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mercredi 4 novembre 2020

SOUVENIRS DU PAYS BASQUE NORD EN 1841 (première partie)

SOUVENIRS DU PAYS BASQUE EN 1841.


Dans les années 1840, le tourisme au Pays Basque organise très souvent des excursions entre les lieux de villégiature principaux (Biarritz, Bayonne) et l'arrière-pays, souvent Cambo, réputée pour ses sources thermales.


pays basque autrefois labourd
CAMBO 1843
PAYS BASQUE D'ANTAN



Voici ce que rapporta à ce sujet le journal Le Constitutionnel, dans son édition du 14/03/1841 :



"Souvenirs des Pyrénées. "



Cambo. — Mondarrain. — La grotte d'Isturitz



Au pied du territoire de Larressore, la route pratiquée sur une chaussée rocheuse ouvre au regard un admirable paysage où les bois, les eaux, les roches, les champs cultivés, les fermes et les pentes escarpées des montagnes qui ferment le tableau, jettent ça et là leurs couleurs et leurs formes. Plusieurs allées plantées de jeunes arbres conduisent à Cambo, que la renommée de ses eaux minérales transforme deux fois, chaque année, en une élégante petite ville. Le Haut-Cambo ne présente qu'une longue ligne de belles maisons éclatantes de blancheur, posées sur une immense terrasse, au pied de laquelle une vallée, fort étroite jusque là, s'évase, pour se rétrécir encore, en remontant vers l'établissement thermal. La Nive s'élance du milieu des chênes touffus qui bordent ses deux rives, se glisse le long de la base de la terrasse de Cambo, et se perd au loin derrière les collines vertes qui accidentent la vallée. Entre la Nive et le Bas-Cambo, dont on aperçoit au loin les habitations clairsemées, on croit voir un immense tapis aux mille couleurs ; c'est un champ de blé qui ondule au soleil, c'est une pièce de terre labourée, ce sont des fleurs, des haies, de hautes herbes, interrompus çà et là par un petit sentier qui serpente jusqu'au village, par un attelage de bœufs ou par d'actifs travailleurs. Si votre fenêtre s'ouvre, par une belle matinée, sur cette riche et paisible vallée, vous comprendrez surtout cette vie calme et douce que les montagnes plus rapprochées semblent vous promettre ; vous admirerez longtemps cette belle décoration du paysage, cette végétation exubérante qui prend possession même des anfractuosités des rochers, et qui semble ne pas permettre à un seul pouce de terre d'attrister le regard par sa nudité. 



pays basque autrefois hôtel
HÔTEL D'ANGLETERRE CAMBO
PAYS BASQUE D'ANTAN



Cambo, c'est la première station des montagnes, c'est le premier relai de cette chaîne pyrénéenne, tour à tour si gracieuse, si fertile, si indigente et si sombre, où dorment ensevelis tant de souvenirs et tant de richesses ; Cambo, ce n'est pas encore le luxe, l'éclat et la renommée de Bagnères ; mais en respirant cet air heureux et pur, en se mêlant à cette population saine et forte, on comprend déjà que l'air, la population et la beauté du pays concourent largement aux cures merveilleuses des eaux minérales. Cambo, c'est pour ainsi dire une compensation de Biarritz, une marine de Vernet et un paysage de Claude Lorrain ; on ne les préfère pas l'un à l'autre, mais ils plaisent différemment. 


pays basque autrefois labourd
CAMBO
PAYS BASQUE D'ANTAN


L'église de Cambo, placée à des extrémités de la haute terrasse dont nous avons parlé, est ceinte de son cimetière ; comme dans tout le pays basque, c'est un beau jardin où chaque tombe est ornée de rosiers plantés et entretenus par des mains pieuses. Ici, les fleurs les plus fraîches témoignent de la douleur la plus vive ou la plus récente ; et personne ne s'y trouve encore chargé, moyennant une rétribution mensuelle, d'entretenir des regrets de convention. L'église est simple, blanche et peu ornée ; la population du Haut et du Bas-Cambo, celle des fermes voisines et quelques baigneurs s'y portent en foule le dimanche ; et c'est un singulier spectacle que ce contraste des fracs modernes et des vestes de velours, des ceintures rouges, des berrets et des cheveux flottants, que ces chapeaux de soie et ces robes élégantes, égarés au milieu des vêtements noirs ou bruns et des mouchoirs éclatants des Basquaises. Vieilles femmes et jeunes filles se cachent également sous un mantelet uniformément noir, mais plus où moins riche, de serge, de mérinos, de satin même, et plus on moins orné. Le mantelet basque est moins coquet que la mantille espagnole ; celle-ci, d'ailleurs, est une coiffure nationale, tandis que les Basquaises ne font usage du mantelet qu'à l'église ; on dirait que cette partie du vêtement, en cachant en quelque sorte les traits, doit aider au recueillement et à la prière. 



