LES COLONIES DE VACANCES EN 1904.
Dès 1887, grâce au Docteur Delvaille, une des premières "colonies sanitaires" en France fut fondée à Bayonne, avant les colonies scolaires parisiennes.
FEMME REVENANT DE LA FONTAINE BAYONNE 1904 PAYS BASQUE D'ANTAN |
La colonie bayonnaise se dénomma tout de suite "colonie sanitaire".
Voici ce que rapporta la Gazette de Biarritz-Bayonne et Saint-Jean-de-Luz, dans son édition
du 3 juin 1904 :
"Colonies sanitaires de vacances. Oeuvre du Dr Camille Delvaille.
L'œuvre des colonies sanitaires de vacances a été créée à Bayonne, en 1887, par le Dr Camille Delvaille. C’est en Suisse, dès 1874, que la première institution de ce genre fut fondée. Il y a pour les âmes d'élite une contagion du bien qui propage les grandes pensées inspiratrices des œuvres utiles et fécondes.
Bien avant des villes importantes comme Lyon et Bordeaux, Bayonne fut doté des bienfaits de cette institution par notre distingué compatriote. Avec un dévouement et une intelligence remarquable, et grâce à la générosité constante de ses concitoyens, il a pu, pendant 17 années, mener à bien l’oeuvre des colonies sanitaires. La mort vient de frapper cet homme de bien, mais son œuvre lui survivra parce que ses successeurs s’inspireront de ses exemples.
L’œuvre des colonies sanitaires est une institution de sauvetage physique de l’enfance, dont le caractère de haute utilité apparaît indiscutable. Tous ceux que préoccupent la santé publique, l’augmentation de la mortalité infantile, la rénovation et le développement de notre race, tous ceux qui dans la Société, par la situation ou la fortune ont, à un titre quelconque, une part d’influence, ne peuvent que seconder les efforts tentés pour le salut de l’enfance pauvre et maladive.
Le but des colonies sanitaires de vacances est de prendre les plus anémiés des enfants pauvres entre 10 ou 12 ans et de leur procurer pendant le temps de fermeture de l’école, un bon mois de repos, d’exercice régulier, de nourriture saine, procurer à ces petits êtres affaiblis un capital de force et de santé qui les fortifiera et les armera mieux pour lutter contre les maladies et les difficultés de la vie qui s’annonce particulièrement dure pour eux, voilà le résultat à atteindre.
PONT ST ESPRIT BAYONNE - BAIONA 1904 PAYS BASQUE D'ANTAN |
Les écoliers des familles aisées jouissent pendant les vacances d’un repos bienfaisant au milieu des plaisirs et des gâteries. L’enfant quitte son travail de l’année pour goûter, sous la surveillance paternelle et en compagnie de ses frères et sœurs et de ses amis, les saines distractions des villégiatures au pied des montagnes ou au bord de la mer. Il reprend ensuite ses études, réconforté par le grand air, et aussi par la douce atmosphère de la famille, avec une vigueur nouvelle et un sang plus pur et plus généreux.
L’enfant pauvre, quand l’école est fermée, passe son temps dans la rue ou dans une demeure le plus souvent insalubre. Dans les quartiers populeux de notre ville, où la vie se multiplie avec une intensité croissante, l’hygiène et la salubrité font défaut.
JONCTION NIVE ADOUR BAYONNE - BAIONA 1904 PAYS BASQUE D'ANTAN |
Quand on pénètre dans les habitations ouvrières, on constate que le logement se rétrécit tandis qu’augmente le nombre de ceux qui y vivent. Pendant les fortes chaleurs de l’été, les plus chétifs des enfants s'étiolent dans l’absorption continue d’un air malsain. A ceux dont la taille s’allonge lentement, dont la poitrine ne s’élargit pas assez vite, que le travail de l’année a fatigués, que la nourriture insuffisante de la maison n’a pas assez développé, à tous ceux-là l'œuvre des colonies sanitaires voudrait assurer, pendant les vacances, l'air pur, les soins et le bien-être qui leur donnerait la force et la vie.
