LE MONUMENT AUX MORTS DE SAINT-JEAN-DE-LUZ EN 1920.
Après la première Guerre Mondiale, de nombreuses communes veulent commémorer leurs morts en faisant édifier des monuments aux morts.
MONUMENT AUX MORTS SAINT-JEAN-DE-LUZ PAYS BASQUE D'ANTAN |
Ce fut le cas de Saint-Jean-de-Luz, en Labourd, en 1920.
Voici ce que rapporta le journal L'Action Française, dans son édition du 17 septembre 1920 :
"A Saint-Jean-de-Luz. L'inauguration du monument aux morts de la guerre. Oeuvre de Maxime Real Del Sarte.
Le monument commémoratif des enfants du pays tombés pendant la guerre, que notre cher ami le sculpteur Maxime Real del Sarte a élevé au milieu du square de Saint-Jean-de-Luz vient d'être inauguré devant une foule énorme et recueillie groupée autour des autorités religieuses, militaires et civiles de la région. Parmi les notabilités officielles, on remarquait le maire de Saint-Jean-de-Luz et ses deux adjoints; Mr Gieure, évêque de Bayonne ; le général commandant la 36e division ; MM. Catalogne et Le Barillier, sénateurs ; MM. Guichenné et Ybarnégaray, députés ; les généraux de Billy, Berteaux, Penaud et Galbruner ; MM. les chanoines Daranatz, secrétaire de l'évêché, et Bellevue, curé-doyen de Saint-Jean-de-Luz ; les maires des communes du canton, les fonctionnaires et les membres de la presse. L'auteur du monument assistait à l'inauguration.
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Après une cérémonie religieuse où Mgr Gieure, après avoir exalté dans un langage qui a profondément touché les assistants le souvenir des morts de la guerre, a donné l'absoute, le cortège a gagné le square où se dresse le monument de Maxime Real del Sarte, monument qui a eu les honneurs du dernier Salon des Artistes français
.
D'éloquents discours, ont été successivement prononcés par M. Neumann, président du comité, qui a remis le monument à la ville, par le maire, qui a remercié ; par le commandant Duplaa de Garat ; par le commandant Harriet, au nom des combattants ; par M. Doucet, au nom des mutilés ; par M. Ribera, au nom de nos amis d'Espagne ; par M. le curé-doyen, et enfin par M. Ybarnégaray qui a montré en termes très beaux le sens de cette manifestation du souvenir et de la patrie. Voici les passages les plus émouvants de ce discours qu'il faudrait donner en entier :
JEAN YBARNEGARAY PAYS BASQUE D'ANTAN |
"Vous m'avez fait le grand bonheur de me confier la présidence de cette cérémonie du souvenir, et je viens avec les représentants du Pays Basque, déposer mon hommage aux pieds de cette stèle commémorative et saluer d'un dernier adieu les enfants de Saint-Jean de Luz tombés pour la patrie.
Toute parole, je le sais, est impuissante à célébrer comme ils le méritaient nos grands morts. La mienne n'aura, d'autre vertu que d'être celle du coeur. Comme soldats, ne furent-ils pas mes compagnons d'armes ; comme Basques, n'étaient-ils pas tous mes amis ?
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Et je veux m'arrêter tout d'abord à la pensée délicate qui, pour cette commémoration, vous inspira le choix d'un tel moment. Il est bien, en effet, qu'en pleine joie de l'été, se pressant sur sa plage, Saint-Jean de Luz, un jour, se souvienne et se recueille.
Au seul appel de sa municipalité, la ville coquette se pare de ses drapeaux, une foule immense vient s'agenouiller dans l'invocation du De Profundis, — et jusqu'à notre ciel lui-même qui a voilé les caresses de sa lumière, pour que rien ne dépare la gravité de cette heure.
Vision émouvante ! Combien le cœur doit en être profondément touché de ceux qui pleurent toujours leurs disparus et pour qui le retour des vainqueurs fait encore plus précise et plus douloureuse l'absence des leurs qui ne reviendront plus.
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Ils sont nombreux, ici, nous venons d'en entendre le long et impressionnant appel. Cent soixante enfants de Saint-Jean de Luz morts au champ d'honneur, telle est la part, la lourde part de votre ville à l'immense hécatombe, tel est votre holocauste sur les autels de la patrie !
Cent soixante fils, les meilleurs de notre race, tombés à l'ennemi, en pleine force, en pleine beauté, en pleine jeunesse toute chargée d'espérances ! — Honneur à eux ! — Qu'ils soient glorifiés, qu'ils soient bénis, car, dans l'histoire du monde, rien n'est aussi grand que ces 1 500 000 hommes mourant dans le geste de Dieu, pour le salut des Francs.
