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mercredi 23 janvier 2019

PISCICULTURES ET PÉPINIÈRES EN BASSE-NAVARRE AU PAYS BASQUE EN 1928 (première partie)


PISCICULTURES ET PÉPINIÈRES EN 1928.


Dès 1926, la Société des Pêcheurs de la Nive se préoccupe de repeupler les rivières du Pays Basque.


nive autrefois
BULLETIN DE LA SOCIETE DES PÊCHEURS DE LA NIVE 1926
PAYS BASQUE D'ANTAN


Voici ce que rapporta la Gazette de Bayonne, de Biarritz et du Pays basque, dans son 

édition du 25 mai 1928 :


"Le repeuplement de la Nive et le reboisement.


Une visite aux stations de pisciculture et à la pépinière d’Ispoure. 



Le ciel, trop longtemps inclément, a bien voulu enfin sourire — oh ! d’un sourire encore timide et parfois voilé — à ce beau Pays Basque dont nous avons mercredi, en suivant la Nive, parcouru les sites les plus enchanteurs. Nous étions conviés par le commandant Rocq à visiter quelques-unes des stations de pisciculture que la Société des Pêcheurs de la Nive, dont il est l’animateur, a installées dans le but repeupler la rivière en truites et saumons. 


halsou autrefois
SAUMON AU BARRAGE D'HALSOU
PAYS BASQUE D'ANTAN


On nous attendait à Ossès, et de là, en quelques minutes d’auto, nous atteignîmes la nouvelle station Chambeau, de Saint-Martin-d’Arrossa. Après avoir vu le bassin filtrant, installé en amont de la voie du chemin de fer, sur un joli ruisseau qui descend en cascade, par un sentier parallèle, qui doit être cascade également quand il pleut, nous avons atteint la station Chambeau, tout au bord de la Nive, dans un décor charmant et harmonieux de hautes roches, d’arbres feuillus, de verdure et de fleurs rustiques. 




Une gentille construction basque toute blanche avec ses pans de bois et ses volets brun rouge semble nous sourire en nous accueillant. La porte est surmontée d'une belle pierre rouge sur laquelle est gravée en caractères basques cette inscription : 


Pisciculture Chambeau.

Société des Pêcheurs de la Nive 

1927 



De chaque côté de la date, une truite symbolise les buts de la Société. C’est d’ailleurs un second Grand Prix de Rome qui a fait le dessin de l’inscription. 




Et nous entrons dans cette pouponnière aquatique où près de cent mille petits enfants de truites s’ébattent et grandissent sous l’œil paternel de leur vigilant père nourricier M. Antchartechahar, qui veille avec un soin jaloux à leur bien-être et à leurs copieux repas. L’eau, filtrée, ainsi que nous l’avons vu tout à l’heure, arrive claire, régulière et à température égale dans les bassins où pullulent les alevins. Il y a là environ 80 000 petites truites indigènes, âgés d’un mois et demi et 19 000 dites arc-en-ciel, de deux mois et demi, race truites américaines dont un rayon de soleil, qui vient de s’introduire furtivement, permet de voir la ligne irisée et le point d’or des yeux. Cette race, particulièrement vorace, est destinée à remplacer — en le dévorant — le poisson blanc de qualité inférieure, tel que le barbeau. 


nive autrefois
BRIGADE DE SURVEILLANCE DE LA BASSE-NIVE 1926
PAYS BASQUE D'ANTAN



Dans un autre bassin, objets de toute l’attention de M. Antehartechahar, se trouvent de jolis et vigoureux élèves de trois mois, qui sont le produit d’œufs de truites fécondés par des tocans (petits saumons de deux ans), et que le Dr Bouisset, chef des travaux au laboratoire de pisciculture de la Faculté des Sciences de Toulouse, attend impatiemment pour les étudier. 




Enfin, nous assistons au repas de ces enfants éminemment carnivores et qui se précipitent avec une familiarité qui se conçoit vers la main qui leur apporte la bouillie sanglante, faite de rate hachée, et dont ils raffolent. 




La station Chambeau est un modèle du genre. C’est la station de réserve, station régulatrice d’élevage et centrale pour l’embryonnage, car elle est non seulement pouponnière, mais couveuse, puisqu’il s’y fait dans des bancs appropriés l’incubation et l’éclosion des œufs. Elle peut contenir jusqu'à 400 000 alevins. 




Notre petite caravane se dirige ensuite vers Saint-Jean-Pied-de-Port par la jolie route sinueuse qui suit la rivière dans tous ses caprices, et, aux portes même de la ville — ce qui est dans la vieille cité fortifiée, pris au sens propre — nous voici devant une autre station, moins moderne et moins importante que la station Chambeau, mais où les alevins n’en paraissent pas moins couler des jours heureux. L’un d’eux, pris dans un tube de verre plein d’eau, nous montre en plein jour un estomac qui prouve abondamment la qualité et la quantité du repas de rate qu’il vient d’absorber devant nous. 




