crédit : Archives d'Abbadia/Académie des sciences


Ascain (Basses-Pyrénées). Novembre 1896. 


Tout le monde connaît, aux alentours d’Hendaye, le beau château d'Abbadia. C’est un monument de piété filiale, élevé par un provincial à sa province. Je doute que jamais personne ait été plus Basque — du moins par le sentiment — que le châtelain de ce manoir, le vénérable M. d’Abbadie, membre de l’Académie des sciences. 




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CHÂTEAU D'ABBADIA HENDAYE
PAYS BASQUE D'ANTAN



La destinée, qui se moque de nos sympathies et de nos préférences, semblait avoir tout disposé pour éloigner M. d’Abbadie du pays de Ramuntcho. Né à Dublin le 10 janvier 1810, ce géographe remuant et militant vint en Biscaye par le chemin des écoliers. Son premier voyage fut une tournée d'exploration au Brésil, où Arago, son maître, l’avait envoyé afin d’entreprendre, dans ces parages, certaines études relatives au magnétisme terrestre. En 1837, il partit pour Alexandrie d’Egypte. De là, il se rendit en Abyssinie. Là-bas, il chemina pendant longtemps, vêtu à la mode des Abyssins, coiffé d’un turban, les pieds nus, parce que, selon la coutume d’Abyssinie, les sandales sont réservées aux rustres et aux lépreux. Il évitait de s’emporter et de mettre ses mains derrière son dos, de peur d’être considéré comme un fou. Il se conciliait la faveur des indigènes en leur faisant des cadeaux dont il exagérait volontairement l’importance. Cette méthode lui frayait des routes faciles. Car un proverbe abyssin dit qu’on avance mieux avec les mains qu'avec les pieds. Bref, M. d’Abbadie, après onze années d’exploration en Ethiopie, obtint, de notre Société de géographie, une grande médaille d’or. Le négus d’Abyssinie lui confia des armées à commander dans de nombreux combats. Il fut l’ami de Ménélik, auquel il offrit, à l’occasion des défaites de M. Crispi, un télescope en aluminium. 



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ANTOINE D'ABBADIE D'ARRAST EN ETHIOPIE



On doit à M. d’Abbadie, qui n’était pas vantard, une belle collection de découvertes géographiques, dont Stanley profita bruyamment. A peine revenu d’Abyssinie, le goût des voyages le reprit. Il s’en alla en Norvège pour voir une éclipse de soleil. C’est lui qui fut chargé, en l’an 1882, d’observer, au nom de l’Académie des sciences, le passage de Vénus sur le soleil. 



La même compagnie le délégua aux fêtes du quatrième centenaire de la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb. 



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CHRISTOPHE COLOMB


Cette vie errante attestait, chez M. d’Abbadie, la persistance de cet esprit d’aventure qui avait entraîné vers la haute mer les marins de Biarritz et de Saint-Jean-de-Luz et qui, dit-on, avait tourné la proue de leurs gabarres, par-delà l’horizon du golfe de Gascogne, jusqu’aux rivages du nouveau monde, avant que l’illustre navigateur de Gênes, eût mené, à travers l’Océan, sa flottille de caravelles. 



L’explorateur de l’Abyssinie appartenait à la race basque par sa lignée paternelle. Il s’était lié, dès sa jeunesse, avec un de ses compatriotes, Augustin Chaho, qui s’était fait connaître des géographes par la relation d’un Voyage en Navarre. Dès l’année 1836, M. d’Abbadie, aidé par Chaho, publia un recueil d'Etudes grammaticales sur la langue basque, dédiées, en dialecte souletin, "aux Basques des sept provinces". Je transcris le texte de cette dédicace, afin d’offrir au lecteur un échantillon du langage euskarien : Zaspi Uskal herrietako Uskalduner. Comme on le voit, cela ne ressemble à rien. Et M. d’Abbadie pouvait écrire, dans une préface enthousiaste, cette déclaration très fière : "On dirait que toutes les langues humaines sont confondues et mêlées les unes avec les autres, tandis que l’eskuara conserve encore son originalité et sa pureté primitives."