N'en doutez pas. Si, après les premiers revers, la France s'est redressée, si, après cinq ans d'un corps à corps terrible et sans merci, elle a, enfin, pu pousser son cri de victoire et de libération, c'est qu'à chaque appel aux armes — si nombreux depuis celui du 1er août 1914 de tous ses villages, même les plus reculés, te plus lointains, de jeunes hommes sont accourus, prêts à tous les sacrifices, capables de tous les héroïsmes, nos trois provinces basques sont au premier rang de celles qu'illustra la valeur de leurs enfants — et aujourd'hui la fierté de notre passé et de notre mystérieuse histoire se pare d'une gloire éclatante — celle de nos fourragères et de nos drapeaux...
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...Et voici qu'aujourd'hui le nom de tous ces morts épars sur la terre et sur la mer sont gravés pour toujours dans cette pierre — noms sacrés que le premier devoir des mères sera d'apprendre à épeler à leurs enfants ! — Et voici qu'un grand artiste -grand blessé de la guerre aussi — a ramassé comme en une gerbe, les âmes multiples et éparses de ses frères d'amies et de sacrifices, et que de son marteau cette œuvre sobre et puissante a surgi.
Réal del Sarte, permettez que je vous félicite et que je vous remercie !
MAXIME REAL DEL SARTE CAMELOT DU ROI ET SCULPTEUR |
Aussi bien, n'êtes-vous pas l'image exacte de la France elle-même, qui, quoique mutilée, resplendit à nouveau par la force de son travail et l'éclat de son génie ? Et, éternelle ment. comme nous aujourd'hui, aux pieds de votre monument, des générations viendront s'agenouiller.
Cela ne suffit pas. Car, s'il est des morts qu'on ne peut, hélas ! que pleurer, ceux-ci, comme vient de le dire mon ami le commandant Harriet, sont trop grands pour disparaître tout entiers. En mourant, avec leur exemple, ils vous léguèrent deux choses : leurs familles et leur pensée...
...Pourquoi sont-ils morts ? D'abord, pour sauver leur pays de l'invasion et de la servitude, pour que la France victorieuse vive grande, libre, forte et respectée. Les mois qui suivirent l'armistice ne leur auront sur ce point ménagé ni les angoisses ni les déceptions.
...Un traité de paix, triomphe de la politique anglo-saxonne, erreur, chimère wilsonnienne, ne nous payant ni de notre victoire, ni de nos sacrifices : des alliés s'enfermant les uns dans leur isolement, les autres dans les rigueurs de leur égoïsme traditionnel. Notre pays seul en face des plus cruels embarras. Mais, soudain des lointains de l'Orient, un danger se précisant peut-être plus grave que celui de 1914 un peuple martyr et ami criant au secours.
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Chez nous, un gouvernement, ayant, avec le sentiment de l'honneur, la vision nette de l'intérêt français, brisant avec une tutelle devenus insupportable, répondant, seul à l'appel désespéré de la Pologne. Et, quinze jours après, là-bas, sur les bords de la Vistule, le clair génie d'un de nos plus grands chefs brisant le flot des barbares, et, une seconde fois, comme sur la Marne, sauvant la Civilisation et la Liberté. Voilà l'œuvre de ces derniers jours, l'œuvre magnifique qui vient de hausser la France sur la même cime de prestige et de gloire où elle était montée en 1918 !
Nos morts peuvent être satisfaits...
...S'ils sont morts enfin côte à côte, cœur à cœur, eux, les enfants de toutes les classes, de toutes les professions, de tous les partis, c'est pour que jamais — même dans le choc nécessaire des idées et des doctrines — ne renaissent, parmi nous, ces âpres querelles, ces luttes fratricides qui nous divisèrent, parfois jusqu'au sang et dont nous faillîmes mourir.
Fils de Saint-Jean de Luz tombés pour la France avec la foi de nos ancêtres, nous levons nos yeux vers vous. Et, dans le ciel, vous nous apparaissez, phalange héroïque de Dieu, à cette place d'honneur réservée à ceux qui, comme vous, sont morts pour que vivent, éternelles et sacrées, les deux grandes idées inscrites aux plis de nos drapeaux. Du haut des cieux, protégez-nous, veillez sur nous ! Veillez sur notre France, sur notre Pays Basque sur nos familles, nos maisons ! Inspirez nos actes ! Unissez nos cœurs! Guidez nos pas !
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