Après l’expérience acquise et les observations de médecins éminents, il n’est plus permis de douter de l’utilité des colonies sanitaires et de leurs résultats admirables, chez les enfants les plus chétifs, élevés dans un milieu malsain et misérable, une poussée de vie salutaire se produit dès qu'ils se trouvent à l’air pur et vivifiant des montagnes ou de la mer, et les prépare à résister à la tuberculose, cette insatiable dévoreuse de vies humaines, ainsi qu’aux maladies. "Les colonies sanitaires de vacances ont pris une importance encore plus grande, dit le professeur Landouzy. Depuis que l’on a engagé vigoureusement la lutte contre la tuberculose, elles constituent comme la première ligne de défense contre ce formidable ennemi; la deuxième comprenant les sanatoria et la troisième, les hôpitaux; il est incontestable que, de ces trois lignes de défense, la plus forte et la plus importante est actuellement la première; en un mot, il vaut mieux prévenir que guérir." Son action morale n’est pas moins grande, et l’éminent professeur a qualifié cette œuvre qui sauve l’enfance une croisade de paix et de rédemption!
PERSPECTIVE VIEUX REDUIT BAYONNE - BAIONA 1904 PAYS BASQUE D'ANTAN |
Un coup d’œil rapide sur la situation de l'Œuvre des Colonies de Bayonne permettra de voir le chemin parcouru et d’apprécier celui qui reste à faire. Profitant du double voisinage de la mer et de la montagne, deux sortes de colonies ont été créées par le docteur Delvaille. Les enfants chétifs, garçons et fillettes, sont envoyés à la colonie de Ciboure ou à celle de Bardos suivant la désignation du médecin de l'œuvre qui procède à un examen minutieux de chacun d'eux. Ce soin est confié au docteur Breucq, à l’ami fidèle de la première heure dont le dévouement et la compétence toute spéciale sont une sûre garantie de la bonne continuation de l’œuvre. La mer ne convient pas à toutes les débilités et suivant ses prédispositions, le petit colon va respirer l'air pur de la montagne ou la brise saline. Ces deux types de colonies ne varient pas seulement par la différence de climat. A Bardos, est pratiqué le placement familial, chez le paysan, par petits groupes de deux ou trois enfants disséminés dans un rayon de 3 ou 4 kilomètres; les petits citadins vivent la vie frugale et simple de l’honnête famille de paysans chez laquelle ils ont été placés; ils partagent sa nourriture et l’aident dans la mesure de leurs forces aux travaux de la ferme et des champs. Chaque jour, M. Bidart, professeur à l’Ecole normale de Dax, qui a apporté à l’œuvre sa collaboration dévouée et la lui continuera encore, surveille la colonie; chaque après-midi, il réunit les petits colons, soit pour des causeries instructives, soit pour des promenades dans les bois et sur les hauteurs environnantes.
A Ciboure, les colons vivent en commun, dans un bâtiment loué à un particulier, les fillettes sous la direction de Mme Abbadie, institutrice à Ossès, et les garçons sous la surveillance de M. Abbadie, instituteur à Ossès. L'un et l’autre consacrent leurs vacances à cette tâche méritoire avec un dévouement au-dessus de tout éloge. Ce placement en commun est la continuation de l'école, la surveillance des enfants est plus facile. Ils prennent des bains de mer, font des excursions aux environs et sont soumis à une alimentation fortifiante.
QUAI CIBOURE - ZIBURU 1904 PAYS BASQUE D'ANTAN |
L’un et l’autre système des colonies sont féconds en résultats immédiats; de ces petites victimes innocentes de la misère, ils font des êtres sains et vigoureux. En 1887, l’œuvre débutait avec de modestes ressources et ne pouvait envoyer qu’une dizaine d’enfants au bord de la mer. Depuis, le nombre des petits colons a augmenté chaque année grâce au zèle inlassable du docteur Delvaille, et en 1903, lors de la dix-septième campagne, cinquante enfants ont pu séjourner un mois aux colonies de Ciboure et de Bardos pendant les plus fortes chaleurs de l’été.
ENTREE BARDOS - BARDOZE PAYS BASQUE D'ANTAN |
Ce chiffre parait insuffisant surtout pour ceux qui ont pénétré dans les détails de cette institution et apprécié son utilité au triple point de vue des secours matériels donnés à la santé des enfants, de l'influence salutaire exercée sur leur moralité, des habitudes d’hygiène et de propreté qu’ils contractent.
