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lundi 16 novembre 2020

LES EAUX DE CAMBO ET LA PURETÉ DE LA NIVE EN LABOURD AU PAYS BASQUE EN 1929

LES EAUX DE CAMBO ET LA NIVE EN 1929.


En 1929 se pose le problème des rejets des égouts de Cambo dans la Nive.



pays basque autrefois nive
LA NIVE A CAMBO 1929
PAYS BASQUE D'ANTAN




Voici ce que rapporta la Gazette de Bayonne, de Biarritz et du Pays basque, dans son édition du 

21/11/1929 :



"Les eaux de Cambo et la pureté de la Nive. 



Une lettre du Professeur Bertrand.



Le Conseil Municipal de Bayonne a pris une délibération à l’unanimité, pour protester à l'enquête de commodo et incommodo contre l’exécution du projet de déversement des égouts de Cambo dans les eaux de la Nive. 



En agissant ainsi, les représentants de la Ville se sont tenus dans la limite de leurs droits et de leurs devoirs. 



Mais leur protestation contre un projet qu'ils jugeaient dangereux et ne présentant pas les garanties suffisantes de salubrité ayant soulevé des récriminations intéressées, plus bruyantes que justifiées, le maire de Bayonne a fait appel à l'autorité et à la compétence du professeur Léon Bertrand pour lui demander une consultation sur cette question, qui est grave pour la santé publique dans toute la région de la Nive. 



Il se trouve que la délibération du Conseil municipal de Bayonne concorde avec les appréciations de M. Léon Bertrand, professeur d’hydrologie et de géologie à la Faculté des Sciences de l’Université de Paris, à l’Ecole Normale Supérieure et l’Ecole Centrale. 



Voici son avis : 


pays basque autrefois nive
LA NIVE A CAMBO 1929
PAYS BASQUE D'ANTAN



Université de Paris. Faculté des Sciences. Laboratoire de Géologie appliquée. 


Paris, le 18 novembre 1029. 


Le Professeur Léon Bertrand à Monsieur le maire de la Ville de Bayonne. 



Monsieur le Maire, 



Vous m’avez fait part de l’émotion causée parmi la municipalité et la population de Bayonne par un projet de déversement dans la Nive d’égout devant être créé à Cambo, toutefois après une certaine épuration de ces eaux résiduaires, et vous avez bien voulu me demander mon avis à ce sujet. 



Il me serait indispensable, à cet égard, de connaître exactement le dispositif prévu dans ce projet pour cette épuration d'eaux usées provenant d’une station aussi fréquentée par des malades tuberculeux qu'est Cambo, avant leur écoulement à la Nive, et le degré de sécurité de ce dispositif. 



pays basque autrefois nive
LA NIVE A CAMBO 1929
PAYS BASQUE D'ANTAN



C'est qu'en effet, bien qu’il n’y ait pas lieu de douter qu'en principe toutes les mesures nécessaires pour une épuration convenable seront prises et même, comme il est désirable, que la contamination initiale des eaux résiduaires par le bacille de Koch sera réduite au minimum par les mesures d'hygiène individuelle conseillée aux malades pour éviter la contagion, il importe aussi de considérer qu'en pratique un système même théoriquement parfait est bien rarement à l'abri d'un accident de fonctionnement ou de l'éventualité d'une défaillance dans la surveillance très rigoureuse et permanente qui serait indispensable. 



Or, s’il existait une possibilité de contamination de l’eau de la Nive en aval de Cambo par le bacille de Koch, agent si redoutable de transmission de la tuberculose, malgré la destruction de ce bacille qui se fait progressivement et fort heureusement par l’aération et l'insolation, cette possibilité en traînerait avec elle des dangers évidents de contagion pour les habitants des diverses localités situées en aval sur la Nive et en particulier sur la partie tout à fait inférieure du cours de la rivière qui est, deux fois par jour, soumise au reflux de l'eau de la marée. Le bacille de Koch, en effet, n'est pas détruit aussi rapidement qu’on pourrait le supposer par le mélange d'eau salée, puisque, comme on le sait, il vit dans les crachats qui sont légèrement salés, d'une façon normale. Le lavage du linge à la rivière peut donc être quelque peu dangereux si l’eau en risque d'être polluée par le bacille qui résiste à la dessication. 



