DEMANDE DE RECTIFICATION DE FRONTIÈRE AU PAYS BASQUE EN 1919.
Le traité des Pyrénées, délimitant la frontière entre la France et l'Espagne, fut signé le 7 novembre 1659 par le cardinal Mazarin, représentant Louis XIV, et Don Luis de Haro, représentant Philippe IV d'Espagne, sur l'île des Faisans, à l'embouchure de la Bidassoa.
UREPEL VALLEE DU PAYS QUINT PAYS BASQUE D'ANTAN |
Mais le bornage de la frontière demeura encore imprécis en de nombreux points, et les
contestations et les heurts entre populations locales demeurèrent fréquents.
Le Pays Quint, en particulier, fut la proie d'affrontements violents, de 1827 à 1856 : la guerre
des limites.
Plusieurs demandes de rectification de frontière furent faites au cours des siècles.
Voici ce que rapporta la Gazette de Biarritz-Bayonne et Saint-Jean-de-Luz, dans son édition
du 5 mai 1919 :
"Rectification de frontière.
A la séance du Conseil Général du 29 avril, M. Etcheverry-Ainchart a présenté le vœu suivant :
"Messieurs,
Il me semble qu’il est éminemment opportun, au moment où les grosses difficultés internationales cherchent une solution pacifique par la voie des gouvernements alliés, d’appeler l’attention du nôtre, sur une rectification absolument indispensable de nos frontières pyrénéennes, du moins en ce qui concerne mon canton.
Depuis le traité de délimitation du 2 décembre 1856 et la convention additionnelle du 28 décembre 1858, un certain territoire dénommé le "Pays-Quint", est divisé en deux portions : l’un méridional, dont la toute propriété appartient aux vallées espagnoles d’Erro et de Baztan; l’autre septentrional, dépendant des mêmes pour le sol mûri de la vallée de Baïgorry pour les pacages et les eaux. Celui-ci est situé en deçà de la crête de partage des eaux. La puissance du pâturage et des eaux en a été concédé à la vallée de Baïgorry à perpétuité, moyennant redevance annuelle de 8 000 francs que paie le gouvernement français. Huit familles habitent cette portion de territoire; elles sont soumises à la juridiction espagnole, mais relèvent pour le culte religieux de la paroisse du village français d’Urepel. Baptêmes, mariages, enterrements, se font sous le sacerdoce et par le ministère du desservant d’Urepel. Sevrées d’ailleurs presque entièrement au point de vue géographique de relations avec l’Espagne par les obstacles physiques — montagnes et bois — ces familles s’approvisionnent en France de tout leur nécessaire.
UREPEL BASSE-NAVARRE PAYS BASQUE D'ANTAN |
Cette situation spéciale, d’état d’indivision, si l’on peut dire, dans la nue-propriété et dans la jouissance, est la cause et le prétexte de nombreux conflits. Les registres de la Commission syndicale de Baïgorry sont remplis des plaintes de son Président à l’Administration : mauvais traitements, pignoration du bétail, incendies de cabanes des pasteurs, tels sont les faits dont sont témoins et ont été saisis de nombreuses fois nos représentants à la Chambre et M. le Préfet des Basses-Pyrénées. Ces jours derniers encore, je lui transmettais la plainte de M. le Maire d’Urepel, au sujet d’actes de violence exercés sans motif sur un de ses administrés, le sieur Çaldubéhère. J’ai appris que le coupable a été puni de huit jours de prison.
L'origine de nos droits sur ces territoires est vieille de sept siècles; elle remonte à 1212 et les "privilèges" consentis alors sont la récompense de la participation du contingent de la vallée de Baïgorry à la victoire mémorable de "Las Navas" de Sanche-le-Fort sur les Sarrasins, c’est-à-dire, notre pension militaire.