A notre tour, nous allons tout à l’heure montrer un appétit tout à fait digne de celui des petites truites, d’autant plus que nous aurons précisément — et sans remords — l'occasion de savourer, quelques-unes de leurs aînées, savamment préparées, comme tous les autres plats d’ailleurs, par l’excellent maître-queux de l’hôtel Central. 



basse navarre autrefois
PUBLICITE POUR HÔTEL CENTRAL ST JEAN PIED DE PORT
PAYS BASQUE D'ANTAN

Après le déjeuner, qui s’est agréablement prolongé, grâce à l’attrayante conversation du commandant Rocq et de ses convives, parmi lesquels se trouvent aussi quelques-uns de ses plus dévoués collaborateurs, dont M. Calame, le peintre, dont Bayonne a parfois l’occasion d’admirer le talent, après donc ce déjeuner, nous filons vers Saint-Jean-le-Vieux pour visiter la station de la Madeleine. C’est une sorte de cagna souterraine dont l’apparence rappelle aux anciens combattants des souvenirs vieux de dix ans. L’eau, filtrée, arrive dans les bassins de ciment où frétillent environ 25 000 alevins. 




La station de la Madeleine est l’installation type de la piscine de repeuplement. Elle peut recevoir chaque année 55 000 œufs qui peuvent produire environ 45 000 alevins. 




A l’heure actuelle, les trois stations que nous venons de visiter, plus celle de Saint-Martin-d’Arrossa, celle de Cambo-les-Thermes et celle d'Urepel, près des Aldudes, ce qui fait en tout six stations pour la Nive, peuvent recevoir 600 000 œufs. C’est un record en France. 




Dans le courant de juin, la liberté va être donnée à 210 000 alevins, ce qui va pour le cours de la Nive, répartir environ 2 000 alevins au kilomètre. 




Car la Nive, selon l’expression du commandant Rocq, la Nive, riche en truites à la chair délicate et si appréciée, rapporte plus qu’une terre à blé. Si l’on songe que Biarritz et la Côte Basque absorbent 15 000 kilos de truites par an (c’est la consommation des hôtels), et si l’on évalue le kilo au prix moyen — plutôt au-dessous de la moyenne — de 20 francs le kilo, on arrive au chiffre de 300 000 francs. 


saint jean pied de port autrefois
DEVERSEMENT D'ALEVINS A ST JEAN PIED DE PORT 1926
PAYS BASQUE D'ANTAN



D’autre part, la pêche du saumon fait vivre à Bayonne 900 pêcheurs inscrits (il y en a 2 200 de La Barre à Peyrehorade). Rien qu’à Bayonne, on prend de 3 500 à 4 000 saumons, saumons de la qualité la plus fine et qui fait prime sur le marché hollandais — qui, comme chacun le sait (ou l’ignore), est le centre régulateur et répartiteur de toute la pêche saumonière d’Europe.

 

Mais, dans quelques années, quand les efforts accomplis depuis 1924 par la Société des Pêcheurs de la Nive, commenceront à donner les résultats attendus, ce n’est pas 3 000 ou 4 000 saumons que nos pêcheurs bayonnais pourront prendre, mais 15 000 ou 20 000, et alors, en ces temps heureux, peut-être le marché d’Amsterdam consentira-t-il à laisser venir à prix raisonnable jusqu’à Biarritz quelques savoureux saumons dont le consommateur moyen saura, comme les camarades, apprécier la qualité et la valeur nutritive. 


cambo les bains autrefois
DEVERSEMENT D'ALEVINS A CAMBO 1926
PAYS BASQUE D'ANTAN


Mais pour arriver à cette richesse de nos rivières en truites et en saumons, il ne suffit pas que le commandant Rocq déploie comme il le fait depuis déjà tant d’années ce zèle d’apôtre, ce dévouement constant à une tâche dont lui seul peut dire toutes les difficultés ; il ne suffit pas qu’il ait créé des stations de pisciculture, qu’il ait enrôlé avec lui des collaborateurs qui partagent son enthousiasme et son dévouement désintéressé ; il ne suffit pas que les encouragements officiels lui soient accordés ; il faut encore que chacun comprenne ce qu’est l’œuvre entreprise, que le repeuplement d’une rivière comme la Nive est une source de prospérité pour tous, tant pour les pêcheurs professionnels que pour ceux qui vivent du tourisme, car une rivière riche en saumons et en truites attirera immanquablement dans notre région les riches pêcheurs étrangers. Il faut donc que chacun comprenne qu’il est de l’intérêt de tous de protéger la rivière contre le braconnage stupide et destructeur et qu’il faut aider selon ses moyens au développement des mesures de protection si l’on veut sauvegarder la richesse de nos Nives...."



Dans un article ultérieur, je vous parlerai du reboisement de la Basse-Navarre...




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