D'autre part, si actuellement aucune localité ne s’alimente en eau potable à la Nive, dans la portion de son cours située en aval de Cambo, il n'est aucunement certain, bien que ce soit peu souhaitable, qu'en raison de la pénurie du Pays Basque en eau potable, aucune localité n’ait besoin dans l'avenir d’y recourir ; il est bien certain que, dans ce cas, même en employant les procédés les plus sûrs de stérilisation, on rencontrerait une résistance invincible et d'ailleurs toute naturelle de la part des population à desservir, sans parler du discrédit qui ne manquerait pas d'être jeté sur la région bayonnaise. D'ailleurs, en raison de la pénurie que je viens de rappeler, j’estime qu’on sera conduit à envisager à bref délai pour la ville de Bayonne, dont la population à desservir s’accroît rapidement, une solution consistant à réserver pour la boisson et autres usages analogues l’eau actuelle si pure provenant des captages du massif de l’Ursuya et de ceux qui pourraient être faits dans certains massifs montagneux voisins, et à prélever dans la Nive, alors directement et sans aucun dégrossissage, l’eau destinée à la voirie et à de nombreux usages ménagers. 



Ce prélèvement devrait naturellement être fait dans la région que n’atteint pas la salure de marée, c’est-à-dire au voisinage d’Ustaritz et par suite déjà notablement plus près de Cambo que la Ville de Bayonne elle-même. Or, même pour ces usages, l’emploi d’eau pouvant contenir, même accidentellement, mais en proportion notable, du bacille de Koch serait évidemment à éviter, par exemple pour le lavage du linge, comme il a été déjà dit, pour l’arrosage de légumes devant être consommée crus, voire même pour l’arrosage public, le bacille n’étant pas tué par la dessication et pouvant être ensuite transporté par le vent avec la poussière. 



Il semble donc permis de dire, bien que ces causes de contamination doivent être évidemment faibles en raison de la dilution qui se produirait à un degré élevé, qu’elles n’en existeraient pas moins et qu’il serait impossible de ne pas les prendre en sérieuse considération, étant donné l’extrême facilité de contagion par un bacille très résistant aux causes naturelles de destruction. On ne saurait d’ailleurs soutenir que ces causes de contamination existent déjà et que la création projetée d’égouts ne les augmente pas ; c’est qu’en effet, les eaux usées de Cambo se perdent en général dans le sol après avoir plus ou moins circulé à sa surface et y avoir été soumises à l’action bactéricide de l’oxydation de l’air et de l’insolation, et que si elles parviennent à la Nive, c’est indirectement et après avoir subi l’action soit d’une certaine filtration, soit d’une cause destructrice des bacilles, tous facteurs n’existant pas avec le fonctionnement d'égouts qui par contre, doivent évidemment contribuer puissamment à l’assainissement de la station de Cambo elle-même, en réduisant la contamination de son sous-sol. Il importe seulement que cette création d'égouts, indiscutablement utiles pour Cambo, ne soit pas, inversement, nuisible aux localités en aval. 



Or, à cet égard, il est encore un point de vue que je n'ai pas envisagé, bien qu’il soit peut être encore plus important que le précédent, en ce qui concerne tout au moins les conséquences immédiates qu’aurait une pollution de l’eau de la Nive par le bacille de Koch. Les prairies qui bordent les deux rives de la rivière en aval de Cambo sont fréquentées par de nombreux, bestiaux et en particulier par des vaches, qui vont naturellement s’abreuver à la rivière ; un certain nombre de ces animaux seraient donc susceptibles de contracter la tuberculose. Or, si lorsqu’on les abat pour la boucherie on pourrait, en général, compter sur la surveillance des vétérinaires pour éviter une contagion par cette voie (d’ailleurs avec perte pour leurs propriétaires), il y aurait, par contre, un danger permanent et pratiquement impossible à éviter, provenant de la consommation du lait de bêtes tuberculeuses, soit par les adultes, soit surtout par les enfants. Ce danger, à lui seul, suffit évidemment à justifier toutes les appréhensions manifestées par la population de Bayonne et traduites par la protestation que vous avez élevée en son nom. 



De toutes ces considérations, il résulte à mon avis que la création projetée des égouts de Cambo ne pourrait être considérée comme sans danger pour les localités en aval, et pour la Ville de Bayonne en particulier, que si l’épuration des eaux résiduaires canalisées dans ces égouts doit être assurée d’une façon absolument certaine par un dispositif biologique ou autre qui ne pourrait comporter d’arrêts dans son fonctionnement (ce qui ne supprimerait pas d’ailleurs, l’absolue nécessité d’une surveillance rigoureuse et constante) ou bien encore si ces eaux étaient conduites par une canalisation bien étanche et close au moins jusqu’à la partie du cours de la Nive qui est atteinte par le reflux de la marée, ce qui en rend alors l’eau impropre aux usages domestiques. 



Veuillez agréer, monsieur le Maire, l’assurance de mes sentiments les plus distingués."




 



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