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vendredi 4 janvier 2019

LA JUNTE DE RONCAL EN NAVARRE AU PAYS BASQUE EN 1891


LA JUNTE DE RONCAL EN 1891.


La Junte de Roncal est une cérémonie multiséculaire, connue sous le nom de Tribut des Trois Vaches, célébrée le 13 juillet de chaque année.



pais vasco antes
JUNTE RONCAL NAVARRE
LE PETIT PARISIEN
PAYS BASQUE D'ANTAN

Voici ce que rapporta à ce sujet le journal La Petite Gironde, dans son édition du 16 août 1891 :


"L'Impôt du Sang dans les Pyrénées. 




M. le pasteur Alfred Cadier a publié, dans un des derniers numéros de l'Indépendant des Basses-Pyrénées un article fort intéressant où il est question d’une coutume plusieurs fois séculaire, encore observée dans une vallée pyrénéenne. La coutume dont il s’agit est fondée sur cette croyance que "le meurtre lâchement commis par les habitants d’un village ou d’un canton sur les sujets d’un canton voisin doit peser perpétuellement sur les descendants des criminels". Ainsi, vers le milieu du quatorzième siècle, les habitants de la vallée de Lavedan, ayant massacré des Aspois mis dans l’impossibilité de se défendre, furent condamnés par le pape à payer un impôt perpétuel de trente sous morlaas qui, levé sur vingt-deux villages taxés proportionnellement, fut payé jusqu’en 1789. Au treizième siècle, et peut-être avant, un fait semblable s’était produit entre les vallées de Baretous (Béarn) et de Roncal (Navarre espagnole), et l’impôt du sang est encore payé par la vallée criminelle — celle de Baretous — le 13 Juillet de chaque année. 



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JUNTE RONCAL NAVARRE
PAYS BASQUE D'ANTAN



M. Alfred Cadier a assisté à cette cérémonie, qui a eu lieu à sept heures de marche d’Osse, non loin du pic d’Arlas, au col de la Peyre-Saint-Martin. Il nous en fait un récit très pittoresque, dans sa fidélité concise : 



"De tous côtés, l’on se hâte vers le rendez-vous. Les pasteurs de Baretous, avec leurs gilets rouges rayés de fils sombres, les maires et les délégués des communes d’Arette, de Lanne, dAramits et d’Issor, les gardes de montagne, les douaniers sans fusil, le clergé, représenté par le curé de Saint-Engrâce et deux vicaires. Quelques Anglais venus d’Osse complètent le pittoresque de cette singulière réunion. L’on atteint la borne-frontière étroite et basse dont les deux faces assez larges portent dans les deux langues le nom de Saint-Martin.


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BORNE FRONTIERE PIERRE ST MARTIN


Les Espagnols, de leur côté, forment un groupe imposant. Voici le maire d’Isaba, qui va jouer le rôle de grand justicier. Il a revêtu le chaperon noir au liseré rouge, une grande collerette en forme de rabat et porte fièrement son chapeau rond. Il a un air majestueux avec son bâton de justice, petite badine noire au pommeau d’argent. Auprès de lui sont les alcades des paroisses d’Ustarroz, d’Ursainqui et de Gardé, avec leur chaperon et leur collerette. Ils sont accompagnés d’une suite assez nombreuse de plusieurs messieurs, les délégués de la junta générale de la vallée de Roncal, le notaire. le vétérinaire et quelques curieux. Un piquet de six ou sept carabineros et de gardes armés et quelques bourriqueros qui comptent vendre le vin dont leurs ânes sont chargés complètent cet ensemble bariolé. 



