INVALIDATION D'UNE ÉLECTION À MAULÉON EN 1890.
En 1889, les 22 septembre et 6 octobre, ont lieu, en France, des élections législatives.
LA RAGE DES ELECTIONS PAYS BASQUE D'ANTAN |
Ces élections verront au niveau national la victoire des Républicains avec un peu plus de 52%
des voix contre 36% aux Conservateurs.
Néanmoins, il y eut parfois des recours et ce fut le cas dans l'arrondissement de Mauléon, en
Soule, où le candidat Conservateur M. Louis Etcheverry avait été déclaré vainqueur par 6 906
voix contre 5 891 à l'avocat radical Martial Berdoly, sur 12 850 votants.
Voici ce que rapporta la presse, dans ses éditions du 28 janvier 1890 :
- La Petite Gironde :
"Chambre des Députés.
Séance du lundi 27 janvier.
Présidence de M. Floquet, Président.
La séance est ouverte à deux heures.
...L’Élection de Mauléon.
L’ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport du huitième bureau sur l’élection de M. Etcheverry à Mauléon.
M. Etcheverry combat les conclusions du rapport qui tendent a l’invalidation. L'orateur fait remarquer que lorsque le huitième bureau a conclu à l’invalidation, la plupart des membres étaient absents. Son concurrent avait pour lui l'administration, et, malgré cela, il a été battu. Aujourd’hui, il demande l’invalidation, espérant être plus heureux.
GROUPE DE PAYSANS BASQUES MAULEON - MAULE PAYS BASQUE D'ANTAN |
La plupart des protestations adressées au bureau sont couvertes de signatures non légalisées. On relève sept ou huit faits de pression, aucun n’a donné lieu à des poursuites. On a parlé de l’ingérence cléricale, mais on n’a précisé aucun fait.
Il y a eu tout simplement quelques curés qui ont recommandé à leurs paroissiens de voter en conscience. En admettant que l'ingérence cléricale soit prouvée, quelle influence a-t-elle pu avoir sur le résultat de l'élection? On prétend que jamais l’action du clergé ne s’est fait plus vivement sentir. Or, jamais la majorité conservatrice n’a été plus faible.
ATELIERS CHERBERO PIQUAGE MAULEON - MAULE PAYS BASQUE D'ANTAN |
L'orateur déclare avoir fait son devoir en 1870, tandis que M. Berdoly, son concurrent, est resté chez lui. Les Basques tiennent à ce qu'on respecte leurs croyances religieuses et leurs intérêts. Si la Chambre l’invalide, les électeurs en feront un réélu.
MARTIAL BERDOLY REPUBLICAIN PAYS BASQUE D'ANTAN |
M. Goirand, rapporteur, répond que la lutte politique dans l'arrondissement de Mauléon a eu un caractère de fanatisme religieux dans lequel disparaît la personnalité des candidats. Ce sont les prêtres qui ont mené la campagne électorale jusqu'à se transformer en crieurs publics et à mêler leurs enfants de chœur, en surplis, aux buveurs dans les cabarets.
Ils disaient que la religion chrétienne oblige à la révolte contre le gouvernement; que lorsqu'une maison est envahie par les voleurs il faut chasser ces voleurs sans se demandée à qui appartiendra la maison; qu'autrefois les républicains n’avaient pas de chemise et que maintenant ils couchent sur des couvertures d'argent et de soie, qu’ils étaient maigres et que maintenant ils sont gras.
PAYSANS BASQUES MAULEON - MAULE PAYS BASQUE D'ANTAN |
D’un autre côté ils disaient qu’un chrétien ne peut mettre dans les mains des républicains une arme pour frapper l'Eglise; que c'est un crime de laisser tuer sa mère quand on peut l’empêcher. De pareilles publications ne sont propres qu’à pervertir le sens moral des populations.
Un grand nombre de desservants ont dit que c’était un cas de conscience de voter pour M. Etcheverry et qu'il fallait choisir entre Dieu et le diable. On a vu un presbytère transformé en auberge. Un desservant a menacé de pêché mortel tous ceux qui voteraient pour les rouges; un autre a traité les députés de juifs, de voleurs désireux de fonder des écoles dans lesquelles on forme des femmes perdues de vice.
PAYSANS BASQUES MAULEON - MAULE PAYS BASQUE D'ANTAN |
On a vu des curés distribuer des bulletins de maison en maison, en disant qu’ils reconnaîtraient bien les bulletins déposés dans l'urne. "Poignarder sa mère, disait un prêtre, ou voter pour le candidat républicain, c’est la même chose!". Un autre a dit à un vieillard qui avait voté pour le candidat républicain : "Vous avez voté pour le diable et je ne puis vous absoudre!"
En réalité, cette élection a été plutôt un acte religieux qu’un acte politique, la majorité obtenue par M. Etcheverry a été due uniquement aux menées du clergé qui, dans ce pays basque, a une influence prépondérante. Le suffrage n’a pas été libre; il faut remettre les choses en place et permettre à ces électeurs d’envoyer à la Chambre un homme qui soit le représentant de la véritable majorité. (Vifs applaudissements à gauche.)