litterature homme politique pays basque autrefois
AUGUSTIN CHAHO
PAYS BASQUE D'ANTAN


J’imagine que l’hospitalité, intelligente et cordiale, du château d’Abbadie fut, pour Loti, l’occasion d’étudier un musée d’ethnographie où le maître de la maison était lui-même une relique vivante. Toujours levé de grand matin, à la guise montagnarde, M. d’Abbadie, coiffé d’un béret blanc, chaussé d’alpargates, allait, venait, courait comme un jeune homme. L’âge n’avait pas engourdi ses jarrets intrépides. Son plus récent biographe, M. Charles Petit, conseiller à la Cour de cassation, nous rapporte qu’"on l’a vu traverser à la nage le vaste espace qui, devant Saint-Jean-de-Luz, sépare Sainte-Barbe de Socoa". 



Pelotari, aussi passionné que Ramuntcho, M. d’Abbadie n’avait pas besoin, pour renvoyer la balle, du gant d’osier appelé "chistera". La paume de sa main nue lui suffisait. Il aimait à jouer au blaid, sorte de "balle au mur", où triomphent, à présent, les pelotaris célèbres, le petit Arroué, Chiquito, le grand Ayestaran. Mais il affirmait que le blaid n’est rien auprès du rebot. Le rebot, voilà le jeu national, le jeu essentiellement basque ! M. d’Abbadie et ses amis parlaient, sur un ton lyrique, d’une fameuse partie de rebot qu’ont vue, le 9 août 1846, les habitants d’Irun. Quel spectacle inoubliable ! Les Basques espagnols avaient lancé un défi aux Basques français. Ce défi fut relevé de belle façon. Le chef des Français était ce fameux Gascoïna, dont les anciens racontent encore les exploits, à la veillée. Voici comment M. le conseiller Petit rapporte les détails mémorables de ce combat, et les stratagèmes de Gascoïna : 


Les estrades entourant la place étaient garnies de milliers de curieux ; les paris, de minutes en minutes, se multipliaient, plus formidables selon les péripéties de la lutte ; un instant, la balance sembla fortement pencher du côté des Espagnols ; mais aussitôt, changeant de tactique, ôtant ses espargates pour marcher pieds nus, Gascoïna, le chef du camp français, donna à voix basse des instructions à ses partenaires, puis, remplaçant les coups à effet par les coups habilement calculés, il s’étudia et parvint avec une adresse inouïe à placer la balle de manière qu’elle ne put être renvoyée par le camp adverse. La partie s'acheva au milieu de l’émotion générale, énergiquement disputée jusqu’au bout, et lorsque, grâce à Gascoïna, la victoire des Basques français fut proclamée, ce fut l’explosion d’un véritable délire. N’avait-on pas, en effet, assisté à un tournoi véritablement héroïque où, de part et d’autre, toutes les ressources de la force, du coup d’œil, de l'agilité, de l’adresse, avaient été merveilleusement déployées ? L’histoire vante avec raison la gloire des généraux qui se sont illustrés sur les champs de bataille, nos bardes, de leur côté, chantent les exploits de Perkain et des Gascoïna et en transmettent le mémorable souvenir à nos descendants. 


pays basque autrefois pelote sports aldudes
PERKAIN LES ALDUDES - ALDUDE
PAYS BASQUE D'ANTAN


Loti n’a pas oublié les leçons de M. d’Abbadie. Lui aussi, il a célébré le rebot en des pages qui ont dû particulièrement plaire à M. le conseiller Petit. Voici comment il décrit une partie de pelote à Etchézar (lisez : Sare) : 


