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vendredi 27 septembre 2019

UNE COURSE DE TAUREAUX À BAYONNE SAINT-ESPRIT EN LABOURD AU PAYS BASQUE EN OCTOBRE 1855 (troisième et dernière partie)


UNE COURSE DE TAUREAUX À SAINT-ESPRIT EN 1855.

Saint-Esprit, quartier de Bayonne, est la plus ancienne place taurine de France.

pays basque autrefois corrida
COURSE DE TAUREAUX BAYONNE 1856
PAYS BASQUE D'ANTAN

Je vous ai déjà parlé de cette course de taureaux, en 1855, à Saint-Esprit, dans un article 

précédent.

Voici ce que rapporta à ce sujet le Journal des débats politiques et littéraires, dans la seconde 

partie de cet article,  toujours dans son édition du 6 octobre 1855, sous la plume de Louis 

Ratisbonne :





"...A ce récit abrégé, mais fidèle, est-il bien nécessaire d'ajouter quelques réflexions ? Pour faire condamner ce spectacle, ne suffit-il pas de l'avoir raconté ? Je souhaite de tout mon cœur que la France laisse ce divertissement à l'Espagne où il est de tradition ; non, bêlas ! que j'ose prétendre qu'il n'entrerait pas dans nos mœurs. La part bruyante que le public de Saint-Esprit et de Bayonne a prise à l'action dans ces courses dont j'ai eu le malheur et le tort d'être témoin me donnerait, je le crains, un démenti. Il faut considérer pourtant que cette représentation avait lieu au pied des Pyrénées, à la porte de l'Espagne ; j'ai peine à croire que le public de Paris soutiendrait toutes les parties de ce spectacle, qu'il supporterait surtout de voir ces chevaux si cruellement, si lentement torturés, et qui jouent le rôle de patients dans la lutte où ils pâtissent de la maladresse du picador. On conçoit que l'on s'intéresse à l'adresse et au sang-froid de l'homme aux prises avec une bête sauvage ; le danger qu'il court procure en outre une émotion violente qui fait l'affreux attrait de ce spectacle. Mais comment supporter sans horreur, sans que la pitié se révolte dans notre âme, la vue de ces chevaux qui vont, martyrs muets, promenant dans l'arène sous l'éperon, sous le poignard du cavalier leurs entrailles fouillées par le taureau ? On peut ne pas aimer les hommes, mais il n'est pas permis de haïr à ce point le cheval.






Que ceux qui aiment les spectacles où la vie de l'homme et des animaux est en péril, fréquentent les champs de course, les hippodromes, les cirques. Ils ont de quoi se satisfaire. Parfois le cavalier s'y casse les reins, le cheval tombe pour ne plus se relever, les acrobates y font des sauts périlleux et des sauts mortels, d'autres se suspendent à la nacelle des aéronautes, et on a la chance de voir un jour ou l'autre un de ces malheureux se fracasser la tête. Du moins, dans ces spectacles, le sang et la mort ne sont qu'un accident, ils ne sont pas le but obligé, le dénouement invariable comme dans une course de taureaux où les animaux sont dévoués à une mort certaine, où l'homme lui-même est en perpétuel danger de mort. On s'indigne des combats de gladiateurs chez les Romains. De ces combats aux courses de taureaux il n'y a qu'un pas. Les hommes y luttaient contre des bêtes féroces avant de se déchirer entre eux. L'amphithéâtre ne pouvait pas faire éclater plus de frénésie et de transports que je n'en ai vu à Bayonne, et les femmes qui agitent leurs mouchoirs à la vue de l'homme blessé, du cheval éventré ou du taureau expirant, ne diffèrent pas essentiellement, il me semble, de ces vestales qui décidaient avec le pouce de la vie ou de la mort des gladiateurs.


pays basque autrefois corrida
CORRIDA BAYONNE
PAYS BASQUE D'ANTAN




Les courses de taureaux sont une véritable école de férocité. Le lendemain de la représentation, une feuille de Bayonne dénonça à l'indignation publique le fait suivant : Un cheval, après avoir figuré dans les courses et avoir été mis dans un état désespéré, fut traîné encore vivant, et la corde au cou, par une bande de gamins jusqu'au bord de l'Adour et précipité dans le fleuve. La pauvre bête revient sur l'eau et nage vers le bord, on l'écarte à coups de pierres ; elle revient encore : des mariniers lui assènent leurs rames sur la tète et le repoussent avec leurs gaffes : l'agonie du cheval dure ainsi plus d'une heure aux cris joyeux de la populace accourue sur le rivage. C'était le digne épilogue d'une course de taureaux.






Il y a des spectacles qui rendent l'homme plus doux, plus policé, sinon plus moral ; il y en a d'autres qui l'abrutissent : celui-ci est du nombre. Encore une fois, nous espérons que l'introduction des courses de taureaux en-France n'est pas définitive, et que l'autorité avisera. En Espagne, il est arrivé qu'en temps de disette le peuple s'est révolté, comme les Romains de la décadence, aux cris de Pan y toros ! (du pain et des taureaux !) Est-ce là ce que nous voulons ? Le jour où un prince français, Philippe V, s'assit sur le trône d'Espagne, il manifesta si vivement son dégoût pour ce genre de spectacle, que la noblesse, qui jusqu'alors figurait dans ces luttes, dut y renoncer, et les arènes furent abandonnées au peuple. Voilà la tradition française qui nous parait devoir être revendiquée. L'entrepreneur des courses de Bayonne a obtenu, dit-on, un privilège pour dix ans. Il nous semble que la loi Grammont souffre un peu de cette concession. Elle défend de maltraiter les animaux, et voici des chevaux qu'on torture et des taureaux qu'on tue en détail. L'entrepreneur me répondra que ce sont des taureaux espagnols ; mais le Code réplique qu'ils doivent bénéficier de la loi sur le territoire français.




corrida pays basque autrefois
PICADOR CORRIDA BAYONNE
PAYS BASQUE D'ANTAN



Le soir de cette représentation, je revenais à Biarritz, et je songeais, chemin faisant, à des fêtes agrestes que j'avais vues quelques jours auparavant dans nos montagnes des Pyrénées. Des coureurs allaient chercher un drapeau planté sur un rocher dans la montagne, tandis qu'un autre pastour dans la plaine, était occupé à ranger, dans un panier un cent d'œufs disposés à terre de distance en distance. Il était obligé de porter les œufs l'un après l'autre et d'avoir fini cotte besogne avant que le drapeau ne fût conquis et rapporté par le plus heureux des coureurs. Quelle émotion parmi les villageois et le public, quand le coureur revenait, qu'il approchait du but son drapeau à la main, qu'il ne restait plus qu'une couple d'œufs à placer dans le panier, et que la victoire flottait incertaine ! Puis c'étaient des jeunes filles qui, un coussinet sur la tête et une jatte pleine sur leur coussinet, luttaient de vitesse à la course. Mais il fallait ne rien renverser, et ce n'était pas seulement la plus agile, mais la plus adroite qui remportait le prix. Le souvenir de ces joutes innocentes et champêtres me fit l'effet d'un baume rafraîchissant. Le soir, sur la place de Biarritz, un improvisateur, sans autre appareil qu'une chandelle fumeuse, posée sur une petite table, débitait des vers en plein vent. Les promeneurs faisaient cercle autour de lui. Contrairement au précepte, l'improvisateur composait avec une facilité merveilleuse des vers difficiles. Cela n'empêcha pas que je pris un plaisir extrême à l'entendre. Je n'étais plus de l'avis de M. Théophile Gautier : Mieux vaut la plus pauvre littérature qui s'adresse à l'esprit et nous rappelle que nous avons une âme, qu'un plaisir brutal, qu'un spectacle cruel qui nous le fait oublier."




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