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jeudi 11 janvier 2024

L'INAUGURATION DU MONUMENT AUX MORTS DE BAYONNE EN LABOURD AU PAYS BASQUE LE 11 NOVEMBRE 1924 (troisième et dernière partie)

 

L'INAUGURATION DU MONUMENT AUX MORTS DE BAYONNE LE 11 NOVEMBRE 1924.


Dès 1920, est lancée, avec un grand succès, une souscription publique pour la construction du monument aux morts de Bayonne.




pays basque autrefois labourd monument morts
INAUGURATION MONUMENT AUX MORTS BAYONNE 
11 NOVEMBRE 1924


23 dossiers furent présentés à la Mairie de Bayonne et c'est le projet des architectes Molinié-Nicod et Pouthier, associés au sculpteur Brasseur, qui fut choisi.



pays basque autrefois sculpteur labourd monument morts
SCULPTEUR LUCIEN BRASSEUR


L'édifice fut construit en 1923 sur l'esplanade des Glacis, adossé aux remparts et inauguré le 11 novembre 1924.



Voici ce que rapporta au sujet de cette inauguration la Gazette de Bayonne, de Biarritz et du Pays 

basque, le 12 novembre 1924 :



"Le Monument aux Morts de la Guerre a été inauguré hier à Bayonne.


... La Cérémonie de l'Inauguration


Les discours.





Discours de M. Dordezon



pays basque autrefois labourd monument morts
H DORDEZON 1924
PRESIDENT DE L'ASSOCIATION DES MUTILES DU PAYS BASQUE 


M. Dordezon, conseiller général, président de l’Association des Mutilés du Pays Basque, dit que ceux-ci attendaient depuis longtemps ce moment solennel et il dit quel amour immense ceux qui sont morts professaient pour la France. Il espère une ère de Fraternité où de tels massacres auront cessé. Il salue les mutilés, frères d’armes éprouvés de ceux qui tombèrent pour ne plus se relever et il conclut : 


Devant ce monument, symbole d’héroïsme et d’abnégation, où sont inscrits les noms de ces martyrs de la Patrie, nous tous camarades anciens combattants, dans la défense des droits que nous représentons, nous continuons de soutenir l’humanité dans la cause de la France et de faire respecter la justice dans sa victoire. Engageons-nous à demeurer dignes de leur sacrifice, à être forts pour notre union, à travailler dans la concorde à la prospérité et à la grandeur de notre Pays meurtri, qui fut sauvé par nous. 


Nous ne redirons jamais assez ce que nous devons nous à ceux qui ont donné leur vie pour que la France vive. 


Que leur mort soit pour nous un exemple, qu’ils vivent toujours dans nos pensées : 


O Morts sublimes ! 


Nous nous souviendrons toujours de votre héroïsme et de votre vaillance, nous garderons au plus profond de nos cœurs l’amour passionné, le culte, la fierté de notre France, la foi dans son avenir et sa destinée. 



pays basque autrefois labourd monument morts
MONUMENT AUX MORTS DE BAYONNE
PAYS BASQUE D'ANTAN


Discours de M. Ybarnégaray.


pays basque autrefois député droite
YBARNEGARAY EN 1932
PAYS BASQUE D'ANTAN

M. Ybarnégaray, député des Basses-Pyrénées, au nom du Pays Basque, vient saluer une dernière fois les héros et dire un adieu aux enfants de Bayonne morts pour la Patrie. Il veut s’incliner devant ce magnifique monument "auquel vous avez voulu donner les allures d’une apothéose, dit-il, et vous avez eu raison". 



Ce monument est une œuvre superbe et symbolique. Quel magnifique et émouvant spectacle pour ceux qui pleurent les chers disparus. 



M. Ybarnégaray salue surtout les femmes, les sœurs, les mères des Morts. 


pays basque autrefois labourd monument morts
MONUMENT AUX MORTS DE BAYONNE
PAYS BASQUE D'ANTAN

Il rappelle la joie de celles-ci à chaque petite lettre quotidienne, écrite souvent au fracas de la bataille. Puis un jour cette petite lettre n’est pas venue. Des jours d’un silence lourd comme la dalle d'un sépulcre ont passé... Ils ont passé jusqu'à l’arrivée d'une autre lettre, celle-là d'un chef ou d'un ami qui annonçait que l'époux, que le frère, que le fils aimé avait disparu. Et les femmes douloureuses se sont traînées jusqu’à l'autel de la Patrie pour y faire don de leur sacrifice. 



C'est ainsi que sont morts 780 enfants de Bayonne. Tel fut l’holocauste de cette ville sur l’autel de la Patrie. 



Le député des Basses-Pyrénées rappelle le jour du départ de cette jeunesse, auréolée et fière. Puis le choc initial et aussi les premiers échecs ; la retraite et la Marne, — la Marne où le miracle s'accomplit, ce miracle qui s’appelle : le Soldat français. 



L'orateur fait, en un bref raccourci, l’historique du Soldat français pour achever par le plus beau de tous, celui de la dernière guerre, par qui furent sauvés la Liberté et l’Honneur. 



pays basque autrefois labourd monument morts
SOLDAT FRANCAIS : HONNEUR ET PATRIE



Aujourd’hui ils revivent dans la gloire et le témoignage en est encore apporté par ce glorieux drapeau du 49e venu de son exil glacé des Invalides pour ce suprême hommage. 