Ici, c’est un peu le centre et comme le conservatoire des joueurs français, de ceux qui deviennent célèbres, tant aux Pyrénées qu’aux Amériques, et que, dans les grandes parties internationales, on oppose aux champions d'Espagne. Aussi la place est-elle particulièrement belle et pompeuse, surprenante en un village si perdu. Elle est dallée de larges pierres, entre lesquelles des herbes poussent, accusant sa vétusté et lui donnant un air d'abandon. Des deux côtés, s'étendent pour les spectateurs, de longs gradins — qui sont en granit rougeâtre de la montagne voisine, et en ce moment tout fleuris de scabieuses d’automne. — Et au fond, le vieux mur monumental se dresse, contre lequel les pelotes viendront frapper ; il a un fronton arrondi qui semble une silhouette de dôme, et porte cette inscription à demi effacée par le temps : "Blaïdka haritzea debakatua". (Il est défendu de jouer au blaid.) 



C’est au blaid cependant que va se faire la partie du jour ; mais l’inscription vénérable remonte au temps de la splendeur du jeu national, dégénéré à présent comme dégénèrent toutes choses ; elle avait été mise là pour conserver la tradition du rebot, un jeu plus difficile, exigeant plus d’agilité et de force, et qui ne s’est guère perpétué que dans la province espagnole du Guipuzcoa."



A suivre...




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lundi 29 mai 2023

WENTWORTH WEBSTER UN ANGLAIS AMOUREUX DU PAYS BASQUE AU DÉBUT DU VINGTIÈME SIÈCLE (cinquième et dernière partie)

WENTWORTH WEBSTER AU PAYS BASQUE.


Wentworth Webster, né le 16 juin 1828 à Uxbridge, en Angleterre et mort le 2 avril 1907 à Sare, en Labourd, est un prêtre anglican, collecteur des contes traditionnels du Pays Basque, érudit de langue anglaise, française et basque.




pays basque autrefois littérature sare anglais
WENTWORTH WEBSTER
PAYS BASQUE D'ANTAN


Voici ce que rapporta à ce sujet l'hebdomadaire La Côte basque : revue illustrée de 

l'Euzkalerrria, le 15 février 1925 :



"Basques. Extraits de l’ouvrage du Révérend Wentworth Webster.


Les Loisirs d’un Etranger au Pays Basque.



Le Basque était un homme libre de fait et de loi, impossible de lui appliquer une autre qualification. Mais le seul homme ainsi libre, c’était le baron, le noble ; donc le Basque était baron, il était noble, avec des privilèges, plus grands, plus dignes que les privilèges égoïstes de la caste supérieure du temps de la féodalité, car ils lui conféraient des devoirs politiques, administratifs, municipaux. La noblesse universelle des Basques n’était nullement un apanage de famille, c’était une noblesse nationale et de race. Pour en faire les preuves, pour constater ses droits, il n’était pas besoin de généalogie remontant à tel ou tel ancêtre à demi fabuleux ; on ne demandait ni charte ni parchemin portant le scel du roi quelconque. Le Basque pouvait ne pas posséder un pouce de terrain ; à lui seulement de montrer que, Basque, il était né sur le sol basque de deux générations de parents basques. Par ce fait et devant la loi espagnole, il était hidalgo. Au milieu de ces concitoyens, simple Basque, libre comme eux tous, il devait se tenir prêt à faire son devoir avec ses frères, à donner sa vie pour la constitution de son pays, pour ces fueros par lesquels il était homme libre.



Comment est-il arrivé que les partisans les plus outrés de l’absolutisme pur, les défenseurs de la politique la plus retardataire, se soient recrutés au milieu d’un peuple possédant des institutions si hautement libérales ? Il est difficile de répondre, en quelques lignes ; mais ce phénomène nous paraît provenir de deux causes : l’une, lente et inévitable en rapport avec les progrès de la liberté dans le reste de la Péninsule, l’autre qui est l’histoire d’une série de déceptions et de mécomptes.



