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lundi 25 juin 2018

UNE JOURNÉE À FONTARRABIE - HONDARRIBIA EN GUIPUSCOA AU PAYS BASQUE EN SEPTEMBRE 1903

FONTARRABIE EN 1903.


En 1903, Fontarrabie compte environ 4 500 habitants.

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PORTE FONTARRABIE - HONDARRIBIA 1903
PAYS BASQUE D'ANTAN

Voici ce que rapporta le journal l'Univers, dans son édition du 23 septembre 1903, sous la 

plume de Rolfe de Sussex :


"Une journée à Fontarabie. 


La bonne fortune de mon voyage de vacances m'a entraîné, cette fois, jusqu'à extrémité du golfe de Gascogne. Il y a dans ces parages des coins merveilleux, et c'est avec raison que l'on a déclaré ce pays un des plus beaux à voir, parce que la mer et la montagne y voisinent d'une façon grandiose. Sur la côte, s'égrènent de jolies localités : il y a Biarritz, Guéthary, Saint-Jean de-Luz; il y a surtout l'archaïque Fontarabie. 




Fontarabie! C'est tout un rêve cette petite cité, et que le décor où elle vit ! Elle repose, toute en longueur, indolente, au bord de l'estuaire riant de la Bidassoa. Son joli clocher renaissance possède une cloche argentine, dont le son emplit toute la vallée; il se dresse sur une éminence, comme une sentinelle hardie en avant de la crête du Jaïzquibel, qui ferme l'horizon à l'occident. 


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EGLISE ET CROIX FONTARRABIE - HONDARRIBIA
PAYS BASQUE D'ANTAN

De hautes murailles, un peu démantelées, entourent encore la ville ; les mêmes qui la protégèrent jadis contre l'armée de Condé, en 1638. A cette époque, après un siège de 64 jours, les munitions étant venues à manquer, l'alcalde eut un beau dévouement. Il prit toute son argenterie, d'une valeur de 1 500 livres, et en fit fondre des balles à défaut de plomb. A son exemple les assiégés donnèrent tous leurs trésors pour en faire des projectiles. L'héroïsme gagna même les enfants. Ils ramassèrent les escopettes des morts, et se mirent à tirer sur l'ennemi des balles d'or et d'argent. Ceux-ci criblés de pareilles richesses se retirèrent comme il convenait et ne manquèrent pas, vraisemblablement, de se faire extraire des balles si précieuses.




Et voilà l'origine des fêtes pittoresques, qui ont eu lieu chaque année à Fontarabie, en souvenir de cette délivrance. 




Le 8 septembre est le grand jour où l'on fête, avec une dévotion naïve, la bien-aimée patronne du pays : Nuestra Señora de Guadalupe, dont le sanctuaire se profile sur le Jaizquibel, à 500 mètres d'altitude.



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HUIT SEPTEMBRE FONTARRABIE - HONDARRIBIA
PAYS BASQUE D'ANTAN

J'ai vu, ce matin-là, une procession des plus curieuses se former sur la place d'Armes et gravir ensuite lentement les lacets de la montagne: C'était simple, sans faste aucun; mais délicieux de couleur locale. En tête, il y avait de superbes gars, revêtus des costumes des sapeurs du siège de 1638, la hache sur l'épaule et, sur la tête, un immense bonnet blanc en poils de chèvre. Il y avait ensuite une demi-douzaine de cavaliers aux fringantes montures; il y avait enfin, ce que le programme des fêtes dénommait "les troupes de la ville". C'étaient environ 600 hommes, tous montagnards au type rude et loyal, habillés un peu comme des Carlistes : le béret basque sur la tête, la veste rouge très ample et le pantalon blanc retenu par une large ceinture rouge; ils étaient armés de vieux fusils à baguette. Venaient ensuite des bannières, et le clergé, que l'on saluait ostensiblement sur tout le parcours. 



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HUIT SEPTEMBRE FONTARRABIE - HONDARRIBIA
PAYS BASQUE D'ANTAN

Au moment où ce cortège, après une heure de montée, atteignit enfin la chapelle, il y eut dans la montagne un crépitement : tous les vieux fusils partaient, auxquels répondait aussitôt le grondement sourd de deux petits canons que l'on avait hissés jusque-là! Et d'enthousiastes acclamations partaient de la poitrine de tous ces braves gens en l'honneur de leur patronne vénérée: "Viva la Virgen de Guadalupe!" criaient-ils. 


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HUIT SEPTEMBRE FONTARRABIE - HONDARRIBIA
PAYS BASQUE D'ANTAN

C'est une bonne Vierge rustique que celle-là, rustique comme son sanctuaire. Vite, la petite chapelle regorgeait de la foule venue pour entendre une messe solennelle, et un sermon en basque, lequel, autant que j'ai pu juger, fut des plus enthousiastes! En haut de l'autel chargé, d'ors, comme dans la plupart des églises espagnoles, au milieu du rayonnement d'innombrables cierges, la Vierge était là, revêtue d'une chape d'argent, derrière une vitrine. Les fidèles gravissaient sans cesse un petit escalier dans la sacristie, pour faire toucher à l'image sainte des objets de piété. 