ACHAT D UNE VACHE MAULEON - MAULE PAYS BASQUE D'ANTAN |
M. Robert Mitchell ne pense pas que le clergé ait pu combattre avec acharnement le candidat républicain, qui avait promis de réparer l'église et de reconstruire les écoles.
ROBERT ROBERT-MITCHELL DEPUTE GIRONDE PAYS BASQUE D'ANTAN |
I.e prêtre doit rester neutre dans les élections, parce qu’il est fonctionnaire; mais tous les fonctionnaires doivent conserver la même neutralité. Or les instituteurs, les conseillers de préfecture, et tous les fonctionnaires ont fait campagne pour le candidat républicain.
Un maire a adressé une circulaire à ses administrés pour leur annoncer qu’une somme de 10 000 fr. serait donnée à la commune si elle votait pour M. Berdoly, et la commune n’ayant pas voté dans ce sens, les 10 000 fr. n’ont pas été donnés.
Le Basque n’est pas facile à intimider. C’est un peuple qui vote suivant sa conscience et il a la longue habitude de choisir ses représentants dans la famille Etcheverry.
M. Goirand fait remarquer que M. Robert Mitchell a fait le procès de la campagne électorale de M. Berdoly, mais n’a pas défendu M. Etcheverry. (Très bien !)
LEOPOLD GOIRAND SENATEUR DEUX-SEVRES PAYS BASQUE D'ANTAN |
Il est regrettable que le sous-préfet ait prononcé quelques paroles malencontreuses, mais l’effet a été compensé par l’assurance de M. Etcheverry que les réactionnaires allaient arriver au pouvoir.
Les catéchismes électoraux sont désavoués par M. Etcheverry. Mais, dans sa circulaire aux électeurs, il affirmait lui-même le droit pour les catholiques de reprendre en France le rang usurpé par une poignée de juifs francs-maçons.
Apres l’élection même, un journal parlait de "la canaille opportuniste", de "Goblet le Tueur", de "Constans le Voleur", et du "Robespierrot-Floquet". (Exclamations et bruit.)
M. le Rapporteur ajoute que dans le catéchisme électoral distribué par M. Etcheverry, et dont il reconnaît la paternité, il était dit qu’une loi tendant à diminuer les droits des prêtres ne pouvait prétendre à être observée. Et quand il s’agit du mépris de la loi militaire, ce n’est pas seulement une maladresse, mais un crime de lèse-patrie, une mauvaise action. (Applaudissements à gauche)
M. Etcheverry répond qu'il n’a pas à se justifier d’articles de journaux qui ne sont pas de lui.
Invalidation.
Les conclusions du huitième bureau, tendant à l’invalidation, mises aux voix, sont adoptées, après pointage, par 248 voix contre 224."
- Le Petit Journal :
"La Chambre.
Séance du lundi 27 janvier 1890.
Vérification de pouvoirs.
L'ordre du jour appelle, ensuite, l'examen des conclusions du 8e bureau, tendant à prononcer l'invalidation de M. Etcheverry, à Mauléon (Basses-Pyrénées).
SOUS-PREFECTURE MAULEON - MAULE PAYS BASQUE D'ANTAN |
M. Etcheverry prend le premier la parole pour répondre au rapport et se défendre contre les accusations qu'il renferme à son égard. Ce qu'on lui reproche surtout c'est d'avoir été élu grâce à la pression cléricale. A cela il réplique en s'étendant longuement sur les faits de pression administrative qui s'est exercée constamment, dit-il, dans l'arrondissement de Mauléon contre lui, et au profit de son concurrent.
M. Etcheverry est vivement applaudi à droite quand il descend de la tribune.
M. Goirand, rapporteur, donne d'abord lecture de proclamations et d'affiches dans lesquelles le candidat réédite tontes les accusations portées un peu partout, pendant la campagne électorale, contre les membres du gourvernement et le parti républicain, affiches qui se terminent par le cri devenu classique dans l'opposition : "A bas les voleurs!". Ensuite, M. Goirand donne lecture de brochures et de catéchismes électoraux rédigés dans un sens ultra-catholique et distribués à profusion avec les professions de foi et les bulletins de M. Etcheverry.
ETABLISSEMENTS LOUIS BEGUERIE MAUEON - MAULE PAYS BASQUE D'ANTAN |
Le rapporteur termine en s'étendant sur le rôle actif des membres du clergé qui, dans les pèlerinages et en chaire, auraient ouvertement recommandé la candidature de M. Etcheverry.
M. Robert Mitchell intervient dans le débat pour montrer, lui, la part prise dans la campagne électorale, non seulement par les instituteurs, mais encore par un conseiller de préfecture en faveur du concurrent de M. Etcheverry.
USINES DE SANDALE MAUEON - MAULE PAYS BASQUE D'ANTAN |
"Si l'Eglise, dit M. Mitchell, doit être tenue à l'écart des luttes électorales, la même loi s'impose pour l'Ecole et la Préfecture."
Après une double réplique de M. Goirand et de M. Etcheverry, le scrutin ayant été ouvert sur les conclusions du bureau, les secrétaires déclarent au président qu'il est nécessaire de procéder à un pointage.
EGLISE MAULEON - MAULE PAYS BASQUE D'ANTAN |
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