LOTI ET LA GROTTE D'ISTURITZ.
La grotte d'Isturitz, connue depuis des centaines d'années, est visitée par Pierre Loti en 1893.
VUE PANORAMIQUE DE LA TERRASSE DES GROTTES D'ISTURITZ PAYS BASQUE D'ANTAN |
Voici ce que rapporta à ce sujet la Gazette de Biarritz-Bayonne et Saint-Jean-de-Luz, dans son
édition du 10 juillet 1925 :
"Le Pays Basque vu par Pierre Loti.
La Grotte d’Isturitz.
Il y a quelques jours nous rappelions l'anniversaire de la mort de Loti, puis nous avons demandé qu’on apposât une plaque sur la maison où il mourut à Hendaye. Le Pays Basque lui doit ce souvenir. Voici une jolie description des grottes d’Isturitz :
Toutes les grottes du monde se ressemblent plus ou moins ; leurs galeries, leurs stalactites, leurs dômes, sont de même architecture. Les mêmes mystérieux génies — ceux qui inventent les formes des lentes cristallisations, ceux qui président aux métamorphoses de la matière inorganique — ont pris soin de diriger, pendant des millénaires, avec des patiences éternelles, leur ornementation blanche.
LES GROTTES D'ISTURITZ ET D'OXOCELHAYA PAYS BASQUE D'ANTAN |
Celle d’Isturritz mérite d’être vue, bien qu’il en existe assurément de plus étonnantes.
Elle est située au cœur du vieux Pays Basque, où nous nous enfonçons par des chemins ombreux, à travers des ravins et des bois. A mi-côte, elle s’ouvre dans le flanc d'une montagne sauvage.
D’abord, il nous faut grimper par des petits lacets, au milieu des roches, des sources, entre des tapis odorants de menthes et d’œillets. La contrée d’alentour, à mesure que nous nous élevons, se découvre pareille jusque dans ses lointains ; pastorale, toute d’ombre et de paix, avec de grands bois, et, çà et là, de vieilles petites églises noyées dans les arbres.
Le paysan d’Isturitz qui nous guide nous ouvre avec une grosse clef, et tout de suite nous pénétrons dans le mystère des régions souterraines, dans le noir, dans l’humidité froide, dans le silence aux sonorités effrayantes.
VISION ORIENTALE GROTTES D'ISTURITZ PAYS BASQUE D'ANTAN |
Nous descendons dans le gouffre par une pente raide. De plus en plus, au-dessus de nos têtes, les plafonds s’élèvent, et les flammes de nos bougies y sont absolument perdues, comme dans les ténèbres d une cathédrale.
Nous voici dans la grande nef. Au mi lieu, malgré cette obscurité de rêve où tremblent nos petites lumières on distingue vaguement quelque chose de gigantesque, qui se dresse dans une pose presque humaine ; c’est tout blanc et laiteux, cela semble un colosse en albâtre qui essaierait de toucher la voûte avec la tête.
Notre guide jette au pied de ce personnage une botte de paille qu’il avait apportée ; tout à l’heure il y mettra le feu, et ce sera le grand spectacle final.
TEMPLE DE BOUDDHA GROTTES D'ISTURITZ PAYS BASQUE D 'ANTAN |
Auparavant, il veut nous emmener dans plusieurs galeries latérales où sont pétrifiées toutes les variétés de ces choses ou de ces êtres qui hantent les cauchemars. Les stalactites, aux aspects infiniment changeants, sont groupés là par familles, par formes à peu près comme si les génies de la grotte avaient pris la peine de les classer.
Telle galerie est consacrée plus spécialement aux franges légères, si fines quelque fois qu’on les briserait en les touchant ; elles descendent de partout comme une pluie figée, elles pendent de la voûte en guirlandes innombrables ; franges de toutes les tailles, très longues ou très courtes, qui se séparent ou s'emmêlent, avec une surprenante diversité de caprice.
Ailleurs, ce sont comme de longs doigts blancs de cadavre, tantôt ouverts, tantôt crispés en griffe ; on dirait des collections de bras et de mains, les uns absolument géants, qui seraient appliqués, enchevêtrés, superposés à profusion centre les parois froides. Mais jamais un angle vif, jamais une arête nulle part ; tout est d’un même aspect de crème qui exclut l’idée de dureté : on s’attend à ce que cela cède sous la moindre pression et on est surpris, quand on y touche, par cette rigidité de marbre.
PALAIS DES 1 001 NUITS GROTTES D'ISTURITZ PAYS BASQUE D'ANTAN |
Çà et là un monstre, également blanc de silhouette inquiétante, se dresse ou s’accroupit, imprévu au milieu d’une allée, ou bien tapi dans un recoin d’ombre... Et, si l'on songe que la moindre de ces immobiles bêtes a dû demander pour le moins deux mille ans de travail aux Génies décorateurs du lieu, on en arrive à des conceptions de patience, à des conceptions de durée un peu écrasantes pour nos brièvetés humaines...
Ailleurs, enfin, c’est la région des grosses formes animales arrondies et molles : entassements de trompes et d’oreilles d’éléphants, monceaux de larves, d’embryons humains à têtes énormes sans yeux, tout le déchet d'on ne sait quels enfantements n’ayant pu prendre vie... Et toujours ces êtres isolés, séparés de la masse confuse des germes, assis n’importe où, membres ballants et oreilles pendantes.
PERSPECTIVES FEERIQUES GROTTES D'ISTURITZ PAYS BASQUE D'ANTAN |
Quand nous revenons dans la première nef, notre guide allume son feu de paille, et l’obscurité lourde s’en va, se recule dans les bas-côtés, dans les couloirs profonds d'où nous venons de sortir. A la lueur de cette flamme rouge, la haute voûte de cathédrale se révèle, apparaît toute festonnée et frangée ; les piliers se dessinent, ouvrages curieusement du haut en bas ; le colossal spectre blanc, entrevu tout à l'heure à l’arrivée, semble tout à fait une femme drapée dans ses voiles, et son immense ombre monte, descend, danse sur les parois de ce lieu un peu effroyable...
Alors on reste confondu devant la raison des choses, devant l'énigme des formes, devant le pourquoi de cette magnificence étrange, édifiée dans le silence et les ténèbres, sans but au hasard, à force de centaines et de milliers d’années, par d'imperceptibles suintements de pierres.
LE PERE NOEL GROTTES D'ISTURITZ PAYS BASQUE D'ANTAN |
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire