LES MASCARADES EN 1923.
La mascarade souletine (Xiberoko maskarada) est un rite carnavalesque itinérant, passant de village en village, de janvier à avril.
MASCARADE DE CHERAUTE 1934 PAYS BASQUE D'ANTAN |
Voici ce que rapporta la presse, dans diverses éditions :
- la Gazette de Biarritz-Bayonne et Saint-Jean-de-Luz, dans son édition du 8 février 1923 :
"Les Mascarades de Carnaval au Pays Basque.
Avant que se terminent les fêtes de ce trop court Carnaval, nous devons à nos lecteurs de consacrer quelques lignes à une vieille coutume basque, aux mascarades qui, de toutes parts, ont lieu en ce moment dans tout le Pays Basque.
Ces mascarades se ressentent des mystères du Moyen Age, dont elles sont la continuation et le souvenir, et elles nous font revivre cette époque déjà lointaine.
C’est assez dire si elles sont toujours intéressantes, malgré leur tenue annuelle, et si elles sont goûtées des amateurs.
Nous y retrouvons toujours dans le même ordre, tel que nous l’a légué la tradition : en tête, le "charrero", qui ouvre la marche du cortège en faisant tinter joyeusement les grelots de son costume, et en essayant avec un bâton des moulinets rapides et gracieux ; il rappelle le tambour-major en tète du régiment.
CHERRERO PAYS BASQUE D'ANTAN |
A ses côtés, marche la cantinière revêtue du costume traditionnel (corsage, tablier, cotillon bleu, baril en bandoulière) ; de temps en temps, elle fait mine de verser un coup à boire au personnage qui la suit, et qui n’est autre que le fameux Chibalet, le personnage le plus important de la mascarade, ainsi appelé parce qu’il porte sur ses hanches le corps d'un cheval, avec sa tète, sa croupe recouverte de dentelles ; c’est toujours le meilleur danseur basque de la troupe.
CHIBALET ET CANTINIERE PAYS BASQUE D'ANTAN |
Nous n’aurions garde d’oublier dans ce cortège symbolique le paysan et sa femme, "lou paysaa" et la "paysano", dont la tête est coiffée de rouge, et qui portent chacun à la main une gaule remplie de fleurs ; les rémouleurs, les chaudronniers...; tous les corps de métier... avec leurs emblèmes particuliers, leurs costumes pittoresques.
Et pendant qu'eu tête le charrero annonce le cortège au son des grelots de son veston, plus bruyants, pour ajouter à la fête, dansent des bohémiens "bouhemis" en costume national, qui tirent en l’air des coups de fusil à blanc.
BOHEMIENS RETAMEURS PAYS BASQUE D'ANTAN |
L’ordre de ce cortège... curieux est assuré par un danseur, travesti en chat, dont il a toute la souplesse et toute la douceur, et "Gat", accompagnée de huit "cueuilleros", ou commissaires, qui écartent et font ranger sur le passage la foule des curieux.
Mais le chef de la mascarade est sans contredit celui qu'on appelle le "moussu", et qui, revêtu d’un costume de sous-préfet, le visage recouvert d'un masque, danse lentement et gravement, donnant le bras à sa "damo", dont la figure se cache sous un voile blanc.
Le plus intéressant d'une mascarade, si intéressante déjà par les personnages qui la composent, est sans contredit : la danse du verre, autour duquel, sut un verre à moitié rempli de vin et posé à terre, les meilleurs danseurs (le plus souvent le charrero, le gat, la cantinière et le chibalet) exécutent des figures et des mouvements d'une légèreté et d’une élasticité surprenantes ; et enfin le "Branlou" qui termine la fête, et dans lequel, tous se tenant par la main, forment une longue chaîne et dansent... sous la direction du "moussu", le chef de la bande, et sous un rythme tout particulier. Il faut les voir, y assister, pour s’en rendre réellement compte.
Trop heureux serons-nous cependant si ces quelques lignes éveillent chez quelques-uns de nos amateurs de vieux souvenirs, de vieilles coutumes, l’idée d’aller, cette fin de Carnaval, au Pays Basque, assister au défilé des mascarades d'antan et aux danses si curieuses du "godallet", du "branlou" et des sauts basques."
- la Gazette de Biarritz-Bayonne et Saint-Jean-de-Luz, dans son édition du 14 février 1923 :
"Le Carnaval au Pays Basque.
