LA MASCARADE EN SOULE EN 1928.
La mascarade souletine est un rite carnavalesque itinérant, passant de village en village, de janvier à avril.
MASCARADE DE CHERAUTE PAYS BASQUE D'ANTAN |
Les mascarades souletines mélangent musique, danse et chant.
Voici ce que rapporta le journal l'Intransigeant, dans son édition du 23 août 1928, sous la
plume d'Hervé Lauwick:
"Huit cents kilomètres de Paris.
Mascarade basque.
Depuis le mot célèbre et trop répété de Voltaire, presque tout le monde a entendu parler de danses basques, et presque personne ne sait exactement ce qu’elles sont. Peut-être cela vous amusera-t-il d’avoir quelques, détails sur elles, telles que les Basques souletins les dansent au fond de leurs villages, pour eux-mêmes et non pour les étrangers.
MASCARADE DE ALCAY PAYS BASQUE D'ANTAN |
Qui sont ces gens ? Et pourquoi ces costumes ?
C'étaient les deux Satans, la cantinière et le zamalzain ou gardien du cheval, qui sont les personnages principaux de toute mascarade en pays basque. Mais entendez bien ici le mot mascarade ! Il ne s’agissait pas, comme on le voit parfois ailleurs, de se peindre et maquiller, grossièrement le visage, et de faire tortiller ainsi sur la place publique tout un village costumé d’oripeaux.
ZAMALZAIN ET CANTINIERE PAYS BASQUE D'ANTAN |
Ceux qui entendraient ainsi le mot "mascarade" se tromperaient de bien loin. Dans la Soule, qui est la plus éloignée, la plus triste, la plus fermée des trois provinces basques de France, une mascarade est un défilé costumé qui se rend, le dimanche, d’un village à un autre, soit pour faire une surprise aux voisins, soit, le plus souvent, sur invitations. Il est entièrement composé de cultivateurs, car les gens des villes n’ont rien a voir dans ces amusements !
MASCARADE SOULETINE PAYS BASQUE D'ANTAN |
Les costumes, objets de soins longs et attentifs pendant les veillées d’hiver sont d’une propreté impeccable, d’une netteté de couleurs, d’une dignité charmantes. Car si la mascarade, nous le verrons tout à l’heure, contient quelques personnages comiques, elle est surtout formée de danseurs, et c’est exprimer la simple vérité que de dire clairement que ces danseurs, à l’exception peut-être des paysans russes — et encore ceux-ci n’exécutent-ils pas des danses d’opéra ! - sont de beaucoup les meilleurs danseurs populaires qui vivent encore en Europe.
MASCARADE DE HAUX PAYS BASQUE D'ANTAN |
Les costumes, nous l’avons dit, sont d’une beauté, d’une pureté de lignes, d’une élégance ravissantes. Tous les danseurs, tous les figurants, ou presque, portent une petite canne d’ébène et des gants blancs. En tête vient le tcherrero, qui porte un long balai de crin et est chargé d’épousseter le cheval. Il ne se prive pas d’épousseter les vêtements, réputés sales, et le visage même des spectateurs. Au près de lui, le chat, ou gatuzain, armé d’une longue pince extensible avec laquelle il chatouille au passage les curieux. Le flûtiste joue sans arrêt, et il lui arrivera de modifier ses petits airs sautillants pendant huit heures de suite ; les danses ne cessent pas un moment.
TCHERRERO PAYS BASQUE D'ANTAN |
GATUZAIN PAYS BASQUE D'ANTAN |
Derrière eux viennent le zamalzain, qui n’arrête pas de balancer d’un mouvement gracieux, pendant la danse, son cheval-jupon chargé de soie et d’or ; le casque très élevé qu’il porte ressemble à ceux de certains prêtres bouddhistes ; il est tout entouré de miroirs, et plus doré, plus compliqué encore que les rameaux de Pâques si glorieux que l’on vend à Marseille ; un petit fouet, dans sa main, est destiné à dompter sa monture, et- il ne quittera pas ses gants blancs. C’est le meilleur danseur de la troupe, et il devra, tout à l’heure, à la fin d’un dur quadrille, monter d’un pied sur un verre rempli de vin, et faire au vol le signe de la croix avec l’autre pied, puis retomber au loin sans avoir renversé une goutte de vin. La légèreté de ces gens, je vous l’ai dit, est incroyable !
GOBELET DANTZA PAYS BASQUE D'ANTAN |
La cantinière les suit, fort gaillard en jupe, sous un dolman bleu de hussard, et l’enseigne, qui après les "rouges" mène la troupe des "noirs" : il est vêtu en marin, il a l’air d’un amiral arrivé jeune, et il agite d’un mouvement cadencé sur sa tête un drapeau français, ce qui ne l’empêche pas de porter le grand cordon du Saint-Esprit. Ainsi, de sauts en gambades, la procession dansante s’avance gentiment par les rues, suivie de personnages représentatifs : le monsieur, la dame, le paysan, la paysanne, les maréchaux ferrants, les hongreurs, les rémouleurs, les bohémiens, d’autres encore, au milieu d'un grand concours de peuple, jusqu’à ce que toute la troupe s’engouffre joyeusement au fronton. Là, les comiques rempliront ce qu’on appelle au pays basque leurs "fonctions", les maréchaux ferreront le cheval-jupon. malgré sa résistance et ses danses effrénées, les bohémiens réparèrent un chaudron, pour le monsieur, et comme il sera mal réparé, leur chapeau de feutre collé sur le fond empêchera leur client de voir le soleil au travers, ce seront des cris et des rires jusqu’à l’heure où s’éteignent d’ordinaire les parties de pelote — et des danses, et des danses, et des danses...
ZAMALZAIN PAYS BASQUE D'ANTAN |
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