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SANCTUAIRE NOTRE DAME DE GUADALOUPE FONTARRABIE
PAYS BASQUE D'ANTAN

A la porte, un mendiant implorait, en robe de bure surchargée de médailles, le capuchon sur la tête; un autre, au dehors, sur un éventaire suspendu à son cou, portait un buste de femme rabougri, tout ratatiné, dont on n'apercevait que la tête énorme, remuant au milieu de bardes sans nom. 




L'office fini, vers onze heures, de nouveau les petits canons tonnèrent, et leurs détonations se répercutèrent dans toute la baie, tandis que les cloches sonnaient à toute volée. Nous étions devant la chapelle, sur une petite place, abritée par quelques arbres maigres contre les ardeurs du soleil, et bordée par un parapet en pierres surplombant un abîme. 




Après le recueillement de l'office, c'était maintenant un cliquetis joyeux de paroles et de cris. Tous voulaient se munir de petites médailles de la Vierge retenues par des rubans roses, jaunes ou bleus ; les jeunes filles, les hommes même se mettaient joliment tout un flot de ces rubans autour du cou. Des marchands offraient à boire, d'autres, à manger car on avait gagné soif et faim à gravir la montagne. 



GUIPUZCOA ANTES
 FONTARRABIE - HONDARRIBIA
PAYS BASQUE D'ANTAN

Tout à coup un étranger émerge au mi lieu de ces visages basques, il arrive essoufflé, ayant fait l'ascension du Jaizquibel, il demande à boire en français. O joie! il parle français, oui ! Mais c'est un Parisien ! En croirai-je mes yeux, c'est un confrère, un véritable rédacteur du Monde illustré, à 800 kilomètres de la capitale et à 500 mètres d'altitude, au fond du Guipuzcoa ! Quelle rencontre... des plus agréables d'ailleurs.! 



Mais voici un tambour et une musette scandant in air gai, et immédiatement en plein air, jeunes gens et jeunes filles se mettent danser le fandango. C'est une sorte dé bourrée, accompagnée de claquements de doigts. Et l'œil paterne des gendarmes espagnols se repose sur ces ébats, et leur bicorne de toile s'agite avec approbation; et vraiment, cette honnête gaieté, ce grand soleil, cette brise fraîche, cette petite chapelle qui tinte sans discontinuer, tout cela est délicieux ! 


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FANDANGO FONTARRABIE - HONDARRIBIA
PAYS BASQUE D'ANTAN

Et le paysage ! Jamais, je n'en vis de pareil ! Comment le décrire, comment le faire vivre comme je l'ai, vu vivre par cette journée de septembre, du haut de la petite terrasse de la Guadalupe ! 




En face, à hauteur des yeux, se profile l'auguste chaîne des Pyrénées, ce jour-là, brune et verdoyante, de laquelle émergent quelques monts aux formes spéciales, monts bizarres qui n'ont pas voulu plier l'échine comme les autres. Là, c'est la Rhune, haute de 900 mètres, qui, avec sa croupe en dos d'âne, a l'air, dans la brume, d'un monstre accroupi ; plus près, la Haya ressemble à une scie dont les quatre dents mordent sur le ciel ; enfin ici, c'est le Jaizquibel, sur lequel nous sommes, Et dans le bas de ce cirque c'est la Bidassoa se perdant derrière des roches, avec son île des Faisans et son petit pont dont les arches se dessinent, minuscules. A nos pieds, c'est Fontarabie, dont nous dominons maintenant le clocher, et en face, de l'autre côté de la petite baie on aperçoit Hendaye, la France, là, si proche qu'il semble qu'on puisse la toucher du doigt. Au nord, les flots de l'Océan sont tout bleus avec leurs jolies écumes blanches, qui se courent les unes après les autres ; ils baignent toute la côte française jusqu'à Biarritz ! Du point où nous sommes, presque d'un seul coup d'œil, on embrasse tout : la mer et la montagne, le ciel et les pauvres cités humaines à nos pieds, inconscientes de tant de beautés accumulées autour d'elles ! 


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PANORAMA DE GUADALOUPE FONTARRABIE - HONDARRIBIA
PAYS BASQUE D'ANTAN

Mais, après tout, ces pauvres cités humaines ont encore du bon ; ce n'est guère que là où l'on trouve à déjeuner. Cette réflexion me conduit à dire que, redescendus à Fontarabie, mis en grand appétit par notre excursion du matin, nous nous sommes abattus, comme des oiseaux de proie, sur le restaurant le plus proche, un restaurant espagnol ou l'on ne comprenait pas un mot de français. Ce fut, d'ailleurs, la chose seule dont nous eûmes à nous plaindre? car nous étions parfaitement restaurés, lorsque nous nous retrouvâmes, à deux heures, dans la grande rue de Fontarabie, la calle Mayor. 




