LE NAUFRAGE DU "PADOSA" EN DÉCEMBRE 1907.
Dans la nuit de tempête du 14 décembre 1907, le "Padosa", trois-mâts suédois vient s'écraser sur les rochers, au large de la Grande Plage de Biarritz.
Voici ce que rapporta à ce sujet La Gazette de Biarritz-Bayonne et Saint-Jean-de-Luz, le 15
décembre 1907 :
"Le Naufrage du "Padosa".
Funèbre cérémonie.
La mer, devenue calme, rejeta, mardi matin, une des victimes du "Padosa". Le cadavre fut trouvé sur la côte, à l’établissement des bains de M. Darricarrère. Les nombreuses ecchymoses qu'il portait sur le corps, produites par les épaves au milieu desquelles il s'était débattu et qui peut-être ont occasionné sa mort, une grave blessure constatée sur la tête n’ont pas empêché d'établir son identité. C'est un jeune matelot du "Padosa", nommé Harald Pearson.
Le cadavre, immédiatement transporté à la morgue, a été mis en bière par les soins de la police. Le cercueil a été placé à côté de celui de son camarade. Ils furent unis dans le danger, unis dans la mort.
Les obsèques des deux marins eurent lieu à dix heures du matin, au cimetière du Sabaoü, au milieu d'une nombreuse affluence.
Nous avons remarqué dans l’assistance : MM. Long-Savigny et Cassiau, adjoints au maire de Biarritz ; MM. le Dr Gallard, capitaine Mazon, Garay, Fournier, Gibrac, St-Martin. etc., conseillers municipaux ; M. Jonhston, ministre protestant de l'église St-André de Biarritz ; M. Bellairs, consul d’Angleterre ; M. Blin, administrateur de la marine ; M. Axel Bjorkegren, docteur suédois ; M. Pavillard, etc.
M. Long-Savigny, premier adjoint au maire de Biarritz, a prononcé le discours suivant qui a provoqué l’émotion et les larmes des assistants :
Avant que cette tombe se referme, j’ai le douloureux devoir de venir, au nom de la population tout entière de Biarritz, saluer les victimes d’un de ces drames émouvants de la mer, que nos vaillants marins ne connaissent que trop,— maintes fois pour défendre leur vie contre les éléments déchaînés, plus souvent encore pour user généreusement tout ce qu’ils ont de courage et de dévouement à arracher à la fureur de la tempête d’autres existences humaines.
Il y a quatorze ans, à peu près à la même époque, une cérémonie pareille nous réunis sait ici, pour le seul marin retrouvé de l’équipage de la "Surprise". C'était alors un Français. Ce sont aujourd'hui des Suédois, de cette forte et belle race que nous aimons tant à accueillir dans notre pays, et dont le souverain regretté, symbole vivant de droiture et d’honneur, avait fait de Biarritz un de ses séjours de prédilection.
Ce sont des jeunes gens, presque des enfants. L’un d’eux, retrouvé ce matin sur la plage, compte à peine dix-sept ans. Les papiers trouvés sur l'autre disent qu’il allait avoir ses vingt ans dans quelques jours, et avec eux, sur cette poitrine que la rage des vagues a rendu muette, reposait un portrait de jeune fille de là-bas, une sœur, une fiancée peut-être, qui pleure aujourd'hui l'être chéri qui ne reviendra plus, après avoir peiné le dur labeur de l'Océan, s’asseoir de nouveau près du foyer familial !
Que leurs camarades, du moins, disent à ceux de leur pays qu’ils ont eu ici les plus belles funérailles, celles que toute une ville fait, avec le meilleur de son cœur, aux braves marins qui succombent dans l’accomplissement de leur devoir.
Compatriotes ou étrangers, les marins, que tout le peuple de Biarritz se fait un pieux devoir d'accompagner à leur dernière de meure, emportent avec eux la même sincère affliction. Ces hommes à qui nous sommes venus jeter un dernier adieu, ce sont des nôtres qui s'en vont !