Jamais peuple n’a si vaillamment lutté pour un but plus misérablement illusoire. Après mûr examen de leurs institutions et de la question en jeu, un homme distingué, correspondant d’un journal de l’Amérique du Nord, les appelait "des Républicains combattant pour le droit divin". Ces hommes qui possédaient les libertés les plus larges qui furent jamais, formaient l’entourage de Don Carlos ; ils servaient de soutien au plus tyrannique des absolutismes, à la plus violente des réactions.



Tout basque était noble, homme libre devant la loi, Aussi longtemps qu’ailleurs en Espagne, il y eut des classes privilégiées, ce privilège des Basques pouvait et devait subsister. Le Basque avait raison de combattre jusqu’à la mort pour le maintien de ce magnifique droit de naissance. Mais lorsque, dans la Péninsule entière, il n’y eut plus de classes asservies, quand tout Espagnol fut déclaré libre et que les impôts cotés par les représentants de la Nation furent répartis entre tous les citoyens, ces privilèges et ces droits n’avaient plus de raison d'être ; ils devaient prendre fin chez les Basques des trois provinces, comme ils avaient déjà fait de ce côté des Pyrénées. A partir de ce moment, les Vascongades ne pouvaient plus jouer que le rôle, non plus d’hommes libres, mais des membres d’une caste favorisée ; ils devenaient les adversaires communs de la liberté, une exception blessante aux lois de la patrie.



Les Basques ont eu, ils ont encore raison d’exiger toutes les garanties possibles contre la violation de leurs anciennes libertés, d'agir avec toute réserve, de prendre toutes leurs précautions pour que le caractère probe, économe, essentiellement pratique de leur administration intérieure, ne soit pas noyé dans le système corrompu, négligent, coûteux du gouvernement espagnol. Malheureusement, on a greffé sur cette question celle de la religion et celle de la dynastie. A tort ou à raison, la plupart des Basques se sont laissé persuader que l’existence des fueros est liée au maintien de la couronne dans la descendance masculine, à la suprématie du dogme catholique romain et de l’unité du culte en Espagne. Le Basque est un catholique fervent ; les libéraux, on le lui dit, ont pillé l’Eglise, chassé les moines, vendu les couvents, persécuté le clergé... Ennemis des croyances religieuses des Basques, ils ne sauraient être qu’hostiles à leurs institutions politiques et communales !



Une des plus grandes fautes, et ils en ont commis beaucoup, des libéraux constitutionnels en Espagne, fut de ne pas garantir les fueros basques immédiatement après la mort de Ferdinand VII. A cette époque, comme dans la première période la Révolution française, la plupart des villes industrielles des provinces basques, ainsi que la majorité des hautes classes, auraient facilement accepté les idées nouvelles ; mais les libéraux hésitèrent et Charles V, peut-être pour la seule fois dans sa vie, sut montrer de l’énergie et de la prévoyance ; il se prononça hautement pour la conservation des fueros. Le clergé, inutile de le dire, prenait parti pour la monarchie absolue ; c’en fut assez pour déterminer un soulèvement des Basques contre un gouvernement qui semblait vouloir saper des institutions si chères. Et pourtant les grandes villes, des provinces, Bilbao, Vittoria, San Sébastian, Pampelune, ne se sont jamais entièrement dévouées aux souteneurs du droit divin ; "Fueristes", elles le sont toutes, carlistes non. Leurs habitants sont aussi attachés que les autres Basques à leurs anciens privilèges, mais ils ne veulent pas se déclarer les alliés des adversaires du droit commun en Espagne ; ils ne veulent pas imposer le despotisme qu’ils rejettent eux-mêmes.


pais vasco antes carlistas guerras don carlos
GUERRES CARLISTES
PAYS BASQUE D'ANTAN


Les "Fueros" s’en vont. Si, au point de vue théorique, la chose ne peut être fort regrettée, elle nous paraît en tout point déplorable et dans la pratique, et dans l’état actuel de la vie civile espagnole. L’administration provinciale et municipale des Basques a été excellente ; même au temps où l’Espagne accélérait le plus sa propre décadence, les provinces vascongades faisaient exception au reste de la Péninsule. Il n’y avait pas de brigands, le pays était sûr, le peuple satisfait. L’administration espagnole, une des plus négligentes et des plus dispendieuses de l’Europe, va tout recouvrir de sa boue, et personne ne peut voir sans douleur s’y engloutir la probité, la sagesse pratique des Euskariens. Quelle réglementation, si bien rédigée qu’elle soit, suppléerait à l’éducation administrative, fruit de tant de siècles de prudence et d’honnêteté !



pais vasco antes fueros provincias vascongadas
PROVINCES VASCONGADES ILLUSTREES
PAYS BASQUE D'ANTAN


Il y a toute la différence du monde entre les plumitifs mal payés qui ne songent qu’au moyen d’augmenter leur maigre salaire et d’intriguer pour leur avancement, et des municipalités librement élues, qui rendent compte aux hommes libres leurs frères, de ce qu’elles ont fait pour le bien commun, suivant la tradition des ancêtres ! Le gouvernement actuel désire la prospérité des provinces, il a même nommé une commission pour étudier les institutions basques et voir ce qui pourrait en passer dans celles du reste de l’Espagne.



Notre souhait serait qu’on allât de l’avant dans cette voie, et qu’au lieu d’introduire chez les Basques les errements de la bureaucratie castillane, l’administration de la Péninsule s’inspirât désormais de la sagesse, de la probité, de l’économie pratiquées si longtemps par un des plus petits peuples du beau pays des Espagnes."




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vendredi 5 mai 2023

TYPES FÉMININS : "LA BASQUAISE" EN SEPTEMBRE 1926

"LA BASQUAISE" EN 1926.


Depuis longtemps, le rôle de la femme dans la société au Pays Basque a été abordé, en particulier dans la littérature.



pays basque autrefois femmes
FEMME BASQUE AVEC CRECHE



Voici ce que rapporta l'hebdomadaire La Revue Française Politique et Littéraire, le 5 septembre 

1926 :



"La vie féminine.

Types féminins français : La Basquaise.



Le pays basque est à la mode : on y villégiature beaucoup et les touristes le parcourent en tous sens, en auto et à pied, par les routes et par les âpres sentiers de ses montagnes. C'est un bien beau pays, mais il est plus et mieux encore : c’est un de ceux où la race et les antiques traditions familiales et locales se sont conservées intactes. Vous qui avez la bonne fortune de passer vos vacances dons cette pittoresque et saine région, ouvrez les yeux de votre esprit et regardez autre chose que le paysage.



Mais pour bien voir, il vous faut des guides. Ici encore, c’est à la littérature régionale que vous devez recourir. Bien entendu pas à la littérature basque proprement dite, c’est-à-dire aux ouvrages écrits en langue basque, mais aux romans écrits par des Basques en français. Et il y en a d’excellents qui ont le mérite de peindre très fidèlement les mœurs et d’interpréter avec justesse les âmes. Ce sont d'abord les romans de Pierre Lhande : Luis, Mirentchu, Bilbilis, sur lesquels je ne m’attarderai pas, vous ayant déjà signalé les premiers en leur temps, et vous ayant tout récemment recommandé Bilbilis, ce curieux roman d’aventures. plot, édit., prix : 9 fr.). Et c’est ensuite cette Fille d’Euskadi, par Eugène Poueydebat (Plon, 9 fr.), qui met en lumière un type de femme aussi caractéristique dans son genre que la Daûne des Landes, avec qui nous avons fait connaissance il y a quelques semaines.



écrivain littérature pays basque
UNE FILLE D'EUSKADI 
EUGENE POUEYDEBAT


Il y a, dans le peuple basque, quelque chose de mystérieux. On n’a point déterminé son origine. La déterminera-t-on jamais ? Les Basques sont-ils, comme d’aucuns le croient, des restes et des descendants directs des Atlantes ? Leur langue, — car n’allez point employer le mot de patois : leur langage est une langue véritable, savante et ardue, — leur langue, donc, ne ressemble à aucune autre. Le pays qu’ils occupent, vous le savez, s’étend pour une partie en France et pour une autre en Espagne. Mais de nationalité espagnole, ils restent des "Basques", avec les mêmes caractères physiques et moraux. Ces gens fiers et hardis sont à la fois aventureux et profondément attachés à leur sol. Ils émigrent volontiers pour aller tenter la fortune en Amérique ; mais dès qu’ils l’ont atteinte, ils songent au retour. Ils y songent même avant de partir. D’ailleurs, en émigrant, ils restent entre eux ; ils reconstituent, sur la terre étrangère, le milieu, au moins moral, de l'Eskual Herria — Pays Basque. Ils ne s'en vont guère au hasard à travers le vaste monde, à l'exception peut-être de quelques marins. Mais ils se font signe les uns aux autres, et se retrouvent pour s'entr’aider, en Amérique, et principalement à l’Argentine. Ecoutez bien : vous entendrez parler des Américains. Et parmi ces belles maisons campagnardes coiffées de tuiles, dont les murs blancs servent de repoussoir aux volets, aux corniches, aux poutrelles transversales peints en sombre rouge ou en brun, ces belles demeures au style antique, tournées comme celles des aïeux du côté où se lève le soleil, on vous en montrera beaucoup qui appartiennent à des Basques revenus riches vivre dans le vieux pays, et y faire souche d’une famille nombreuse et belle. Car ils sont beaux, et ne redoutent pas les nombreux enfants. Ils ne se marient guère qu’avec des Basquaises qui ont été élevées dans la même tradition. Ils ne la perdent pas plus sur les routes du monde, que les jeunes filles bien nées des riches familles paysannes ne la perdent au couvent de Fontarabie où on les envoie passer quelques années.



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BOULEVARD DES AMERICAINS HASPARREN
PAYS BASQUE D'ANTAN



Toutes, je le veux bien, ne sont pas aussi poétiquement, aussi artistiquement Basquaises que Yuana Bordachuri ; mais celle-ci représente une synthèse, elle incarne, nous dit l’auteur, "le type le plus pur de la Basquaise". Elle est vraiment ce qu’il a voulu faire : la Fille d’Euskadi, de la vieille terre des aïeux. Elle en a tout le type physique : grande, svelte, démarche fière, des cheveux de jais, un visage aux pommettes saillantes, une bouche aux lèvres accusées, des paupières légèrement bridées qui font songer à ceux des sultanes d’Asie ou des princesses phéniciennes.


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PROFIL DE FEMME
PAYS BASQUE D'ANTAN


Et elle est aussi "Basquaise" au moral. Elle est fière de sa langue, des chansons que sa mère lui apprit, des croyances ce son peuple, de son idéal, de ses mœurs, de ses traditions. Pour elle, toutes ces choses sont des choses saintes, aussi a-t-elle en horreur les touristes désoeuvrés, simples curieux qui viennent "non point pour essayer de comprendre et d’aimer les Basques, mais pour se divertir d’eux en échange de leur or, comme d’une troupe de saltimbanques".



Rentrée du couvent, elle n'a point voulu faire de sa demeure ancestrale une habitation à la mode des villes. Elle l’a maintenue ce quelle elle était : la plus belle maison du village d’Espelette, avec ses meubles massifs aux incrustations de bois, aux serrures en fer forgé, ces meubles imprégnés de "l’odeur du maïs, des fleurs sauvages, des piments, des noix vertes", et elle a conservé avec vénération comme de glorieux trophées de famille les tchirolas ou petites flûtes à trois trous et les grosses pelotes recouvertes de cuir fauve qui avaient servi jadis à quelque ancêtre fameux. 1rophés, en effet, la petite flûte évocatrice des danses séculaires au sens caché qui peut-être ont pris naissance dans quelque temple de l’Atlantide ; et la pelote qui rend un nom célèbre à travers plusieurs générations.



pays basque autrefois mystère origines
DE L'ORIGINE DES BASQUES
PAR LEWY D'ABRATIAGUE


Comment s'étonner que Yuana se soit éprise d'Antoni Doyhenart, vainqueur du grand tournoi de pelote, contre les deux joueurs, les deux "pelotaris" les plus fameux du temps ?



