LES RETRAITES OUVRIÈRES ET PAYSANNES EN 1911.
La vie de nos ancêtres a longtemps reposé sur la solidarité inter-générationnelle et de menus travaux artisanaux. De nombreuses formes d'entraide volontaires existaient dès le Moyen Âge : corporations, société de secours mutuels.
La première profession à obtenir une compensation en période d'activité est celle des marins,
sous Louis XIV, à partir de 1673, grâce à Jean-Baptiste Colbert.
Voici ce que rapporta à ce sujet La Gazette de Biarritz-Bayonne et Saint-Jean-de-Luz, le 18 juin
1911 :
"Conférence sur les retraites ouvrières.
Répondant à l’appel de la municipalité de Biarritz, de nombreux concitoyens assistaient à la conférence sur les retraites ouvrières et paysannes, faite, au Cinéma-Palace, par M. Miro, vice-président de l’Union Mutualiste des Basses-Pyrénées.
M. Raulet adresse à l'assistance quelques mots de sympathique présentation du conférencier et immédiatement après avoir dégagé cette loi de toute question politique, M. Miro nous la démontre comme une loi humanitaire d’ordre économique et social. Il donne ensuite les principales raisons qui ont fait adopter le système du principe de l’obligation et de la triple participation de l’Ouvrier, du patron, de l’Etat, l’ouvrier y participant pour ne pas avoir l’aumône et relever ainsi sa liberté el sa fierté, le patron pour payer l’usure humaine, l’Etat au nom de la collectivité.
Passant ensuite en revue les principales dispositions de la loi, il nous fait saisir les nombreux avantages que l’assuré peut retirer en dehors de la Retraite proprement dite. Allocations aux veuves ou orphelins, retraites d’invalidité, etc... Il fait aussi ressortir les grands avantages et les sacrifices que fait la République pour ceux de la période transitoire, tant pour les assurés obligatoires que facultatifs. Il termine sa conférence en expliquant le mécanisme et les avantages des différentes Caisses admises à faire le service de la collecte. La mutualité seule dit-il, a une organisation prête, ses cadres sont formés et s’étendent sur toute la France.
CARICATURE : RETRAITES OUVRIERES MEFIANCE ! |
Dans sa péroraison, très applaudie, il fait un appel à tous pour faciliter l’application de cette loi essentiellement démocratique. La rébellion pouvant éloigner le terme des modifications à y apporter.
Nous pensons que les quelques explications données si loyalement et si sincèrement par le conférencier en des termes si précis, sur les avantages que les ouvriers trouveront à l’application de cette loi sociale, auront fait de tous les auditeurs des adeptes soucieux de vulgariser, à leur tour, auprès de leurs camarades, les termes de cette loi...
...Après le Sénat, la Chambre a tenu à avoir son interpellation sur les retraites ouvrières. Cependant, on connaissait à l’avance l’opinion inébranlable du Gouvernement, d'appliquer la loi telle qu’elle existe pour l'instant, et son désir de l’amender dans l’avenir. C’est dire que ce débat ne s'imposait pas avec la dernière évidence, et que la semaine ainsi occupée eut été plus productive, si on avait voté l’un quelconque de ces nombreux projets qui, tels que le contrat collectif, l’arbitrage, le statut des fonctionnaires, l’organisation de l’apprentissage, les lois scolaires pour ne citer que les plus importants, se traduiraient par un peu plus de bienfaisante justice pour le pays. Mais les députés en ont décidé autrement, et depuis huit jours, les interpellateurs se succèdent, les uns combattant la loi et demandant sa révision immédiate, les autres la soutenant.
Cette discussion produira-t-elle des effets favorables ? Il est permis d’en douter ; les travaux parlementaires restent généralement inappréciés, les discours sont peu lus, et les extraits qu’en donnent les quotidiens insuffisants pour se rendre exactement compte des arguments produits. C’est bien plutôt par une campagne de conférences auprès des intéressés eux-mêmes, dans tous les coins du pays, par la vulgarisation de la loi, qu’il eut été possible d’obtenir des résultats. A la propagande de surenchère qui se fait dans les villes, il faudrait opposer une propagande de persuasion, d’éducation, et celle-là, exception faite de quelques tentatives isolées, reste toute à accomplir.