CARRIERE ST ETIENNE DE BAÏGORRY PAYS BASQUE D'ANTAN |
Depuis cette date, ils paraissent avoir été respectés jusqu’au début de la Révolution. Le 29 août 1786, je relève un arrêt du Parlement de Navarre, révélant un certain malaise, car il annonce "des remontrances du Roy pour n’appeler point au règlement des difficultés frontalières les intéressés eux-mêmes."
Avec quelle belle allure et quelle fierté respectueuse nos vaillants aïeux ne signalent-ils pas "que les commissaires démarqueurs de frontières ont oublié les intérêts des Aldudes et de la vallée de Baïgorry; que la démarcation projetée portera un dommage irréparable; qu’une population nombreuse se verra forcée de passer sous une domination étrangère; que c’est pour la première fois qu’on a investi d’une autorité sans bornes deux militaires seuls...; que la décision devait dépendre de l’examen et de la comparaison d’un grand nombre de titres...; qu’il pourrait être dangereux de laisser un militaire seul disposer à son gré et par l’effet d’une volonté arbitraire de l’étendue et des bornes du Royaume, de la propriété et de la fortune de 50 000 Français dont il ne connaît ni les droits, ni les besoins, ni les ressources, et arrêtent-ils qu’il serait fait au Roy de très humbles et très respectueuses remontrances...
UREPEL BASSE-NAVARRE PAYS BASQUE D'ANTAN |
Et dans une courte lettre, ne demandent-ils pas au Roy de daigner ordonnancer que les procès-verbaux des opérations projetées pour la démarcation des frontières leur soient communiquées, et ne pas permettre qu’elles soient consommées jusqu’à ce que la Cour en ait présenté les inconvénients à Sa Majesté?"
Malheureusement, cet appel ne fut pas entendu; les Ministres soutinrent le comte d’Ornano, commissaire démarqueur, cause et artisan des malheurs rappelés. Le Roi fit entendre à la Cour "d'attendre en silence le résultat des mesures arrêtées".
COMTE D'ORNANO |
Mais à nouveau, le 11 Décembre 1786, le Parlement faisait entendre au Roy ses très humbles et très respectueuses remontrances. Le comité d’Ornano continuait ses opérations. "On voudrait étouffer notre voix" crie-t-elle. Les Jurats de Baïgorry criaient avec elle et leur chef, un de mes ancêtres, l’oncle du maréchal Harispe, était incarcéré d’autorité et payait de la prison les cris de révolte du droit de la Vallée violée.
MARECHAL HARISPE PAYS BASQUE D'ANTAN |
Eh bien! Messieurs, assez de ces querelles et de ces conflits. Nous avons fait la guerre et nous l’avons gagnée. Nous voulons désormais la Paix, parce que nous l’avons gagnée aussi et payée avec usure, trop d’usure, hélas! Et pour rétablir cette Paix, rétablissons les frontières qui la maintenaient jusqu’aux fautes militaires du comte d’Ornano.
Voulons donc la Paix, et voulons-la pour nous réparer.
C’est dans cette pensée que je vous propose d’adopter le vœu suivant, puisque en somme, c’est une liquidation générale et universelle que nous avons entreprise et que nous sommes en train de réaliser et que dans cette liquidation se placent et sont examinées les revendications des petits peuples, des petites unités comme celle que forme la vallée de Baïgorry.
MONTAGNE OYLANDOY ST ETIENNE DE BAÏGORRY PAYS BASQUE D'ANTAN |
Le Conseil Général des Basses-Pyrénées demande au Gouvernement de la République d’inscrire à l’ordre des questions à régler avec le Gouvernement Espagnol, à la première occasion des tractations internationales, la rectification de la frontière des Pyrénées, en ramenant, tout au moins en ce qui concerne le Pays-Quint septentrional, à la ligne des crêtes des montagnes tracée dans le croquis annexé, qui était celle antérieure au traité de 1856, ou même antérieure, la ligne divisoire des territoires internationaux.
UREPEL BASSE-NAVARRE PAYS BASQUE D'ANTAN |
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