De tels hommes, dit-il en parlant des Poilus magnifiques qui tombèrent pour ne plus se relever, ne meurent pas tout entiers. Ils sont morts peur une France victorieuse, libre, grande et respectée. 



Puis c'est l'évocation de l'Armistice, c’est l’Allemagne à genoux, c’est "la France trop généreuse, dit M. Ybarnégaray, qui permet de s’exercer le traditionnel égoïsme de l’Anglo-saxon", mais c’est aussi l’Alsace retrouvée et la rive gauche du Rhin occupée. 



M. Ybarnégaray, après quelques appréciations sur la politique dit que certes on peut, on doit espérer en un avenir de fraternité entre les nations, de paix universelle. Mais le plus prudent encore c’est d’avoir une forte armée. 



Le député des Basses-Pyrénées termine en disant : "Enfants de Bayonne, tombés au champ d’honneur, dormez en paix votre sommeil de gloire ! Nous garderons votre mémoire, vous qui êtes morts pour défendre le patrimoine que vous nous avez gardé : la France, terre généreuse et féconde. Nous verrons toujours grandir, grâce à vous cet idéal au-dessus duquel, il n’y rien : la Justice et la Bonté !" 



pays basque autrefois labourd monument morts
INAUGURATION MONUMENT AUX MORTS BAYONNE 
11 NOVEMBRE 1924


Discours de M. Garat.



pays basque autrefois labourd monument morts député basses-pyrénées
JOSEPH GARAT
DEPUTE DES BASSES-PYRENEES



"Devant les grands souvenirs que rappelle ce monument, dit M. Garat, député, en commençant, toutes les paroles paraissent banales et froides. Ce sont les plus simples qui rendent le mieux le sentiment d’admiration et de reconnaissance que nous devons avoir pour vous". 



Puis ayant parlé du sacrifice immense des morts, il rappelle celui que s’imposa la population civile, même loin, à l'arrière du front. Il rappelle le magnifique élan des habitants de Bayonne, dans tous les rangs de la société, quelles que fussent les opinions et les confessions. Tous s'unirent dans un même sentiment de solidarité et de patriotisme pour les œuvres de guerre. 



M. Garat rappelle ce que furent ces œuvres. Il glorifie aussi le fier passé historique de Bayonne. Enfin il termine en remerciant les héros dont on glorifie la mémoire d'avoir assuré la sécurité de la France et donné un si magnifique exemple. Par eux, nous apprendrons à être meilleurs. Quant à eux, ils sont passés de la Vie à la Gloire pour entrer dans l’immortalité. 



pays basque autrefois labourd monument morts
MONUMENT AUX MORTS DE BAYONNE
PAYS BASQUE D'ANTAN


Discours de M. Catalogne. 



pays basque autrefois labourd monument morts politique sénateur basses-pyrénées
DAMIEN CATALOGNE
SENATEUR DES BASSES-PYRENEES



Profondément ému, M. Catalogne, sénateur des Basses-Pyrénées, excuse ses collègues retenus par d’autres devoirs. Il remercie la ville de Bayonne de l’avoir convié à cette cérémonie. Il y apporte le salut du Béarn. Il tient à s’incliner profondément devant ce monument où l'Art s’harmonise avec la beauté du souvenir. 



Il apporte à son tour, son tribut de sympathies profondes aux familles des Morts : "C’était le sang le plus pur de la France que celui de vos enfants, leur dit-il". 



Il rappelle la beauté du départ le jour de la déclaration de guerre et rappelle les étapes du formidable conflit jusqu’au jour où enfin le Poilu, aidé de ceux qui étaient joints à lui, tinrent l’Allemagne à merci. De tels hommes ont le droit d’être glorifiés éternellement. 



pays basque autrefois labourd monument morts
MONUMENT AUX MORTS DE BAYONNE
PAYS BASQUE D'ANTAN


Discours de M. le Préfet.



M. le Préfet Mireur a prononcé un très beau discours dont nous ne pouvons donner qu’une pâle analyse. Comme ceux qui l’avaient précédé, il a été longuement applaudi. 



Aucune cérémonie a dit, en substance, M. le Préfet des Basses-Pyrénées, n’est maintenant plus touchante, dans la moindre bourgade aussi bien que dans la plus grande ville, que les cérémonies comme celle-ci. Il ne peut y en avoir de plus belle célébration que celle de tout un peuple. Et il y a quelque chose de plus beau que les paroles les plus éloquentes : c’est le silence de la foule. 



Puis voici l’éloge du sacrifice, sobre et grand : 

"Ils sont ici vos morts. 

Qu’importe où dorment leurs dépouilles. 

Ils sont ici pour que vous les aimiez mieux. 

Ils sont ici et leurs noms sont inscrits dans la pierre, aussi solidement que leur souvenir est gravé dans nos cœurs. 

Oui, notre ferveur a dissipé l’ombre de la mort et leurs cœurs viennent rebattre parmi nous !  

Ils sont un exemple aux jeunes générations qui admireront toujours tant de grandeur immuable.  

Les enfants, les femmes, les graves vieillards, qui s’arrêteront au tournant du chemin, devant ces pierres, se sentiront heureux d'avoir un si beau soir.  

L’instinct nous crie que c’est parce que tant de vies humaines ont cessé que la nôtre continue. 

Sous la tristesse des regrets nous constatons que demeure leur souvenir. Nous sommes à jamais voués au culte de ces morts !" 



