L'EMBOUCHURE DE LA NIVELLE.
Le fleuve côtier Nivelle prend sa source en Navarre et se jette dans le golfe de Gascogne, dans la baie de Saint-Jean-de-Luz.
NIVELLE PAYS BASQUE D'ANTAN |
Voici ce que rapporta le Bulletin du Musée Basque N°21-22 en 1942-1943, sous la signature de
Pierre Dop :
"La Nivelle à son embouchure.
Jusque vers le milieu du XIXème siècle, rien ne fut entrepris pour la disparition des marais qui s'étendaient depuis Billitorte, le long de la Nivelle, jusqu'à Saint-Jean-de-Luz, et, pour préciser davantage, jusqu'au château Louis XIV et les maisons à sa hauteur.
Depuis lors, ils ont été comblés peu à peu, et la rivière endiguée.
Saint-Jean-de-Luz y a perdu, sans qu'on puisse le regretter, les origines de son nom. Car Luz vient très probablement, par suite de modifications successives, de Lohitzun, marais, terme qui entre toujours dans l'appellation basque "Donibane Lohitzun", littéralement Saint-Jean-le-Boueux.
Du même coup, les Luziens ont perdu l'épithète de "basakoak", habitants de la vase, qu'on leur appliquait dans le temps, alors qu'à leurs voisins de Ciboure, revenait celle de "arekoak", habitants des sables.
"Basakoak" et "arekoak", tels étaient, il y a trois quarts de siècle encore, d'après un chroniqueur de vieux souvenirs locaux, les cris de guerre par lesquels se défiaient les gamins des deux bourgades par dessus le chenal d'embouchure de la rivière. Et les défis étaient suivis d'un mitraillage de cailloux d'une rive à l'autre, jusqu'à épuisement des munitions rassemblées.
Derniers vestiges d'une rivalité, d'une inimitié séculaires ; aussi vieilles que la formation de Ciboure elle-même en face de Saint-Jean-de-Luz, et qui grandirent avec elles. Elles se maintenaient héréditairement dans les familles. Elles atteignirent leur paroxysme à l'époque des procès de sorcellerie, où la haine s'assouvissait dans des accusations mutuelles.
Des rencontres sanglantes avaient lieu souvent entre adversaires sur le terrain nu d'une île située entre les deux localités au milieu de la rivière.
Véritable état de guerre, contre lequel les magistratures municipales cherchèrent enfin à réagir sérieusement. Pour pacifier les esprits, on convint de faire appel à des religieux. C'étaient des Récollets. Ils arrivèrent en 1611, et, faisant valoir des raisons qui masquaient le véritable motif, demandèrent à s'installer dans l'îlot même, théâtre ordinaire des combats. On accepta, et, pour sceller l'accord au plus tôt sans attendre l'édification d'un couvent, on décida d'élever une grande croix sur son futur emplacement.
Ce fut l'occasion d'une grande cérémonie. Les habitants de Saint-Jean-de-Luz s'y rendirent en foule, formant un cortège dont faisaient partie les plus hautes notabilités du Labourd. Mais ceux de Ciboure, quoique invités, n'y parurent pas. Bien plus, le lendemain, ils se rendirent en masse dans l'île et en arrachèrent la croix. L'indignation des Luziens fut grande, et de part et d'autre on voulait de nouveau en venir aux mains...
Cependant les choses s'arrangèrent rapidement. Les magistrats s'expliquèrent entre eux. Il s'agissait, paraît-il, pour Ciboure d'une question de droit de propriété sur le sol de l'île. D'un commun accord la question fut réservée, et les deux paroisses, cette fois-ci réunies, replacèrent la croix. L'une et l'autre participèrent aux frais de construction du couvent et d'une grande chapelle qui fut dédiée à Notre-Dame-de-la-Paix.
Comme l'indique le nom basque de "Zubiburu" qui veut dire "tête de pont", c'est l'établissement d'un pont qui provoqua la formation de Ciboure. On croit que c'est à partir du XIVème siècle que l'emploi de bacs fut ainsi remplacé.
Le pont ne fut pas toujours au même endroit. D'abord plus proche de l'embouchure, plus tard il fut reporté en amont. Partant du côté ouest de la mairie de Saint-Jean-de-Luz, il rejoignait Ciboure en s'appuyant au passage sur l'îlot situé entre les deux localités. Entièrement en bois, il s'ouvrait au milieu pour permettre la traversée des bateaux. Tel nous le présente la gravure d'Ozanne de la fin du XVIIIème siècle....
PORT DE ST JEAN DE LUZ AUTREFOIS PAYS BASQUE D'ANTAN |
Ce pont connut le passage de personnages célèbres, comme le roi François 1er. Rentrant de captivité, il foule à nouveau le sol de son royaume, et s'éloigne, tout heureux, de la frontière, accompagné des princes du sang, de nombreux gentilshommes, d'une troupe importante, formée de corps choisis. La foule l'acclame avec joie et enthousiasme. Et quand il gagne l'entrée du pont, il n'y a que quelques instants qu'on l'a entendu s'écrier :"Je suis encore roi de France ! "...
C'est de nuit que sur le même pont se déroula un autre cortège, le plus fameux de tous. Il accompagnait l'Infante Marie-Thérèse depuis son entrée en France, entrée que Louis XIV avait voulue triomphante. Le carrosse qui l'amenait et qu'occupaient avec elle la Reine Mère, le Roi et son frère, était brodé d'or et d'argent. Presque tous les chevaux avaient des plumes et des aigrettes. Housses et habits étaient couverts de broderies. L'escorte, imposante, était commandée par d'Artagnan qui se disait paré comme un autel de confrérie et avoir pour 20 pistoles rien qu'en rubans sur son cheval...Les torches pour éclairer le cortège étaient innombrables. Et, d'après un témoin du temps, l'abbé de Montreuil, il faisait aussi clair qu'en plein jour.
PORT DE ST JEAN DE LUZ 18EME SIECLE PAYS BASQUE D'ANTAN |
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire