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dimanche 8 septembre 2019

LA PROCESSION DE FONTARRABIE - HONDARRIBIA EN GUIPUSCOA AU PAYS BASQUE LE 8 SEPTEMBRE 1924


LA PROCESSION DE FONTARRABIE EN 1924.


Tous les 8 septembre, a lieu à Fontarrabie, en Guipuscoa, une procession pour célébrer la défaite des Français en 1638, lors du siège de la ville.


pais vasco antes
8 SEPTEMBRE FONTARRABIE
PAYS BASQUE D'ANTAN


Voici ce que rapporta le journal Le Figaro, dans son édition du 13 septembre 1924, sous la 

plume d'Hervé Lauwick :


"Dans la province Basque.



 La Procession de Fontarabie.



Ce n'est pas fête espagnole qu'il faudrait dire, mais peut-être : fête basque. Plus qu'une feria vraiment espagnole, la procession de septembre à Fontarabie est la belle cérémonie des provinces basques, celle où chacun tire des armoires le foulard neuf et le costume, ancien, grignote une rosquille collée de sucre blanc, et fait claquer ses doigts, après la fête, sur le rythme gambilleur du fandango... 




Et d'abord ces paysans, ces hommes en béret, ces femmes en frêles mantilles qui passent devant nous, nul, de ces gens n'a le sourcil noir et le teint limoneux des Andalous ou des femmes du Sud ; il n'y a pas ici un seul sombrero, un seul calânes de Cordoue. Le béret, partout le béret de couleur roule sur la foule moutonnière des têtes et des épaules, et monte vers l'église, comme un flot chargé de galets rouges et bleus, du haut en bas de la calle Mayor... 



guipuzcoa antes
PROCESSION 8 SEPTEMBRE FONTARRABIE
PAYS BASQUE D'ANTAN



Mais presque pas un Français n'est venu voir cela ! Fontarabie est à six kilomètres de la frontière ; c'est, autant dire, en France. Ces fêtes populaires n'intéressent pas nos compatriotes. Biarritz a tant de restaurants, de dancings, tant de coiffeurs pour très vieilles dames blondes ! Laissons-les à Biarritz, et plus curieux ou mieux renseignés, réjouissons-nous d'avoir tourné à droite, tout de suite après le miquelet de la province de Guipuzcoa... 




Au-dessus de nous, le château de Charles-Quint domine, de ses tours sournoises l'horizon maritime et la baie des eaux bleues. Et l'église de Santa-Maria semble appuyer sur ses flancs la grâce rondouillarde. de ses clochetons Renaissance, démentie par la hauteur de ses murs sombres, farouches et percés de méfiantes lucarnes. Fontarabie, ville forte, sentinelle de la frontière, m'a toujours paru un minuscule Tolède, plus noir et plus mal rasé encore. La porte de Sainte-Marie, roide petite arche où l'on a gravé l'écusson des Provinces, borne la redoute après laquelle on peut suivre les murs de défense vers la côte, au bord de la rivière où le Penon Cantabrico commence la route qui conduit, le long de la mer, jusqu'au cap du Figuier ruisselant d'écume et rebroussé par le grand vent d'ouest. 


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8 SEPTEMBRE FONTARRABIE
PAYS BASQUE D'ANTAN


Ce fut une histoire guerrière que celle de Fontarabie et là se trouve l'explication du prodigieux défilé qui va nous être donné en spectacle. On sait, si on lit Bainville, qu'en 1636, année du Cid, l'année espagnole nous causait de graves ennuis. Elle venait de prendre Corbie, et Richelieu et Louis XIII lui-même avaient senti passer le souffle de la défaite. Ce fut alors que le grand Condé fut chargé d'une diversion, et l'Espagne ayant porté la guerre chez nous, il courut la porter chez elle. Il mit le siège devant Fontarabie ; mais Fontarabie, en 1638, n'avait pas capitulé ; elle sortit victorieuse de la lutte avec le chef des armées françaises, qui dut rentrer en France sans avoir pris la citadelle. 