Et l’orateur, penché sur les angoisses de l’âme humaine, au lendemain de tant de deuils, se demande, confrontant la pensée du philosophe à la sentimentalité de l’humble penseur qui surgit de partout, s'il est plus épouvantable ou d'avoir le regret de ne se survivre point ou de penser que les enfants qu’on laisse après la mort seront livrés aux cruelles vicissitudes d’une existence plus dure. Dilemme cruel. Il faut pourtant le résoudre en étant tout amour et tout secours pour ceux qui restent, rejetons du rameau abattu. 



Et M. Mireur dit ici, avec un accent d'âpre volonté et de générosité qui fait que battent les cœurs de ceux qui aiment l’enfance et qui gardent une lumineuse confiance dans la génération de demain : "C'est faire ici un serment de civilité que de dire que ne sera pas abandonné par la République tout ce qui incarne la douleur des enfants sans pères et des mères sans époux". 



Les applaudissements répétés saluent la fin de ce discours puis c’est le défilé, comme nous le disons en première page de toutes les sociétés, de toutes les délégations, de toutes les familles des morts, de toutes les autorités, de tous les enfants des écoles et de tout Bayonne en entier devant cet impérissable monument, expression d'un impérissable souvenir. 



Enfin quand la musique du 18e, quand le drapeau mutilé du 49e se sont éloignés, le cortège se reforme, grossi du plus grand nombre des invités. Il se dirige vers le cimetière Saint-Léon au milieu de toute la population massée des deux côtés des Allées Paulmy. Il fait le tour des tombes où reposent de bons, de vaillants, et héroïques soldats. 



Jamais commémoration depuis 1918, ne fut plus solennelle, plus imposante et plus "affectueuse" au sens le plus profondément humain du mot."







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lundi 11 décembre 2023

L'INAUGURATION DU MONUMENT AUX MORTS DE BAYONNE EN LABOURD AU PAYS BASQUE LE 11 NOVEMBRE 1924 (deuxième partie)

 

L'INAUGURATION DU MONUMENT AUX MORTS DE BAYONNE LE 11 NOVEMBRE 1924.


Dès 1920, est lancée, avec un grand succès, une souscription publique pour la construction du monument aux morts de Bayonne.




pays basque autrefois labourd monument morts
INAUGURATION MONUMENT AUX MORTS BAYONNE 
11 NOVEMBRE 1924


23 dossiers furent présentés à la Mairie de Bayonne et c'est le projet des architectes Molinié-Nicod et Pouthier, associés au sculpteur Brasseur, qui fut choisi.




pays basque autrefois sculpteur labourd monument morts
SCULPTEUR LUCIEN BRASSEUR

L'édifice fut construit en 1923 sur l'esplanade des Glacis, adossé aux remparts et inauguré le 11 novembre 1924.



Voici ce que rapporta au sujet de cette inauguration la Gazette de Bayonne, de Biarritz et du Pays 

basque, le 12 novembre 1924 :



"Le Monument aux Morts de la Guerre a été inauguré hier à Bayonne.


... La Cérémonie de l'Inauguration


Les discours.


Les discours, ainsi qu’on l’a lu à notre première page étaient au nombre de sept. Les hauts parleurs en ont apporté le texte fidèle aux oreilles de la foule. Ils ont produit une profonde impression, particulièrement ceux de M. Ramond, président de l’Union des Anciens combattants et de M. Mireur, préfet des Basses-Pyrénées



Discours de M. Castagnet.


C’est M. Castagnet qui a pris le premier la parole. 



Après avoir rappelé l’allégresse que souleva l’armistice le 11 novembre 1918, il dit l'infinie reconnaissance de la cité pour les parents éplorés et pour les victimes de la guerre et il poursuit ainsi : 


En ce jour commémoratif, notre pensée ne peut s’empêcher de se porter vers les dépouilles des combattants qui reposent dans nos cimetières où nous avons voulu leur donner, au nom de la collectivité, une sépulture digne de leur sacrifice. Dans ces lieux de repos que chacun de nous visite pour se recueillir et puiser dans le souvenir des disparus les résolutions viriles qui guident nos consciences, la place des combattants tombés au Champ d’Honneur est marquée pour toujours. Ces champs de pierres tombales toujours fleuries, même pour ceux qui y reposent sans avoir laissé de famille par les pieuses marraines de l'Union des Combattants, avec comme emblème commun une palme et un casque, attestent par la grandeur de leur simplicité que le souvenir des morts glorieux de la Grande Guerre, ne disparaîtra jamais dans ces lieux que notre culte des êtres disparus, a rendu sacrés. 



pays basque autrefois labourd monument morts
MONUMENT AUX MORTS DE BAYONNE
PAYS BASQUE D'ANTAN

A cette sépulture nous avons voulu joindre un monument public rappelant sans cesse à nos yeux, dans tous nos actes de la vie quotidienne, les grands et graves devoirs que nous impose le sacrifice des enfants de Bayonne que nous glorifions. L'emplacement choisi sur ce vieux rempart de la défense, de notre ville marque bien que la guerre que nous avons subie n’avait qu'un but : la défense du sol sacré de la France. Placé dans ce cadre magnifique de fortifications militaires qui enchâssent notre cité d’une si belle parure, nous avons voulu que ce monument, dont l’harmonie si heureusement inspirée fait le plus grand honneur aux artistes qui l’ont conçu, vienne ajouter à la beauté de Bayonne


