LA PÊCHE SPORTIVE SUR LA NIVE AU PAYS BASQUE EN 1924
LA PÊCHE SPORTIVE SUR LA NIVE EN 1924.
Pour les pêcheurs en Basse-Navarre, en 1924, la Nive est peut-être la plus belle rivière à truites et saumons que l'on puisse rêver, mais avec quelques soucis et projets.
PECHE AU SAUMON CAMBO LES BAINS PAYS BASQUE AUTREFOIS
Voici ce qu'en rapporte la Gazette de Bayonne, de Biarritz et du Pays Basque du 3 janvier 1924,
et cela peut donner à réfléchir aujourd'hui :
"En dehors de la beauté pittoresque de son cours, tous les amateurs les plus autorisés sont
frappés par la pureté admirable de son eau et l'abondance extraordinaire des petits crustacés
qui composent la nourriture principale de la truite.
Particularité notable, les nombreuses Nives qui se fondent en une seule avant Ossès (Ortzaitze
en Basque), descendent de forêts splendides et d'immenses pacages peuplés durant sept mois
d'innombrables brebis.
Les ruisselets de montagne, à chaque orage, délayant le fumier de brebis, transportent une
infinité de petits vers dont la truite est très friande.
Enfin le régime des crues devrait lui donner une place à part comme rivière à saumons.
On sait que le saumon profite en général des crues provoquées par la fonte des neiges pour
effectuer sa montée ; or, tandis que des gaves ont leurs crues de neige plutôt en mai-juin, la Nive
a les siennes tout l'hiver et au printemps.
En effet, la neige ne dure jamais bien longtemps dans tout le haut bassin de la Nive ; au bout
d'une ou deux semaines une bonne brise marine, tiède et humide, amène la fonte et jusqu'en
avril, nos montagnes ôtent et remettent plusieurs fois leur blanc manteau (le fait s'est, par
exemple, déjà produit deux fois cet hiver avant le 5 décembre).
Or la montée d'hiver comprend les plus gros saumons, de 8 à 10 kilos en moyenne, les montées
d'été étant surtout constituées par les poissons de 4 à 6 kilos.
Aux temps heureux où naguère encore, ni barrages, ni usines, ni barros, ne venaient entraver
les lois généreuses de la nature, le saumon pullulait au point que les anciens contrats de louage
de domestiques, spécifiaient que le poisson rouge ne serait pas servi plus de deux fois par
semaine !
PECHE AU SAUMON CAMBO LES BAINS
PAYS BASQUE AUTREFOIS
PECHE AU SAUMON HENDAYE
PAYS BASQUE AUTREFOIS
PECHE AU SAUMON BEARN AUTREFOIS
PECHE AU SAUMON HASPARREN
PAYS BASQUE AUTREFOIS
PECHE AU SAUMON BEHOBIE
PAYS BASQUE AUTREFOIS
PECHE AU SAUMON
PAYS BASQUE AUTREFOIS
PECHEUR HASPARREN
PAYS BASQUE AUTREFOIS
Voilà ce qu'était notre Nive et ce qu'il ne tient qu'à nous qu'elle redevienne.
Si l'on ajoute que les rives sont presque partout d'un accès facile, on peut, sans hésiter, la
considérer comme la rivière sportive idéale.
C'est aussi, son nom l'indique, la rivière par excellence, et si le Pays Basque a conquis une
renommée mondiale par sa beauté il le doit plus à sa Nive affouillant ses montagnes qu'aux
tempêtes de l'Océan déchiquetant leurs contreforts.
Le Pays Basque, voilà, ce que jamais Deauville, Ostende, Scheveningen ne pourront offrir.
Et cependant il reste encore une richesse supérieure, non pas inexploitée, mais lamentablement
pillée, salie, dévastée.
C'est la pêche sportive qui débute en France, mais que nos amis Anglais placent parmi les plus
nobles sports; au point de lui réserver une place spéciale dont il ne tient qu'à Biarritz et à
Bayonne de devenir le centre favorisé par le climat et la nature.
Une saison de janvier à juillet pour le saumon, de février à octobre pour la truite, est-ce donc
tellement à dédaigner ?
Et surtout qu'elle s'adresse à une véritable élite ?
Car outre les sportifs français, il faut savoir que la pêche du saumon est l'un des rites
mondains de l'aristocratie anglaise, au moins au même titre que la chasse aux grouses.
Or toute l'élite anglaise connaît de longue date notre région, le courant est donc créé.
Après ce long exposé, passons aux faits ; là point besoin de phrases ils parlent tout seuls.
Les truites ont été anéanties jusqu'à Cambo, Itxassou ; elles sont encore abondantes de
Bidarray aux sources, mais en décroissance rapide et inquiétante.
Ainsi une petite rivière dite de Caibaïa, autrefois très riche en truites de taille, est actuellement
complètement dépourvue de poissons, l'absence de route près de cette rivière en a d'ailleurs
facilité le braconnage.
Pour les saumons, les montées ont été à peu près nulles en 1922 et 1923, sauf une forte montée
en juin 1923.
A la disparition de la truite, trois causes principales :
un braconnage inouï par les hauts prix offerts par Biarritz pour le poisson
la pollution des eaux par les résidus déversés par deux ou trois usines
l'apparition des barbeaux, poissons presque immangeables, mais grands destructeurs
d'oeufs et d'alevins.
Causes secondaires : loutres et visons, martins-pêcheurs et merles d'eau, canards.
