EN 1939, BIARRITZ EST CHOISIE COMME SIÈGE DU FESTIVAL INTERNATIONAL DU CINÉMA.
Le 9 mai 1939, la ville de Biarritz est choisie comme futur siège d'un festival international du cinéma, aux dépens de Cannes.
VUE GENERALE PLAGE BIARRITZ 1939 PAYS BASQUE D'ANTAN |
Voici ce que raconta le journal L'Ere Nouvelle, dans son édition du 13 mai 1939 :
"Le Courrier du Cinéma.
Venise...ou Biarritz ?
Une information sensationnelle, du moins pour les amis de l’écran, nous est parvenue cette semaine d’Amérique. Uncle Sam et John Bull auraient décidé de ne plus participer à la Biennale de Venise, mais suggéraient de substituer à cette manifestation, de notoriété mondiale, un concours annuel qui se tiendrait dans une ville française de la côte sud-est ou sud-ouest. Nice et Cannes auraient refusé ; Biarritz aurait accepté. Cette décision, disent les feuilles, aurait été prise pour des raisons politiques.
Je ne sais pas s’il y a eu décision. Mais s’il y avait décision, ce serait pour des raisons bien autres que politiques. Quelques précisions ne messiéront pas. Si le débat a une suite, elles jetteront sur les événements une certaine clarté.
Il y a un fait : c’est que la dernière Biennale de Venise ne s’est pas close dans une atmosphère de parfaite harmonie. Pour des motifs rendus publics, les délégués anglais et américain partirent, on peut le dire, en claquant les portes, Et en claquant les portes de telle façon que le bruit ne pouvait manquer de faire écho, sinon dans l'espace, du moins dans le temps.
Si MM. Harold L. Smith, pour les U.S.A., et Neville Kearney, pour la Grande-Bretagne, se crurent dans l’obligation de devoir remettre au comte Volpi di Misurata, président du jury, leur démission de membre du dit jury, c’est qu’ils avaient cru constater des irrégularités flagrantes dans l'attribution des prix, irrégularités d’autant plus fâcheuses qu’elle semblaient avoir été concertées.
GIUSEPPE VOLPI COMTE DE MISURATA |
On avait attribué, par exemple, la Coupe Mussolini, récompense ordinairement décernée à des films à fiction, à Olympia, documentaire d’ailleurs périmé (1936), accolé au film italien de Vittorio Mussolini, intitulé Luciano Serra, Pilota.
FILM LUCIANO SERRA PILOTA |
Cinq coupes avaient été prévues : leur nombre finalement avait été porté à 13.
Pour les courts sujets, le règlement prévoyait huit médailles : on en avait décerné vingt.
De plus, les récompenses avaient été destinées à des films ; certaines étaient allées à des acteurs. Le piquant, c’est que le lauréat n’était autre qu’un Anglais, Leslie Howard, dans Pygmalion. Il est difficile de parler de nationalisme outragé.
FILM PYGMALION 1938 |
Enfin, et pour qui connaît l'esprit sportif des Anglo-Saxons, la faute irrémissible, je cite la lettre de M. Neville Kearney, représentant le Royaume-Uni, au comte Volpi : "Nous avons quitté la réunion de délibération avant qu’elle soit terminée. Il était inutile de rester puisque tous les prix semblaient avoir été décernés d'avance avant même la réunion du jury."
Puisque nous sommes sur les citations, il est nécessaire pour connaitre le fond du débat, de publier l’alinéa final de cette lettre, datée du 1er septembre 1938, qui donne le climat exact du conflit :
Il appartient naturellement à l'industrie de mon pays de décider si elle prendra part ou non à l'avenir à l'Exposition de Venise. Toutefois, en ce qui me concerne, personnellement, j'ai l'honneur de vous remettre ma démission de membre du jury international et, à mon retour, dans mon pays, je demanderai à être relevé de mes fonctions de représentant officiel de la Grande-Bretagne à cette Exposition.
MOSTRA DE VENISE 1936 |
Ce qui, traduit du langage diplomatique en bon français, veut exactement dire : "Ce qui se passe à Venise me dégoûte. Je m’en vais, pour ne plus revenir. Et vous pouvez être certain que mes compatriotes me donneront raison." C’était, ni plus ni moins, une déclaration de guerre à retardement. Il fallait donc s’attendre qu’à la veille de la Biennale suivante, celle de 1939, l’Angleterre et l’Amérique se refuseraient à toute nouvelle participation. Il ne s'agit donc nullement du parapluie de M. Chamberlain, de la conquête de l'Albanie ou de la dénonciation de l’accord naval. Il s’agit tout uniment de deux pays de gentlemen qui, chacun de leur côté, font confiance aux gentlemen qui les représentaient dans le jury d’une compétition au caractère purement artistique. Les Etats-Unis et la Grande-Bretagne épousent simplement les scrupules hautement louables qui ont agité la probe conscience de MM. Harold L. Smith et Neville Kearney et refusent d’aller s’asseoir autour d’une table où ne se joue pas le fair play."
Finalement les partisans de la Côte d’Azur ne désarment pas. Les hôteliers cannois font jouer leurs réseaux dans les ministères. La cité azuréenne augmente sa proposition financière et promet d’ouvrir tous ses équipements touristiques pour l’événement. Non sans regret, Biarritz jette l’éponge.
FESTIVAL INTERNATIONAL DU FILM CANNES 1939 |
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