Autour du modeste cercueil de ces marins, inconnus de nous tous, de ces enfants de lointains rivages qui, jamais, n'avalent passé au milieu de nous, tous nos cœurs se serrent de la même angoissante pitié, et les mêmes larmes de profonde émotion montent à nos yeux à tous ; comme aussi, pour disputer cette proie à la mort, pour ranimer un souffle dans cette poitrine inerte, combien de dévouements s’étalent associés dans le même élan d’ardente fraternité !
Dans ce déchaînement de catastrophes, quand un de nos semblables, quel qu'il soit, est en péril, la même petite flamme d’Humanité, qui, semblable à la lampe jamais éteinte du sanctuaire, veille au fond de tous les cœurs, jette alors une lumière plus vive et plus pure. Et chacun obéit à ce devoir naturel ; ni celui-ci ni celui-là en particulier, mais tous ensemble, unis dans un même élan d'instinctive solidarité, se jettent dans la mêlée, rivalisant pour reconquérir une existence, et s'ils ont été vaincus dans cette lutte généreuse, donnant encore en foule leur commisération attendrie et leurs larmes à celui qu'ils ont senti être de la même chair et du même sang.
Repose en paix, Jon Johansohnn ; repose en paix, Harald Pearson. Petits marins du Nord, dormez votre dernier sommeil sous notre doux soleil du Midi. A défaut des parents restés bien loin de leurs chers disparus, toute une ville en deuil, vos frères de Biarritz, vous accompagne d'un dernier adieu !
16 DECEMBRE 1907 NAUFRAGE DU PADOSA BIARRITZ PAYS BASQUE D'ANTAN |
M. Blin, commissaire de marine à Bayonne, a pris ensuite la parole.
"C'est au nom de l'indéfectible solidarité qui unit tous ceux qui par un lien quelconque appartiennent à la marine, que j’adresse un suprême adieu à ceux qui furent dans la nuit de samedi, les victimes des éléments déchaînés. Plus heureux cependant que leurs deux camarades, que la mer, cette grande mangeuse d'hommes, a jalousement conservé comme une rançon, ils pourront reposer au milieu d'une population de marins, comme eux, dont le dévouement, ainsi d’ailleurs que celui de ces admirables personnes qui ont à un titre quelconque secouru avec tant d'empressement les survivants du naufrage. a été ce qu'il devait, ce qu’il pouvait être.
Que tous soient hautement remerciés.
Au jour où, chez nous, on visite les morts, ils s’arrêteront devant leur tombe ; ils y laisseront tomber un souvenir ému, et la terre de l’exil, devenue une terre amie, leur sera plus légère.
En exprimant aussi à la municipalité de Biarritz tous mes remerciements pour ses bons offices en cette triste occurrence, et en adressant le témoignage de ma profonde et douloureuse sympathie à M. le Consul général de Suède, et aux survivants du drame inexorable auquel nous avons assisté, le cœur angoissé de notre impuissance à les mieux secourir, je ne saurais oublier les familles qui attendent là-bas dans de lointains villages, le retour de ceux qui ne doivent plus revenir !
Notre présence autour de ces deux cercueils marque, mieux que je ne saurais le dire, combien nous prenons part au deuil si cruel qui les frappe : pour tous les marins, en effet, qui constituent une seule et même famille, le malheur qui atteint les uns cause le deuil de tous".
14 DECEMBRE 1907 NAUFRAGE DU PADOSA BIARRITZ PAYS BASQUE D'ANTAN |
M. le Consul de Suède à Bordeaux, délégué officiellement par son gouvernement aux obsèques de ses malheureux compatriotes, a adressé, en termes chaleureux, à travers lesquels perçait une émotion intense, ses remerciements à la municipalité de Biarritz, à sa vaillante population, pour le dévouement témoigné aux marins du "Padosa", et pour la sollicitude touchante dont ils ont été entourés.
M. Johnston, révérend de l’Eglise St-André de Biarritz, a dit quelques prières en anglais, après quoi on a procédé à la levée des deux cercueils. Sur chacun d’eux, avaient été placées de magnifiques gerbes de fleurs, offertes par des amis et par les marins de Biarritz ; le capitaine du "Padosa" en avait déposé une, lis et roses blanches, en son nom personnel et au nom de ses marins.
16 DECEMBRE 1907 NAUFRAGE DU PADOSA BIARRITZ PAYS BASQUE D'ANTAN |
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