A ce moment, dans cette voie large au plus de 5 mètres, régnait une animation extraordinaire; on y attendait, il faut dire, le retour de la procession du matin. A toutes les fenêtres, aux balcons ornés de tapis ou tentures aux couleurs espagnoles, des têtes se montraient, curieuses, - dont quelques-unes, encadrées de la mantille, laissaient voir de grosses roses rouges, piquées dans une brune chevelure. Des marchands circulaient dans la rue avec des sorbets ou des éventails à vendre. Enfin la procession parut ! En passant devant la casa consistorial, — la mairie dirions-nous, — les troupes de la ville déchargeaient leurs vieux fusils à baguette, et cela produisait une suite ininterrompue de crépitements secs. Le cortège monta et redescendit plusieurs fois la rue en jouant l'hymne Titi-Biliti, curieux air guilleret et bien scandé, comique presque, mais qui fut jadis pour Fontarabie l'hymne de la délivrance le jour où les fifres d'antan le firent résonner victorieusement contre les ennemis. Enfin les troupes s'arrêtèrent, et après avoir poussé de formidables hourras, les 600 hommes qui les composaient déchargèrent tous ensemble leurs fusils ! Fontarabie en trembla jusque dans ses fondations ! Dans la calle Mayor ensoleillée, on se pressait, on s'étouffait pour voir; des cris, des applaudissements saluaient les détonations. Il y avait là, outre les gens du pays, des Espagnols venus de Saint-Sébastien, des Français d'Hendaye : tout ce monde s'exclamant en trois langues différentes, ces costumes, cette pétarade, cette rue si jolie, tout cela donnait, une impression de gaieté sans égale ! C'était merveilleux, de lumière, de vie, de couleur locale, accumulées dans un si petit espace ! 



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HUIT SEPTEMBRE FONTARRABIE - HONDARRIBIA
PAYS BASQUE D'ANTAN

Puis, en un clin d'œil, comme quatre heures approchaient, toute cette cohue s'évanouit comme une volée d'oiseaux en déroute, pour se retrouver dix minutes après, encore plus turbulente et plus enthousiaste à la Plaza de Toros. 


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PLAZA DE TOROS FONTARRABIE - HONDARRIBIA
PAYS BASQUE D'ANTAN

Des courses de taureaux, je ne dirai rien, sinon qu'elles furent très brillantes, bien espagnoles d'un bout à l'autre. Nous vîmes une douzaine de chevaux consciencieusement étripés sous nos yeux ; ce qui d'ailleurs a le don de soulever des cris épouvantables, des cris d'horreur, je veux le croire. J'étais assis entre deux Français. L'un vitupérait contre un pareil spectacle, j'en faisais autant, car c'était la première fois que j'y assistais, et nous nous soulagions ainsi mutuellement. De l'autre côté, j'avais un jeune étudiant de Bordeaux, fort courtois d'ailleurs, qui semblait, au contraire, enthousiaste ! 



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PLAZA DE TOROS FONTARRABIE - HONDARRIBIA
PAYS BASQUE D'ANTAN

Le plus merveilleux, c'était le décor. Le costume des toréadors avec ses broderies d'or et ses pierreries étincelait au soleil. Toute cette foule bigarrée et bon enfant, s'agitait, se levait et se rasseyait, comme mue par un ressort. De ma place, au-dessus des arènes j'apercevais le cirque des montagnes encerclant celui où nous étions réunis. A la sixième course, l'espada, répondant au nom sonore de Bombita III, tua le taureau du premier coup au sommet du garrot, ce qui lui mérita le délire de l'assistance. Il fut, en un clin d'œil, couvert d'applaudissements, et aussi d'éventails, de programmes qui volèrent à son adresse; et les spectateurs les plus enthousiastes, après s'être assurés que le taureau était bien mort, envahirent l'arène, et portèrent Bombita en triomphe ! Quelques instants après, à la sortie, on put le voir, le cigare à la bouche, s'éloigner dans un superbe landau. 



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BOMBITA III
PAYS BASQUE D'ANTAN

Le soir tomba enfin sur cette journée sans ombres, qui m'avait paru bien courte. Et l'on dut se diriger vers l'embarcadère, d'où les bateliers vous font traverser la Bidassoa en quelques minutes ; ils chantent en ramant ! 



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PASSEUR HENDAYE - FONTARRABIE
PAYS BASQUE D'ANTAN

Lorsque, arrivé à Hendaye, je me retournai, vers Fontarabie, la petite cité espagnole disparaissait déjà dans la brume. Et sur la Bidassoa, une flottille de barques ramenait des touristes en France : on aurait dit une nuée de coquilles de noix sombres, avançant sur les petites ondes de la rivière, véritablement teintées de violet à cette heure crépusculaire. Là-haut, en face, la crête du Jaizquibel se dessinait, maintenant noire sur un ciel d'or très pâle, coupé des stries vertes et rouges du soleil couchant, et seul émergeait, sur cette crête, sombre lui aussi, le petit clocher de Notre-Dame de Guadalupe, qui à cette heure tintait l'Angelus !


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DEBARCADERE FONTARRABIE - HONDARRIBIA
PAYS BASQUE D'ANTAN

 

Tout à coup, je me retournai. On chantait sur la route d'Hendaye. Quoi? Je vous le donne en mille ! On chantait : Viens, Poupoule




C'est à cela que je reconnus que j'étais bien en France !"





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