UN CRIME À ASCAIN EN 1880.
En 1880, le village d'Ascain connaît un fait divers sordide.
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Voici ce que raconta à ce sujet, la presse, dans diverses éditions :
- Le Petit Caporal, dans son édition du 12 mai 1880 :
"Le crime d'Ascain.
Un crime, qui dénota une incroyable férocité, vient d’être commis à Ascain, un gracieux petit village qui se trouve à deux pas de la frontière espagnole.
Dimanche, 2 mai, le meunier Baptiste Sougaret, rentrant à son domicile vers deux heures de l’après-midi, rencontra une jeune fille qui lui dit qu’elle avait en vain frappé à la porte de chez lui. Personne n’avait répondu.
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Tout était fermé, en effet, au moulin. En passant par une petite porte donnant sur le canal, Sougaret et la jeune fille parvinrent cependant à pénétrer dans le moulin. Un terrible spectacle s’offrit à leurs regards : Françoise Elissalde, belle-sœur de Sougaret, gisait dans une mare de sang. Elle avait reçu plusieurs coups de hache et avait une corde au cou.
Les voisins, accourus à l’appel du meunier, prévinrent l’autorité. Des constatations, il résulta que le crime avait été commis par quelqu’un qui connaissait les lieux. Une somme de 3 000 fr. a été volée.
Des chasseurs qui, dimanche, vers midi, étaient à proximité du moulin, ont aperçu une femme, marchant vivement, nu-pieds et portant sur sa tête un paquet de linge. On a appris, en outre, qu’une certaine Marie Noblia, qui avait été au service de Sougaret, avait conçu une haine féroce contre Françoise Elissalde, la belle-sœur du meunier, qui l’avait fait renvoyer.
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Un mandat d’amener a été décerné contre cette femme, sa sœur et son frère.
C’est dans une maison particulière, où elle s’était réfugiée, que Marie Noblia a été arrêtée mardi matin, vers dix heures et demie, par la gendarmerie de Sare, qui l’a conduite devant le juge de paix de Saint-Jean-de-Luz ; son frère et sa sœur ont été arrêtés en même temps.
La fille Noblia explique son horrible forfait par le dépit amoureux. Suivant ses déclarations, le meunier lui avait promis mariage, et elle avait consenti à nouer avec lui des relations intimes. L’arrivée de la belle-sœur de Sougaret avait détruit ses espérances ; aussi elle avait conçu contre elle une haine profonde. L’accusée est entrée complètement dans la voie des aveux.
Comme on le voit, nous nous trouvons en face d’un drame, où une déception d’amour s’est traduite d’une façon bien terrible, et où la vengeance a été inexorable."
- La Petite Gironde, le 23 novembre 1881 :
"Cour d'Assises des Basses-Pyrénées.
Audience du 21 novembre.
Le crime d'Ascain.
Assassinats. — Avortements. — Meurtres.
L'affaire relative au crime d'Ascain, qui préoccupe l'opinion publique depuis bientôt vingt mois, a enfin été portée, après une longue et laborieuse instruction, devant la cour d’assises des Basses-Pyrénées.
Les Accusés sont au nombre de deux : Marie Noblia, âgée de 23 ans, ancienne domestique au moulin d'Ascain et Jean-Baptiste Sougaret, âgé de 46 ans, meunier, son ancien maître.
La première est accusée de l’assassinat de Françoise Elissalde, belle-sœur de Sougaret, et de trois avortements dont elle a été l’objet. Elle avoue ces crimes.
Me Farnié, avocat du barreau de Bayonne, défend Marie Noblia. Le deuxième est accusé de complicité dans les crimes ci-dessus et de plus du meurtre du nommé Haraneder. Il nie toute participation à ces crimes.
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Me Guichenné, avocat du barreau de Pau, est chargé de la défense de Sougaret.
Me Lanabère, avocat général, occupe le siège du ministère public.
Les diverses accusations portées contre Sougaret ont été jointes.
L’acte d’accusation dressé contre Jean-Baptiste Sougaret lui reproche le meurtre de Jolimon, dit Haraneder.
Le dimanche 27 juillet 1879, Jolimon quittait l’auberge Tripero, vers trois heures et demie de l’après-midi; il se montrait à Saint-Jean-de-Luz en plusieurs endroits ; dans la soirée, il visitait diverses auberges ; bientôt après il partait et regagnait sa demeure à Ascain en longeant la rive droite de la Nivelle.