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JUNTE RONCAL NAVARRE 1892
PAYS BASQUE D'ANTAN



Il est neuf heures du matin; tous les intéressés étant là, on procède sans délai à la cérémonie, dont les détails sont fixés par un document datant de 1375, selon mention faite au procès-verbal. Les maires français ceignent leurs écharpes tricolores. Les alcades se détachent de leurs compatriotes, s’avancent vers la pierre, accompagnés d'un héraut d'armes porteur d'une lance ornée d’une flamme rouge, symbole de la justice, et viennent s’aligner à six mètres de la frontière. Les maires font de même sur leur territoire ; leur héraut d’armes porte à sa lance une flamme blanche, signe de leurs dispositions pacifiques. L’alcade d’Isaba leur crie dans sa langue : "Voulez-vous la paix?" Les maires répondent affirmativement en espagnol, et, pour témoigner de la sincérité de leurs sentiments, leur héraut d’armes couche sa lance sur le sommet de la pierre, dans la direction de la ligne frontière


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JUNTE RONCAL NAVARRE 1894
PAYS BASQUE D'ANTAN


Cela fait, le héraut d’armes espagnol vient ficher sa lance dans le sol français et appuie la hampe contre la pierre, de manière à former une croix avec la lance française. Alors le maire d’Arette vient poser la main sur la croix ainsi formée, un alcade espagnol place sa main droite sur celle du Français, et les autres alcades et les autres maires font alternativement de même. L’alcade d’Isaba, venant le dernier et tenant au-dessus de cette pile de mains le bâton de justice, prononce la formule du serment, que tous jurent d’observer. Après ce serment, l’alcade d’Isaba crie trois fois : Paz davans (paix à l’avenir).  La paix est donc de nouveau conclue, et, pour ratifier leur abandon de toute vengeance, les Roncalais ordonnent aux carabineros et aux gardes de décharger leurs armes du côté de la France. 



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JUNTE RONCAL NAVARRE
PAYS BASQUE D'ANTAN



Alors a eu lieu la réception de l’impôt du sang, il consistait jadis en trois cavales blanches exactement semblables ; mais la difficulté de les réunir leur a fait substituer trois génisses sans tache, de même poil et de même marque. 




Les trois génisses remises cette année valaient environ 580 fr., ce qui est considérable pour la région. Le notaire de Roncal ayant dressé un procès-verbal détaillé qui fut signé à la ronde, on a dîné en commun aux frais des Roncalais, qui pouvaient, après un tel tribut encaissé, offrir cette politesse. On a toasté à l’Espagne, à la France, à l’Angleterre (à cause des quelques Anglais qui assistaient à la cérémonie); puis on a dansé et l’on s’est dit au revoir. 




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JUNTE RONCAL NAVARRE 1906
PAYS BASQUE D'ANTAN


M. Alfred Cadier accompagne son récit des réflexions qu’a fait naître dans son esprit le spectacle auquel il venait d'assister. Selon lui, tout y heurte nos sentiments de justice et de patrie. Les montagnards français sont des coupables qui réparent un crime, et, en effet, les traditions populaires ont conservé la vague notion d’un massacre commis par des Baretounais sur des Roncalais. Les Espagnols paraissent dans la cérémonie comme des justiciers. Eux seuls sont armés; ils commandent dans leur langue, dont les Français doivent se servir ; ils ont leur notaire et leurs témoins ; aucune copie ou traduction du procès-verbal n’est remise aux Français. 



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JUNTE RONCAL NAVARRE
PAYS BASQUE D'ANTAN



Est-il besoin d’insister sur l’injustice et la singularité de cet impôt perpétuel ? Evidemment non. Pour bien juger cette coutume, il faut se souvenir, d’ailleurs, que les deux vallées intéressées étaient, de 1479 à 1512, soumises au même souverain, d'abord la maison de Fort, puis la maison d’Albret. Il ne s’agissait pas alors de Français ou d'Espagnols, ni même de Béarnais et de Navarrais : l'idée de patrie ne dépassait guère alors les limites des vallées. Mais, aujourd’hui, ces rapports ne sont plus les mêmes, et il y a au moins quelque ridicule à voir ces alcades et ces maires traiter de paix et de guerre, comme dans une scène d'opéra-comique."



(Source : http://robertauxbornesdespyrenees.kazeo.com/sentence-arbitrale-entre-baretons-et-roncal-de-1375-a120142830 et WIKIPEDIA)




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