Pour symboliser la guerre, que pouvait-on faire de mieux que représenter celui qui en fut le héros magnifique : le simple poilu dans une attitude de froide résignation. Le statuaire a magnifiquement rendu l’expression de ce combattant qui a vécu d’un état surhumain qui fut un morceau de terre armée, doué d'une âme, un morceau de terre souffrante et pensante. Dans son regard, qui fixe devant lui le danger, résolument et sans peur, ne sent-on pas l’obsession de cette autre figure toujours présente à ses yeux, de la paix, de toutes les douceurs du travail et du foyer. Mais cette image n’altère en rien sa virile résolution d’accomplir le devoir jusqu'au bout, et tout dans son attitude exprime ces simples mots résumant la grandeur de sa noble tâche : "On ne passe pas !" A gauche du Monument, ce laboureur qui vient de creuser son sillon dans la terre douloureuse, cette terre qu’il a fallu défendre au prix de tant de sang, nous représente "la Paix dans le Travail". Son oeuvre achevée, le poilu de la paix, appuyé sur ses bœufs, songe : sa figure n'a pas l'expression de résignation douloureuse de celui qui fut le combattant de la guerre, mais elle n’exprime pas non plus la douce béatitude à laquelle pourrait se complaire son égoïsme. Il pense à celui qui, par son sacrifice, lui permet de jouir des bienfaits de la paix ; cette image, il ne l’oublie pas, il ne peut l’oublier. Elle est l’évocation permanente des devoirs douloureux qu’une humanité féroce dans ses desseins exige de ceux qui désirent la paix, que les peuples de proie viennent, hélas ! toujours troubler. Si son regard plane au loin, pour essayer de voir poindre l'aube des temps nouveaux qui fera fuir le spectre de la guerre, il n’en demeure pas moins fixé vers ce poilu qui lui dicte les devoirs qu'il faut savoir s’imposer en attendant une ère nouvelle et, comme lui, il est prêt à s’opposer, dans la même attitude, contre tous ceux qui voudraient venir lui arracher le sol auquel il est attaché. 



pays basque autrefois labourd monument morts
MONUMENT AUX MORTS DE BAYONNE
PAYS BASQUE D'ANTAN

Entre ces deux groupes symboliques, une ligne d’horizon : c’est la terre, la bonne et si douce terre de France d’où s’exhalent comme en une montée vers l’infini tous ces noms impérissables pour Bayonne qui nous crient : "A vous il appartient de reprendre nos tâches anéanties avec le double devoir d'être non seulement ce que vous devez être, mais aussi ce que nous, disparus, n'avons pu devenir !" 


Ce Monument, que la population de Bayonne, dans une pieuse pensée, a voulu élever à la mémoire de ses enfants morts pour la Patrie, s'ajoute à ceux qui rappellent déjà dans notre ville d'autres sublimes sacrifices, comme le monument de 1814 et la plaque commémorative du siège de 1523. Pour donner à toutes ces pierres du souvenir leur véritable signification, n’est-ce pas le moment de rappeler les paroles que nous prononcions dernièrement dans une cérémonie analogue : "Que seuls peuvent garder leur indépendance et leur liberté les peuples qui ont pour les soutenir une grande force morale. Encore celle-ci ne peut-elle prendre naissance que dans un sentiment national toujours vivace, puisant sans cesse son inspiration dans le culte du sacrifice de nos ainés."



pays basque autrefois monument guerre labourd 1814
MONUMENT COMMEMORATIF 1814 BAYONNE
PAYS BASQUE D'ANTAN


M. Castagnet a terminé par un salut au drapeau du 49e, "enlevé, a-t-il dit, à notre chère affection", mais revenu aujourd’hui pour un suprême hommage, et un salut encore aux familles en deuil. 



Discours de M. Ramond



combattants union première guerre mondiale
UNION NATIONALE DES COMBATTANTS



Vient ensuite M. Ramond, président de l’Union des Anciens combattants qui s’avance pour prononcer un discours qui va faire couler bien des larmes. Il remercie ceux qui ont voulu perpétuer la mémoire de ces vaillants, couchés dans le cimetière de Bayonne, ou sur une terre inconnue ou encore roulés par la vague. Il dit : 


Ce monument, élevé à leur gloire, est bien tel qu’ils l’avaient envisagé. 


Héros pacifiques, arrachés à leurs travaux par la plus injuste agression, ils étaient restés simples, et, s’ils faisaient la guerre, c’était moins pour la gloire qu'elle réserve aux vainqueurs, que pour défendre une liberté qu'ils sentaient menacée.  


Et ils la firent en Bayonnais qu'ils étaient, c'est-à-dire simplement, sans vaine forfanterie, et, quand des voix s'élevaient qui disaient l'admiration de notre cité pour leurs héroïques exploits, ils les écoutaient avec une bonhomie souriante, et, si ces timides avaient osé, ils se seraient excusés de tant de gloire. 


Partout ils s'illustrèrent. 


A Craonne et Givenchy. A la Ferme Beau-Séjour et Verdun. Sur la Somme et à Courcelles. Ils marquèrent de leur sang les étapes de notre victoire. 




première guerre mondiale marne
RAVIN ET FERME BEAUSEJOUR 51 MARNE
PREMIERE GUERRE MONDIALE


Et si leur gloire est si grande et si pure, c’est autant par leurs exploits que par le sacrifice virilement consenti d’une vie offerte à la Patrie pour qu'elle vive et subsiste libre, grande et respectée. 


Mortels, en effet, ils ne voulaient pas mourir ; 


Français et patriotes, ils allaient à la mort pour que la France reste libre, et pour que vous viviez  en paix. 