pays basque autrefois eglise

EGLISE CAMBO
PAYS BASQUE D 'ANTAN




Après un quart d'heure de marche vers le sud-est du bourg, un chemin facile et ombragé aboutit à l'établissement thermal situé sur la rive gauche de la Nive, qui s'élance et se replie plus loin à travers des taillis et des amoncellements de galets. Un triple étage de collines semble encaisser cette petite vallée, et lui donner le silence, la fraîcheur et la beauté. Les observations recueillies sur les résultats obtenus par les eaux minérales de Cambo, doivent augmenter chaque année leur clientèle déjà nombreuse, et fixer les goûts capricieux de cette population élégante et nomade qui use pêle-mêle des eaux pyrénéennes comme préservatif, et qui cherche surtout des sites nouveaux et un peu moins d'ennui. 



pays basque autrefois labourd
CAMBO
PAYS BASQUE D'ANTAN



Cambo n'est pas encore une de ces promenades banales, un de ces paysages, bien achalandés et décrits dans tous les in-8° qui prétendent à une seconde édition. Les médecins n'ordonnent pas encore Cambo contre le spleen et les vapeurs de nos dandys cosmopolites ; notre village, si calme et si retiré, n'a pas endossé la livrée du grand monde, ses montagnes, ses grottes et ses vallées sont vierges encore de ces caravanes d'oisifs ennuyés, dont l'admiration se fait d'avance un prospectus commode de sensations. C'est un sol à exploiter, une nouvelle page pyrénéenne à mettre en circulation, une nouvelle succursale à donner au bois de Boulogne et au parc de Saint-James. C'est un voeu que nous sommes forcés d'exprimer, au nom de la renommée future de Cambo. 


pays basque autrefois cambo

CAMBO
PAYS BASQUE D'ANTAN




Les débris historiques ne peuvent pas être rares sur un sol qui porte un des peuples les plus anciens et les plus illustres de l'Europe. Les châteaux, les enceintes fortifiées, des tours démantelées, s'élèvent eu milieu de ces montagnes, et semblent rappeler ces conquérants romains aux barbares dont l'épée s'est brisée contre l'indépendance des anciens habitants. Au sud-est de Cambo, et sur la gauche de la route d'Espelette, on rencontre les vestiges d'un camp appelé camp de César, mais auquel il faut donner forcément une autre explication et une date plus récente. César lui-même, dans son livre de bello Gallico, ne dit pas que ces légions aient pénétré dans cette partie des Pyrénées. Ce conquérant entra deux fois en Espagne : la première fois par la Catalogne, et la seconde fois au-delà d'Oloron, après avoir cherché vainement à forcer le passage des Pyrénées-Occidentales, dont les Basques gardaient, toutes les gorges. 



Plus tard, lorsque Auguste voulut en finir avec ces deux peuples impatients et guerriers (les Asturiens et les Basques), qui lui disputaient seuls la paisible jouissance de l'Espagne et de l'Aquitaine, les légions romaines, suivant les récits de Plutarque, de Strabon et de Florus, inondèrent les montagnes, et une longue et sanglante lutte s'engagea. C'est à cette époque qu'il faut placer la construction du camp qu'on retrouve près de Cambo ; on comprend bien que cette position accidentée et naturellement forte a dû être choisie par un peuple qui défendait pied à pied son indépendance ; on sait que la nation basque tout entière prit part à cette guerre, qu'elle fut vaincue, mais non pas soumise, s'il faut croire le témoignage de Plutarque, le biographe d'Auguste. 