C'est le carnaval, l'époque des cortèges masqués ou déguisés. A ce sujet, M. J.-B. Caubisens écrit dans la "Dépêche de Toulouse" :
Deux mascarades de danseurs basques ont été organisées pendant ce Carnaval, dans le pays de Soule.
Chaque dimanche, elles visitent un village, où, toujours, elles reçoivent l'accueil le plus chaleureux et l'hospitalité la plus franche et la plus cordiale.
Les danses terminées, les habitants se disputent les personnages pour les recevoir à leur table, dans un plantureux repas, et de joyeuses libations.
Vers dix heures, le défilé commence et le cortège avance dans une danse légère et interminable, s'arrêtant un instant devant la porte des principales maisons. On boit un coup et l'on repart aussitôt. Ce sont les barricadas.
En tête marche gravement le joueur de chioula, churula, espèce de fifre dont les notes aigrelettes scandent l'air traditionnel du défilé, air à la fois de marche et de danse, auquel le jarret basque peut seul obéir. Un tambour et un tambourin l’accompagnent.
Immédiatement après, le charrero txerreroa, espèce de courrier ou d'estafette, armé d'une longue perche surmontée d'un panache en crin, avec lequel il balaie, en dansant, les lieux à parcourir, dissipe les attroupements de curieux, ménage un passage libre au défilé.
Ceint de grelots qui tintent joyeusement, ce beau gaillard, d’un pas élastique, tourne, pirouette, en faisant des moulinets rapides et gracieux avec son bâton.
A son coté, la cantinière (kantiniersa), cotillon bleu, tablier blanc, corsage rouge, porte un petit baril à sa ceinture. De temps en temps, elle fait le signe de verser une rasade au chibalet qui suit.
CANTINIERE PAYS BASQUE D'ANTAN |
Ce chibalet (zamaitzaina), est le principal et le plus intéressant personnage de la mascarade. Adaptée à ses hanches, une pièce en bois léger représente un petit cheval : tète toute menue sculptée en avant, croupe arrondie et recouverte d’une housse blanche en dentelle, le tout se balance mollement au gré du danseur. Le pied glisse ou se dérobe, dans une marche agréable et sévère, élégante et noble, dans un choix aimable de gestes et de poses cadencées. Il représente l'écuyer ou le chevalier féodal.
CHEVAL ET CANTINIERE PAYS BASQUE D'ANTAN |
Eth Gat (gathia, gathuzaiua), le chat, avance, souple, délié, alerte, écartant doucement la foule, suivi de huit cueuilleros, tenant à la main une badine ornée de rubans qu'ils croisent, deux à deux, à chaque évolution ou mesure de danse : ce sont les gentilshommes.
GATUZAIN PAYS BASQUE D'ANTAN |
A pas mesurés avancent le Moussu (Jaüna) et la Damo (Andéria) ; ils représentent le seigneur et la châtelaine. Le Moussu, en uniforme de sous-préfet, danse, grave, sur un rythme lent, le masque impassible et impénétrable ; il est le chef de la troupe. Vertueusement il essaie de distraire son Andéria qui, modestement, baisse les yeux sous son voile blanc. *
Quatre haourés (aroteek), chargés de ferrer le chibalet, portent les outils de maréchal-ferrant. Les crestadous (kherestouac), en costume de velours, makila au dos, châtreront tout à l'heure le fougueux cheval.
Le paysaa (laboraria) et la paysano (laborarixa), longue gaule fleurie sur l'épaule, bonnet rouge, précèdent quatre bouhèmia (moukomiak), qui tirent des coups de fusil à blanc, dont les détonations font tressaillir es lès etchouxiac, rémouleurs et chaudronniers : ce sont les seris (eskelleria).
Au milieu de la place publique, d'un pré ou d'un plancher élevé, dressé à cet effet, le chibalet, le chat, la cantinère et le charrero se font admirer dans le Godalet Dantza. Autour d'un verre à moitié plein de vin, posé à terre, à tour de rôle, dans des mouvements nerveux d'une légèreté et d'une élasticité surprenantes, il font des entrechats, effleurant le verre par-dessus, par côté, sans le toucher jamais. De la pointe du pied gauche le chibalet se tient en équilibre dessus, s’enlève, trace en l'air, du pied, le signe de la croix et retombe à terre ; il recommence la même danse en s'enlevant du pied droit et continue sans que le verre ait bougé.
GOBALET DANTZA PAYS BASQUE D'ANTAN |
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