CAISSE DES RETRAITES OUVRIERES |
Le nombre de corps de métiers opposés à la loi est, en effet, considérable, et M. Brizon, qui en a fait l’énumération, en a déduit que la loi ne pourrait rentrer en application qu'après suppression de la cotisation ouvrière, qui pèse d’un poids trop lourd sur les maigres salaires des travailleurs. Les lois sociales, il est vrai, exigent, du moins en partie, le consentement de ceux qui doivent en bénéficier, la contrainte ne produisant que des révoltes nuisibles à leur application. Aussi les avantages qu’elles procurent doivent-ils être évidents, visibles, tangibles. L’âge de 65 ans, fixé pour le bénéfice des pensions prévues par la loi apparaît, surtout aux ouvriers jeunes, comme tellement éloigné, qu’il leur semble inaccessible, et, pris par des besoins plus immédiats, ils préfèrent ne pas se préoccuper de ce que sera leur sort à un âge aussi avancé.
Les critiques des adversaires de la loi portent particulièrement, en effet, sur ces deux points spéciaux, car tout le monde se déclare partisan des retraites elles-mêmes. Pour rabaissement de la limite d'âge, il y a unanimité et, au Parlement, tous les partis la demandent. Il faut reconnaître, en effet, que si 50 p. 100 des jeunes gens de 18 ans arrivent à l’âge de 65 ans, il est des professions, telles que les verriers, les chauffeurs, les dockers, etc..., où la mortalité fait des ravages à un âge bien moins avancé. Or, il convient que les retraites soient servies au plus grand nombre d’ouvriers et pendant un temps convenable. L’âge de 60 ans qu’on a indiqué à diverses reprises apparaît comme celui qui devrait être, au plus vite, adopté pour l’époque de l’entrée en jouissance.
Pour le principe du versement obligatoire, il n’est pas à ce point nouveau qu’il explique les flots d’encre et les protestations véhémentes qui l’ont accueilli. Ainsi, la loi de 1894 impose aux mineurs une retenue de 2 p. 100 sur les salaires ; les employés des chemins de fer versent 5 p. 100 et les fonctionnaires sont astreints aux mêmes obligations. Il en est de même à l’étranger, en Allemagne et en Angleterre, partout où fonctionnent des lois de ce genre et, dans ces pays les ouvriers ne trouvent pas cet effort de prévoyance au-dessus de leurs forces. Mais après la cotisation ouvrière, il faudrait supprimer la cotisation patronale, et cela créerait un petit déficit de 100 millions qui viendrait s’ajouter aux 130 ou 140 millions supportés par le budget. Celui-ci pourrait-il supporter cette nouvelle charge annuelle ? Quelles sont les ressources nouvelles susceptibles de couvrir cette immense dépense ? Aucun orateur n’en a parlé ; en effet, l’embarras est grand, et malgré MM. Guesde et Brizon, le principe des cotisations ouvrières a prévalu.
LES RETRAITES OUVRIERES |
Quant à la capitalisation, qui a été assez mollement discutée, on peut dire qu’elle constitue, peut-être un peu aux dépens du présent, la sauvegarde de l’avenir, et assure le fonctionnement régulier, le paiement exact de la pension promise, sans porter dans la subvention de l’Etat des à-coups qui se répercuteraient sur les budgets futurs et pourraient mettre leur équilibre en sérieux danger. D’ailleurs, l’argent des cotisations conservé par les caisses régionales, mutuelles et syndicales, reste à la disposition des travailleurs, qui pourront lui faire produire une vaste floraison d’œuvres sociales bienfaisantes.
Pour les retraites, l’expérience de la vie nous montre que tous les aspirants fonctionnaires de l’Etat, ou presque tous, ont en vue le bénéfice futur d’une pension pour leurs vieux jours ; c’est là une vision très nette des besoins de l’avenir. Cette préoccupation s’impose à tout le monde et sa solution est de nature à ramener un peu de calme, d’espoir chez la plupart des travailleurs, trop absorbés par les besoins de la vie pour faire par eux seuls, œuvre de prévoyance.
TIMBRES RETRAITES OUVRIERES 1921 |
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