pays basque autrefois cambo
CAMBO
PAYS BASQUE D'ANTAN



Nous abandonnerons, d'ailleurs, toute faculté aux conjectures, et nous continuerons notre excursion vers Itxatsou, en suivant curieusement ce chemin qui tantôt court entre les deux murs sans ciment d'un verger et d'un champ de maïs, tantôt franchit une côte escarpée ou plonge dans des allées de cerisiers jetés dans cette commune avec une merveilleuse prodigalité. A mesure qu'on marche, les montagnes se rapprochent et grandissent ; les maisons d'Itxatsou se montrent au milieu des arbres, avec leurs auvents en saillie et leurs balcons de bois ; il est impossible d'imaginer, une position plus calme et plus retirée ; un paysage d'une couleur plus agreste ; les montagnes y réfléchissent, pour ainsi dire, leur silence et leur recueillement. L'église paroissiale apparaît ensuite assez éloignée du village ; dans le cimetière, que la langue basque appelle poétiquement Illerri (région des morts), chaque tombe est indiquée par une pierre taillée en trèfle et placée verticalement. L'intérieur de l'église est vaste et fort riche. Là, comme dans tout le pays basque, un triple étage de galeries en bois pour les hommes, et des nattes noires étendues dans la nef pour les femmes ; le maître-autel est étincelant de dorures ; des colonnes torses, de nombreuses sculptures sur bois, représentant la passion du Christ ; la voûte, peinte en bleu azur et parsemée d'étoiles, font de l'église d'Itxatsou une des plus remarquables du Labourd. 



pays basque autrefois eglise
EGLISE D'ITXASSOU LABOURD
PAYS BASQUE D'ANTAN


A quelque distance de l'église d'Itxatsou, l'aspect du pays change brusquement ; il n'y a plus ni arbres, ni champs, ni pâtres, ni troupeaux ; on est sur le seuil de cette gorge profonde et pittoresque, à laquelle le nom du preux Rolland est resté. Deux sauvages montagnes parallèles forment cette gorge, qui s'ouvre de l'Ouest à l'Est. Leurs bases rapprochées encaissent la Nive, semblable à un torrent écumeux, et leurs doubles parois se hérissent d'immenses blocs en saillie, de bruyères épineuses et de genets aux fleurs jaunes. Le chemin, taillé dans les flancs de la montagne, est élevé de quelques pieds au-dessus de la Nive, et suit la rive gauche ; d'innombrables et gigantesques quartiers de roches se sont séparés de toutes parts de la montagne : les uns ont roulé jusque dans le lit de la rivière, qui gronde et tourbillonne contre leurs masses ; les autres se sont arrêtés dans leur course, et restent suspendus avec des formes bizarres à quelques pieds du chemin ; des sources nombreuses qui filtrent autour d'eux, les détachent graduellement du sol, et finissent par les précipiter en terribles avalanches dans le lit de la Nive. Il est un moment où la courbure de la gorge vous cache la campagne ; vous n'avez autour de vous que les têtes grisâtres et menaçantes des rochers ; à vos pieds, la course impétueuse d'un torrent, et, sur votre tête, une bande étroite du firmament resserré entre la double ligne des montagnes. Vous rêvez alors de quelque sombre composition de Salvator Rosa, et votre imagination, vivement surexcitée par cette effrayante solitude, vous montrera derrière chaque taillis la tête et la carabine également expressives d'un brigand italien. Le chemin monte lentement, puis descend encore, et vous avez devant vous le Pas-de-Roland, un large rocher dont l'ouverture présente la forme d'un pied gigantesque. Le preux Roland a laissé dans les Pyrénées de nombreux témoignages de sa force et de sa valeur ; à Gavarnie, c'est la brèche de Roland ; à Itxatsou, c'est le Pas-de-Roland ; à Roncevaux, c'est le souvenir de sa mort et sa masse d'armes, qu'on y conserve comme une précieuse relique. 




pays basque autrefois pas de roland
PAS-DE-ROLAND ITXASSOU 
PAYS BASQUE D'ANTAN



A quelques pas plus loin, la gorge s'ouvre et s'éclaire ; la Nive coule paisible dans un plus large bassin ; un pont revêtu de lierre traverse un ruisseau ; quelques fermes se montrent ça et là, et le paysage, sans rien perdre de sa variété, devient plus riant et plus champêtre. 



Le Mondarrain est un des pics les plus saillants de l'extrémité occidentale de la chaîne pyrénéenne ; il fait partie de ce large rideau qui semble s'abaisser vers la mer, en laissant un étroit passage pour la route d'Espagne ; c'est un cône massif dont la crête dentelée et nu annonce un amoncellement de rochers ; vous traversez la commune d'Itxatsou, et lorsque vous commencez à gravir le chemin pierreux qui conduit au sommet de la montagne, le riche paysage que vous avez laissé derrière vous se groupe, s'éclaire, et ressemble peu à peu à une immense toile où le travail patient de mille peintres auraient fait jaillir des merveilles."



pays basque autrefois montagnes
RESTAURANT ET MONDARRAIN ITXASSOU
PAYS BASQUE D'ANTAN



A suivre...



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