Le saumon, lui, est arrêté dans sa montée par les barrages d'usines, par les filets tournants dits
"barros", déjà entièrement destructifs en eux-mêmes ; ils le sont rendus encore plus par la
création d'obstacles et chenaux forçant le poisson à passer dans le couloir du filet, obstacles et
chenaux, cependant interdits par le cahier des charges ; par la pollution des eaux, qui le
détournent certainement; par le braconnage intense, au moyen du trident, des râteaux, des
explosifs; enfin par la destruction des tocans à la descente, destruction grandement facilitée
par la disposition illégale des barrages aux basses eaux.
Ce dernier point a certainement une influence énorme, car le saumon remonte toujours dans la
rivière où il est né.
Les remèdes à la destruction :
Truites : alevins dans les parties les plus dépeuplées; par dessus tout, protection des
frayères ; interdiction du colportage et abstention rigoureuse de servir de la truite dans les
hôtels d'octobre à février ; maintenir l'eau pure par l'application aux usines de la loi et du
décret préfectoral les concernant ; répression sérieuse du braconnage ; destruction des
barbeaux (à Cambo où ils sont très nombreux le goujon même a disparu), destruction (les
loutres, visons, martins-pêcheurs et merles).
Saumons : suppression des barros lors du renouvellement des baux.
Dès maintenant, application stricte du cahier des charges pour la suppression des obstacles et
chenaux prohibés, arrêt hebdomadaire.
Barrages, échelles à poisson. Surveillance du braconnage aux barrages lors de la montée puis à
la descente du tocan.
Résultat garanti et immédiat dès la première année pour le saumon, pour la truite oeuvre de
plus longue haleine, produisant son effet en trois ou quatre ans.
Voyons maintenant les moyens pratiques.
Pour réaliser ce programme urgent, la Société des Pêcheurs de la Basse-Navarre s'est
constituée en avril 1923, avec siège social à Saint-Jean-Pied-de-Port, centre des frayères et
capitale du braconnage.
Des sections sont créées, l'une à Bayonne, les autres à Cambo, Bidarray, Ossès, Saint-Etienne-
de-Baigorry, les Aldudes ; elle groupait quelques mois après sa fondation deux cents sociétaires
versant des cotisations annuelles de 10 à 30 francs.
Un petit capital de 1 000 francs a été souscrit par des fondateurs à vie ; la ville de Saint-Jean-
Pied-de-Port a accordé une subvention ; Saint-Etienne-de-Baigorry et Cambo en accorderont
certainement, aussi de nombreuses adhésions sont prévues pour 1924.
Une subvention a été demandée au Ministère de l'Agriculture sur le montant de la caisse des
jeux.
La Société se constitue sur les rivières non navigables un domaine réservé à ses adhérents et
plus, strictement surveillé, grâce à la faculté de se porter partie civile.
Résultats déjà obtenus : diminution assez sensible du braconnage en 1923 ; grâce à l'emploi des
douaniers comme agents verbalisateurs, la surveillance deviendra de plus en plus intense.
La Société verse actuellement des primes de cent francs pour chaque procès-verbal de
braconnage par empoisonnement ou dynamite ; des primes plus fortes peuvent même être
données pour des prises importantes de braconniers notoires (ainsi 150 francs ont été donnés
pour une prise de ce genre).
Enfin 5 000 alevins de truites communes ont été reversées en mai 1923, à Ossès et Saint-Jean-
Pied-de-Port.
L'instrument existe donc pour mener la lutte contre le braconnage et pour assurer la
protection du poisson...
Donc, voici pour la partie financière le programme à réaliser conjointement :
obtenir de la Préfecture et du Conseil général, au nom de l'intérêt supérieur de la
collectivité.
la suppression des barros. Nous serons d'ailleurs aidés sur ce point par les voeux
concordants de toutes les Sociétés de pêche du département et des inscrits maritimes.
Aider financièrement la Société à acquérir les lots de pêche sur la Nive ; la Société a
d'ailleurs les moyens d'acquérir dès maintenant une bonne part de ces lots, mais pour que la
régénération de la richesse piscicole soit rapide, il faudrait pouvoir acquérir l'ensemble.
Primes aux agents de l'Etat (gendarmes, douaniers, gardes-forestiers) pour les procès-
verbaux de braconnages. Service déjà assuré.
Constituer une brigade mobile de deux gardes-pêches assermentés et opérant de concert
avec les agents de l'Etat, moyen le plus efficace contre le braconnage.
Enfin une aide morale près des Pouvoirs publics :
Faire ressortir l'intérêt économique de notre oeuvre pour la région et appuyer nos
demandes de subventions de l'agriculture, subventions des communes ; Bayonne et Biarritz
pourraient faire quelque chose surtout pour les débuts ; subvention du département.
Appuyer nos demandes éventuelles auprès des grandes administrations (chemins de fer
du Midi) qui ne devraient rien refuser à Bayonne et Biarritz, une bonne partie de nos demandes
n'ayant d'ailleurs aucun caractère financier.
Demander au nom du Syndicat d'initiative de Biarritz et Bayonne, au Fishing-Club de
France, une allocation importante d'alevins en 1924-1925...
Favoriser dans la région le recrutement de sociétaires, en particulier parmi la colonie
anglaise, toujours très sportive et prête à lutter contre le braconnage.
... On remarquera qu'aucune publicité n'est mentionnée...
... L'argent de la publicité fera merveille en 1924, si on l'utilise pour remédier à la situation
actuelle ; dès que la Nive aura repris sa richesse, la publicité sera faite gratuitement par nos
adhérents français et étrangers et par quelques récits de pêche, publiés dans les journaux
anglais et dans l'organe du Fishing-Club de France."
(Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France)
Merci ami(e) lecteur (lectrice) de m'avoir suivi dans cet article.
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