Ils sont donc tombés pour vous et en pensant à vous. 


Revoyons-les une dernière fois la veille de ces jours de bataille, dans cette tranchée d’où ils vont sortir au matin pour reprendre sur l'envahisseur une partie de ce territoire souillé de sa présence. 


Celui-ci charge un ami, à qui il croit plus de chance, de son dernier souvenir pour ceux qu’il aime. 


Cet autre termine en hâte une lettre qu’on trouvera sur son corps meurtri, et portera ses dernières pensées aux êtres chers qui pleurent à son foyer. 


Cet autre encore, essuie furtivement une larme, déboutonne sa capote, en tire une photographie maculée de sang et de boue, et adresse un dernier sourire au groupe familial qu'il ne reverra plus. 


Ceux-là, enfin, parmi lesquels il en était qui s’étaient déshabitués de prier, demandaient à un camarade prêtre les consolations suprêmes réservées à ceux à qui Dieu accorde la grâce de croire à un monde meilleur. 


Dès lors ils étaient prêts. 


Quand la mort vint les prendre, ils l’attendaient. 


Ils ne défaillirent point. 


Tous furent sublimes dans leur sacrifice. 


C'est Louis Labadie ; il est cité un des premiers, en septembre 1914, pour avoir, comme volontaire, été chercher des camarades blessés devant les lignes allemandes. 




première guerre mondiale labourd mort pays basque 1914 1918
FICHE MILITAIRE DE JEAN-LOUIS LABADIE



Et il n'en a rien dit à ses parents. Ceux-ci l’apprennent six mois après par un de ses camarades venu du front, et lui en font le reproche. 


Il s’en excuse alors dans une lettre touchante dans sa simplicité et qu’on souhaiterait voir insérée dans le livre d’or des enfants de Bayonne morts pour la France. 


Il n'a rien dit. Parce qu'il ne voulait pas que sa mère s’exagérât les dangers qu’il court. 


Il calme ses craintes. Déclare qu’il n'a rien fait que d'autres m’auraient fait. Cité, il s’étonne que des camarades désignés d’office, faute d'autres volontaires, pour remplir la même mission, ne l'aient pas été en même temps que lui. 


C'est Charles Roquebert qui, affecté à un régiment territorial, demande à être versé dans un régiment actif, et menace, si satisfaction ne lui est pas donnée, de se considérer comme victime d’une injustice. 


première guerre mondiale labourd mort pays basque 1914 1918
FICHE MILITAIRE DE JEAN-CHARLES ROQUEBERT


Lui aussi, comme Labadie, meurt glorieusement à Verdun et ses dernières paroles sont pour que la France vive. 


De même encore, Suzanne, Mialet, Hiquet, Arne et Elichagaray, enfants du peuple. 



première guerre mondiale labourd mort pays basque 1914 1918
FICHE MILITAIRE DE JEAN BAPTISTE ARNE


Arne qui, blessé au pied, apprend que sa section part à l'attaque, chausse une sandale, quitte le poste de secours, rejoint ses hommes et tombe le premier. 


Elichagaray cinq fois cité avant de mourir. Et aussi Chalon, le Grand Chalon, dont je me rappelle la joyeuse physionomie, le regard clair, la rude franchise. 



première guerre mondiale labourd mort pays basque 1914 1918
FICHE MILITAIRE D'ALPHONSE ELICHAGARAY




première guerre mondiale labourd mort pays basque 1914 1918
FICHE MILITAIRE DE LOUIS ALFRED CHALON




Chargé de faire une reconnaissance avec sa compagnie, il ne se dissimule pas les dangers de la périlleuse mission qui lui incombe. Il met ses papiers en ordre. Les remet à son ordonnance et le charge de les faire parvenir à sa famille.  


Entouré d'ennemis, sommé de se rendre, il répond d'un mot français qui n’a son équivalent dans aucune autre langue et tombe. 


Les Allemands ont fait mettre sur sa tombe : 

"Ici repose un vaillant officier Français". 


Ils furent tous ainsi les Bayonnais dont nous lisons aujourd’hui les noms sur ce monument. Chacun d’eux a écrit dans l’histoire de la cité une page glorieuse. 


Inclinons-nous devant eux. 


Vous qui les aimiez, cessez de pleurer et dites avec le père de l'un deux : "Mon fils je ne le pleure pas comme un mort, je le prie comme un saint."



A suivre...



(Source : Archives des Pyrénées-Atlantiques - Béarn Pays basque (le64.fr))







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samedi 11 novembre 2023

L'INAUGURATION DU MONUMENT AUX MORTS DE BAYONNE EN LABOURD AU PAYS BASQUE LE 11 NOVEMBRE 1924 (première partie)

L'INAUGURATION DU MONUMENT AUX MORTS DE BAYONNE LE 11 NOVEMBRE 1924.


Dès 1920, est lancée, avec un grand succès, une souscription publique pour la construction du monument aux morts de Bayonne, afin d'honorer la mémoire des 780 Bayonnais morts au combat lors de la Première Guerre mondiale.




pays basque autrefois labourd monument morts
INAUGURATION MONUMENT AUX MORTS BAYONNE 
11 NOVEMBRE 1924


23 dossiers furent présentés à la Mairie de Bayonne et c'est le projet des architectes Molinié-Nicod et Pouthier, associés au sculpteur Brasseur, qui fut choisi.




pays basque autrefois sculpteur labourd monument morts
SCULPTEUR LUCIEN BRASSEUR




L'édifice fut construit en 1923 sur l'esplanade des Glacis, adossé aux remparts et inauguré le 11 novembre 1924.