Les Basques y virent une intervention miraculeuse de Notre-Dame de Gadalupe, dont le sanctuaire est situé, à trois quarts d'heure de la ville, sur les flancs pelés du Jaizquibel. Et tous les ans, depuis 1638, une procession guerrière s'élève jusqu'au reposoir de la Vierge et redescend en chantant, parmi les salves et l'éclatement des bombes, la louange de celle qui délivra la petite ville espagnole. 




La foule s'anime. Un ou deux gardes civils font évacuer la vieille porte de Santa Maria, et tiennent au bout de leur canne les gamins. La procession s'annonce, par la marche dansée des fifres gazouillants. 




Les fifres sont bientôt suivis par les sapeurs, et le sapeur en chef vient en tête, procédant les hacheros, ses trente compagnons. 




Redoutables, les sapeurs. Leurs yeux brillent d'un mélangé de dignité et de rigolade, sous leurs bonnets à poil qui ont bien un mètre de haut. De gros bonnets à poil de laine bourrue, telle qu'on l'enlève au dos du mouton ; et il semble qu'elle ait été peignée patiemment à l'envers. Ainsi coiffés, ils ont l'air de gros écheveaux en marche ; et une fausse barbe noire rejoint le bonnet et leur marge presque entièrement les yeux, de sorte qu'on ne regarde que leur sommet et qu'on oublie leurs espadrilles sous des guêtres à la française, leurs habits de grenadiers, et la hache fortement brandie contre un ennemi qui se cache avec prudence. 


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JAIZQUIBEL 8 SEPTEMBRE FONTARRABIE
PAYS BASQUE D'ANTAN

A la suite des bonnets à poil, le chef de musique, qui ressemble à Brasseur, et porte à peu près son costume dans la Vie Parisienne. Ses mains gantées de neige règnent sur les couacs et déchaînent l'enthousiasme pompeux des trombones. La troupe, à pas cadencés, s'engouffre sous les balcons chargés de señoritas et drapés de blanches dentelles. 



pays basque autrefois guipuscoa
TAMBOUR MAJOR 8 SEPTEMBRE FONTARRABIE
PAYS BASQUE D'ANTAN

La troupe a chaud. C'est une courageuse entreprise que de monter au Jaizquibel, par le soleil doré du mois de septembre. Et toutes les femmes s'éventent en marquant le pas. 




Oui, les femmes. Car dans cet étonnant défilé, la place des femmes est immense. Il faut que leur part dans la défense de la ville ait été considérable, pour qu'on les récompense de cette manière ; et 1638 aurait-il vu des scènes renouvelées de Lysistrata ? La femme a partout le rang principal et conduit chacun des régiments ! 



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JAIZQUIBEL 8 SEPTEMBRE FONTARRABIE
PAYS BASQUE D'ANTAN

Après le général, celui qui doit représenter l'ancien alcade, car il est à cheval et coiffé d'un bicorne, voici brusquement l'amour, la grâce, la beauté, l'ange des batailles : c'est la cantinière, montée sur un cheval gris...  




Mince, un peu brune, jolie et même fine, elle porte un crâne béret rouge. Son habit est de noir velours et d'or. Un ruban rose tient à l'épaule son petit tonneau, et sa longue jupe blanche tombe sur les flancs du cheval gris qui piaffe et se défend.




Elle sourit et elle s'évente, comme dans un salon, d'un éventail orange, tandis que tonnent, et crépitent autour d'elle les bombes et l'hommage ininterrompu des coups de fusil. L'éventail battant, le tonneau en bandoulière, elle sourit encore, s'arrête, et puis elle pousse son cheval dans la fumée. 