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Vers minuit, on le rencontrait à deux kilomètres environ de Saint-Jean-de-Luz ; à partir de ce moment il a disparu, et le jeudi 31 juillet son cadavre était trouvé dans la Nivelle.
Jolimon avait eu plusieurs fois des discussions très vives avec Sougaret, la dernière le dimanche même de sa disparition. Sougaret avait tenté de jeter, huit ans auparavant, Jolimon dans la mer, étant sur le pont de Ciboure.
Les soupçons se portèrent donc sur Sougaret. Mais les médecins légistes, trompés par l’ordre qui régnait dans les vêtements de Jolimon, négligèrent de le déshabiller et de procéder à son autopsie ; leur examen fut superficiel, ils ne virent pas les blessures, tandis qu’elles apparurent aux regards de ceux qui, mieux avisés, dépouillèrent le cadavre de ses habits.
L’accusé bénéficia d’une ordonnance de non-lieu ; il ne devait cependant pas échapper longtemps aux poursuites de la justice.
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Sa belle-sœur, Françoise Elissalde, était assassinée le dimanche 2 mai 1880 ; l’assassin était la concubine de l'accusé, Marie Noblia ; lui-même fut soupçonné d’être son complice et arrêté.
Maria Noblia révéla alors que Sougaret s’était rendu coupable du meurtre de Jolimon. Elle raconta que le dimanche 18 juillet 1879, vers trois heures du matin, Sougaret était rentré au moulin. Il était sombre, inquiet, ses vêtements étaient déchirés. Il tenait à la main un bâton. En rentrant, il le coupa en deux et le jeta au feu. "Je viens, dit-il, de tuer un homme...tu sais, celui que je guettais depuis longtemps, le frère de notre voisin ; l'occasion s’est présentée, je l’ai nettoyé, je l’ai fait danser avec ce bâton."
Sougaret a tenté de préparer un alibi, mais Marie Noblia a détruit son système de défense.
Le deuxième acte d’accusation est dressé contre Marie Noblia et Jean Baptiste Sougaret. Ils sont accusés de l’assassinat de Françoise Elissalde et d’avortements.
Le dimanche 2 mai 1880, l’accusé Sougaret revenant d’Ascain, arrivait à son moulin et se préparait à y pénétrer par une petite porte placée sur le derrière. Il trouva la nommée Marie Inda qui attendait à cet endroit. L’accusé fut surpris de la voir. Elle lui dit qu’elle avait essayé de pénétrer par les deux autres portes, mais qu’elles étaient fermées ; vainement elle avait frappé, on ne lui avait pas répondu.
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L’accusé poussa la petite porte et l’ouvrit. Il pénétra dans le moulin suivi de Marie lnda. Dès les premiers pas, un spectacle horrible s’offrit à leurs regards.
Le corps inanimé de la nommée Françoise Elissalde, la belle-sœur et la servante de l'accusé, gisait au pied de l’escalier, le cou attaché par une corde à la rampe et portant une large blessure ; contre la rampe était une hache, non loin de celle-ci se trouvait une autre hache ensanglantée.
A cette vue l’accusé poussa une sorte de hurlement ; il n’accorda pas toutefois son attention au cadavre de sa belle-sœur ; il gravit l’escalier pour constater à l’étage supérieur un vol dont, tout d’abord, il se dit la victime.
Là, deux portes, celle de la chambre du domestique et celle de la chambre de l’accusé étaient en partie fracturées ; un panneau de l’armoire du domestique était brisé ; la chambre de l’accusé était fermée à clé ; l’un des panneaux de la porte avait été brisé et enlevé ; en y pénétrant on apercevait, jeté sur le lit, un tiroir de l’armoire de l’accusé qui avait été également fracturé ; ce tiroir était vide.
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Les soupçons se portèrent sur Marie Noblia. Cette dernière était entrée au service de Sougaret du vivant de sa femme. Après la mort de celle-ci elle devint la maîtresse de Sougaret, et celui-ci prit un tel empire sur elle qu’à trois fois différentes il l’obligea à recourir à des manœuvres d’avortement.
A la suite d’une discussion, Marie Noblia avait quitté le moulin où Françoise Elissalde lui avait succédé ; elle continuait cependant à voir son amant ; mais l’éloignement augmentait sa jalousie ; elle croyait voir dans Françoise Elissalde l'épouse future de Sougaret. Bientôt sa jalousie avait engendré la haine et fait éclater sa colère.