Voici ce que rapporta au sujet de cette inauguration la Gazette de Bayonne, de Biarritz et du Pays 

basque, le 12 novembre 1924, sous la plume de Ch. de La Rue :



"Le Monument aux Morts de la Guerre a été inauguré hier à Bayonne.



La population de Bayonne a rendu hier un hommage unanime, grandiose et profondément émouvant à ses Morts de la guerre. La population de Bayonne en effet : toute la population massée auteur du monument que recouvrait un immense voile tricolore ; il ne devait rester personne sur les autres places et dans les voies de la cité ; les habitations devaient être partout désertes ou à peu près. 



La cérémonie a été magnifique et touchante de respect, de recueillement et d'émotion. Elle fut à la fois simple et noble et, tandis qu'elle se déroulait sous un ciel propice et au milieu du silence impressionnant de la foule, bien des têtes se courbaient, bien des pleurs coulaient et des larmes, à certains moments, voilèrent les regards de ceux-là mêmes qui ne furent pas frappés par des deuils au cours de la guerre. 



On avait vu, la veille et le matin, la décoration très sobre des abords du monument. De chaque côté, du lierre retombait du haut du bastion et quelques arbres au sombre feuillage avaient été plantés. Au milieu du parvis, dans un grand brûle-parfums, dont le modèle fut dessiné par M. Benjamin Gomez et aux quatre angles du socle duquel quatre casques de poilus reposaient sur des fleurs, un feu couvait. 



Un peu en arrière, une petite tribune avait été dressée surmontée de hauts parleurs qui communiquaient avec l'emplacement où se trouvait la musique. 



Et c’était tout. 



Avant la cérémonie de l'inauguration, une courte revue militaire avait eu lieu sur la place d'Armes, au milieu de laquelle les autorités se tenaient sur le kiosque. C’est à l'issue de cette prise d'armes que les autorités et la foule se rendirent à l'emplacement du monument près duquel d’ailleurs beaucoup de personnes étaient déjà arrivées. 




pays basque autrefois labourd monument morts
MONUMENT AUX MORTS DE BAYONNE
PAYS BASQUE D'ANTAN



Vers neuf heures s'avança le cortège et chacun prit place sans heurts, sans gêne, dans un ordre parfait : personnages officiels, parents, soldats, musiciens, enfants des écoles enfin, tous les assistants. 



Au premier rang nous avons noté la présence, à gauche, face au monument, de MM. Castagnet, maire de Bayonne ; Catalogne, sénateur ; Ybarnégaray, député ; le général Odry, commandant la 36e division ; Gieure, évêque de Bayonne ; Raneiro, consul d’Espagne ; Destandau, président du Tribunal civil ; Poydeneau, président du tribunal de commerce ; le colonel Acha, de Saint-Sébastien, délégué de l'Amistad franco-espagnol ; Armand Gommés, président de la Chambre de Commerce ; Béhotéguv, adjoint au maire. A droite, avaient pris place MM. Mireur, préfet des Basses-Pyrénées, qui a fait sur tous, dans notre ville, la meilleure impression ; M. Bilange, sous-préfet de Bayonne ; M. Garat, député ; Lapara, représentant la municipalité de Biarritz ; le Grand-Rabbin, le Pasteur protestant ; Champetier de Ribes, député ; Dordezon, conseiller général, président de l'Association des Mutilés ; Sabatier, procureur de la République ; Luis Oyarzun, président de la Chambre de Commerce franco-espagnole, et Frois, premier adjoint au maire. Puis, derrière, tout ce que Bayonne compte de personnalités marquantes dans la magistrature, dans l'armée, dans l’enseignement, dans le clergé, etc... Enfin la foule, la foule immense ; nous le répétons, tout Bayonne était là, sans compter ceux qui étaient venus des communes voisines. 




pays basque autrefois labourd monument morts
MONUMENT AUX MORTS DE BAYONNE
PAYS BASQUE D'ANTAN



Mais neuf heures et demie sonnent et, à ce moment, la Clique Bayonnaise lance un appel de trompettes, aussitôt répété par les hauts-parleurs. Et voici que, lentement, tandis que l’orchestre dirigé par M. Ermend Bonnal joue l'adagio de "Pelleas et Melisande", les jeunes filles bayonnaises s'avancent, sur deux rangs, vers le monument. Vêtues à la grecque, de simples tuniques dont la couleur grise s’harmonise avec la tonalité générale du lieu, elles portent : les unes des bouquets de fleurs rouges qu'elles vont aller déposer au pied du monument, les autres des urnes blanches où sont les parfums, quelques autres enfin des écussons très simples où on lit ces noms — noms de batailles où se signalèrent les vaillants Bayonnais — Marne, Yser, Givenchy, Craonne, Courcelles, Guise, Verdun, Champagne et Somme. Lorsque ces dernières ont pris place au pied du monument, le grand vélum tricolore s’enlève tout à coup tandis qu’éclate la Marseillaise et que le bastion se couronne d’éclairs et de fumée : des détonations retentissent, image de la guerre, image brève à laquelle succèdent les derniers accents de l’hymne national. 