Antoni n’est qu’un pauvre voiturier, mais il est honnête et brave : il l’a prouvé en Afrique où il a fait son service et d'où il est revenu sous-officier. C’est un bon fils pour sa mère veuve et il n’a pas oublié, la recommandation de son curé quand il lui a dit adieu avant d'aller au régiment : 'N’oublie jamais que tu es Basque". Et puis, il est beau, et enfin il est glorieux, et tout un chacun au pays l’aime et l'admire.



Tout le monde, à l’exception du père de Yuana, Piarrès Bordachuri, qui commence à s’en méfier et à le prendre en haine lorsque Yuana refuse d’épouser le notaire de Cambo.



Piarrès Bordachuri est un gros propriétaire, mais il est dur, rusé, plein d’orgueil, et il a l’amour exagéré de l’argent. On dit qu’il a fait mourir sa femme de chagrin. Autoritaire comme pas un, même en ce pays basque où le père de famille gouverne sa maisonnée à l’antique, il ne peut lui entrer dans l’esprit que sa fille puisse aimer et vouloir se marier à son goût à elle, et non au sien, à lui. Elle est l’aînée de ses deux enfants et, bien quelle soit une fille, c’est d’elle qu’il veut faire sa principale héritière ; c’est sur elle et non sur son fils Michel, qu’il compte pour administrer son bien et l'arrondir, grandissant ainsi l'importance de sa famille. Car dans le pays basque, la tradition du droit d’aînesse s'est perpétuée ; ou plus exactement le droit du père de famille d’avantager un enfant, généralement l’aîné, afin d'assurer la durée et la prospérité de la maison. Piarrès Bordachuri veut marier sa fille, et la marier richement : c’est pourquoi il avait choisi ce notaire. Il ne peut pas contraindre Yuana à l’accepter, mais il peut rejeter dédaigneusement la demande d’Antoni. Et c’est ce qu’il fait. Il sait que Yuana est trop pénétrée de la tradition pour résister à l'autorité souveraine du père de famille. Antoni non plus n’y songe pas. Mais puisque Piarrès, le dur et avide vieillard, veut un gendre riche, il s'en ira, comme tant d’autres, chercher la fortune par delà les mers. Yuana lui promet de l'attendre, et pour elle il renonce à sa gloire de "pelotari" et à son pays tant aimé.



Et Yuana restée au village connaît à son tour la grande épreuve des femmes, des fiancées dont le mari ou le promis est parti là-bas. Elles sont nombreuses ; et d’une génération à l'autre, l’épreuve recommence. Ces exils, ces attentes sont un des traits caractéristiques de ce peuple, comme l’est pour les Bretons la longue campagne de pêche sur les bancs de terre-neuve ou sur les côtes d'Islande.



Et dans l’attente Yuana s’use. Quelques années passent, et Antoni s’enrichit. Il n’a jamais cessé de penser à elle ; mais quand il revient, riche enfin, il est trop tard : sa fiancée est morte.



La guerre alors survint. Antoni s’y fit tuer bravement, pendant la bataille de la Marne, en entraînant ses hommes. L’auteur, qui l’a connu, dit qu’il incarnait le type basque, et qu’il eut mérité que l'on gravât sur sa tombe la devise sacrée de ceux de sa race :


Toujours eu tuant 

Droit devant lui 

Marche le Basque. 



Dans leur langue, cela s’écrit ainsi :


Béthi Aintzina 

Chuchen Chuchena 

Dabil Eskualduna !"



Merci ami(e) lecteur (lectrice) de m'avoir suivi dans cet article.

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