Nous voudrions pouvoir procurer les bienfaits de la cure d’air à tous les enfants malingres et souffrants. L’œuvre n’aura atteint son complet développement que quand nous aurons des ressources suffisantes, pour réaliser ce beau résultat; ce jour là nous n’aurons pas à opposer un triste refus aux mères pauvres qui nous demandent le rétablissement de la santé de leurs enfants. Mais les colonies à la montagne ou à la mer nécessitent des dépenses importantes. C’est ainsi que les chiffres des frais de l’œuvre depuis sa fondation s'élèvent actuellement à la somme importante de 29 468 fr. 22 c. D'après un calcul basé sur les 17 années d’expérience qui viennent de s’écouler, le coût du séjour de chaque enfant aux colonies sanitaires pendant la durée d’un mois serait en moyenne de 75 fr., mais le prix de revient dans la montagne, à Bardos, serait sensiblement inférieur au coût du séjour au bord de la mer. Malgré une administration circonspecte, les dépenses s’élèvent à un chiffre élevé; encore faut-il ajouter à ce compte les dons en nature de toutes sortes (vêtements, remèdes, vivres, denrées, etc., etc.) envoyés à profusion aux petits colons, et aussi les facilités accordées par la Compagnie des chemins de fer du Midi, l’établissement des bains de mer à Ciboure, et de bien des personnes qui apportent à l’œuvre leur collaboration avec une rémunération insignifiante ou souvent même à titre complètement gracieux.
PLACE DE LA CROIX BARDOS - BARDOZE PAYS BASQUE D'ANTAN |
L’œuvre des colonies sanitaires puise ses ressources dans la générosité de ceux qui s’intéressent à son existence, leur nombre n’a fait que croître depuis dix-sept années. Au premier rang des donateurs se place la ville de Bayonne qui lui alloue une subvention annuelle de 1 000 fr. Elle a été de 470 fr. au début, puis de 800 fr. quand les besoins des colonies ont augmenté, pour atteindre le chiffre de 1 000 francs, que justifie leur développement toujours croissant.
PLACE PRINCIPALE BARDOS - BARDOZE PAYS BASQUE D'ANTAN |
Un grand nombre de négociants bayonnais envoient chaque année à l’œuvre de leurs marchandises ou de leurs produits (vins, denrées, épicerie, vivres, légumes secs, chocolat, charbon, etc., etc.) Des vêtements sont donnés ou confectionnés par des personnes généreuses. Ces dons en nature allègent singulièrement notre budget très chargé en dépenses. Nous voudrions pouvoir donner la longue liste de ces bienfaiteurs, mais par un sentiment de réserve nous taisons leurs noms eu leur adressant au nom de l’œuvre l’expression de notre sincère gratitude.
Tous les pharmaciens de Bayonne, Biarritz, Saint-Jean-de-Luz ont fait don à nos colonies des médicaments courants et de vin de quinquina que l’on fait boire aux enfants.
PHARMACIE CAMPAN BAYONNE - BAIONA PAYS BASQUE D'ANTAN |
De Paris sont expédiés gracieusement chaque année de grandes quantités de vins réconfortants de Bugeaud, de Mariani, Bravais, Vial, Aroud, Mourry, Kola Granulée, Astier, Kola Monavon et bien d’autres que les enfants prennent au retour de leur promenade et qui leur font grand bien.
Pour parer aux diverses dépenses, les ressources de l’œuvre consistent, en outre, en souscriptions annuelles que nous devons à la générosité de nos compatriotes. Beaucoup de nos bienfaiteurs ont disparu et l’augmentation constante des dépenses nous oblige à faire appel à de nouveaux concours. Nous avons l’espoir que nos concitoyens ne nous abandonneront pas et que de nouveaux adhérents viendront remplacer ceux que la mort a pris, et que l’œuvre en s’étendant arrachera tous les ans un plus gros chiffre d’enfants à leurs vacances démoralisantes et affaiblissantes. Ce n’est jamais en vain que l’on sollicite la générosité de nos compatriotes pour une bonne œuvre et le but poursuivi est trop élevé pour que le nombre de ceux qui voudront bien nous aider à l’atteindre n’augmente pas chaque jour. Un des meilleurs moyens d’être heureux n’est-il pas encore de donner un peu de son bonheur à ceux qui souffrent et parmi toutes les misères en est-il une plus digne d’intérêt que celle de l’enfance pauvre et malade?
GRAND SEMINAIRE BAYONNE - BAIONA 1904 PAYS BASQUE D'ANTAN |
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