Aussi renouvelait-elle ses instances auprès de Sougaret pour que, fidèle à sa parole, il l’épousât.
Elle se répandait en menaces contre Françoise Elissalde ; celle-ci, de son côté, ne cessait de la dénigrer.
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Placé entre ces deux femmes qu’il redoutait également, Sougaret résolut la mort de Françoise Elissalde ; mais il a voulu que l’assassin fût Marie Noblia.
Sougaret, dit Marie Noblia, a arrêté les détails du crime ; sur ses conseils, elle a acheté une corde ; il lui a appris à faire le nœud coulant. Elle devait ensuite se présenter au moulin par la petite porte de derrière, chercher querelle à Françoise Elissalde, sauter sur elle, passer la corde autour de son cou, la traîner au pied de l’escalier ; là, deux haches seraient prêtes ; avec l'une d’elles, elle trancherait le cou à sa victime ; puis, pour simuler un vol commis par des hommes, elle devait briser les portes de la chambre du domestique et de la sienne, briser également les portes des armoires qui se trouvaient dans ces deux chambres, emporter l’argent préparé à l’avance, ainsi qu’un pantalon ; fermer sa chambre à clé et mettre la clé au vaisselier de la cuisine.
Le samedi soir, continue Marie Noblia. elle passa la nuit avec son amant ; le crime doit être commis le lendemain. Le matin venu, ils se séparent. Marie Noblia va s’habiller pour se rendre à la messe ; Sougaret rentre au moulin ; bientôt elle le rejoint ; elle monte dans sa chambre, ils comptent l’argent ; Sougaret lui dit que le paquet renferme 1 800 fr. Enfin, elle sort ; peu après, Sougaret sort lui-même avec son domestique ; il se rend à Ascain ; Françoise Elissalde reste seule. Marie Noblia est revenue de la messe ; elle change de vêtements, saisit la corde et se dirige vers le moulin. A onze heures, elle arrive ; elle est sombre, elle hésite, mais son maître et son amant ont commandé, elle obéit ; elle pousse la petite porte de derrière, elle entre.
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Françoise Elissalde est dans la cuisine ; une dispute s’engage, Marie Noblia bondit et la terrasse ; elle lui passe la corde autour du cou, l’emporte au pied de l'escalier ; Françoise demande grâce, l’assassin n'écoute rien ; sa fureur l’aveugle ; les haches sont là, il s'en saisit, frappe, le sang jaillit. Marie Noblia franchit le cadavre, gravit l’escalier, brise la porte de la chambre du domestique, celle de la chambre de Sougaret, fracture les armoires, enlève le tiroir, prend l’argent, referme à clef la chambre et pose la clef au vaisselier ; sort, lave son tablier et ses pieds et rentre chez elle. Elle a fidèlement suivi les instructions de Sougaret.
Sougaret se renferme dans un système de dénégations absolues.
Dès onze heures du matin, une foule nombreuse circule autour du Palais de Justice, attendant impatiemment l'ouverture de l’audience. L’affaire émouvante qui va se dérouler a eu un tel retentissement, que les gens des communes environnantes venus à Pau, à l’occasion du marché, sont désireux de voir les deux accusés qui vont s’asseoir sur les bancs des assises et de connaître dans tous les détails les drames horribles qui vont être rappelés et qui ne sont aujourd’hui connus que par les récits incomplets publiés dans les journaux.
A une heure moins cinq les accusés sont introduits.
CHASSE AUX RENARDEAUX ASCAIN PAYS BASQUE D'ANTAN |
Sougaret, âgé de 46 ans, est un homme de taille un peu au-dessus de la moyenne. Sa figure est maigre et allongée, ses yeux gris, son front découvert. Il est vêtu d’un paletot marron et ne porte pas de cravate. Sa physionomie ne trahit aucune émotion.
Marie Noblia, âgée de 22 ans, est une personne de taille ordinaire. Elle est excessivement brune, ses yeux sont noirs et enfoncés, sa figure indique la fatigue et la souffrance, en même temps qu’une certaine énergie. Elle est entièrement habillée de noir, et coiffée d’un mouchoir qui retient les bandeaux de ses cheveux.
RETOUR DE LA CHASSE AUX VAUTOURS ASCAIN PAYS BASQUE D'ANTAN |
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