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dimanche 19 février 2023

LE CARNAVAL DE BAYONNE EN LABOURD AU PAYS BASQUE AUTREFOIS

 LE CARNAVAL DE BAYONNE EN 1924.


Le carnaval de Bayonne, en Labourd, au Pays Basque, existerait depuis 1480.



pays basque autrefois fêtes carnaval
BAYONNE 1924
PAYS BASQUE D'ANTAN




Voici ce que rapporta à ce sujet la Gazette de Bayonne, de Biarritz et du Pays basque, le 4 mars 

1924 :



"Les heures Bayonnaises.

Le Carnaval d'autrefois. "La San Pansard". 


 

Durant les veillées encore longues à cette époque de l'année nous aimons évoquer des souvenirs qui ont charmé notre enfance et des joies que nous avons eues alors. Nous avons rassemblé ici avec nos souvenirs personnels ceux des personnes qui, plus âgées, ont pu suivre plus attentivement le Carnaval d’autrefois à Bayonne. A l'heure où de la scène disparaît à jamais un homme qui amusa quantité de générations, — c'est ce Canton que nous voulons parler, — il n’est pas inutile de rappeler le souvenir d'un de ceux qui avec les Marouby, les Paulin, les Canton, amusèrent les Bayonnais, qui leur doivent une pensée de reconnaissance et un souvenir ému. 



Nous ne saurions parler du Carnaval bayonnais sans traduire ici l'opinion d'un bayonnais fameux, amateur de bon vin et de bonne chère, et qui, sous le pseudonyme de Bournat Larreuguigne, dénote un esprit qui ne manque pas de sel. "Autrefois, dit Larreuguigne dans le dernier Clairon, le défunt Ardelin n'avait pas assez de costumes pour louer à la jeunesse qui désirait se déguiser ; les travestis, les cortèges, les défilés de bandes joyeuses, qui donnaient à la ville de Bayonne, pendant tout le temps du Carnaval, une animation extraordinaire ; les couturières avaient assez de travail à fabriquer costumes de Dominos, de Pierrots et d'Arlequins, et le jour de la San-Pansard, l’on assistait avec beaucoup de regret au spectacle de la clôture !" 



Comme cela est bien vrai. Bayonne avait une animation extraordinaire et les dimanches se passaient joyeux et gais dans la foule des masques qui, sur la pince d’Armes et de la Liberté, nouaient des intrigues et faisaient des farces dont les victimes elles-mêmes étaient les premières à rire. C’était l’époque de la joie et de la gaieté. Le soir du Mardi-Gras, tout le long de la promenade des deux places, une foule immense composée en majeure partie de masques de toutes sortes, faisaient les allées et venues en se livrant à des batailles acharnées de confettis et de serpentins. Les marchands établis le long du quai de la Nive s'en donnaient à cœur joie de crier la valeur et la qualité de leurs marchandises : mirlitons, confettis, serpentins, etc... 



Nous avons encore la souvenance de l'aspect des places au lendemain de ces fêtes. Une épaisseur de cinq centimètres de confettis de toutes couleurs jonchait le sol et connaît à la place l’aspect d’un tapis bariolé dont la pluie faisait ruisseler à l’égout une eau à mille teintes !... 



Heureux jours ! 



Un souvenir particulier nous est resté : une bande d’une cinquantaine de masques à la tête de laquelle se trouvait l’un de nos plus brillants comiques bayonnais, grimpant à l’assaut du kiosque de la place et qui organisa là un véritable concert dont se régalèrent les milliers d'auditeurs. On chanta longtemps à Bayonne : "Malborought s’en va-t-en guerre, dap lou dit au ... moussu !"


pays basque autrefois chanson malbrough
CHANSON
MALBROUGH S'EN VA T'EN GUERRE


Mais le meilleur de nos souvenirs sur le Carnaval bayonnais est encore le San-Pansard. 

San-Pansard qu’ère ün brabe homi 

Mais qu'ère ün fichu gourmand !... 



A la tête du premier et du plus beau des San-Pansard se trouvait un homme dont le nom est gravé dans la mémoire de tous les Bayonnais vieux ou jeunes. J’ai nommé Capulet, cassegus de son métier et général à ses heures... de gloire carnavalesque. 



Quelques jours auparavant, ces Messieurs, organisateurs du San-Pansard, qui tous étaient de francs buveurs, se livraient à une véritable chasse, chez tous les tailleurs de la ville, de tout ce qu'ils pouvaient trouver de vieilles frasques de toutes sortes. C’était là le premier préparatif. 



Le dimanche qui précède le Mardi-Gras, Capulet en grande tenue de général se promenait, l’air grave et soucieux, sur la place. Il ne faisait attention à personne et répondait aux quolibets que lui adressaient les passants par un regard dédaigneux et un haussement d’épaules. Parfois, de hautes notabilités de la ville, attardés au Café Farnié, ne se gênaient pas pour inviter le général Capulet à s’asseoir à leur table. Il y venait, s'asseyait et buvait aussi sérieusement que s’il eut occupé l’hôtel de la Division. 