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JAIZQUIBEL 8 SEPTEMBRE FONTARRABIE
PAYS BASQUE D'ANTAN

Derrière elle viennent les régiments. Leurs fusils posés tout debout sur leurs épaules tirent des décharges dans le ciel étroit de la rue. Un ouragan de bruit route dans la calle Mayor, et la brume de poudre secoue et semble arracher les drapeaux flottants. Il y a des salves qui font balle, je veux dire qui partent d'un seul coup, d'autres tirent comme un déchirement, ou traînent en s'abattant comme un château de cartes. Chaque fureur des fusils est saluée d'une explosion de cris au-dessus de nos têtes, et les marins battent en de longs applaudissements, avec un bruit d'ailes, comme une troupe de pigeons joyeux de s'être envolés... 




La musique sonne toujours, le temps de la marche. 


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JAIZQUIBEL 8 SEPTEMBRE FONTARRABIE
PAYS BASQUE D'ANTAN

Le dos de la petite cantinière s'éloigne, bercé dans un encens de rage et de bataille. Et tous .les Basques, tous leurs drapeaux, tous leurs costumes, la suivent ; quatorze régiments, quatorze compagnies fières de leurs bérets rouges, de leurs étendards, de leurs fusils à pierre, et de leurs espadrilles chargées de rubans. Durs fronts, petits sourcils, mâchoires carrées, ce sont des têtes bien caractéristiques qui mâchent une chique ou fument leur cigarette sous les armes, au-dessus d'un foulard différent pour chacun, et dont le plus banal contient toutes les nuances du ciel, de l'Océan, de la baie et du soleil...En tête de chaque compagnie, une vivandière marque le pas ; elle seule ne sourit guère, et pénétrée de gravité, elle conduit les montagnards, légère et rapide, béret en tête, raide et intimidée dans son habit noir paré de flots roses et dorés... 




Après chaque compagnie viennent des bambins, des Ferdinands et Isabelles de deux ans, costumés en infirmiers, porteurs d'un seau pour tout matériel, ou bien armés d'une canne, peut-être afin d'achever les moins blessés... 




Enfin, dans une rage, une frénésie dans le paroxysme des coups de fusil, vient, à pas de procession, la Vierge portée au-dessus des têtes rasées, et de mantilles peu à peu inclinées. Un curé espagnol a l'air bizarrement israélite ; un autre, les mains croisées, d'un nègre gras. Un suisse onctueux les accompagne, couvert de pompons, et tient à distance la foule qui murmure des invocations. 

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JAIZQUIBEL 8 SEPTEMBRE FONTARRABIE
PAYS BASQUE D'ANTAN

Mais point de silence dans tout cela. Le chahut, la procession passée, redouble, et les clairons et les crécelles se joignent à l'artillerie pour noyer l'église de Santa Maria dans un tourbillon de désordre ; la fruitière bêle et la marchande de rosquilles beugle ses biscuits grossiers, enduits à la paysanne de sucre moins blanc que la chaux et rudement parfumé d'anis ; la tour de Charles-Quint est prise d'assaut, et les cloches de fer de l'église tintent sur la rue enfumée, avec un son de pot d'étain fêlé depuis cent ans. 




Fallait-il, étant Français, manquer la commémoration d'une défaite de Condé ? Les Françaises présentes souriaient, d'un plaisir dépourvu d'amertume. 


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JAIZQUIBEL 8 SEPTEMBRE FONTARRABIE
PAYS BASQUE D'ANTAN

Car on ne peut plus, si l'on est venu voir Fontarabie dans son beau jour de septembre, oublier cette vision brève et frappante, ce tableau d'Espagne si raccourci, si pareil à son cœur double, à sa double nature bruyante et mélancolique : la jolie cantinière à cheval, fine, fière, et droite, qui s'évente, gracieuse, et chargée de rubans, au-dessus de la rage guerrière, et qui s'éloigne, balancée, dans le nuage de la rude bataille et le salut flottant des étoffes aux balcons, comme peut-être, il y a trois cents ans, ses sœurs, raffinées de la guerre en dentelles..."



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