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INAUGURATION MONUMENT AUX MORTS BAYONNE 
11 NOVEMBRE 1924



Puis voici la partie principale de l’argument musical qui a fait sur l’assistance une impression profonde : 


Les jeunes filles de Bayonne offrent les fleurs aux Morts ; elles les déposent très simplement sur le tertre gazonné qui sert de socle au monument ; les autres, dans un même geste mesuré, versent, des urnes blanches, l’encens sur le brûle-parfums.



Alors, dans le grand silence, où l’on devine tous les cœurs communiant dans un même sentiment de reconnaissance infinie, de douleur et d’amour — les coeurs qu’un rien ferait éclater et qui se contiennent cependant — s’élève la voix chaude, harmonieuse, prenante de Mme Germaine Martin, soliste des Concerts du Conservatoire et des Concerts Colonne, qui chante, accompagnée par l’orchestre, le "Mater Dolorosa" de la huitième Béatitude de César Franck. En même temps, on voit se diriger, à son tour, vers la table où sont inscrits les noms des Bayonnais morts pour leur Pays, une jeune femme, Mlle Odile Kintzel, de la Schola Cantorum. Elle est vêtue de violet, sous un voile noir. Dans ses bras, elle porte une longue palme verte. Elle marche à pas lents, très noblement, sans rien de théâtral. Son visage est naturellement pâle ; on la sent, elle aussi, profondément émue, vibrant intérieurement et sourdement à l'unisson de toute cette foule. Avec la calme simplicité elle dépose la palme au-dessous des noms, elle s’incline, puis lentement encore s’éloigne, tandis que retentissent les dernières mesures du "Mater Dolorosa". 




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MONUMENT AUX MORTS DE BAYONNE
PAYS BASQUE D'ANTAN


On s’est à peine ressaisi de la majesté de l’offrande, que l’on voit se diriger vers la tribune, le premier des orateurs, M. Castagnet, maire de Bayonne. Alors se poursuivent les discours, dont les hauts parleurs permettent à la foule de tout saisir. Ce sont, tour à tour, MM. Castagnet, Ramon, Dordezon, Ybarnégaray, Garat. Catalogne et Mireur, préfet, qui célèbrent les vertus des héros et rappellent leurs gestes magnifiques. Parmi ces discours, que nous analysons d’autre part, ceux qui produisirent l’effet le plus impressionnant parmi la foule firent incontestablement ceux de M. Ramon, président de l’Union des Combattants et de M. Mireur, préfet. 



Ensuite eut lieu le défilé des sociétés et des autorités devant la belle œuvre du sculpteur Brasseur. 



Les sociétés, l’une après l’autre, les délégations, les enfants des écoles, apportèrent des fleurs, des palmes, des couronnes. On remarqua beaucoup celle de la ville de Biarritz, déposée par MM. Berrogain et Labadie. Ce défilé se termina par le salut des autorités. 



Lorsqu'il eut pris fin, au milieu de la foule massée des deux côtés des Allées Paulmy, un long cortège s’est rendu au cimetière pour saluer les tombes des soldats morts pour la France, qui reposent dans le sol de Bayonne


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MONUMENT AUX MORTS DE BAYONNE
PAYS BASQUE D'ANTAN


La cérémonie de l'inauguration, nous le répétons en terminant, fut fort belle, impressionnante et touchante, infiniment. L'éloge de la façon dont elle fut conçue et réglée fut unanime. Il faut en reporter le mérite sur ceux qui la préparèrent, sur M. Frois, premier adjoint au Maire et sur la Commission des fêtes, parmi laquelle, deux hommes qui se vouèrent eux aussi, à cette tâche avec intelligence, avec zèle et avec un goût très sûr : MM. Georges Férié et Benjamin Gomez. Elle laissera dans le cœur et l’esprit des Bayonnais un inoubliable souvenir."



A suivre les discours...





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dimanche 18 décembre 2022

L'INAUGURATION DU MONUMENT AUX MORTS D'AINHOA EN LABOURD AU PAYS BASQUE EN JUIN 1939

L'INAUGURATION DU MONUMENT AUX MORTS D'AINHOA EN 1939.


Plus de vingt ans après la fin de la Première Guerre mondiale, en juin 1939, est inauguré le monument aux morts d'Aïnhoa.


 



pays basque autrefois religion monument morts labourd
MONUMENT AUX MORTS AINHOA
PAYS BASQUE D'ANTAN


Voici ce que rapporta à ce sujet la Gazette de Bayonne, de Biarritz et du Pays basque, le 26 juin 

1939, sous la plume de Bernard-Hallet :



"Le Monument aux Morts d’Ainhoa a été inauguré hier matin, au cours d’une fête patriotique et religieuse d’une émouvante simplicité euskarienne. 


L'œuvre, dont la maquette est due à Philippe Veyrin se dresse à l’entrée du cimetière paroissial sobre et fine stèle discoïdale.



Aïnhoa... Le village qui sourit au soleil et qui donne l'accent basque à tous ceux qui disent son nom, a lourdement payé l'impôt du sang pendant la grande guerre. Sur cinq cents âmes, vingt-deux morts au front, sans compter un nombre double ou triple de poilus revenus ici et qui, peu à peu, se sont éteints après avoir quitté le brasier de quatre ans meurtris, gazés, mortellement atteints enfin. 



Vingt ans ont passé... 