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CAFE FARNIE BAYONNE
PAYS BASQUE D'ANTAN



Au lendemain, toute la troupe travaillait activement aux derniers préparatifs pour habiller M. et Mme San-Pansard et faire eux-mêmes bonne figure dans le cortège qui devait promener le couple à travers les artères de la cité. 



Enfin, le mercredi des Cendres, jour de San-Pansard, ils se mettaient en route... 



Le cortège se composait en premier lieu de la musique, composée d'une vieille casserole sur laquelle le Ramoneur rythmait la cadence de la chanson de San-Pansard que tous chantaient en chœur de leur voix rauque et avinée. Puis, venait Capulet, toujours en général, qui portait sous son bras la sentence qu’il devait lire chaque fois que le cortège faisait halte. Derrière lui. M. et Mme San-Pansard, sur un brancard, portés par quatre hommes coiffés chacun d’un haut de forme et habillés d’une redingote d’où pendaient derrière quelques sardines ou harengs. Ces vêtements venaient terminer là une carrière qui avait dû se commencer sans doute dans d'autres fastes. Le couple était fort bien mis : lui, ganté de blanc, un poireau à la boutonnière, également en habit et chapeau claque ; elle, — pôvre Mme San-Pansard, — la taille bien prise dans un élégant corsage et un magnifique chapeau à fleurs, qui avait dû servir de couvre-chef à quelque élégante de la ville. Le couple se donnait le bras et au-dessus de leur tête, un arc de cercle tressé avec du lierre et des camélias, le tout orné de verdure avec beaucoup de goût. Bien entendu des quêteurs étaient chargés de récupérer les frais qu’avait nécessité l‘exécution du cortège. 



Ils se mettaient de bon matin en route suivis et précédés d'une foule de gamins — dont nous avons fait partie — qui eux-mêmes chantaient le chant de San-Pansard. La première balte était pour M. le Maire ; c'est alors qu'ils s’arrêtaient, les porteurs déposaient délicatement leur fardeau à terre et Capulct dans un silence religieux, lisait la sentence : 

"Au nom du Peuple Français, (roulement de tambour) M. et Mme San-Pansard (tous se découvraient à ce nom) sont condamnés à être brûlés puis jetés à l’Adour, pour s'être rendus coupables d'avoir mangé toutes les saucisses et tous les jambons. En conséquence, M. et Mme San-Pansard (nouveau salut) seront exécutés ce soir, à cinq heures, au quartier Mousserolles". (Nouveau roulement de tambour). La sentence était beaucoup plus longue, mais nous avons perdu le souvenir de sa composition. Chaque fois que le nom de M. et Mme San-Pansard était prononcé, tous se découvraient avec ensemble. 



Puis le cortège au milieu d’une foule de plus en plus dense, parcourait toute la ville, s'arrêtant à tous les carrefours, devant les principaux magasins et, sur toutes les places. 



Il fallait voir, sur le coup de midi, à la sortie des ateliers, le cortège se frayer un passage à travers la foule immense qui l'entourait. 



Capulet était homme d’organisation. Défense expresse de boire était faite à la troupe jusqu'après l’exécution qui avait lieu vers quatre heures et demie à la cale de Mousserolles. Une dernière fois, la sentence était prononcée et devant la foule énorme qui suivait l'exécution, on arrosait M. et Mme San-Pansard de pétrole, puis on y mettait le feu. Ensuite on jetait leurs cadavres à la rivière dont le courant les amenait à la mer. La foule suivait des yeux les mannequins qui brûlaient encore et qui l’avait tant amusée toute une journée. Capulet et ses hommes étaient alors invités à se désaltérer dans un des grands chais du quartier Mousserolles. Nous ne les suivrons pas dans leurs pérégrinations, car, le soir, un banquet les réunissaient et ils s’en donnaient à bouche que veux-tu jusqu'à rouler sous la table, se promettant de recommencer l’an qui suivrait. 



pays basque autrefois labourd mousserolles
ENTREE DE MOUSSEROLLES BAYONNE
PAYS BASQUE D'ANTAN



Hélas ! tout a une fin et Capulet mourut. Tous les Bayonnais regrettèrent cet homme qui les avait tant amusés. Plus tard, Garbure voulut suivre la tradition, mais d’autres San-Pansard se créèrent et se passèrent au milieu de l'indifférence générale. 



Nous avons essayé de retracer aujourd’hui veille de San-Pansard l’histoire de cette tradition perdue avec tant d’autres. Nul ne la fera revivre sans doute et c’est pour cette raison que nous avons voulu remettre en mémoire le souvenir d’un homme qui amusa Bayonne et d’un passé qui fait honneur à la saine et bonne gaîté française dont en ne retrouve hélas ! que trop rarement aujourd’hui les traditions.



Adieu, pôvre San-Pansard..."



(Source : Carnaval - Visit Bayonne (Pays Basque))




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