Vingt fois le souvenir des tertres gazonnés qui, déjà, s'affaissent, au vent triste du nord eu de l’est, est venu, à chaque premier novembre ou à chaque Fête de la Victoire, s’imposer un peu comme un reproche muet au cœur des survivants... Un homme au couvage tenace, M. Terrien, a voulu et réalisé que la population d’Aïnhoa ait aussi le mausolée de ses enfants tombés au champ d'honneur. C’est Philippe Veyrin qui a dessiné la sobre et émouvante image de marbre : une stèle discoïdale que le maître marbrier Foisseau, ancien combattant lui aussi, a exécutée. 



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PEINTRE PHILIPPE VEYRIN 1929
PAYS BASQUE D'ANTAN



En ce matin clair et bleu de dimanche, où la campagne, le ciel et les enfants sont habillés de juin radieux, le village se hâte vers l’église familière et ancienne qui s’embaume des premières roses, tandis qu’elle répand dans le cimetière l’odeur de son encens. Comme elle est déjà espagnole, cette église euskarienne, avec ses boiseries dorées et brillantes, avec ses saints rutilants : Martin entr’ouvrant son manteau, Catherine accordant sa douceur, et Blaise et Paul, et Pierre et Jean, avec leurs crosses ou sa croix où s’accrochent des vibrations rayonnantes de lumière. L’autel surélevé n’est plus qu’un reposoir et la paroisse, ici, rassemblée, une procession qui stationne... Cependant que la messe s’accomplit, douce et grave comme le recueillement des aïeules sous la mantille noire traditionnelle, les voies pures des jeunes filles et les ouragans intermittents des hommes juchés dans les galeries, alternent. Après l’offertoire, c’est un cantique de "De profundis" qui s’élève, si doucement modulé qu’il semble la berceuse tendre de la terre euskarienne à ses enfants plongés dans le dernier sommeil. Et l’on évoque alors les petits de jadis en regardant ceux d’aujourd’hui qui chantent et prient au pied du maître-autel. Ils ont été ces garçons qui s’entassent sur les bancs de bois, qui courbent bas leur tête à cheveux courts à l’Elévation... Ils ont été ces jeunes gens qui exhalent de leur mâle poitrine, ce "Credo", ce "Pater", cet "Agnus Dei" si fervents ! 



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INTERIEUR DE L'EGLISE D'AINHOA
PAYS BASQUE D'ANTAN



Et ils ne seraient plus rien désormais... Mais non, une stèle contient leurs noms, et M. Terrien, à l’issue de la messe célébrée par M. le curé-doyen Olhagaray, et après la sonnerie "Aux champs", et la minute de silence, la remet avec une éloquence pieuse et simple à M. le maire d’Aïnhoa. 



M. Saint-Jean, maire d’Aïnhoa, à son tour prenant le précieux gage du souvenir, remercie avec émotion et y trouve la leçon de sacrifice et d’union de tous les bons Français. 



M. Pierre Daguerre, sous-préfet de Bayonne, parlera de ces morts et des sillons qu’ils ont creusés sur les visages alarmés de ceux qui les aimaient ; il dira la vertu profonde que leur sacrifice fit naître et vivre même longtemps après leur grand départ. Cette confrontation de ceux qui vivent avec le souvenir de ceux qui ne sont plus a ici un caractère d’une indicible émotion, celle que doit surmonter celui qui parle avec un héroïsme simple et grand, puis que c’est à quelques mètres, dans ce même village, que l’une des douleurs majeures de la vie le frappa. C’est pourquoi la leçon trouvée ici a la valeur, l’autorité d'un exemple quand elle tend à relever les vivants de leurs éventuels découragements, et quand elle les assure que la présence de ce dépôt sacré, si riche de souvenir unique, les rend possesseurs d’une grandeur nouvelle ! 



Les enfants viennent ensuite déposer au pied du monument de petits drapeaux tricolores et toutes les roses des jardins d’alentour. 



Des anciens combattants basques défilent aussi, la gorge serrée, le regard triste, les tempes déjà grises sinon blanches... Ceux dont on évoque la mémoire sont partis avec eux, vivants et joyeux, il y a vingt ans... C’est au tour des officiels de s’incliner enfin devant le marbre. 



Il y a là MM. Pierre Daguerre, sous-préfet ; Terrien, Saint-Jean, maire d’Aïnhoa, de Coral, député des Basses-Pyrénées ; Henri Arbeletche, président du groupe basque de l’U. N. des Combattants, Philippe Veyrin, Sauvelette, Halsouet, Dr Dotezac, conseiller général ; Mathieu, Laurens, et le grand artiste Perico Ribera, vieil ami d’Aïnhoa, parent proche du village qu’il a illustré de son talent. 



La fête simple est terminée. 



La grand route voit les voitures s’éloigner, rapides et éblouissantes sous le soleil. 



Et les fleurs embaument doucement au pied de la stèle où palpitera désormais le cœur d’Aïnhoa."



Les morts d'Aïnhoa lors de la Première Guerre mondiale sont :

Etchepare Pierre

Haquin Jean-Pierre

Haquin Martin

Perurena Jean-Baptiste

Irigoyen Jean-Baptiste

Iribarren Pierre

Doyarçabal David

Doyarçabal Jean

Dolhare Jean

Iribarren Grégoire

Duros Armand

Marticorena Arnaud

Marticorena Pierre

Lartirigoyen Pierre

Hardoy Guillaume

Aguerre Jean

Fis Édouard

Pourtau Jean

Aguerre Vincent

Fernandez Jean-Baptiste

Ducos Jean-Baptiste



(Source : Monument à Ainhoa | Les monuments aux morts (univ-lille.fr))








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